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Déphilosopher

Lors de deux conversations successives avec deux catholiques romains, il m'est arrivé de les entendre exprimer leur mépris de la philosophie, assimilée par le second à la pure casuistique. Ce mépris n'a rien de catholique, bien entendu, mais relève bien plutôt de l'esprit français.

En effet le catholicisme romain est une religion de philosophes, plus qu'aucune autre. On le discerne facilement, puisque même les papes, désormais, se piquent de philosophie et se sentent dans l'obligation de rédiger de loin en loin une encyclique afin d'affirmer leur compétence dans ce domaine. Le culte de la personnalité aidant, ces ouvrages de pure rhétorique confèrent à leurs auteurs une aura spéciale auprès des jeunes filles et des séminaristes.

Il serait plus dans le tempérament des catholiques français d'avoir un pape-artiste, ne cédant qu'un minimum aux obligations de la rhétorique, comme Picasso par exemple. Au lieu d'encycliques philosophiques, ce pape-artiste publierait dans les journaux de beaux dessins de colombes ou des portraits expressifs de Jésus-Christ.

On constate en effet que les deux penseurs du XIXe, Marx et Nietzsche, qui se sont fait un devoir de faire la guerre à la philosophie, le premier comme à une menace contre la science, le second comme à un discours éthique et politique irrationnel, accusent l'Eglise et ses clercs d'être à l'origine de cette inflation de spéculations philosophiques. Marx parle des sommes théologiques médiévales qui n'imposent pas tant le respect par leur contenu que par leur volume. Nietzsche et Marx sont tous deux persuadés de la supériorité de la philosophie antique sur la philosophie moderne, en particulier hégélienne. Nietzsche se vante d'être le premier à avoir caractérisé la philosophie de Platon comme une philosophie décadente, mais Marx fait la même observation, ainsi qu'au sujet d'Epicure et de sa morale, de sorte que la culture romaine ou latine est entièrement décadente aux yeux de Marx.

Il n'y a pas de philosophe parmi les apôtres, sauf peut-être Judas Iscariote ?

 

Commentaires

  • Je pense que lorsque les chrétiens critiquent la philosophie, ils ne critiquent pas la même chose que Marx et Nietzsche. Ce que Nietzsche reproche à la philosophie, c'est de s'opposer à l'art, de faire le lit du christianisme en proposant une vision dualiste et en promettant un arrière monde.

    Les chrétiens, eux, critiquent la place faite à la raison, à la démonstration (qui sont l'opposé de la foi prônée dans le christianisme). Ils critiquent la pluralité assumée des points de vue, la recherche de la vérité (ce qui suppose qu'on ne la possède pas, contrairement à ce que prétendent les religions révélées; voir la fameuse phrase de Tertullien à ce sujet: les philosophes cherchent la vérité, les chrétiens la possèdent)

  • Vous avez raison à propos de Nietzsche et de sa critique de la philosophie moderne ou antique (Platon), opposée à l'art. Marx se pose en défenseur de la science, lui, contre les mêmes philosophies.
    - En revanche, comme j'essaie de l'expliquer plus haut, les chrétiens qui se méfient de la philosophie (il s'agit plutôt d'une réaction épidermique), ignorent tout de l'histoire de l'Occident chrétien. Non seulement l'Eglise catholique est mère de la philosophie moderne, mais elle est mère de bon nombre de philosophes modernes athées - pour prendre un exemple flagrant, je citerais J.-P. Sartre. C'est ce qui est dissimulé derrière la notion de "laïcité" : un véritable athée, au sens où est Nietzsche est athée, comme un authentique chrétien, ne peuvent adhérer à l'idée de laïcité "qui est absurde" ; en revanche un philosophe athée et un philosophe démocrate-chrétien le peuvent très bien, car ils sont de la même école philosophique qui a érigé l'arbitraire en loi universelle.
    - En tant que chrétien, je m'oppose à la science moderne comme à une science totalitaire, c'est-à-dire ne respectant pas le principe de la critique scientifique, mais organisée en monopoles.
    (L'exemple de Tertullien "quia absurdum est" est apocryphe, cité hors de son contexte, et non représentatif ; c'est un peu comme si vous teniez le pari de Pascal pour une formule chrétienne).

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