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Le dieu des imbéciles

"Le hasard est le dieu des imbéciles." Ce constat de G. Bernanos a le mérite de dévoiler la recette du totalitarisme de façon plus concise qu'un long essai, tels que ceux consacrés par H. Arendt, Simone Weil, G. Orwell, ou Bernanos lui-même, à la question de l'oppression moderne.

L'importance du hasard dans la culture moderne dite "laïque" incite à y voir, non pas un athéisme, mais le culte du "dieu des imbéciles", jusqu'à atteindre parfois le fanatisme et ses manifestations désastreuses.

J'ai pu observer souvent que, pour le citoyen lambda d'un régime totalitaire, qui ne croit ni à dieu ni à diable, la liberté est conçue comme le hasard. Le cas le plus typique est celui des amateurs de jeux de hasard qui, il n'y a aucun hasard à ça, sont le plus souvent des jeux d'argent. Deux traits psychologiques caractérisent leur passion 1/une monomanie de type religieux ; 1/la peine à jouir, souvent liée à une idée excessivement élevée de la jouissance.

Le rêve de gagner beaucoup d'argent d'un seul coup est une jouissance très pure et raffinée, féminine, dans la mesure où c'est une jouissance purement intellectuelle.

Point de comparaison, Nietzstche pose l'équivalence de Satan et du Destin positif. Dans cette perspective radicalement antichrétienne, on peut définir la vertu comme la quête d'un destin positif, c'est-à-dire d'une sorte de pacte avec la Nature afin d'une jouissance raisonnable ; le hasard, dans cette perspective, représente un destin négatif, c'est-à-dire subi - celui qui, dans la hiérarchie sociale, s'impose aux hommes et aux femmes de basse condition. Le mépris du hasard exprimé par Bernanos n'a donc rien de spécialement chrétien ; il serait plus juste de le définir comme étant "aristocratique".

Ce que Nietzsche et Bernanos occultent tous les deux, c'est la contribution extraordinaire de l'Eglise catholique à cette culture moderne, soumise au hasard. La logique aurait voulu que Bernanos, condamnant le hasard comme mobile existentiel, condamnât le catholicisme romain.

Il y a plusieurs biais pour apercevoir le rôle joué par l'Eglise romaine de matrice de la culture totalitaire. Celui de la science moderne est le plus significatif. Au XVI-XVIIe siècle, la science bascule peu à peu dans la spéculation sous l'influence de savants chrétiens, le plus souvent catholiques (on note que les "luthériens" sont moins prompts à adopter la nouvelle science où la "géométrie algébrique" prend une place de plus en plus grande). On peut croire que ces savants étaient indépendants du contexte culturel dans lequel s'effectuaient leurs recherches. De fait, il n'y a pas de science possible sans remise en question de la culture. Mais rien ne prouve que les savants tenus pour les pères fondateurs de la science technocratique en vigueur aujourd'hui étaient critiques vis-à-vis de leur culture ; tout porte à croire au contraire qu'ils ne l'étaient pas ou peu. Galilée a ainsi esquissé une théorie de l'enfer, du purgatoire et du paradis, typiquement catholique romaine, et qui s'accorde du reste avec le fondement de sa science spéculative.

 

Commentaires

  • Weil, pas Veil, faudrait trouver un truc pour arrêter de se planter, du genre: Weil comme William et Veil comme Veule Vaine Vortex Vilaine ou Va te faire...
    à moins de considérer l'avortement comme une tentative de résister à l'oppression moderne.

  • Le hasard est souvent associé à la théorie dite "du rasoir d’Ockham", ce qui lui donne, manipulé par les rationalistes, un air hébété, comme un coureur qui bien qu'à bout de forces, se remettrait en courant de plus belle, haletant jusqu'à ce que mort s'en suive.

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