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karl löwith

  • L'Esprit Moderne

    "L'esprit moderne est indécis, il ne sait s'il est chrétien ou païen. Il regarde le monde de deux yeux différents, celui de la foi et celui de la raison. C'est pourquoi sa vision est nécessairement floue, comparée à la pensée grecque ou chrétienne."

    Karl Löwith

  • Histoire et Salut (2)

    "Pour éclairer la relation problématique entre "l'eschatologie réalisée" et sa réalité future, référons-nous à la comparaison que fait O. Cullmann entre l'eschaton et le victory day. Au cours d'une guerre, la bataille décisive peut avoir lieu bien avant la fin réelle de la guerre. Seul celui qui reconnaît le caractère décisif de cette bataille sera aussi certain que la victoire est dès à présent acquise. La plupart des gens ne le croiront que lorsque le "V-Day" sera proclamé.

    C'est ainsi que le golgotha et la résurrection, qui sont les événements décisifs de l'histoire du Salut, apportent à celui qui croit au jour du Seigneur la certitude de l'avenir ultime. Aux deux niveaux, dans l'histoire profane et dans l'histoire sacrée, l'espérance d'avenir est fondée sur la confiance en un événement déjà accompli. La tension entre la bataille décisive et le "V-Day" final s'étend sur toute la période intermédiaire, phase ultime, mais pas encore définitive, de la guerre, car le but final est bien la paix. Le résultat de la bataille décisive montre que la fin est déjà là, et pourtant elle se situe encore à une distance indéfinie, car personne ne peut prévoir les efforts que l'ennemi va encore déployer pour retarder sa défaite définitive."

    Karl Löwith, "Histoire et Salut", 1949.

    Cette comparaison entre le champ de bataille de Waterloo et celui de l'Armagedon est éclairante, puisque la guerre est en outre le lieu privilégié où s'élabore la culture païenne à travers les temps.

    Le meilleur de Louis-Ferdinand Céline est d'avoir conçu la guerre, non pas à la manière de Nitche comme le moment privilégié de l'accomplissement viril de soi, mais comme un péché terrible à expier. On voit que dans les familles où rien n'est fait pour expier ce péché, mais qui en tirent au contraire un avantage social ou un honneur, ce péché se transmet de génération en génération, la gloire imbécile des pères déteignant sur leurs enfants. Je ne sais plus qui a dit : "le courage militaire est un pneu gonflé à côté d'un pneu qui ne l'est pas ; dans un cas il y a de l'air en plus, mais le matériel de base est le même." Derrière le pneu, comme dit Homère, on trouvera toujours une bonne femme plus ou moins accorte pour souffler dedans. 

    Le Messie dit qu'il vient "bientôt", parce qu'il ne s'adresse pas à des moutons de panurges armés jusqu'aux dents, à qui il faut faire miroiter la victoire, mais à des apôtres, dont le combat n'est pas fonction du temps, mais malgré celui-ci, ce qui le réduit considérablement.

  • Histoire et Salut

    "(...) Le péché de l'homme et l'intention de la rédemption de Dieu, cela seul exige et justifie le temps de l'histoire. Sans péché originel et sans rédemption finale, le temps intermédiaire serait inutile.

    Cet "intérim", c'est-à-dire toute l'histoire, n'est ni un temps vide dans lequel rien ne se produit, ni un temps affairé où tout peut arriver, mais le temps décisif destiné à séparer le bon grain de l'ivraie. Son contenu constant est fait de variations sur un seul thème : l'appel de Dieu et la réponse de l'homme."

    Karl Löwith

    Précisons qu'il faut entendre par "péché", non le sens social habituel, variable selon les sociétés, auquel les sociétés modernes, à partir de la résurrection, ont commencé d'attribuer des buts chimériques, tels que "l'égalité" ou la "démocratie", mais l'erreur ou l'ignorance, tel que les anciens Grecs comme Homère, déjà, l'avaient conçu, faisant d'Ulysse un apôtre de la sagesse, qui seule peut procurer à l'homme la force qu'il n'a pas. La justice ecclésiastique infernale du moyen-âge, en introduisant le droit de l'Eglise, a renversé le sens des paraboles et du sacerdoce selon l'apôtre Paul.

    De cette "histoire du salut", les chrétiens ont une représentation mythologique, en images, l'apocalypse, que les institutions ecclésiastiques chrétiennes ont toujours tenté d'escamoter (Bossuet, par exemple), en raison de sa délégitimation du pouvoir temporel et de la représentation du jugement de l'homme par l'homme sous l'apparence d'un cavalier noir, entre autres fléaux. La volonté de Swedenborg, pour fournir une explication du symbolisme apocalyptique, de se placer en dehors de toute institution, qu'elle soit catholique romaine, protestante, ou autre, s'explique ainsi. Quant à Shakespeare, il n'y a rien d'énigmatique à ce qu'il précipite les rois de la terre au sol ou dans la confusion mentale. Plus l'homme s'élève dans l'ordre institutionnel ou juridique, plus il s'aliène à la loi du destin. Les géants politiques consultaient des astrologues, les nains politiques modernes se fient aux statisticiens.