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lost away

  • Climat d'apocalypse

    Toute éruption volcanique ou tremblement de terre, surtout quand il a lieu au cours de la Semaine sainte non loin de Rome, la marraine des nations, ne peut que contribuer à entretenir le climat présent d'apocalypse.

    Ce ne sont pas les romans ou les films apocalyptiques qui manquent en effet en ce moment, liés au changement de climat ou au nouveau millénaire, apparemment. J'ai déjà dit ici à quel point les thèses de Maurice Dantec, lèche-cul capitaliste, me paraissent ineptes et fournir des arguments à ceux qui tentent de tourner le Nouveau Testament en dérision. Travesti le plus souvent en suppôt de Satan, Dantec doit d'ailleurs avoir pas mal de lecteurs au sein de chapelles satanistes à qui le développement de la sous-littérature dite "de science-fiction" doit beaucoup.

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    Dans le style "emberlificoteur" de Dantec, on peut citer aussi le feuilleton yanki 'Lost-away' ('Les Disparus', de J.J. Abrams & Damon Lindelof, produit par la chaîne ABC et diffusé en France par TF1), feuilleton qui relègue les prophètes et saint Jean auxquels il se réfère au rang du divertissement pour enfants gâtés.

    Vision d'ensemble de l'histoire ramassée en quelques pages, l'Apocalypse de saint Jean est extrêmement synthétique et donc parfois mystérieuse ; mais cela n'empêche pas l'Apocalypse d'être aussi d'une très grande cohérence dans ses rappels des prophéties de l'Ancien Testament et des phases de la vie de Jésus, contrairement à Maurice Dantec ou aux scénaristes de "Lost", qui font tout pour brouiller les cartes.

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    Mircéa Eliade relève bien le rôle des prophètes puis de saint Paul et saint Jean dans la formation de la pensée historique moderne. Mais son erreur, typiquement "laïque", tient à ce que Eliade oppose beaucoup trop radicalement l'histoire au mythe, alors même que certains mythes grecs possèdent un aspect historique marqué, notamment ceux d'Homère, que Shakespeare-Bacon après Dante Alighieri a incorporé à sa propre vision chrétienne apocalyptique, dans le style typique de la théologie néo-platonicienne dite "millénariste" par ses détracteurs.

    La Bible en général, et l'Apocalypse en particulier, concilient justement le mythe et l'histoire.

    D'où vient le préjugé laïc d'Eliade ? D'une conception chronologique de l'histoire, alors même que la caractéristique des grands historiens, Karl Marx en tête, est d'échapper à la chronologie, qu'elle soit linéaire ou cyclique. Marx fait d'ailleurs bien mieux qu'échapper à l'ordre chronologique ; en s'attaquant aux puissances temporelles, l'Etat et la religion laïque issue du christianisme, il parachève le style historique en participant lui-même de sa vision historique (G.W.F. Hegel, lui, si admiré, si "pompé", n'est même pas un historien !)

    Le 'cycle' simule en réalité lui aussi la chronologie, et ce sont bien au contraire les mythes primitifs les plus anciens qui sont les plus "moraux" et les plus "chronologiques" (Nitche a commis la même bévue qu'Eliade ; il faut souligner que le secret de la bévue de Nitche réside dans son ignorance ne serait-ce que de la trame de l'histoire). S'il convient de qualifier l'apocalypse de saint Jean de "mythe historique", précisons en outre que G.W.F. Hegel précède Hitler, Nitche ou Lévi-Strauss dans la mythomanie laïque d'inspiration génitale.

    Il y a une autre façon de le formuler : Plus on s'approche de l'art vrai, plus on s'approche de l'histoire et de l'apocalypse ; plus on s'éloigne de l'art, plus on s'approche en revanche de la sorcellerie. Il n'y a aucune modestie dans la révérence de la secte laïque vis-à-vis des civilisations primitives ; l'attraction est de l'ordre du magnétisme. L'hommage que Lévi-Strauss rend au tribalisme, c'est en réalité à lui-même qu'il le rend. C'est autre chose de dire qu'un sorcier vaudou est plus émouvant qu'un membre de l'Académie française. Il est certain que lorsque le tribalisme se donne à fond, il est plus émouvant, plus féminin. Les fétiches des Dogons sont plus émouvants que ceux de Jeff Koons, ça ne fait aucun doute. C'est bien parce que le tribalisme de Sarkozy et de Guaino est extrême que leur position de donneurs de leçon est intenable, outre le racket capitaliste dont le tiers-monde est victime.

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    On pourrait multiplier les exemples de sous-littérature apocalyptique, au rayon SF de la Fnac ou à l'affiche des cinémas. Peut-être la fortune accumulée par les Evangélistes yankis n'est-elle pas étrangère à ce tombereau de niaiseries cinématographiques qui dévaluent l'aspect historique de l'apocalypse ?

    Sur le ouaibe sont publiées des théories qui ont le mérite d'être plus originales que celles que la sous-culture officielle développe. En vrac quelques exemples de thèses assez "fouillées" par leurs auteurs :

    - La démonstration par l'héraldique que le Prince William d'Angleterre est l'envoyé de Satan (il est vrai que la mythologie bretonne, contre laquelle Bacon-Shakespeare se bat, a de nombreuses connotations sataniques, le mythe des Chevaliers de la Table Ronde et du graal en particulier) ; l'Angleterre après Shakespeare est devenue "latine" peu à peu, après avoir été touchée par l'"héllénisme", contrairement à l'Allemagne qui ne l'a jamais été ; la difficulté de la science laïque à "situer" François Bacon vient de là, de ce qu'il est un sommet et qu'après lui, avec J. Locke ou D. Hume, l'humanisme retourne à la caverne.

    - La démonstration par la guématrie que Benoît XVI, cette fois, obéit au Prince des Ténèbres (par un admirateur de Blaise Pascal, ce qui m'incite à prendre la démonstration avec des pincettes, comme tout ce qui touche à l'idiot archaïque de Clermont-Ferrand. M. Luther, moins superstitieux que B. Pascal, vit lui aussi dans la papauté une entreprise diabolique, et rien n'indique que Luther souhaiterait aujourd'hui être "réhabilité" par l'Eglise catholique.) ;

    - La démonstration que New York est la "nouvelle Babylone" sous prétexte que de nombreuses nationalités y sont réunies et que la communauté grecque y est importante (?) ;

    - La démonstration que Barak Obama est l'envoyé de l'Esprit-saint (Vu le nationalisme yanki de Barak Obama, et la condamnation sans appel des nations dans l'Apocalypse, cette théorie semble plutôt bancale ; l'alliance souhaitée par l'Allemagne et les Etats-Unis avec la Turquie a tout l'air d'une stratégie d'attaque contre les Russes.) ;

    - La démonstration que le soleil est entré dans une phase d'activité et de rayonnement plus intense, d'ordre apocalyptique, et qui doit atteindre son maximum autour de 2012 ; certains climatologues pensent de fait que, loin d'accélérer le réchauffement, la pollution atmosphérique le ralentirait plutôt ; difficile de trancher étant donné le brouillard médiatique autour de cette question ; aucun des camps, "pour" ou "contre", ne paraît d'ailleurs atteindre le minimum scientifique requis comme la superstition laïque dans l'"effet papillon" l'établit assez ; l'"effet papillon" n'est autre que la poésie des imbéciles laïcs ;

    Ces diverses théories "underground" peuvent paraître au moins aussi étranges que les méli-mélo et le vortex de Dantec ou le divertissement "Lost" ; le plus bizarre est à mes yeux le mutisme de l'Eglise catholique sur le sujet de l'apocalypse, quand ce n'est pas carrément la condamnation de la théologie "millénariste" qui a donné pourtant à l'Eglise, sans remonter jusqu'à Joachim de Flore ou Dante Alighieri, les plus dynamiques impulsions. Si la scolastique ne possède pas d'ailleurs toujours le même dynamisme, c'est surtout en raison du cléricalisme et du monachisme sévères qui règnent encore au XIIe et au XIIIe siècle.

    Que sont les confidences de parloir de sainte Thérèse de Lisieux ou l'hystérie étrange de Thérèse d'Avila, les pirouettes de Jean Guitton, à côté de la science de François Bacon alias Shakespeare ? Les invectives de Léon Bloy font-elles peur au clergé ? Simone Weil est-elle beaucoup trop indépendante pour des Eglises sous la coupe de potentats locaux ou internationaux pour qu'on veuille lui enfiler une camisole, comme Polonius à Hamlet ?