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histoire

  • Tocqueville ou Marx ?

    "Tocqueville a eu raison contre Marx" : opinion assez répandue de nos jours... mais surtout par des journalistes ou des essayistes au service d'une oligarchie qui se proclame "libérale".

    Plus courant encore le préjugé selon lequel la Russie communiste serait le produit du marxisme, et les Etats-Unis une démocratie selon le voeu de Tocqueville.

    Marx est persuadé comme Tocqueville que l'histoire permet d'éclairer la politique, qui, sans cet éclairage, se conduit comme une voiture sans phares. Pour Marx c'est la classe ouvrière, surexploitée, dont l'aspiration à la liberté est la plus forte et qui mérite d'être aidée dans son effort, nécessairement conflictuel, pour s'émanciper.

    Pour Tocqueville c'est plutôt la classe moyenne qui concrétise le progrès démocratique, à savoir une sorte de nivellement positif allant à l'encontre des excès politiques de l'Ancien régime.

    Bien moins que de très nombreux économistes ou sociologues, M. et T. fournissent matière à une formule toute faite du progrès. Le conservatisme des classes dominantes rend, du point de vue marxiste, les conflits violents et les révolutions inévitables ; néanmoins T. n'excluait pas, pour ne pas dire qu'il envisageait, que la démocratie puisse devenir un despotisme, pire encore que l'ancien despotisme, en raison même du dispositif égalitaire de la démocratie.

    Ce n'est pas être déterministe que d'estimer, selon Marx, que l'Occident capitaliste n'a pas la maîtrise de son destin, contrairement aux prétentions affichées par certains intellectuels occidentaux (G.W.F. Hegel en particulier).

    La lecture de "De la Démocratie en Amérique" nous apprend que le libéralisme n'est plus, aujourd'hui, un mouvement de pensée reposant sur l'étude de l'histoire et des moeurs : le libéralisme est devenu un discours de propagande - de sorte qu'il a subi la même transformation que les intellectuels soviétiques ont fait subir à la critique marxiste de l'idéologie.

    Se dire "libéral", en 2023, c'est surtout manifester son adhésion à la caste dominante, politiquement et culturellement, que l'on en fasse partie ou que l'on s'y soumette. Un tel libéralisme n'a qu'un lointain rapport avec Tocqueville, que l'on imagine mal se satisfaire de l'état actuel de la société aux Etats-Unis ou en France - manifestement des régimes démagogiques et non démocratiques.

    On a tort d'opposer radicalement le libéral Tocqueville et le socialiste-révolutionnaire Marx, car tout deux étaient persuadés, non seulement de l'utilité de l'Histoire, mais que la démocratie conduirait à la liberté, après avoir surmonté les obstacles qu'ils désignent, l'un comme le capitalisme, l'autre de façon moins nette comme la survivance d'anciens réflexes aristocratiques, liée à un abus d'égalité.

    Marx et Tocqueville convergent encore pour penser la démocratie moderne comme étant essentiellement chrétienne (1). Ils divergent quant à la méthode ou au cheminement politique, et quant à l'évaluation des obstacles sur lesquels la démocratie achoppe.

    Aucun des deux ne prétend détenir la toute la vérité, étant conscients de la difficulté à décrire parfaitement le mouvement historique de démocratisation en cours. Aucun des deux ne s'inscrit non plus dans le sillage du relativisme bourgeois, c'est-à-dire de l'arbitraire totalitaire (cf. dénonciation de la physique quantique par S. Weil).

    Pour ma part j'estime que l'évolution politique du monde au XXe siècle donne plutôt raison à la critique marxiste.

    La lutte des classes n'a pas abouti à la victoire du prolétariat ; l'économie capitaliste continue de s'imposer comme l'âme de la démocratie ; la Chine n'a pas moins de raisons de se dire "démocratique" que la France, car la Chine contemporaine est tout aussi capitaliste, si ce n'est plus que la France.

    Ce sont là les deux arguments avancés par les journalistes ou les publicistes libéraux du XXe siècle (qui citent souvent F. Fukuyama en référence) afin de reléguer la critique marxiste au rang des vieilles lunes.

    Mais le second argument revient à poser l'équation de la démocratie et de la démagogie. La démocratie authentique selon Tocqueville s'oppose à la culture de masse, que l'on a vu se répandre au XXe siècle, en particulier aux Etats-Unis, terrain d'expérimentation de la démocratie, à l'initiative de la bourgeoisie industrielle.

    L'échec de la "lutte des classes" est une objection plus consistante. Cependant la guerre mondiale, qui occupe tout le XXe siècle et se prolonge par la Guerre froide, est un conflit d'une extrême violence, à l'instar de la lutte des classes. De plus la guerre mondiale (1870-2023) peut effectivement être résumée à une compétition économique capitaliste, engageant totalement les nations qui s'affrontent.

    La bourgeoisie occidentale n'a pas perdu le pouvoir selon le pronostic de Marx, mais elle continue d'exercer ce pouvoir dans un contexte conflictuel chaotique. L'idéologie nationaliste propagée par la bourgeoisie (culture de masse) est elle-même contre-révolutionnaire, de sorte que le conflit décrit par le schéma marxiste n'est pas conforme à ce schéma, mais persiste bien, exigeant de la bourgeoisie un effort politique constant.

    Tocqueville croyait, lui, dans l'adoucissement progressif des moeurs au gré de la démocratie. La mobilisation en masse de soldats et de civils, ainsi que le perfectionnement de l'armement, a largement compensé l'adoucissement des moeurs observé par Tocqueville (peut-être réel au plan individuel). Esprit critique, Tocqueville aurait certainement vu dans ce militarisme et ce militantisme nationalistes une sorte de fanatisme séculier, impulsé par un Etat centralisé, contrôlé par une petite élite se réclamant du communisme, du nationalisme ou de la démocratie, mais en fait technocratique ; autrement dit : le constat glaçant de G. Orwell ("1984") contredit Tocqueville, en même temps qu'il le confirme : en effet l'appareil d'Etat au XXe siècle a peu à peu acquis le monopole de la violence policière et militaire, qui lui a été cédé par des citoyens aux moeurs relativement placides.

    Le risque de centralisation excessive est un risque ou une déviance que T. avait bien envisagée, mais il n'a pas vu, comme Marx, l'effet puissamment centralisateur de l'économie capitaliste. Cet effet est d'autant plus net aux Etats-Unis au cours du XXe siècle, qu'il s'est produit au sein de la culture la plus hostile, en principe, à un tel Etat centralisé. Par conséquent un esprit libéral critique a toutes les raisons, en 2023, de prendre la démonstration de Marx au sérieux, suivant laquelle l'économie capitaliste, loin d'accompagner ou de soutenir la démocratie, engendre un Etat totalitaire.

    Tocqueville place l'égalité au coeur du processus démocratique. Mais (comme Rousseau) T. ne défend pas une conception juridico-mathématique de l'égalité, c'est-à-dire une conception totalitaire. L'égalité est pour T. une manière de nivellement de l'aristocratie, qu'il estime positive, tout en étant conscient du risque de "nivellement par le bas". L'égalitarisme totalitaire se présente en effet comme un nivellement pour le nivellement, exactement comme si le moyen de la démocratie en devenait le but (et non la conséquence).

    T. n'ignore pas que l'égalité est une notion équivoque, au moins autant que la liberté. A partir de Tocqueville, on peut déduire une conception du totalitarisme comme étant un dévoiement de la démocratie. Marx ne croit pas plus que T. ou J.-J. Rousseau dans le pouvoir de la norme juridique d'entraîner l'égalité. - Il est parfaitement inégalitaire, dit Marx, de verser le même salaire à un ouvrier, père d'une famille de cinq enfants, qu'à un ouvrier célibataire, bien qu'ils aient accompli le même travail.

    Le "droit pur" est sans doute une conception opposée au matérialisme historique. Sur ce point, Marx permet mieux de comprendre que la conception totalitaire du droit (L'Etat de droit est un tel concept juridique totalitaire) n'est que le reflet de l'économie capitaliste, conçue comme une économie parfaite.

    Tocqueville a justement analysé, peut-être mieux que Marx, le lien de subordination culturel entre les ouvriers et employés salariés et les industriels qui les emploient. Ce lien de subordination accru explique le succès de la culture de masse industrielle, notamment aux Etats-Unis ; la religion chrétienne privée n'oppose qu'une relative résistance à la culture de masse. La classe moyenne offre, selon T., une meilleure résistance à cette sous-culture industrielle.

    Il semble que Tocqueville, contrairement à Marx, ait entretenu un préjugé favorable à l'égard de la religion et des moeurs puritains des premiers Américains. T. témoigne ainsi de son admiration pour les femmes américaines, qu'il estime mieux éduquées (plus honnêtes) et moins niaises que les femmes françaises.

    Ce préjugé (2) a peut-être empêché T. de concevoir que l'Argent puisse se substituer à Dieu, et faire office de nouvelle transcendance dans le cadre démocratique, en remplacement de la religion catholique, non par le biais d'une révolution comme la laïcité (culte de l'Etat) s'est imposée en France, mais par glissement, pour compenser le manque d'Etat dans une nation hétéroclite.

    Cette transformation de la démocratie des pionniers nord-américains en ploutocratie ne correspond bien sûr pas au voeu de T. C'est un processus qui conduit à la généralisation de l'esclavage, sous une forme larvée, moins brutale, mais plus large (le citoyen-consommateur est esclave de ses désirs). En dévoilant "le mystère de l'argent", Marx met plus directement le doigt sur la dérive fanatique de l'Occident moderne.

    L'économie capitaliste crée l'illusion de la surpuissance du Capital (ou des Etats-Unis). Dieu, conçu comme une abstraction (le Dieu de Blaise Pascal) perd dans ce nouveau contexte théocratique son emploi. Le bourgeois libéral peut alors dire à son employé  : - Un dollar vaut mieux que Dieu, tu l'auras !

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    1. "La démocratie est à toutes les autres sortes de régimes ce que le christianisme est à toutes les autres religions." K. Marx

    2. Ce préjugé de Tocqueville en faveur des femmes américaines est assez typiquement "rousseauiste" ; la femme française ne désire pas, le plus souvent, une "égalité" qui lui ôte son pouvoir de séduction. Il y avait plus d'intimité entre les sexes en France, mais une incompréhension plus grande. Quoi qu'il en soit, Tocqueville parle des femmes américaines AVANT que le capitalisme ne bouleverse la culture et les moeurs des Américains.

  • Dans la Matrice

    La science des régimes communistes, c'est l'Histoire.

    La science du régime nazi, c'est la Biologie.

    La science des régimes libéraux, c'est l'Economie.

    Importance de la pseudo-science au stade totalitaire, qui joue le même rôle que les religions au stade précédent.

    Le hasard s'introduit dans les consciences par le biais de ces pseudo-sciences, prenant la place occupée auparavant par la providence. Le hasard révèle la nature anthropocentrique des pseudo-sciences totalitaires, par conséquent largement anti-expérimentales.

  • Histoire contre roman national

    L'historien Shakespeare piétine allègrement en plusieurs de ses pièces le roman national anglais, décors de carton-pâte.

    Il n'y a pas moins anglais que Shakespeare, de même qu'il n'y a pas moins grec qu'Homère, au sens génétique du terme anglais ou grec.

    Le "roman national" est le refuge des faibles d'esprit, ou encore il est un instrument entre les mains des élites afin de méduser le peuple. Le roman national ou la laïcité sont des instruments religieux entre les mains de ceux qui affectent publiquement de mépriser la religion.

    Combien y a-t-il d'historiens véritables dans l'Occident moderne ? On pourrait les compter sur les doigts de la main ; contre des myriades de prêtres nationalistes.

    Cependant, si on peut occulter à force de propagande la vérité, il est impossible de la faire disparaître. Le destin des menteurs est donc scellé.

  • Laïcité, piège à moules

    Les principes "laïcs" guident ceux qui ne veulent rien savoir à l'histoire.

    L'éducation civique et l'histoire sont comme l'eau et l'huile, elles ne se mélangent pas autrement que sous la forme de la mayonnaise indigeste en quoi consistent les cours d'histoire dispensés par l'Education nationale, principal organe de censure en France.

    Le clergé laïc dévoile ses intentions lorsque certains de ses représentants font l'éloge du "roman national", littérature qui inspirera forcément le mépris à un homme de science ou un historien.

    Le "roman national" est la proclamation officielle du négationnisme de l'histoire. Que le personnel politique se range du côté du roman national ou de la légende dorée, il n'y a rien d'étonnant ou de neuf à cela ; mais l'absence de réaction de la science ou de ses représentants est un signe que le stade totalitaire est atteint, où la science est étouffée par le mobile et la propagande politiques, suivant le diagnostic d'Hannah Arendt.

    Shakespeare, sans doute le plus grand historien occidental, ne s'est pas privé de montrer à qui l'histoire fait peur - aux élites politico-culturelles ; aux représentants de la religion officielle du temps de Shakespeare, comme aux apôtres de la laïcité aujourd'hui. Le tragédien montre que la conscience politique et la conscience historique sont inconciliables ; elles ne peuvent que se heurter.

    La critique marxiste dérive presque entièrement de cette démonstration : la limite à l'élitisme, c'est-à-dire à un ordre public nécessairement inégalitaire, c'est la science. De fait, en même temps qu'il a rétabli l'élitisme, le communisme soviétique a dû procéder à la censure de la critique et de l'histoire marxistes.

    La laïcité est donc aussi la négation de la démocratie, dans la mesure où la laïcité exclut l'enseignement libre de l'histoire.

    - Persuadés en vertu de leur ignorance que les principes laïcs sont bons, les tenants sincères de la laïcité (comme dans toutes les religions, il y a des ouailles sincères et d'autres hypocrites) doivent comprendre que la tentative de restaurer la laïcité est vouée à l'échec. Un phénomène l'indique, c'est la multiplicité des convictions laïques qui s'affrontent. Chaque groupe de pression a sa définition de la laïcité, version politiquement correcte du discours mystique identitaire. Cette variété montre que l'éthique libérale consumériste a force de loi bien supérieure à la laïcité.

    Si le roman national est parvenu à s'imposer largement contre l'histoire véritable, ce n'est pas tant grâce aux convictions laïques du personnel enseignant l'histoire officielle de la République française qu'en raison de l'américanisation de la société française. Celle-ci tend à l'abolition de l'esprit critique afin d'ouvrir plus largement la voie au marketing.

    Les slogans laïcs ne sont donc qu'un instrument du choc des cultures. 

  • Histoire

    L'Histoire emporte tout sur son passage. Elle a rompu les digues de la Morale ; le Destin n'est plus qu'un tourbillon.

    L'Histoire outrage la Terre elle-même plus sévèrement que Zeus outragea Europe.

    L'Infini est le dernier espoir du Monde, qui rêve de couper au Jugement dernier. Amen, amen, la Messe du Monde est dite, place au Jugement dernier !

    (poème dédié aux gueux de Paris)

  • Christianisme & Histoire

    Les chrétiens se comportent ordinairement comme s'ils étaient les seuls détenteurs de la vérité historique. J'ai récemment échoué à expliquer pourquoi à l'auteur d'un blog réactionnaire et néo-païen.

    Tentons donc d'y remédier ici. Il ne s'agit pas de nier l'existence d'historiens païens dans l'Antiquité, capables de relater avec exactitude des événements politiques majeurs. Mais l'apocalypse chrétienne, récit mythologique, indique que le monde a une issue, ce qui fait une différence radicale avec la culture de vie païenne qui postule le sempiternel recommencement du monde, et l'organisation sociale suivant les lois de la biologie (transposées dans l'ordre politique et culturel). La doctrine néo-païenne de Nietzsche proscrit ainsi logiquement l'Histoire. L'Histoire ne peut qu'être une mystification chrétienne selon Nietzsche, qui rejeta son éducation protestante jusqu'à se faire le porte-parole du satanisme.

    Tandis que le but d'un "historien chrétien" sera de mettre à jour et d'élucider le sens de l'histoire, c'est une tout autre fonction que l'historien païen donnait à l'histoire - une fonction essentiellement morale et politique. On reconnaît au contraire l'historien chrétien authentique dans la quête d'une vérité universelle qui dépasse le registre terre-à-terre (anthropologique) de la politique et de l'éthique.

    Cela peut paraître étonnant à ceux qui conçoivent l'Histoire comme une science moderne, fondée sur la précision des faits, mais l'histoire chrétienne se présente sous la forme d'un récit mythologique synthétique. Elle n'est pas une science humaine.

    L'apocalypse et l'eschatologie dérangent les plans de tous les soi-disant chrétiens occupés à tirer parti du message chrétien sur le plan politique, et qui bravent ainsi effrontément la parole divine, probablement incrédule dans le châtiment de dieu.

    L'apocalypse a ceci d'extrêmement dérangeant pour les élites des nations dites "chrétiennes" qu'elle prive ces élites d'une quelconque légitimité. C'est ce qui explique que l'apocalypse, au cours de l'ère chrétienne, ait pu être occultée, minimisée, sabotée, en dépit de sa logique concordante avec les évangiles admis officiellement.

    Bien que le clergé catholique romain soit beaucoup plus suspect de vouloir jeter le voile sur l'apocalypse, en raison de la collusion notoire de ses hauts dignitaires avec telle ou telle élite politique, l'exemple du luthéranisme est beaucoup plus significatif. En effet, la réforme protestante s'est d'abord appuyée sur l'apocalypse afin de dénoncer l'iniquité des papes romains siégeant à Rome dans des pamphlets illustrés restés célèbres. De fait, l'apocalypse insiste particulièrement sur le détournement de la foi chrétienne au cours de l'histoire. Devenu ensuite la religion officielle de nombreux Etats germaniques ou nordiques, le luthéranisme et son clergé se sont peu à peu débarrassés de l'argument eschatologique, obstacle pour ériger le protestantisme à son tour en culte national.

    L'Histoire chrétienne est donc destructrice de l'idée de "civilisation chrétienne" ; à cet égard, la philosophie chrétienne hégélienne est une imposture aisément décelable pour un chrétien, qui ne s'étonnera pas qu'elle ait force de dogme dans l'Occident moderne - de substitut aux anciens dogmes catholiques romains. Le chrétien ne s'attend pas à la manifestation de la vérité ou de la paix sur la terre, mais bien plutôt au triomphe de l'Antéchrist dans le monde.

    On pourrait citer de très nombreux littérateurs ou artistes soi-disant chrétiens hostiles à l'apocalypse. Il est préférable d'indiquer que la croyance dans la survivance de l'âme au-delà de la mort, reliquat de l'ancienne foi païenne, permet de confondre ces littérateurs.

    Il s'agit-là en effet d'un "emprunt" (parfaitement illégitime) à la culture païenne. L'eschatologie chrétienne et le sens apocalyptique de l'histoire sont RADICALEMENT INCOMPATIBLES avec un tel mysticisme, dont on peut constater qu'il a persisté bien au-delà de l'emprise légale du clergé catholique romain. Cette persistance indique la nécessité, sur le plan social, d'une telle foi, au contraire de l'histoire dont l'usage est nul sur le plan social.

    De très nombreux indices permettent de reconnaître en Shakespeare un historien chrétien authentique. A commencer par son entreprise de démolition systématique du "roman national" britannique.

    Peintre habile, peu soucieux du sens de l'Histoire et de la révélation, l'historien tirera au contraire des événements historiques une fresque propice à justifier la culture nationale. Shakespeare invite à voir au-delà de l'apparence trompeuse de "l'Occident chrétien".

  • Du culte laïc

    Dans la mesure où elle est étroitement liée à ce qu'il est convenu d'appeler "existentialisme", la laïcité mérite le même épithète "d'onanisme" attribué par Marx à la philosophie boche moderne. "Onanisme", parce que Marx n'ignore pas que tout ce remugle de philosophie remonte au moyen-âge et à un branlement de moines mélancoliques.

    Un article publié dans "Le Monde" fustigeait récemment "l'intégrisme laïc", en raison de l'intolérance de ses adeptes ; le principe de responsabilité incite au contraire à inculper le haut clergé laïc, et non les petits frères prêcheurs de la laïcité les plus radicaux. Le haut clergé laïc est beaucoup plus près de savoir l'ineptie du culte mystique laïc, son absence de fondement historique (la philosophie des Lumières n'est pas une philosophie "laïque"), en même temps qu'il en tire un profit beaucoup plus grand que le bas clergé "intégriste".

    La laïcité cache-t-elle, comme certains le prétendent, un culte maçonnique ? Deux faits indiquent le contraire : - de très nombreux démocrates-chrétiens se revendiquent "laïcs" (contre l'interdiction messianique de servir deux maîtres à la fois) ; la laïcité ne va donc pas nécessairement de pair avec un antichristianisme ostentatoire ; par ailleurs la franc-maçonnerie est très loin d'être incompatible avec un régime théocratique, ainsi que l'illustre l'exemple sinistre de Napoléon Ier ; la franc-maçonnerie est même une philosophie essentiellement théocratique. La France laïque n'est pas plus "maçonnique" que ne le sont les Etats-Unis théocratiques et démocrates-chrétiens. Ajoutons que la franc-maçonnerie n'est pour rien dans l'avènement de l'anthropologie, dont le culte laïc est un produit dérivé. La franc-maçonnerie n'est pas un facteur de "modernité", c'est l'Eglise catholique qui l'est.

    Autrement dit, il y a une feuille de papier à cigarette entre la "démocratie-chrétienne", qui est une sorte de "franc-maçonnerie chrétienne", et le régime de la laïcité française, prétendument neutre sur le plan religieux. On comprend que les mahométans ne soient pas dupes d'une telle casuistique.

    Pour que le régime laïc soit un régime "tolérant", sous-entendu "neutre", il faudrait que l'anthropologie moderne soit neutre. Or elle ne l'est pas ; pas plus que la science-fiction moderne n'est une science "neutre".

    D'un point de vue historique, le régime laïc peut se traduire comme un régime théocratique qui refuse de se reconnaître tel. Un culte mystique qui refuse qu'on le dise tel, mais dont les manifestations, le monopole et l'organisation religieuses ne trompent personne.

    La culture anthropologique moderne, des points de vue critiques de K. Marx ou F. Nietzsche, est décrite comme un phénomène religieux - pire, comme un fanatisme religieux. C'est plus difficile à reconnaître dans le marxisme, à cause de l'emploi malheureux du terme "démocratie" (car ambigu) - mais sans ambiguïté aucune le marxisme prône la destruction de l'Etat comme le réceptacle de l'idolâtrie.

    Au sommet de la pyramide du clergé laïc, on rencontrera nécessairement Tartuffe, celui qui sait que les élites ne peuvent se passer du secours de la religion pour soumettre le peuple à leurs caprices, mais que, comme le peuple français ne veut plus entendre parler de l'ancien clergé catholique qui l'a roulé dans la farine, une autre religion présentant le même caractère coercitif que l'ancienne, mais non le même nom, s'avère utile.

    Du point de vue chrétien, la "démocratie-chrétienne" est le pire ennemi, car l'instrument de subversion de l'amour chrétien le plus efficace.

     

     

     

  • Du Totalitarisme

    Hannah Arendt a tenté dans divers essais d'élucider le phénomène du totalitarisme, c'est-à-dire de la tyrannie moderne, qui au contraire de l'ancienne sait se faire aimer.

    Shakespeare a fait mieux et plus tôt que tous les analystes ou adversaires du totalitarisme, puisqu'il a conçu une mythologie propice à faire tomber les écailles des yeux de celui ou celle qui le veut. Notamment Shakespeare montre comment une idée falsifiée de l'amour est au coeur de la tyrannie totalitaire.

    Il y a à boire et à manger dans l'analyse d'Hannah Arendt. Shakespeare, lui, est on ne peut plus synthétique. Il faut dire que, pour un chrétien, la capacité de synthèse est surhumaine, c'est-à-dire qu'elle prend sa source dans le divin, exactement comme la loi naturelle émane du point de vue païen de Satan. L'anthropocentrisme débordant de la culture moderne nihiliste n'est donc ni satanique, ni chrétien. Le caractère indéfinissable du totalitarisme est précisément ce qui le rend insaisissable, tandis qu'il est beaucoup plus facile d'appréhender la tyrannie classique oedipienne, comme Moïse fit il y a plusieurs millénaires, identifiant à jamais celle-ci avec l'Egypte des pharaons.

    Dans le passage ci-dessous, Hannah Arendt soulève le problème de l'histoire, du christianisme et de la civilisation moderne, d'une façon plutôt utile puisqu'elle décèle à peu près la ruse qui consiste pour l'Occident à prétendre incarner une sorte d'avant-garde historique. Cette ruse est une invention de l'Eglise romaine et des papes, reprise ensuite par des institutions laïques, qui tout en s'étant séparées de l'Eglise, ont prolongé la méthode et la ruse de leur matrice. Ainsi les "valeurs républicaines" revendiquées aujourd'hui par certains moralistes doivent beaucoup plus à l'Eglise romaine qu'elles ne doivent aux théoriciens et politiciens antiques.

    "A cause de cette insistance moderne sur le temps et la succession temporelle, on a souvent soutenu que l'origine de notre conscience historique réside dans la tradition judéo-chrétienne [concept frauduleux en soi], avec son concept de temps rectiligne et son idée d'une divine providence [l'idée de "temps rectiligne" n'a aucun fondement chrétien, et la "divine providence" coïncide avec la "monarchie chrétienne de droit divin"] donnant à la totalité du temps historique de l'homme l'unité d'un plan de salut - idée qui contraste en effet aussi bien avec l'insistance de l'antiquité classique sur les événements et faits singuliers qu'avec les spéculations de l'antiquité tardive sur un temps cyclique [c'est l'idée de temps rectiligne qui est excessivement spéculative et fonctionnelle, comparée à celle de temps cyclique]. On a cité beaucoup de preuves à l'appui de la thèse selon laquelle la conscience historique moderne a une origine religieuse chrétienne et est née de la sécularisation de catégories originellement théologiques. Seule notre tradition, religieuse, dit-on, connaît un commencement et, dans la version chrétienne, une fin du monde : si la vie humaine sur la terre suit un plan divin de salut [une telle description, anthropocentrique et contredisant la Genèse, n'est pas authentiquement chrétienne - autrement dit, la vie humaine n'est pas plus sacrée du point de vue chrétien que du point de vue païen antique - elle l'est moins], alors son seul déroulement doit receler une signification indépendante de tous les événements singuliers et les transcendant tous. Par conséquent on en conclut qu'un "tracé bien défini de l'histoire du monde" n'est pas apparu avant le christianisme, et que la première philosophie de l'histoire est présentée dans le "De Civitate Dei" de saint Augustin. Et il est vrai que chez Augustin nous trouvons l'idée que l'histoire elle-même, c'est-à-dire ce qui a un sens et est intelligible, peut être séparée des événements historiques singuliers rapportés dans la narration chronologique. Il affirme explicitement que "bien que les institutions passées des hommes soient rapportées dans le récit historique, l'histoire elle-même n'a pas à être comptée parmi les institutions humaines." [le problème du totalitarisme réside très largement dans le fait qu'il est impossible d'accorder le plan politique à l'exigence historique du salut autrement que sous la forme de l'illusionnisme, dont la philosophie de Hegel est emblématique et le concept de temps historique rectiligne]. 

    Cette similitude entre le concept chrétien et le concept moderne de l'histoire est cependant trompeuse. Elle repose sur une comparaison avec les spéculations de l'antiquité tardive sur l'histoire cyclique, et néglige les concepts d'histoire classiques de la Grèce et de Rome. La comparaison est encouragée par le fait qu'Augustin lui-même, lorsqu'il réfutait les spéculations païennes sur le temps, avait essentiellement en vue les théories cycliques de sa propre ère, qu'aucun chrétien en effet ne pouvait accepter à cause du caractère absolument unique de la vie et de la mort du Christ sur terre : "Une fois Christ est mort pour nos péchés ; et renaissant d'entre les morts il ne meurt plus." Ce que les interprètes modernes sont enclins à oublier est que saint Augustin a proclamé ce caractère unique d'un événement, qui sonne si familier à nos oreilles, pour cet événement seulement [on devine combien cet "oubli" est propice aux élites et aux mouvements politiques et culturels qui s'avancent derrière la bannière chrétienne] - l'événement suprême de l'histoire humaine, où l'éternité, pour ainsi dire, fait irruption dans le cours de la mortalité terrestre ; il n'a jamais prophétisé ce caractère unique, comme nous le faisons, pour des événements séculiers ordinaires. Le simple fait que le problème de l'histoire n'a fait apparition dans la pensée chrétienne qu'avec saint Augustin devrait nous faire douter de son origine chrétienne, et cela d'autant plus qu'il est apparu, selon les termes mêmes de la philosophie et de la théologie d'Augustin, du fait d'un accident.(...) [contrairement à la théologie démocrate-chrétienne des papes modernes, la "Cité de Dieu" d'Augustin fait référence pour étayer la notion d'histoire chrétienne à l'eschatologie évangélique. Augustin n'est ni premier ni principal dans l'explication de la conscience chrétienne, mais il est vrai que la scolastique médiévale constitue un recul par rapport à Augustin.]."

    H. Arendt (In : "La Crise de la culture") 

  • Fin de l'histoire

    Ce que l'on désigne habituellement sous le terme un peu emphatique de "post-modernité", qui évoque la théorie des suites (n+1), peut se comprendre entièrement à travers le concept de "fin de l'histoire". Auparavant le sens de l'histoire "faisait débat", pourrait-on dire, puisque Nitche, Hegel et Marx ont des conceptions distinctes de l'histoire.

    Et la France, n'a-t-elle pas part au débat qui agite la pensée allemande ? Elle n'y a pas part sous la forme scolastique, assez peu conforme à l'esprit français. Cependant on peut dire qu'il y a derrière la Comédie humaine de Balzac une forme de conception de l'histoire, avec laquelle K. Marx dit éprouver une certaine affinité. Ni l'un ni l'autre n'ont une confiance très grande dans la justice des hommes.

    D'une manière générale, les Français ont tendance à penser comme Nietzsche que le "sens de l'histoire" est un pur fantasme. Les Français ne diront pas comme Nietzsche "un pur fantasme chrétien", car la mentalité française négationniste (du sens de l'histoire) est due à l'influence de l'Eglise catholique. Martin Luther a justement accusé l'Eglise romaine, sous couvert de la "tradition", de faire prévaloir les questions sociales sur les questions spirituelles. Il n'a pas remarqué au point où Shakespeare l'indique, combien cette préoccupation sociale a pour effet d'occulter la dimension prophétique du christianisme.

    L'histoire, Nitche souhaite donc y mettre un terme, ou plus exactement la question du sens de l'histoire, puisqu'il n'y a là selon lui que pure spéculation chrétienne et fantasmes de prophètes juifs et chrétiens mal inspirés. Seule la morale, fondée dans la nature, a une véritable signification du point de vue de ce philosophe allemand. Sa doctrine a le mérite de souligner l'antagonisme du raisonnement moral et de la logique historique.

    Plutôt qu'à une finalité, la démonstration de Hegel mène à une aporie ou une sorte d'impasse. L'histoire devait mener à un progrès dont nous sommes les contemporains. L'avènement de l'idée ou du concept en art est ainsi un raffinement spirituel ultime. Nul ne conçoit de progrès au-delà. La philosophie post-moderne ressemble à un codicille au bas du testament laissé par Hegel, sa grande théorie du progrès et de l'avancement de la civilisation conçue par Hegel. Cela laisse le champ libre aux concepteurs de nouveaux gadgets afin de nous prouver que le progrès, nous baignons désormais dedans. De cette façon, on comprend que Hegel ne "nourrisse plus beaucoup le débat" sur le sens de l'histoire. On est désormais moderne, point final.

    Quant à Marx, sa théorie du progrès achoppe beaucoup trop sur le problème de l'Etat moderne, dans lequel elle ne voit nullement le résultat d'un progrès démocratique, pour que les fonctionnaires du sens de l'histoire et de la modernité ne disqualifient pas sa critique.

     

  • Sens de l'histoire chrétien

    Le sens de l'histoire chrétien est une épée de Damoclès suspendue au dessus de la tête des élites occidentales. Manié par Shakespeare, ce rasoir fait plus de dégâts que tous les couperets révolutionnaires du monde. Nul n'a jugé plus sévèrement la monarchie britannique que Shakespeare, puisqu'il l'a jugée absurde.

    Le danger de l'histoire est si grand pour les élites occidentales, dont les institutions sont formulées contre elle, que la principale tâche assignée aux universités occidentales depuis mille ans est d'occulter l'histoire. N'importe quel universitaire occidental peut se reconnaître dans le portrait de Polonius-Copernic planqué derrière une tenture, rangé du côté du pouvoir contre la vérité.

    Loué soit Shakespeare d'avoir su protéger comme Homère la vérité contre les malversations des intellectuels et des philosophes.

     

  • Piège de la Femme

    Le chrétien doit s'efforcer de maintenir et comprendre cet ancien avertissement juif misogyne déduit de la mythologie de Moïse.

    Cet avertissement recèle la plus radicale critique du libéralisme, c'est-à-dire de l'idéologie moderne la plus sournoise. Plus sournoise que le nazisme ou le fachisme, plus sournoise que le stalinisme, dans la mesure où l'idéologie libérale s'efforce d'entretenir la confusion du pouvoir et de la liberté.

    Et comme cet avertissement a un sens apocalyptique ou historique antisocial, il ne faut pas s'étonner que le féminisme soit la doctrine officielle de la synagogue de Satan, ni que le féminisme trouve son origine dans la théologie subversive de l'Eglise catholique romaine.

  • Ethique & Civilisation

    Le principe de base de l'éthique est de faire de ses qualités des vertus, et des défauts d'autrui des péchés. Ainsi les hommes reprochent habituellement aux femmes leur ruse et leur séduction, et les femmes accusent les hommes d'être brutaux et balourds.

    L'homme trouve ainsi dans son âme toutes les ressources pour se justifier et donner un sens à son existence.

    La civilisation ou la culture ne fait que répéter le même principe à l'échelon politique ou religieux. Il y a deux sortes de moralistes : ceux qui sont payés pour édicter la règle commune ou l'adapter à la nouvelle donne économique, et les moralistes plus indépendants, qui se chargent de ramener pour eux-mêmes l'éthique à un niveau plus raisonnable, quand les tartuffes officiels font de l'absurdité ou du nihilisme une raison de vivre. Ainsi de l'éthique actuelle, où le devoir assigné à l'homme est d'être un chancre ou un cinéphile : bien qu'isolés, cette morale a ses détracteurs.

    L'historien ne peut donc s'accommoder de l'idée de civilisation ou de culture, afin de discerner si l'histoire a un sens ou pas ; faute de quoi il ne fera qu'un album de clichés photographiques, adapté au contexte. En Allemagne, le catéchisme prête majoritairement à la révolution française de 1789 un sens chrétien idéaliste. Nitche, qui lui prête le sens d'une contre-culture catastrophique, a peu de disciples en Allemagne, en raison du fachisme et des lois éthiques contre lui. En France, le catéchisme prête majoritairement à cette même révolution française le sens d'une émancipation de la religion.

    En tant qu'elle inclut le progrès éthique et celui de la civilisation, l'histoire selon Hegel ne vaut rien. Hegel conduit au paradoxe typiquement anthropologique d'indiquer le mouvement ou la direction, en même temps qu'il indique la fin de l'histoire, ouvrant ainsi une voie royale au mercantilisme et à la justification du totalitarisme comme un progrès. Le sens de l'histoire selon Hegel, qui n'est qu'une cinématographie de l'histoire, est le sens que les élites rêveraient qu'il ait. La culture de masse, qui fait se tordre la bouche à quelques intellectuels raffinés, est un produit de l'élitisme.

    Le point de vue de l'historien dépasse celui de la politique ou de l'éthique. Il s'éloigne moins de la métaphysique. Et si l'historien ne se soucie pas du point de vue éthique, qui a atteint en Occident le niveau du relativisme ou du culte identitaire, que branlent tous ces comités d'éthiques scientifiques et leurs pseudo-experts ?



  • Histoire et Salut (2)

    "Pour éclairer la relation problématique entre "l'eschatologie réalisée" et sa réalité future, référons-nous à la comparaison que fait O. Cullmann entre l'eschaton et le victory day. Au cours d'une guerre, la bataille décisive peut avoir lieu bien avant la fin réelle de la guerre. Seul celui qui reconnaît le caractère décisif de cette bataille sera aussi certain que la victoire est dès à présent acquise. La plupart des gens ne le croiront que lorsque le "V-Day" sera proclamé.

    C'est ainsi que le golgotha et la résurrection, qui sont les événements décisifs de l'histoire du Salut, apportent à celui qui croit au jour du Seigneur la certitude de l'avenir ultime. Aux deux niveaux, dans l'histoire profane et dans l'histoire sacrée, l'espérance d'avenir est fondée sur la confiance en un événement déjà accompli. La tension entre la bataille décisive et le "V-Day" final s'étend sur toute la période intermédiaire, phase ultime, mais pas encore définitive, de la guerre, car le but final est bien la paix. Le résultat de la bataille décisive montre que la fin est déjà là, et pourtant elle se situe encore à une distance indéfinie, car personne ne peut prévoir les efforts que l'ennemi va encore déployer pour retarder sa défaite définitive."

    Karl Löwith, "Histoire et Salut", 1949.

    Cette comparaison entre le champ de bataille de Waterloo et celui de l'Armagedon est éclairante, puisque la guerre est en outre le lieu privilégié où s'élabore la culture païenne à travers les temps.

    Le meilleur de Louis-Ferdinand Céline est d'avoir conçu la guerre, non pas à la manière de Nitche comme le moment privilégié de l'accomplissement viril de soi, mais comme un péché terrible à expier. On voit que dans les familles où rien n'est fait pour expier ce péché, mais qui en tirent au contraire un avantage social ou un honneur, ce péché se transmet de génération en génération, la gloire imbécile des pères déteignant sur leurs enfants. Je ne sais plus qui a dit : "le courage militaire est un pneu gonflé à côté d'un pneu qui ne l'est pas ; dans un cas il y a de l'air en plus, mais le matériel de base est le même." Derrière le pneu, comme dit Homère, on trouvera toujours une bonne femme plus ou moins accorte pour souffler dedans. 

    Le Messie dit qu'il vient "bientôt", parce qu'il ne s'adresse pas à des moutons de panurges armés jusqu'aux dents, à qui il faut faire miroiter la victoire, mais à des apôtres, dont le combat n'est pas fonction du temps, mais malgré celui-ci, ce qui le réduit considérablement.

  • Histoire et Salut

    "(...) Le péché de l'homme et l'intention de la rédemption de Dieu, cela seul exige et justifie le temps de l'histoire. Sans péché originel et sans rédemption finale, le temps intermédiaire serait inutile.

    Cet "intérim", c'est-à-dire toute l'histoire, n'est ni un temps vide dans lequel rien ne se produit, ni un temps affairé où tout peut arriver, mais le temps décisif destiné à séparer le bon grain de l'ivraie. Son contenu constant est fait de variations sur un seul thème : l'appel de Dieu et la réponse de l'homme."

    Karl Löwith

    Précisons qu'il faut entendre par "péché", non le sens social habituel, variable selon les sociétés, auquel les sociétés modernes, à partir de la résurrection, ont commencé d'attribuer des buts chimériques, tels que "l'égalité" ou la "démocratie", mais l'erreur ou l'ignorance, tel que les anciens Grecs comme Homère, déjà, l'avaient conçu, faisant d'Ulysse un apôtre de la sagesse, qui seule peut procurer à l'homme la force qu'il n'a pas. La justice ecclésiastique infernale du moyen-âge, en introduisant le droit de l'Eglise, a renversé le sens des paraboles et du sacerdoce selon l'apôtre Paul.

    De cette "histoire du salut", les chrétiens ont une représentation mythologique, en images, l'apocalypse, que les institutions ecclésiastiques chrétiennes ont toujours tenté d'escamoter (Bossuet, par exemple), en raison de sa délégitimation du pouvoir temporel et de la représentation du jugement de l'homme par l'homme sous l'apparence d'un cavalier noir, entre autres fléaux. La volonté de Swedenborg, pour fournir une explication du symbolisme apocalyptique, de se placer en dehors de toute institution, qu'elle soit catholique romaine, protestante, ou autre, s'explique ainsi. Quant à Shakespeare, il n'y a rien d'énigmatique à ce qu'il précipite les rois de la terre au sol ou dans la confusion mentale. Plus l'homme s'élève dans l'ordre institutionnel ou juridique, plus il s'aliène à la loi du destin. Les géants politiques consultaient des astrologues, les nains politiques modernes se fient aux statisticiens. 

  • Le Christ anarchiste

    "On peut établir une équation parfaite entre le chrétien et l'anarchiste : leur but, leur instinct, ne tend qu'à la destruction. Il suffit de parcourir l'histoire pour trouver la preuve de ce principe : il y apparaît avec une terrible clarté. (...)" F. Nitche

    - Qu'est-ce que l'anarchiste chrétien cherche à détruire, d'abord par amour de soi, afin de permettre l'amour d'autrui ? Ce que l'anarchiste chrétien cherche à détruire, c'est tout ce qui dans l'esprit humain fait obstacle à la vérité, y compris la culture de vie satanique. L'anarchiste chrétien peut même se passer de Nitche pour détruire tout ce qui, sous l'apparence de l'Eglise chrétienne ou de la moraline catholique, n'est que la plus basse anthropologie. Il le peut grâce à l'esprit de dieu, qui l'a charitablement prévenu contre la synagogue de Satan, c'est-à-dire de l'intensité accrue de la subversion du christianisme à l'intérieur même de l'Eglise, dont la multiplicité des schismes témoignent, comme les lézardes dans la civilisation témoignent du sable sur laquelle elle repose. Nostalgiques et futuristes de la grande cause humaine s'entre-égorgeront en son nom. Ils le font déjà. Le seul mérite de Nitche est de se battre pour l'ordre à l'arme blanche, comme le guerrier taliban, et non avec les armes modernes. De choisir sa mort plutôt que de la subir. 

    - Parcourir l'histoire pour y trouver des preuves : comme tous les Allemands, Nitche confond l'histoire avec l'archéologie. Sa manière psychologique d'aborder l'histoire est du niveau des sociologues qu'il exècre, incapables de comprendre qu'en matière de doctrine sociale, tout n'est que recyclage. La méthodologie de la culture de mort est indiquée dans l'évangile, dont Nitche se refuse à accepter le sens : il s'agit pour les assassins juifs et romains de crucifier la vérité en dernier recours, comme la solution ultime pour protéger le monde, leur monde. Comme seuls ils en sont capables. A mesure que l'esprit de vérité progresse, le monde ne peut faire autrement que s'en défendre en s'appuyant sur un mensonge toujours plus grand. Shakespeare, en écrivant ses tragédies, a bien conscience que les forces qui concourent à étouffer la vérité sont, dans le monde moderne, bien plus puissantes que celles qui visaient au même but dans l'antiquité, où on ne discerne pratiquement aucune trace d'anthropologie, sauf sous la forme modeste des petites recettes d'Epicure pour souffrir le moins possible. Nitche lui-même est beaucoup trop sincère pour que le public ait le droit de le lire tel quel.

    Par conséquent, où la destruction s'accompagne d'un but social, comme c'est le cas de l'ouvrage technocratique sanglant du stalinisme, de l'hitlérisme, et surtout du libéralisme qui a déclenché les deux premiers, il n'y a pas de volonté chrétienne. L'anarchiste chrétien ne détruit jamais pour reconstruire. Il n'a pas besoin, sachant que les cathédrales gothiques sont édifiées en l'honneur de Satan, de les démanteler, puisque son esprit lui permet de voir à travers les choses périssables.

    - A propos d'instinct de destruction, Nitche n'est pas à une contradiction près, puisqu'il passe une partie de son temps à dénier tout instinct au christianisme. Il doit vouloir dire que les chrétiens sont des parasites. Mais dans ce cas il faut être un naturaliste particulièrement rêveur pour oublier que les plus grosses bêtes finissent souvent entre les mandibules de petites bestioles, suivant la loi de nature. Sans ces insectes, pas de métempsycose.

  • La Femme et l'Histoire

    L'apocalypse chrétienne décrit l'histoire de l'humanité encadrée par deux femmes : Eve, symbole de la chute, et l'Epouse du Christ, dont l'ascension coïncide avec la fin des temps.

    La culture de vie égyptienne ou païenne, symbolisée par un serpent dans la mythologie de Moïse, est source d'un symbolisme religieux que le christianisme renverse, comme on abat des idoles. La vie éternelle est une voie opposée à celle de la vie biologique. C'est certainement l'inspiration chrétienne qui fait dire au philosophe Léopardi que "le suicide prouve dieu", signifiant par là la capacité de l'homme à penser différemment du plan éthique ou social. Léopardi sait aussi que l'objectif du bonheur ne peut satisfaire que des esprits sous-alimentés spirituellement ou scientifiquement.

    A l'inverse, les païens nieront l'aspiration spirituelle pour affirmer le destin ou la providence, c'est-à-dire que la nature vivante est le point de départ et la solution finale de l'existence humaine.

    Il faut signaler ici que la subversion de nombreux clercs du moyen-âge consiste à transformer le christianisme en providentialisme, ce qu'il n'est pas. Il n'est pas difficile de deviner la détermination biologique ou érotique du providentialisme. De même que "l'au-delà" païen antique, c'est-à-dire la vie après la mort, comme l'inconscient moderne, est entièrement spéculatif. Disons que l'au-delà païen antique traduit le prolongement de la volonté politique. Certains poètes païens, d'ailleurs, n'ont pas foi dans cet au-delà, mais seulement dans sa nécessité politique et sociale. Tandis que la théorie de l'inconscient moderne, selon Freud ou Jung, prolonge et renforce la volonté personnelle, au stade de la décomposition politique libérale, suivant le principe identitaire, qui consiste à diviser pour mieux régner sur les consciences.

    Ces symboles féminins sont ceux utilisés par Bacon-Shakespeare dans ses pièces, par conséquent dépourvues de ressort psychologique, et négligeant cet aspect à cause de son peu d'intérêt historique et apocalyptique. Une lecture attentive permet de voir que Shakespeare attribue l'abus de langage et le style, c'est-à-dire l'habileté, aux imbéciles. Polonius, par exemple. Le style traduit souvent la haute estime que l'homme a de lui-même, en dépit de la médiocrité de sa condition.

    La psychologie est une détermination trop hasardeuse pour Shakespeare. Et si l'artiste ou le savant cède ainsi au hasard, il n'a aucune chance de triompher de la nature, ce qui constitue le but de l'art chrétien, et explique la détermination de Bacon contre l'idolâtrie scientifique. Le paganisme, lui, s'accommode parfaitement de l'idolâtrie, c'est-à-dire de la production d'objets d'art. Le progrès de l'homme vers dieu, au contraire, implique la destruction de toutes les flatteries et réconforts que l'homme s'adresse à lui-même à travers le motif de la civilisation ou de la culture.

    L'absence de passion du Messie n'est pas un signe de passivité, ainsi que le traduisent les Romains, ni encore moins de féminité selon le propos de Nitche, qui semble méconnaître totalement les femmes, mais la connaissance du Christ que la nature gouverne toutes les passions, bonnes ou mauvaises.

  • Dialectique contre Ethique

    Cette note est pour accompagner Fodio dans l'étude des sonnets de Shakespeare, où le grand prophète chrétien de l'Occident met littéralement le feu à la culture chrétienne médiévale afin de faire table rase de la morale catholique romaine, entièrement satanique.

    Les sonnets de Shakespeare sont donc le plus grand poème chrétien illustrant la dialectique chrétienne, opposée à l'éthique païenne binaire.

    Dès qu'un chrétien ou un juif invoque l'éthique, vous pouvez savoir grâce à Shakespeare que vous avez affaire à un imposteur: ce que les chrétiens authentiques nomment un "fornicateur".

    Jamais civilisation n'a porté de masque plus ignoble que celui de la démocratie-chrétienne, dont le rapport avec "l'odeur du Danemark" est très étroit. Shakespeare a-t-il prophétisé le nazisme ? Non, il a prophétisé bien pire encore, conformément à l'apocalypse. Un esprit divisionnaire extrême, qui ressemble à la convulsion de la bête de la terre, et qui laissera les fidèles apôtres du Christ indemnes. 

    Shakespeare témoigne d'une conscience chrétienne aiguë de l'écartèlement de l'homme par deux forces antagonistes. Il les décrit dans ses sonnets, l'une comme un ange, "un homme parfaitement beau" (sonnet 144), l'autre comme "une femme à la couleur maligne" (ibidem). Quelques benêts dans l'Université y ont lu un aveu 

    de bisexualité ; ça tombe bien puisque Shakespeare, après Rabelais, dissuade de prendre le savoir universitaire très au sérieux. Il n'y a pas besoin d'une théorie du complot pour comprendre la raison de la médiocrité de l'enseignement académique : agrégation et panurgisme suffisent à l'expliquer.

     

     

     

    Le "prince charmant" des contes chrétiens occidentaux n'est pas plus "sexué" que la vierge Marie, quoi qu'il soit nécessaire de tout érotiser pour fourguer des indulgences ou le purgatoire. Ce prince symbolise

     l'Esprit divin, combattant l'iniquité. L'histoire, pour les chrétiens, commence par la chute d'Adam et Eve suivant la mythologie de Moïse, et s'achève par la résurrection de Jésus-Christ (anti-Adam), et de son épouse, l'Eglise (anti-Eve). Comme Moïse, inspiré par dieu, a conçu une mythologie de l'origine du monde et de la chute, qui entraîne la mort de l'homme, Shakespeare conçoit une mythologie de la fin des temps. 

    Partout dans l'oeuvre de Shakespeare-Bacon, les sonnets aussi bien que les pièces, on retrouve ce symbolisme historique ou apocalyptique.

     

     

    L'entreprise de Shakespeare peut se comparer à celle de Dante Alighieri, à condition de comprendre que Shakespeare rétablit l'histoire et la science contre l'éthique et la philosophie platoniciennes du poète italien, sans fondement dans les saintes écritures. La Béatrice de Shakespeare est pure, comme l'éternité, de considérations anthropologiques, nécessairement charnelles, portant la couleur maligne, écarlate ou pourpre, du péché.

     

    - Shakespeare sait très bien la tendance de l'homme à tout traduire sur le plan charnel ou érotique. Cette tendance n'épargne pas l'ère chrétienne; elle est représentée sous la forme de la grande prostituée.

    Bacon développe par ailleurs l'idée, opposée à la psychanalyse, que la chair est le principal obstacle à la conscience et à la science. Elle l'est plus encore lorsqu'elle est sublimée dans des théologies puritaines odieuses et qui frisent la démence sado-masochiste (Thérèse d'Avila). L'ivresse de la chair est moins grande chez Sade ou Don Juan qu'elle n'est chez certains religieux dévôts, parfois totalement abstinents mais dévoués à un culte érotique.

    - La dialectique chrétienne, rappelée dernièrement par Karl Marx d'une manière moins imagée, implique contrairement à la foi et à la raison païenne animiste (tous les paganismes ne sont pas des animismes), implique de ne pas considérer l'âme autrement que comme un "principe vital", indistinct du corps. La raison pour laquelle il n'y a ni purgatoire, ni "espace-temps" au-delà de la mort dans le christianisme, que celle-ci n'est pas une étape nécessaire, est liée au fait que l'âme n'a pas dans le christianisme d'existence séparée ou autonome. C'est le sens chrétien de "la résurrection des corps" : la personnalité morale, juridique, n'a pas de fondement chrétien. "Laissez les morts enterrer les morts !" dit Jésus, car le culte des morts est essentiellement païen.

    Pour le chrétien, tout se joue dans l'enfer, ici et maintenant. Satan passe l'humanité au crible.

    Le christianisme n'est pas "binaire", comme sont les religions "anthropologiques" ou "morales". Non seulement le chrétien reconnaît qu'il y a un aspect positif dans Satan, et non seulement négatif, mais il reconnaît que c'est l'aspect de la santé ou de la beauté (au sens platonicien) sur le plan personnel, ou de la politique lorsqu'elle est équilibrée, dans lequel se traduit cet aspect positif.

    C'est bel et bien un sens chrétien qu'il faut donner à la réforme de la science selon Francis Bacon Verulam (alias Shakespeare), et non censurer cet aspect comme font généralement les universitaires qui traduisent Bacon à leur convenance, suivant une tendance équivalente aux méthodes inquisitoriales du moyen âge. Rien n'autorise le droit canonique !!! Il faut le dire et le répéter face aux chiens qui prétendent le contraire, et se mettent délibérément en travers de la voie de l'Esprit.

    Le droit canonique est une insulte à Paul et son épître aux Hébreux. C'est la manifestation d'un pharisaïsme odieux, qui entraînera ceux qui s'y fient dans l'étang de feu.

    La réforme de Francis Bacon vise en effet deux buts concordants, dont les universités européennes n'ont JAMAIS tenu compte (ce que Bacon avait sans doute prévu) : en finir avec la philosophie platonicienne (il met plus ou moins Aristote dans le même sac, sachant qu'Aristote est à moitié platonicien, et qu'il a fini par rompre avec le pythagorisme et la croyance égyptienne dans l'âme séparée du corps) et revenir à la mythologie d'Homère, porteuse de vérités beaucoup plus profondes que l'éthique de Platon. Par Homère, Bacon veut renouer avec un universalisme dont il sait qu'il emprunte tout à Moïse. L'opposition d'Achille le païen et d'Ulysse le juif est déjà une dialectique illustrée.

     

  • La Subversion romaine

    "Martin Luther (1483-1546), moine et prêtre de l'ordre des Augustins, professeur à l'université de Wittenberg en Saxe, poussa jusqu'à l'extrême les conclusions d'Erasme contre le sacrement du mariage. Dès 1518, il abandonne l'affirmation classique du sacrement efficace par lui-même. Puis il affirme que le texte de saint Paul aux Ephésiens (V, 32) : "Ce mystère est grand, je veux parler du Christ et de l'Eglise.", ne désigne pas le sacrement de l'homme et de la femme, mais seulement le mystère qui unit le Christ à l'Eglise. (...)"

    Michel Rouche, professeur à la Sorbonne, dans l'hebdomadaire européen et démocrate-chrétien "Famille chrétienne" (19-15 janvier 2013).

    Tous les éléments sont là, et pourtant l'éminent professeur de la Sorbonne (il y a peu de professeurs de la Sorbonne parmi les apôtres), à l'aide de quelques arguments spécieux tirés de la vie personnelle de Luther, conclut quelques lignes plus loin que Luther finit par rejoindre la "tradition catholique", synonyme ici de trahison. M. Rouche ajoute même cette parole grotesque : "Il s'agit ici d'un des inconvénients du refus de l'Histoire, au nom de l'adage "Sola Scriptura", l'Ecriture seule."

    Grotesque, car l'Eglise romaine est une spécialiste du négationnisme de l'Histoire, suivant une tradition constante qui consiste notamment à vider l'Apocalypse de son sens (cf. Bossuet), alors même que la vision de Jean est le récit symbolique ou mythologique de l'histoire de l'humanité; grotesque, car Paul ne dit pas "Sola Scriptura", il parle d'un grand mystère, par conséquent à élucider.

    On voit que l'Eglise romaine accomplit une double manoeuvre : elle prête à l'acte de chair un sens mystique qu'il a seulement dans les religions païennes les plus archaïques, tout en empêchant l'élucidation eschatologique du grand mystère indiqué par Paul et Martin Luther, pour laquelle  l'apocalypse fournit de nombreux indices, pointant sa nature historique. Ce procédé de canoniste romain relève selon E. Swedenborg de la "fornication", au sens véritable qui n'est pas charnel, mais celui de prêter à la chair des vertus qu'elle n'a pas. Le symbolisme chrétien et les métaphores chrétiennes renversent habituellement le symbolisme et l'ordre païens érotiques. Il n'y a de christianisme "érotique" ou "dionysiaque" que dans la cervelle de clercs allemands ou italiens aliénés, dangereux suppôts entraînant les gosses qui leur sont confiés à la perdition démocrate-chrétienne.

    Il est sidérant de voir l'Eglise romaine fonder sa défense de la famille païenne (en réalité, c'est surtout la défense du droit de propriété derrière cette manoeuvre) sur le mince argumentaire d'un Sorbonnard.

    Sur le plan moral, l'Eglise romaine poursuit l'entreprise de subversion qu'elle mena sur le plan politique, conférant aux puissants de la terre une légitimité chrétienne.

     

     

  • Fin de l'Histoire ?

    C'est parce qu'il n'y a pas de morale ou d'éthique dans le christianisme que les chrétiens sont aussi attachés à l'histoire.

    Comment le chrétien comprend-il la civilisation ? Il la comprend comme l'ennemie de l'histoire, les pharisiens traquant le peuple hébreu dans le désert, puis les juifs et les Romains crucifiant Jésus sur la croix ; plus tard, Rome substituant sournoisement à l'Esprit la grâce et la providence, qui font étinceler les épées des soldats dans les batailles, leur donnent confiance, facilitent leur sacrifice sanglant... ce n'est qu'une fois réunis à la terre que ces braves, s'aperçoivent que leurs mères les ont fait cocus, comme Achille. Achille n'est pas brave, il est lâche, car la gloire est une forme d'imbécillité.

    La civilisation, comme une mer rouge, emporte des millions d'hommes. Et quand les chrétiens ou les juifs charnels prétendent "faire la civilisation", la terre dégorge parce qu'elle ne peut pas tout boire d'un seul coup.

    Dieu soustrait le peuple des Hébreux par Moïse au monde. Jésus-Christ parfait la mission en soustrayant l'individu à l'Eglise. N'ai-je pas raison ? Le goût de l'histoire ne vient-il pas toujours du dégoût de la morale et de l'éthique, de l'idée fixe du devoir ?

    (J'ai lu ton article sur A.J. Toynbee, Fodio ; quelles que soient ses intentions, bonnes ou mauvaises, il n'est pas aussi fort et pur que Shakespeare, qui ne trempe jamais, ne serait-ce qu'un doigt, dans le complot macabre de la civilisation : pour lui, pour nous, pour dieu.) 

  • Retour à l'Histoire

    Le mouvement communiste marxiste, qui est bien plus une résistance qu'un mouvement, est inachevé : il s'achèvera avec la destruction de la science bourgeoise.

    De sorte que Marx, loin de contribuer surtout au soulèvement des masses populaires, selon la légende dorée d'un Marx-Robin-des-Bois, aura permis à tel ou tel de s'accrocher au rocher de l'histoire, et de ne pas être emporté par les menstrues nauséabondes de la culture.

    Si Marx avait quelque chose à dire aux masses ou à la société, il jouerait du pipeau, puisque la meilleure façon de s'adresser aux imbéciles est de le faire en musique.