Marx et Engels démontrent, notamment dans leur pamphlet intitulé "La Sainte Famille", que le totalitarisme dérive d'une idéologie de la famille. C'est-à-dire que la sacralisation de l'Etat, ses institutions, ses lois, reprend en les développant les formules de la sacralisation de l'organisation familiale (même si d'un point de vue marxiste, bien sûr, les idées ne sont que des coquilles vides qui ne permettent pas de comprendre la logique tortueuse de l'Histoire). La famille n'est donc pas seulement l'organisation première constitutive de la société civile, sur le plan humain et économique, la "religion de l'Etat" est aussi un ersatz de la religion de la famille.
La doctrine de G.W.F. Hegel n'est pas moins médiévale ou romaine que celle de Kant en réalité, même si la "statique" de Hegel, prince des philosophes allemands, est dissimulée derrière un principe d'évolution quasiment algébrique ou fonctionnel. Montesquieu n'est d'ailleurs pas plus capable que Hegel, après avoir posé le principe abstrus de la "loi naturelle", d'expliquer clairement quel rapport les lois entretiennent avec la Nature. Le lien qui s'impose à l'esprit entre la loi et l'artifice n'est effacé par Montesquieu qu'à l'aide d'un décret.
L'analogie entre "l'homme providentiel" du droit laïc, "national-socialiste", et Moïse a déjà été remarquée par tel ou tel historien (A. Hitler lui-même comme certaines de ses notes en témoignent, avait remarqué les connotations religieuses du droit allemand) ; mais les lois de Montesquieu sont elles aussi comme "tombées du Ciel", et l'ésotérisme juridique de Montesquieu précède celui du Souabe Hegel, malgré la différence de style (et le fait que, dans le domaine artistique au moins, Montesquieu émet des idées moins lucifériennes que celles de Hegel.)
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On peut penser qu'en dehors de l'influence de Charles Fourier, ce sont les études grecques de Karl Marx qui l'ont amené à s'attaquer à une idéologie fondamentalement romaine de la famille. Trois idéologies se rencontrent ici : non seulement le droit romain, mais aussi la philosophie allemande par conséquent, sans oublier le droit patriarcal juif, pour donner naissance à la religion dite "judéo-chrétienne", devenue "laïque" sous l'effet d'un certain nombre de spéculations et de conflits d'intérêts. La mythomanie de l'"Europe latine" (cf. Rémi Brague) procède encore du même amalgame. Si la thèse de Rémi Brague n'a pas de consistance historique, en revanche elle en dit long sur notre temps, incapable de comprendre quoi que ce soit en dehors des principes qui le déterminent.
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Pas besoin par ailleurs d'avoir fait des études de théologie très poussées pour savoir que la théorie chrétienne du sacerdoce du prêtre est elle aussi bâtie contre l'institution matrimoniale ; non pas par puritanisme comme les journalistes disent parfois, mais parce que la famille, institution éminemment patrimoniale, se heurte à la vocation spirituelle de l'homme et aux nécessités de l'évangélisation. Les théologiens du sacerdoce n'ont pas pu ne pas remarquer que Jésus exige des apôtres qu'ils quittent tout sur le champ, y compris leur famille le cas échéant.
Le journaliste C. Terras (de "Golias") n'a pas tort de relever que le sacerdoce lui-même n'est pas exempt de raisons patrimoniales et qu'il a eu parfois pour effet d'empêcher l'éparpillement des biens du clergé ; mais cette remarque n'a pas de sens sans le corollaire que le mariage, lui, ne déborde pas (d'un point de vue chrétien) le cadre patrimonial (même si la généralisation du salariat a eu tendance à gommer, dans l'après-guerre 1939-45 surtout, cet aspect essentiellement patrimonial, dont seul le monde des affaires ou le monde rural conserve la compréhension).
L'aberration est donc la suivante : non pas d'inciter l'Eglise à abroger le sacerdoce pour une forme d'action plus moderne, mais de l'inciter à abandonner le principe du sacerdoce pour permettre aux prêtres... de se marier, c'est-à-dire d'endosser les conventions et les rites d'une institution particulièrement archaïque et païenne.
Cette invitation faite à l'Eglise de se moderniser dans le sens du paganisme (!) a d'ailleurs pour effet de montrer que l'idéologie du mariage n'a rien perdu de sa vivacité, bien au contraire, dans le régime laïc totalitaire. Le "mariage gay" est certainement d'un point de vue matérialiste la conception la plus spirituelle du mariage qu'on ait jamais inventé. Les démocrates-chrétiens puritains, disons "boutinistes", qui combattent le mariage homosexuel, éprouvent d'ailleurs beaucoup de difficultés à lutter contre une conception encore plus "fleur bleue" que la leur de la réalité sociale.