Si l'Education nationale venait à faire naufrage, pour une raison ou une autre, il s'ensuivrait une phase de progrès considérable pour notre pays, un progrès qui peut se résumer ainsi : la chute du capitalisme.
Contrairement à ce que certains gauchistes un peu primaires pensent, le totalitarisme ne s'élabore pas dans les commissariats de police, ni même à l'Elysée ou à l'Assemblée nationale, mais bien à l'école, de la classe maternelle à l'Université. L'école polytechnique de Palaiseau est emblématique de cet enseignement totalitaire fondamentalement ésotérique. Dans leurs uniformes ridicules qui évoquent les fables anticipatrices d'Huxley ou Orwell -on pense aussi aux médecins des pièces de Molière-, les élèves de l'X s'exerçent à manier une géométrie algébrique, un langage dont ils ignorent le préambule et la fin. Les mathématiques 'nouvelles' capitalistes (pythagoriciennes en réalité, et on ne peut plus archaïques), se vantaient récemment à la Une des magazines spécialisés de leurs dernières avancées dans le domaine de la... cryptographie. Albert Einstein, Henri Poincaré, 'nullibissimes' sophistes, sont idolâtrés dans ces milieux imprégnés d'un mysticisme d'informaticiens détraqués.
Même si la banqueroute de la France, riche pays de cocagne, a des causes extérieures, chacun sait que la responsabilité de nombreux polytechniciens est engagée dans ce gaspillage de ressources humaines invraisemblable. Si les polytechniciens étaient plus malins, ils s'arrangeraient pour que l'arrogante stupidité d'un Jacques Attali, celle d'un Jean-Marie Messier, ne s'étale pas au grand jour. Le marchand de tapis volants Sarkozy paraît intelligent à côté de ces branleurs-là et leurs bouquins torchés pour les clients de la Fnac.
C'est à l'école qu'on fabrique un gardien de camp de concentration, un escroc tel que Daniel Bouton, ou un soldat qui part en Afghanistan défendre une cause dont il ignore tout, pour quelques euros de plus, au risque de détruire des familles innocentes, y compris la sienne lorsqu'on doit rapatrier son corps dans un sac en plastique.
*
L'Education nationale entretient l'uniformité des croyances, qu'elle appelle pompeusement 'science'. Elle inculque des réflexes militaires qu'elle dit relever de l''Education civique', prétend inculquer l'esprit critique alors qu'un élève de terminale est incapable de se prononcer sur la fonction de l'algèbre sophistiquée qu'on lui enseigne, à raison parfois de dix heures par semaine, algèbre qui ne lui sera d'aucune utilité dans la vie courante, pas plus que dans sa vie spirituelle, et très rarement dans son métier.
Sans compter la condamnation de principe d'Hitler, assortie de l'admiration pour Napoléon qui précéda le premier dans le massacre de civils, avec un caractère de terrorisme aggravé de la part des soldats de l'Empire N. : paradoxe qui révèle le caractère de propagande que revêt l'enseignement de l'Histoire en France qui dissimule que Napoléon représente un exemple pour l'Allemagne 'prussienne' puis hitlérienne.
Je reviens souvent à cet exemple de l'algèbre, car il est particulièrement révélateur de la 'foi du charbonnier' laïque. Un adjudant fournit plus d'explications sur le sens des pompes qu'il ordonne à un trouffion d'exécuter, qu'un professeur d'algèbre n'en donne à un de ses élèves qu'il exerce à résoudre des équations à deux ou trois inconnues.
Le 'savant' Claude Allègre s'est fait un devoir, pour tenter de combler les graves lacunes des lycéens dans le domaine des sciences physiques, chimiques, biologiques, d'écrire des ouvrages de vulgarisation scientifique. Fort bien jusque-là, même si Allègre est complètement hypocrite sur les raisons qui ont mené à une telle ignorance, au sein même d'une institution où les mathématiques sont censées être reines et les filières dites 'scientifiques' captent les éléments les plus disciplinés. C'est dans ce type d'ouvrage que Claude Allègre ose utiliser une explication telle que 'la dualité onde-particule dans la physique quantique, c'est un peu comme Dr Jekyll et Mr Hyde' ????? Pour faire prendre au sérieux à un enfant à l'esprit normalement constitué des sophismes tels que 'le chat de Schrödinger' ou la théorie d'Einstein, il faudrait soi-même être un peu plus sérieux que Claude Allègre, pontife laïc qui n'a pas pigé le paradoxe qu'il y a à vouloir éclairer une algèbre pythagoricienne fondamentalement cabalistique. Le dédoublement de Jekyll et Hyde dépasse lui-même, Allègre paraît l'ignorer, le cadre divertissant de la littérature dite 'fantastique'.
*
Aussi grossier soit-il dans sa pensée, et vulgaire dans ses manières de parvenu, le baron Ernest-Antoine Serpillère lui-même possède cet instinct de conservation de l'Education nationale, muraille de Chine du Capital français. Idem pour le bouffon de Jacques Chirac, le philosophe de plateau télé Luc Ferry ; lui aussi, aussi kantien soit-il, devine que grâce à l'Education nationale le capitalisme français est le mieux protégé d'Europe (après la Finlande) contre la colère des ouvriers de l'industrie, celle des stagiaires exploités, des travailleurs clandestins, des chômeurs, des agriculteurs et des pêcheurs surendettés, des étudiants ou des fils d'immigrés qui sentent qu'on les mène en bateau, etc.
S'il y a bien un champ d'action ouvert d'ores et déjà, 'hic et ubique', à la Révolution, bien plus que le terrain électoral avec ses 'check points', les plateaux de Michel Drucker, Frédéric Taddéi ou Laurent Ruquier, c'est bien le terrain de l'Education nationale, Léviathan miniature où s'ébattent les futurs consommateurs et agents du capitalisme. En un sens Lénine ne bénéficiait pas d'un terrain aussi favorable à la Révolution. Par ailleurs, Lénine était beaucoup moins soumis aux diktats de la pensée laïque, ayant lu Marx, qu'Olivier Besancenot et Alain Krivine, agitateurs d'idées depuis x-années. (A suivre)