« (…) l’histoire de la presse regorge d’exemples montrant que la presse s’effondre lorsqu’elle est entièrement contrôlée par un pouvoir, qu’il soit politique ou économique, ne serait-ce que parce qu’elle perd la confiance de ses lecteurs. On dit parfois que, compte tenu des difficultés économiques qu’elle rencontre, la presse quotidienne devrait se résigner à renoncer à une partie de son indépendance. Mais est-ce que ce n’est pas, au contraire, parce qu’elle a beaucoup perdu de son indépendance et de son pluralisme qu’elle rencontre des difficultés ? Les journaux font tous les mêmes titres et les mêmes articles (…). Ils véhiculent souvent les mêmes idées. Ils embauchent souvent les mêmes profils de journalistes (…) »
Julien Duval (“La Tribune”, 27 juin)
Élémentaire mon cher Duval ! Au-delà de cette évidence, on est dans une situation où l’écrasante majorité des journalistes en France approuve les lois de censure (Gayssot, Fabius, etc.) ! où l’existence même de la censure est niée. C’est à peine si Cabu, dessinateur de presse “anarchiste”, ne prend pas son petit déj’ avec le Maire de Paris.
Vouloir rentabiliser le Monde, c’est un peu comme si le Soviet suprême avait voulu rentabiliser la Pravda. Exagération ? Voici une preuve de la généralisation du style journalistique soviétique dans les médias français :
« Jean-Marie Colombani quitte, aujourd’hui, Le Monde. (…) était-il prudent de mettre à l’écart un de nos rares grands journalistes à être aussi un chef d’entreprise ?
(…) Les amis de Colombani (…) se consoleront en retrouvant, dans le recueil de ses éditoriaux (…) le parfum de ses années “Monde”. Entre autres, le célèbre “Nous sommes tous Américains” écrit le soir du 11 Septembre. »
BHL ("Le Point" 28 juin)
BHL est emblématique. Conseiller de Ségolène pendant la campagne présidentielle, il a déjà trahi son clan et rallié celui de Sarkozy. Des fois que Sarko aurait un petit secrétariat d’État à confier à BHL, la Propagande et la Mise en conformité des médias, par exemple, il ne dirait pas non.
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« Les brouillons retrouvés ont été publiés en 1994 par Henri Godard, dans le volume IV des Romans de la collection de la Pléiade. Il avait publié dès 1985 ce qu’on appelle la Version B (…) sous le titre Maudits soupirs pour une autre fois. Titre inexact, il en convient aujourd’hui : celui que Céline avait envisagé un moment, c’est Soupirs pour une autre fois. Mais Gallimard ne s’est pas fatigué.
(…)“ Je sais qu’il est gaulliste, résistant militant”, dit Céline du mari de Clémence dans la Version B (…), et les trois courtes lignes suivantes restent supprimées, soixante ans après, tant notre époque est censureuse.
À cause d’“affirmations qui pourraient être diffamatoires à l’endroit de personnes ayant existé”, précisait la Pléiade en 1994 (Albert Milon est mort fin 1947)… On imagine que les lignes de Céline sont surtout très méchantes pour la Résistance. Encore plus que la page 124, où le narrateur regrette de n’avoir pas violé et tué une auxiliaire de la Wehrmacht : “C’était un crime à ma portée, j’aurais gardé mes citations, (…) l’honneur et ma carte de tabac.”
(…) P.S. : On comprend que le Pr Godard ait maintenu “fufrerine” pour “führerin”, ou “Bikiki” pour “Bikini”, à cause de l’effet comique. Mais pourquoi Gallimard ne rétablit-il plus, depuis “Féérie”, l’orthographe de “chiottes”, mot que Céline emploie souvent (en l’écrivant “chiots”) ? On sait bien, de toutes façon, que l’éditeur corrige souvent l’orthographe, complète souvent la ponctuation, d’un Céline qui fut toujours négligent sur ces points. C’est pourquoi dans mes citations, j’ai parfois ajouté des virgules, quand elles étaient nécessaires pour éviter une ambiguïté. »
François Lecomte (“Rivarol”, 29 juin 2007)
On se permet sans doute de corriger la ponctuation de Céline à Rivarol parce que celui-là a publié dans celui-ci.
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On trouve de tout dans la revue “centriste” Commentaire, le pire comme le meilleur. Commençons par le pire, avec cette apologie “naïve” du capitalisme financier sous la plume de Georges de Ménil, critiquant, le mot est un peu fort, un bouquin d’Augustin Landin et David Thesmar.
« Selon une critique répandue en Europe continentale, et notamment en France, la financiarisation du capitalisme constitue un risque majeur pour nos économies (…) Le danger découlerait du court-termisme intrinsèque des professionnels de la finance et de leurs exigences de rendement.
Landin et Thesmar démontrent que les professionnels de la finance ne renâclent pas devant les placements de longue durée. Ils ont acheté les actions d’Amazon et d’Ebay bien avant que ceux-ci n’affichent des résultats positifs. »
C’est une blague ? Chacun sait qu’en France, notamment, pays qui n’a pas comme les États-Unis les moyens d’imposer ses produits et ses services au reste du monde, les banques n’ont pas hésité à investir dans les projets, les “start-up” les plus farfelus à la fin des années 90 des sommes énormes qu’elles ont perdues. Prendre l’exemple d’Amazon et d’Ebay, alors que ce sont des exemples isolés de “start-up” qui ont décollé, c’est de la propagande grossière.
Ce phénomène de bulle de spéculations, puis l’éclatement de cette bulle, est au contraire conforme à l’analyse de Marx sur l’excédent de capital accumulé par les pouvoirs financiers et la difficulté des banques à placer cet excédent.
« (…) La diversification de leurs portefeuilles leur permet de fait de prendre plus de risques que ne pourraient se permettre le patron d’une entreprise qui joue sa carrière - si ce n’est sa fortune - sur ses paris industriels. Ce que les professionnels évitent, ce sont les mauvais placements, de quelques termes qu’ils soient. »
Pure propagande libérale là encore ; on retrouve, sous-jacente, la théorie de la “main invisible” de Smith qui harmoniserait tous les flux, en définitive. Ce qui est vrai c’est que “les professionnels” investissent en dehors de tout jugement moral dans des entreprises de prostitution “via” internet aussi bien que dans des boulangeries industrielles ou des fabriques d’armement, et échappent à leurs responsabilités, contrairement aux vrais entrepreneurs attachés à un projet qu’ils ont défini. Même le maquereau qui monte une entreprise de prostitution est plus respectable que ces investisseurs irresponsables qui injectent de l’argent sur le seul principe de rentabilité supposée mais se lavent les mains du reste !
Ce que les propagandistes veulent dissimuler avec leurs belles théories libérales bancales, c’est que la prospérité économique des États-Unis repose d’abord sur leur capacité de destruction massive par les bombes ; le jour où les Yankis perdront leur pouvoir d’intimidation, ils pourront toujours appeler la “Main invisible” de Smith à la rescousse, ils seront bien avancés…
« Les critiques du “grand méchant marché” se trompent de cible. Le danger dont la financiarisation est porteuse est moins le court-termisme que la tentation de se laisser emporter, par enthousiasme pour le développement technologique, dans une bulle spéculative. »
C’est exactement la même chose, suivre la mode, qui s’en va aussi vite qu’elle est venue, c’est précisément avoir une intelligence à court terme. Plutôt que d’“enthousiasme pour le développement technologique”, il faut parler de propagande commerciale et gouvernementale gigantesque, incitant les individus et les collectivités locales à se doter d’équipements informatiques ou autres, bien souvent inutiles et sous-exploités. Cette propagande commerciale télévisée consiste la plupart du temps à abuser la clientèle potentielle, quand ce n’est pas carrément à lui mentir (“Si vous n’achetez pas à votre enfant cet ordinateur - fabriqué en Asie par des travailleurs exploités -, il sera désavantagé par rapport aux autres.”)
Les libéraux au pouvoir, de gauche ou sarkozystes, veulent faire croire que le capitalisme, c’est le meilleur des mondes possibles, que l’enrichissement, la croissance, c’est la plus noble des ambitions de l’homme. En réalité il y a un modèle yanki qui s’est “imposé” ; il repose sur un déséquilibre, sur le surendettement, sur le gaspillage des ressources des uns par les autres ; prétendre vouloir faire monter tout le monde du même côté de la balance, du côté de la démocratie et du capitalisme, tout en conservant l’équilibre, est complètement saugrenu.
Georges de Ménil l’avoue lui-même, les raisons historiques invoquées par Landin et Thesmar pour expliquer la résistance en France aux “idées libérales” (les libéraux n’ont pas d’idées, ils ont du pétrole) ne tiennent pas debout. Ceux-ci avancent une conjonction du catholicisme gaulliste et du communisme après guerre. C’est un peu court en effet comme analyse historique. Il y a chez F. Furet des éléments de réponse plus sérieux. Notre histoire est plus longue que celle des États-Unis ; assez longue pour qu’on ait déjà connu la faillite d’un équilibriste de la finance, l’Écossais Law, après avoir épaté tout le monde avec ses tours de passe-passe.
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Le meilleur dans Commentaire, c’est la publication de vieux articles de F. Furet ou de J. Chardonne, extrait de ses Propos sur l’édition :
« Il y a une question de chaises chez le libraire qui a son importance. Depuis quand ne trouve-t-on plus de chaises dans ces boutiques ? On a dit que la dernière librairie où l’on pouvait s’asseoir est celle où travaillait A. France. Erreur, il y avait des chaises dans la librairie d’Adrienne Monnier. Quand on a trouvé des chaises, on s’asseoit, on reste, on cause ; cet entretien rayonne sur les livres.
C’était une femme charmante cette Adrienne Monnier, et je viens de relire ses chroniques avec plaisir. À cette époque, elle traduisait puis elle édita James Joyce, sans illusion, et elle ne s’en cache pas. Elle trouve Joyce ennuyeux et le “monologue intérieur” ridicule.
Elle a tout perdu dans cette affaire. Quand Joyce est venu à Paris, il était riche. Il n’a donné aucun secours à cette femme qui s’était ruinée pour le faire connaître à des naïfs. »
L’article de Chardonne, fort intéressant, est bien entendu suivi d’un article destiné à tempérer ses propos. Chardonne dit notamment que les femmes, autrefois grandes lectrices, depuis qu’elles travaillent, lisent beaucoup moins. Le plumitif objecte les bons chiffres de vente de certains romans, comme si acheter un bouquin signifie qu’on le lit. Sur les centaines de milliers de gogos qui ont acheté Les Bienveillantes de Littell à Noël, je mettrais ma main à couper qu’il n’y en a pas mille qui l’ont lu en entier, avec l’attention de celui qui en a relevé les 999 barbarismes et fautes.
L’avis de Chardonne sur Joyce était partagé par Waugh, pourtant “futuriste” lui aussi, mais qui estimait que Joyce outrepassait les limites et tombait dans la littérature hermétique. Évidemment on peut les soupçonner l’un et l’autre d’avoir été jaloux.