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matérialisme

  • Matérialisme chrétien

    La confusion du matérialisme et de l'athéisme fait partie du mensonge moderne (cf. notice débile wikipédia).

    - A contrario on peut affirmer que le matérialisme et l'athéisme vont très rarement de pair. Nitche, par exemple, est bien "matérialiste", mais il n'est pas "athée" au sens moderne du terme le plus courant, où la dimension sociale et religieuse a pris le dessus sur la notion de dieu (au sens large). Autrement dit, dans la conscience de l'athée moderne, le respect de l'Etat et de la loi s'est substitué à celui de dieu. Or Nitche n'entre pas dans cette catégorie-là.

    Afin de prouver que dieu n'existe pas, l'athée moderne (l'évolutionniste Richard Dawkins) n'a qu'à faire la démonstration de la capacité scientifique de l'homme. Si les chrétiens associent la polytechnique ou les arts libéraux à Lucifer ("Science sans conscience n'est que ruine de l'âme"), c'est parce que seul dieu procure la conscience scientifique nécessaire à la science véritable, qui se situe "par-delà bien et mal", non au sens naturel de la culture de vie satanique, mais au sens historique.  

    La démonstration de la toute-puissance scientifique de l'homme ne relève pas de la science matérialiste, qui privilégie l'expérience. Pas plus que le transformisme darwinien n'est une science matérialiste. La démonstration de la capacité scientifique autonome de l'homme fait en réalité une place plus large à l'hypothèse que n'importe quelle religion un tant soit peu étayée.

    Afin de prouver que le Christ Jésus n'est qu'un homme ordinaire, et les prophètes juifs des imposteurs, Nitche s'efforce de démontrer que seul le droit naturel et la philosophie naturelle, rejetés par les apôtres chrétiens, sont rationnels et scientifiques aux yeux de Nitche, pour qui la modernité est un nihilisme judéo-chrétien débile.

    L'évangéliste de Zarathoustra-Satan a été trahi par tous ses disciples ou presque, dans la mesure où sa misogynie et son matérialisme sont inconciliables avec l'éthique, l'art et la science modernes.

    - C'est donc une science spéculative et non matérialiste que l'on peut rattacher à l'athéisme moderne.

    - Dans un récent sermon, l'ex-évêque de Rome rend hommage à Karl Marx et sa dénonciation de l'argent comme un moyen d'aliénation... avant de se démarquer du "matérialisme" de Karl Marx, sans donner de raison.

    La première chose à dire de la foi chrétienne, c'est qu'elle rejette l'animisme païen, c'est-à-dire la croyance dans le prolongement de l'existence au-delà de la mort, sous la forme d'une âme. La résurrection du corps Et de l'âme, promise par les évangiles, interdit la spiritualisation de l'âme propre à certains cultes païens. Cette spiritualisation passe en effet par une dissociation idéaliste de l'âme et du corps, et le dénigrement corrélatif de ce dernier, également typique du pire intellectualisme.

    Le christianisme se montre donc le plus résistant à la ruse anthropologique élitiste qui consiste à exalter l'âme. Cette ruse est typique du pharisaïsme de J. Ratzinger et de la clique démocrate-chrétienne en général ; elle ne fait que renouveler la ruse platonicienne de Thomas d'Aquin. J. Ratzinger concède à Marx un jugement éclairé de l'aliénation capitaliste, tout en feignant d'ignorer que cette dénonciation de l'argent en tant qu'instrument d'aliénation entre les mains de quelques-uns est indissociable du matérialisme et du rejet de l'élitisme sournois des élites libérales.

    Ce rejet réflexe du matérialisme par l'institution ecclésiastique chrétienne n'a pas de fondement chrétien ; c'est la détermination psychologique qui est la plus antichrétienne et peut être rejetée au nom de l'évangile. Ce rejet réflexe du matérialisme s'explique par le fait qu'il est impossible de fonder une institution ecclésiastique sur une logique scientifique - d'autant moins que cette institution se réclame du Messie, dont les paraboles renversent la foi et la raison naturelles. L'Eglise romaine est la matrice des institutions occidentales les plus dangereuses pour l'humanité.

    Mais nul n'a produit une critique plus radicale de ce mouvement institutionnel et anthropologique que le tragédien chrétien Shakespeare, sur la base d'une science matérialiste clairement énoncée par Francis Bacon Verulam. Il est difficile pour le profane de comprendre que les tragédies de Shakespeare incluent et illustrent la montée en puissance de l'antéchrist au cours de l'histoire, ses diverses manifestations dont la principale est désignée comme la synagogue de Satan. Dans la stratégie d'éradication du christianisme et de son message évangélique, il n'est dévolu à Nitche qu'un rôle secondaire.

  • Univers fini ou infini ?

    (MAJ 24 oct.)

    Astrophysicienne réputée, Marguerite Hack est interrogée par la télévision (Euronews) : - L'univers est-il fini ou infini ? Soudaine irruption à l'écran d'une question scientifique dans un monde où tout est fait pour les éviter, en raison du tort que la science peut causer à la cohésion sociale, exactement pour la même raison que l'individualisme est dangereux pour les institutions.

    "Réputée" ne veut pas dire "savante". Les scientifiques qui ont programmé la ruine du capitalisme* en rêvant de veaux, de vaches, et de couvées futures comme Perrette, étaient tout aussi réputés et couverts de prix Nobel. L'internement psychiatrique de certains de ces savants étant présenté comme le signe le plus sûr de leur génie. Société immonde qui fait l'éloge de la folie, protège les fous/politiciens en cols blancs, tandis qu'elle condamne pour se blanchir quelques fous furieux par-ci par-là.

    Si la science républicaine est d'ailleurs aussi soucieuse de sa réputation et de son honneur, c'est pour la principale raison qu'elle est maculée de sang.

    Demandez autour de vous à tel ou tel, ayant foi dans l'une ou l'autre des thèses, monde fini ou pas, de justifier sa foi par quelques arguments et non la foi. Peu disposent d'arguments, bien que cela ait une grande importance dans la condition humaine, comme l'astrophysicienne M. Hack est amenée à l'admettre dans son plaidoyer en faveur d'un univers infini.

    + Ici je pense à la remarque de la reine Christine de Suède à René Descartes. La conception mécaniste ou mathématique que le géomètre batave promeut largement, à la suite de Copernic et Galilée, a des conséquences psychologiques importantes, insiste la reine, avec laquelle il correspond.

    A vrai dire, comment la conception psychologique ou religieuse de l'univers selon Galilée, pourrait ne pas avoir de répercussion sur le plan du conditionnement humain, ou de ce que la médecine moderne appelle "l'inconscient" ? Descartes acquiesce d'ailleurs, et se contente d'acquiescer, vu qu'il a tendance à fuir tous les problèmes qui ne relèvent pas du bricolage. Descartes, typiquement Français ? C'est une thèse (de bureaucrate) aussi grossière que de dire que la France est le pays de la musique, alors que le français est une des langues les moins mélodieuses du monde.

    + Mais prenons un exemple plus précis. Le poète et savant naturaliste Lucrèce (Ier s. av. J.-C.)**,  convaincu que l'homme n'a de place et de délai que fort courts à l'intérieur du cosmos divin, dont sont issus chaque force et chaque mouvement sur la terre, se prive de motif pour cultiver les rapports sociaux ou adhérer à une religion quelconque. Interdit social ou religieux, le suicide n'est plus dans la disposition d'esprit de Lucrèce qu'une question de douleur ou de plaisir.

    Le rapport n'est pas forcément évident dans mon exemple avec le caractère limité ou illimité de l'univers, bien qu'il permet de souligner encore la fonction religieuse de l'infini. Qu'est-ce qui peut inciter Lucrèce à continuer de vivre pour, en définitive, servir de fumier aux plantes et engrosser la terre de son cadavre, en dehors du sentiment religieux exacerbé et du morne sado-masochisme de F. Nitche ? Le champ ouvert du temps au maximum et dans toutes les dimensions, jusqu'au "voyage dans le temps", résulte bien d'une nécessité religieuse et vitale. L'exploitation répétitive de ce sophisme mathématique par les industriels du divertissement, cet aspect spectaculaire confirme l'aspiration religieuse vers l'infini, ainsi que le viol de la conscience perpétré par le cinéma, plus grave encore que la violence physique.

    + Le scepticisme, non pas tant "athée" qu'antisocial ou anticlérical de Lucrèce, est assez représentatif de l'animisme savant ; tandis que la foi dans la métempsycose a probablement un but militant ou militaire. Le point de vue vulgaire, celui de l'ignorant, est donc plus religieux, en même temps qu'il est plus athée que celui du maître. Ce décalage est très instructif des raisons pour lesquelles la modernité, qui trahit une aspiration religieuse d'une puissance inédite en Occident, se passe assez facilement de dieu(x). Les doctrines sociales, paysannes ou bourgeoises, remplissent un objectif thérapeutique bien plus efficace que la foi en dieu, dont on voit qu'elle laisse le savant Lucrèce à peu près seul face au destin et aux éléments terribles.

    On pourrait dire que le flou artistique, le meilleur synonyme de l'idée d'infini, est propice aux actions religieuses ou sociales. L'infini ouvre "le champ des possibles", c'est-à-dire sur le plan technique permet la multiplication des instruments et des moyens, avec ce corollaire sur le plan moral et politique d'ouvrir la porte aux crimes et aux délits, dans le sens autodestructeur propre au mouvement politique (l'histoire étant la science de "ce qui échappe au mouvement de combustion moral et politique"). Paradoxalement, le vague conceptuel et le mysticisme des mathématiques est ce qui permet d'aboutir à la production de détails millimétrés. Si la photographie est aussi prisée des peuples disciplinés, comme disent Baudelaire et Delacroix après en avoir reniflé l'odeur macabre de très près, c'est à cause du sentiment de perfection religieuse rassurant qui émane des systèmes d'information matriciels.

    +

    Il faut dire que, tant que l'espace n'avait pas été "rattaché" au temps par le décret abusif d'Einstein, beaucoup de conceptions spéculatives du cosmos ou de l'univers étaient bancales, indéfinies dans le temps, de par l'approche opératoire géométrique des mouvements des astres, mais conservant cependant une forme inspirée de la matière. C'est le cas de la conception de Copernic et Galilée. On pourrait dire des héritiers de la science copernicienne qu'ils ne savent pas sur quel pied danser, car l'évolution de la science copernicienne est dirigée contre elle-même depuis le XVIIe siècle, contre sa logique interne défaillante, dont elle ne cesse étape après étape de tenter de corriger le paradoxe, instinctivement mue par l'ignorance qu'elle pose le principe d'un cadre entièrement théorique au cosmos. Autrement dit, ce n'est pas le cosmos qu'on peut résoudre entièrement à une source d'énergie utile (anthropologique) pour l'homme, mais le propos d'Einstein qui traduit une conception entièrement énergétique, et donc réactionnaire de la science. Un indice certain du raisonnement réactionnaire d'Einstein, d'ailleurs typique du droit et de la géométrie, qui explique pourquoi les adversaires du totalitarisme insistent sur la signalétique juridique et mathématique de l'enfer totalitaire, est la contradiction entre les termes de la démonstration statistique de la relativité. Einstein part d'un système de géolocalisation que la conclusion de son théorème empêche de tracer. De même l'Etat totalitaire nazi ou hégélien nie la famille traditionnelle, afin de passer pour un progrès par rapport à celle-ci, alors même que la notion de "personnalité morale", essentielle à l'oppression morale ou politique, est un mode d'aliénation typiquement familial. Le seul "progrès" dont l'Etat républicain totalitaire, ses scribes et pharisiens, peuvent se vanter, est, jusque à un certains point, dans l'ordre de l'organisation, tout charnier beaucoup plus soigneusement dissimulé par les régimes totalitaires que les petites dictatures, mais aussi et surtout beaucoup plus soigneusement préparé et dissimulé.

    Comme le fait remarquer d'emblée le journaliste à cette physicienne, il semble difficile de répondre à une telle question sans définition préalable nette de l'infini, idée aussi ondoyante qu'un drapeau suivant les siècles et les savants ; infini qu'un esprit profane soupçonnera naturellement de n'être, comme le point ou le zéro, que le cadre le plus large offert à la spéculation, idée propice à être prise, comme le soulignent les savants matérialistes opposés, pour l'objet même de la spéculation, jusqu'à donner un art ou une science aussi tautologique qu'une existence vouée à l'industrie et au profit capitaliste. Le profane perçoit mieux que l'experte le rapport étroit entre l'infini et la notion de définition elle-même. Exactement comme l'archer requiert le flou autour de lui pour "mettre dans le mille", l'ingénieur a besoin de ce champ opaque pour fabriquer des objets "haute définition". La comparaison par Aristote du rêveur avec un archer, permet elle aussi de comprendre à quel point la technologie est pleine d'onirisme et vide de sens réel. Un gosse plongé dans la technologie et le cinéma dès le plus jeune âge fait bien de se mettre une croix autour du cou en signe de deuil. Il est, de fait, condamné à mort par le système.

    + A cette requête de bon sens - une définition précise de l'infini - l'astrophysicienne ne répond pas directement, mais par l'argument de la vitesse supposée de la lumière.

    Premier problème : la vitesse de lumière et l'infini sont comme tenon et mortaise ; ils se justifient l'un par l'autre. L'infinie vitesse de la lumière, pour Descartes, est une expression pour dire qu'elle va très très vite (foin de l'expérience et de l'expérimentation) ; puis il fournit un ordre de grandeur, ce qui revient à dire que l'infini est... fini. A quoi rime ce micmac ? Au fait que Descartes a mieux conscience que Pascal ou Einstein de la signification théorique de l'espace et du temps. La recherche d'une définition rigoureuse de l'infini ne peut qu'aboutir à la définition qu'il n'en existe pas. L'infini est comme le dictionnaire, le récipient de définitions plus précises : une cruche. L'idée de lumière fournit aussi un cadre élargi à des tas de réflexions ou de projets artistiques plus précis (aussi bien l'eucharistie des catholiques romains que les tableaux de Monet).

    Deuxième problème : la vitesse supposée de la lumière est telle qu'elle rend l'expérimentation concrète de cette vitesse impossible ; il faut passer par des expériences... théoriques, s'appuyant sur des données astronomiques qui n'ont elles-mêmes pas pu être vérifiées de façon expérimentale, et sont donc posées comme des dogmes.

    De plus la vitesse n'est estimable que d'une manière géométrique, celle-là même qui implique la notion vague d'infini... que la vitesse de la lumière est censée concrétiser. On n'est donc pas loin du tour de magie qui consiste, pour escamoter un lapin, à focaliser l'attention du public ailleurs.

    Enfin l'astrophysicienne concède un argument, d'ordre religieux ou psychologique ; à savoir que l'infini permet de reculer éternellement la cause première et le point final, ce qui n'est, avoue-t-elle au journaliste, pas une façon moins commode de penser que la manière formelle ou qualitative des savants matérialistes, pour qui l'univers n'est pas une oeuvre d'art, mais l'art lui-même ; l'éternité sous une forme concrète et  incorruptible, non un élastique ou un ressort, une âme dilatable à l'infini.

    Ici M. Hack découvre la raison qu'avaient les Egyptiens de proposer, bien avant Copernic ou Galilée, un modèle cosmique dynastique reposant sur le calcul géométrique. C'est un instrument de domination entre les mains du clergé. La raison est donc d'ordre moral et politique, "architecturale" si on préfère.

    L'anthropologie dérive en effet des besoins humains. De nature théocratique, elle ne pose dieu ou la nature que comme une hypothèse. Plus moderne et laïcisée, mais reprenant le même raisonnement, elle réduit aussi l'univers à une hypothèse de travail.

    Quand seul pharaon ou les grands du royaume pouvaient rêver de se tenir sur un pied d'égalité avec les éléments naturels, la religion de l'homme moderne lui permet de se tenir sur un pied d'égalité juridique avec la nature. La vision matérialiste formelle d'un cosmos inaltérable, en même temps qu'elle invalide l'idée de hasard ou de fatalité, met l'homme et ses plans dans la situation d'être seuls responsables de la mort, à cause d'un excès de confiance dans la vitalité et les phénomènes énergétiques, exactement comme elle occulte dans la conscience compartimentée du polytechnicien l'appui qu'il fournit à la fabrication d'engins de mort.

    La remise en question de la mort est en effet l'attitude la plus subversive contre l'autorité religieuse ou politique, qu'elle prive de tout crédit spirituel, comme Hamlet réduit à la course au néant la civilisation/citadelle d'Elseneur. Fatalité ou hasard n'apparaît plus, alors qu'il est un liant et un mobile social très puissant, que comme un outil de sidération des masses. L'au-delà religieux, comme l'en-deça psychologique ou génétique, si propice aux calculs moraux et politiques, est ramené à un point ou une vitamine, c'est-à-dire à rien. M. Hack a bien raison de dire qu'il est plus facile pour les nations et les hommes de jeter les dés de la fortune : c'est le confort intellectuel même. La société et l'existence doivent impérativement être présentés de façon énigmatique. Le gadget nazi et pornographique de la "quête identitaire" trahit ainsi cette exigence. Le mode de raisonnement dynastique ou informatique, c'est-à-dire l'analyse de la chaîne des causes et conséquences, dont la tendance à tourner autour du pot est raillée par l'argument de "l'oeuf et la poule", ce mode peut recevoir la triple qualification d'instinctif, de religieux et de confortable... tant qu'on ne lève pas les yeux au-dessus du guidon, de l'engin de guerre ou de la chaîne de montage. L'ordinateur pense-bête, et cette intelligence spéculative artificielle est encouragée par des criminels de guerre en puissance, le plus souvent abrités derrière un humanisme frelaté.

    *"programmé" au sens propre où les mathématiques financières, enseignées dans la plupart des écoles de propagande de la foi commerciale, sous couvert d'une meilleure garantie des transactions, ont contribué à l'automatisation et l'accélération de la circulation des titres.

    **les tentatives pour faire de Lucrèce un "poète athée" relèvent de la propagande grossière, afin de remplir le calendriers des saints athées. Que Lucrèce soit irréligieux n'a pas du tout la même signification, notamment scientifique. Idéologiquement, un athée comme M. Onfray, est beaucoup plus proche du pape Benoît XVI que de Lucrèce. Etre "athée" dans l'Antiquité, ce dont Homère est sans doute le plus éloigné, serait comme nier l'effet sur l'homme de la Nature. C'est aussi invraisemblable qu'un énarque qui, aujourd'hui, se moquerait des statistiques sur lesquelles son existence est basée. Tous les philosophes antiques, dès lors qu'ils s'affirment savants, sont donc assimilables à des théologiens/astrologues.

  • Bacon et la scolastique

    François Bacon (1561-1626), savant qu'on ne peut dire "anglais" tant le système impérialiste britannique qui s'est développé au XVIIe siècle s'en éloigne, est victime aujourd'hui de ce qu'il détestait le plus : le commentaire scolastique. Il s'applique désormais à ses propres ouvrages, dans lesquels il est permis de voir la quintessence de l'esprit européen, n'en déplaise à ceux (Hobbes, Descartes, Leibnitz, Hegel) qui ont pu voir dans la barbarie romaine un modèle de civilisation.

    Etudier Bacon permet d'ailleurs de constater à quel point la science laïque contemporaine est une mauvaise parodie de celle du moyen âge, le XVIIe siècle obscurantiste ayant largement contribué à ce mouvement rétrograde (Ainsi B. Pascal a près de deux mille ans de retard sur le plan scientifique et traite de problèmes de robinets ou de pipes déjà résolus par Euclide dans l'Antiquité ; Descartes, lui, invente les "trous noirs" en tentant de résoudre des problèmes posés par Aristote, dont le sens et le but lui échappent.)

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    On pourrait faire tout un florilège des opinions prêtées sans fondement par l'Université laïque à Bacon, sous prétexte d'attirer Bacon à sa cause. De toute évidence, la science laïque est encore plus compartimentée, segmentée, que ne l'était la science au moyen âge, et ses tabous plus nombreux. Or Bacon ne divise pas, il hiérarchise.

    On va même jusqu'à attribuer à Bacon (pas plus "anglican" que "catholique romain") sur le plan chrétien d'être "continuiste" - entendez continuité de l'Ancien Testament et du Nouveau -, ce qui est aussi grotesque que d'en faire le père ou le parrain de la franc-maçonnerie, puisque cette doctrine étrange du "continuisme" n'a jamais existé dans les Eglises chrétiennes, en dehors de Mgr Barbarin, plus soucieux de flatter que d'autre chose. Même saint Augustin, adversaire de Marcion, ne peut être accusé de "continuisme" et disserte même assez longuement sur l'ineptie qu'une telle doctrine continuiste constituerait.

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    Une erreur plus "sérieuse" et plus intéressante est celle qui consiste à opposer la science matérialiste d'Aristote à celle de Bacon. D'abord il convient de dire que la science d'Aristote est beaucoup plus "expérimentale" que celle des laborantins d'aujourd'hui, l'oeil collé au microscope et qui manient l'extrapolation à tout bout de champ. Un savant contemporain - Claude Allègre, par exemple - qui reprend à son compte cette fantaisie de la "théorie du battement de l'aile d'un papillon", n'a rien d'expérimental ; l'idée que les calculs statistiques participent de l'expérience scientifique est complètement étrangère à Bacon, pour ne pas dire à la science quand on constate le nombre de prétendus savants englués dans les statistiques. A quoi il faut ajouter les spéculations fumeuses issues de la physique quantique, dont les frères Bogdanoff signalent le caractère entièrement médiatique. Et ce n'est pas un hasard si la thèse de l'univers plat des Bogdanoff rappelle la théorie de la terre plate de quelque moine débile du moyen âge. Les récentes "avancées" de la physique quantique dans le domaine de la cryptographie auraient sûrement suscité le plus grand mépris de la part de Bacon qui utilisait les chiffres pour coder ses... missives.

    Ce que Bacon déteste, ce n'est pas tant Aristote, bien sûr, que ses commentateurs médiévaux qui en ont fait une sorte d'idole. Ceux-ci se concentrent d'ailleurs non pas tant sur la science physique ou naturelle d'Aristote que sur sa métaphysique et ses méthodes d'analyse. Comme Aristote, Bacon condamne le raisonnement rationnel, quantitatif, et relègue les mathématiques au rang inférieur de simple outil. S'il a pu être "méthodiste" sous l'influence de Platon, l'intérêt du Stagirite s'est tourné ensuite vers la forme physique et une doctrine artistique comme celle de Bacon.

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    Trois aphorismes tirés du "Novum Organum" de Bacon permettent de voir que le matérialisme de Bacon n'est pas ou peu divergent de celui d'Aristote :

    - (n°5) : "Mécaniciens, mathématiciens, médecins, alchimistes et magiciens se mêlent de pénétrer la nature (au niveau des oeuvres) ; mais tous (en l'état actuel) sans grand effort et pour un succès médiocre." : Bacon ne rejette pas complètement les mathématiques ni l'alchimie, mais il sait leur impuissance à pénétrer les formes de la Nature ; Aristote pour sa part méprise justement Pythagore et Thalès, leur secte de "scientologie" fondée sur les rapports algébriques. Un moine contemporain de Descartes emploie le mot juste pour qualifier Pythagore : c'est un législateur et non un savant naturaliste. S'il y a une "loi naturelle", ce qu'un chrétien ne peut pas croire (et Bacon est chrétien), cette loi est "pythagoricienne", fondée sur les "oeuvres", c'est-à-dire la génération et la corruption dont Aristote soupçonne le caractère d'artifice. Bacon, comme nul matérialiste avant ou après lui ne croit que la jurisprudence ou les mathématiques possèdent un caractère divin ou surnaturel.

    - (n°13) : "Le syllogisme n'est d'aucun emploi pour les principes des sciences et en vain l'applique-t-on aux axiomes moyens, puisqu'il est loin d'égaler la subtilité de la nature. C'est pourquoi il enchaîne l'assentiment, mais non les choses." : le combat de François Bacon contre le syllogisme rappelle non seulement celui de Roger Bacon d'Oxford (1220-1292), mais il est aussi proche de la volonté d'écarter les mathématiques du Stagirite (en dehors de la géométrie qui traite de l'aspect qualitatif et de la forme - Aristote connaît la différence contrairement à Descartes ou Fermat entre la perspective et la science des formes). Aristote souligne précisément dans sa physique la nature "syllogistique", si on peut dire, de l'algèbre, et qu'elle appartient au domaine de la démonstration/rhétorique (en décortiquant les fameuses démonstrations mathématiques de Zénon d'Elée). C'est à cet aspect de la science d'Aristote que Descartes s'est heurté sans le comprendre. Descartes a donc "aboli" une différence qu'Aristote et Bacon se sont évertués à souligner.

    - (n°14) : "Le syllogisme est composé de propositions, les propositions sont composées de mots ; les mots sont les tessères des notions. C'est pourquoi, si les notions elles-mêmes (qui sont la base de l'édifice) sont confuses et sont abstraites des choses de manière hasardeuse, on ne trouve rien de ferme dans ce qui est construit sur elles. C'est pourquoi il n'y a d'espoir que dans l'induction vraie." : cet aphorisme permet de comprendre la distance entre Bacon et le fameux "c.q.f.d" utilisé par les savants laïcs. L'induction de Bacon n'a rien d'ésotérique. Elle n'est ésotérique que pour un savant laïc qui ne conçoit que l'approche légale ou mathématique de la physique ; exemple fameux : la théorie d'Einstein, sophisme emberlificoté si on le compare à celui de Zénon d'Elée (et qui vise à démontrer le contraire). La leçon d'Aristote de l'inertie des mathématiques se trouve confirmée (involontairement) par Einstein, puisque avec le même outil réthorique, en jonglant avec des vecteurs, Zénon et Einstein aboutissent à deux "solutions" diamétralement (c'est le cas de le dire) opposées (le théorème de Zénon conservant quand même la supériorité dans le domaine de l'élégance, cher aux troudiseurs d'étronimes sottises en forme de noeud papillon).

    Difficile de ne relever au passage la parenté de cet aphorisme avec la dialectique de Karl Marx, qui constitue une véritable remise en cause de la grammaire. Marx a d'ailleurs mis en exergue que la pyramide du droit national-socialiste de G.W.F. Hegel est fondée sur le syllogisme (le fameux "sein-dasein", sorte de retour de la fonction courbe sur elle-même), de sorte qu'on peut quasiment dire que le progrès selon Hegel est trigonométrique/mécanique.

    On peut aussi ajouter qu'il n'y a pas de savant matérialiste sérieux qui ne récuse l'emploi du syllogisme, jusqu'à effondrer de pieuses cathédrales fondées sur l'anthropologie s'il le faut. De fait l'architecture -réelle ou spirituelle- doit beaucoup au syllogisme.

    Impossible par ailleurs de comprendre et expliquer Bacon sans tenir compte du fait que c'est un savant chrétien, vu que sa hiérarchie scientifique (antipolitique, quasiment) repose sur la foi de Bacon dans le Saint Esprit (que la théodicée celtique ou germanique a pour effet de réduire à la grâce, c'est-à-dire au néant). Si Bacon rejette la philosophie païenne en effet, pour se concentrer sur la science et les fables des Anciens, contrairement au moyen âge (Thomas d'Aquin), c'est qu'à ses yeux la philosophie païenne est une menace beaucoup plus grande pour la théologie que l'étude de la nature créée par Dieu. Le rejet ultérieur de Marx de la philosophie, s'il n'a pas un mobile chrétien comme le rejet de Bacon, a la même conséquence : purger la science de ses raisonnements anthropologiques.

    (La seule critique sérieuse de Bacon dirigée contre Aristote l'est contre la théorie du mouvement d'Aristote, mais il n'est pas certain que Bacon ait eu accès à une bonne traduction de la "Physique" en son siècle crucial.)