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Histoire et totalitarisme

Du point de vue historique, modernité et totalitarisme sont synonymes. Je veux dire par là, si l'on considère Shakespeare et Karl Marx comme les historiens les plus lucides des temps modernes.

Le point de vue moderne est un point de vue intellectuel ; il n'est assumé que par une catégorie d'hommes qui se définissent eux-mêmes comme des "intellectuels", en se gardant d'ailleurs de préciser ce qu'ils entendent par "l'intelligence". Le paysan rend un culte à la nature ; l'intellectuel, lui, rend un culte à ses parents, ce qui constitue une religion de plus courte vue.

Certainement Marx, et moins encore Shakespeare, ne sont des intellectuels : ils s'efforcent en effet de réduire au maximum le degré d'abstraction de la pensée, non de s'abriter derrière des mots ou des idées.

George Orwell souligne utilement la stupidité excessive des intellectuels en comparaison des gens ordinaires, et la tolérance desdits intellectuels vis-à-vis du totalitarisme. Cela suppose que la privation de liberté due au totalitarisme, les intellectuels ne la sentent pas ou ne l'éprouvent pas. De quoi le totalitarisme prive-t-il surtout ? De science.

J.-P. Sartre a voulu marquer "l'engagement" comme un progrès de la philosophie moderne sur l'ancienne ; mais cet engagement marque en réalité un progrès de l'intellectualisme.

Orwell est athée, plus que Marx dont le propos est émaillé de références bibliques, et il est certain que Orwell associe l'intellectualisme à la morale judéo-chrétienne. Il n'a pas tort, dans la mesure où transformer un message évangélique anarchiste en doctrine sociale requiert des trésors de rhétorique. La conversion tardive de Sartre au "judéo-christianisme" n'est qu'un retour au bercail ; en réalité l'intellectualisme moderne est issu de la scolastique médiévale.

Un autre point de vue critique sur la modernité, c'est celui de l'art, dont on peut prendre Nitche pour le représentant, sans se fier à son propos historique, qui pose en principe que l'histoire n'est qu'une illusion psychologique. Aux yeux du païen ou de l'antéchrist Nitche, la modernité n'est pas un totalitarisme, mais il la qualifie de "culture de mort". Il n'a d'ailleurs pas tort d'associer la méfiance de la modernité au peuple français, et d'en faire ainsi le peuple le plus réactionnaire d'Europe.

Pour l'historien Shakespeare, le totalitarisme a une signification historique ; pour Karl Marx, il exige une explication autre que celle mise à la disposition des intellectuels et des élites dirigeantes par Hegel. Pour un négationniste du sens de l'histoire païen comme Nitche, la culture de mort est liée à la foi chrétienne absurde dans l'histoire et la fin du monde.

Ce qui fait le danger extrême de l'intellectualisme et des intellectuels, c'est que leur puissance est excessivement grande, comparable à l'impact de la culture de masse, dont ils sont les principaux actionnaires et promoteurs, et l'uniformisation ou l'égalisation des consciences qu'elle entraîne à l'échelle mondiale, en même temps que la fragilité de ce pouvoir, parfaitement abstrait et le plus relatif, derrière l'apparence d'une cohésion sociale.

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