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Le choix des mots

L'idée de Besancenot d'un grand parti anticapitaliste part d'un bon sentiment. La propagande a de plus en plus de mal à dissimuler que la richesse matérielle de l'Occident et des Etats-Unis repose sur un déséquilibre économique à l'échelle mondiale. Pour l'instant, le reste du monde, le couteau sous la gorge, accepte ce "rackett"... mais demain ?

Même Chirac avait pigé ça ! Peut-être inspiré par ce que les Etats-Unis ont fait du Japon : un "no man's land".

 Mais ce qui manque visiblement à ce projet anticapitaliste, ce sont des idées marxistes. Che Guevara ne suffit pas. La dénomination même de parti "anticapitaliste" est trop lâche. Derrière l'économie, il y a des hommes ; c'est tout le subterfuge des libéraux et de leurs acolytes démocrates-chrétiens qui tiennent l'encensoir que de dissimuler cette réalité derrière la spéculation, les statistiques et le droit.

"Antilibéral" serait plus franc, voire "antilaïc", "antitotalitaire". Il est impossible de dissocier le libéralisme de la laïcité et du capitalisme. Ce serait mépriser la vérité historique. Et c'est précisément ce que nous reprochons aux libéraux de tous poils : d'être des menteurs.

Le libéralisme n'est pas une recette économique, c'est une superstition religieuse, et c'est en tant que telle qu'elle doit être combattue. C'est parce que le parti communiste est devenu un parti comme les autres, un parti de vieillards fétichistes, qu'il a crevé. A l'inverse Le Pen doit son succès dans les milieux ouvriers au fait qu'il a à plusieurs reprises su trouer le rideau de velours de la propagande libérale, faire tomber les masques.

Le choix des mots, simple pinaillage sans intérêt ? Pas si sûr. Besancenot ou qui que ce soit mènera le combat antilibéral avec sincérité, s'il veut éviter d'être manipulé par Sarkozy ou le PS, dont la ruse consiste à jouer les moins pauvres contre les plus pauvres en agitant la promesse d'une poignée de dollars en prime, devra commencer par piétiner la propagande et les fétiches laïcs. Le combat doit se faire au nom de la vérité et non du relativisme libéral.

C'est là que réside la principale différence entre Karl Marx et Hegel, Hegel le grand penseur du nazisme, le régime laïc le plus altruiste de l'histoire, le moins anarchique, mais qui, n'en déplaise à la bourgeoisie libérale, aux industriels démocrates-chrétiens, aux laïcards nostalgiques, ne reviendra pas. Le combat de Hegel est placé sous le signe du mythe et des fétiches. Celui de Marx est placé sous les auspices de la Vérité. Elle seule rend libre. Tout le reste n'est que tactique (Jauger Besancenot et son parti anticapitaliste ne prendra pas longtemps.)

 

Commentaires

  • Tiens, vous me faites penser à cette interviou de Cohn Bendit (ne me demandez pas le contexte, je ne m'en rappelle plus), où il disait être "anticapitaliste", et pas "antilibéral".

    Mais si le combat doit être mené sous les auspices de la vérité, il doit être mené sous les auspices de l'Eglise, pas sous les auspices de Marx.

  • Au scolastique que vous prétendez être, j'ai gardé une petite tranche de Maritain au chaud :

    "Hélas ! une philosophie ne doit pas être chrétienne, elle doit être vraie, et c'est alors seulement qu'elle est vraiment chrétienne. Elle ne doit pas être aimable, même à l'égard du coeur le meilleur et le plus pieux ; elle ne doit pas être faite à la mesure d'un sentiment, même du plus haut et du plus pur, même du "sentiment chrétien" ; elle doit être faite à la mesure de ce qui est ; nous sommes ici en présence des inflexibles et jalouses exigences de l'objet."

    Méditez ça un peu dans votre désert.
    Un augustinien, je reconnais qu'il est difficile de lui faire entendre raison, la Voix, mais un néo-scolastique qui ne reconnaîtrait pas dans Marx le "docteur héroïque", après le "docteur angélique", ne serait pas vraiment un néo-scolastique, mais plutôt un archiviste ou un collectionneur.

  • Vous en avez de la chance, dites donc, de connaître la vérité. Bon, j'y vais, j'ai deux articles d'auteurs réacs à lire, sinon, je serais incapable de réfléchir. Bien à vous.

  • Oh, quelle délicate attention ! Vous seriez parfait si vous pouviez me donner la référence exacte.

    C'est un beau paragraphe -très scolastique- à mettre en parallèle avec cette phrase de Dostoïevsky (que j'estime, à part ça, mais personne n'est parfait) dans laquelle il disait préférer le Christ à la Vérité. En fait on ne peut pas raisonner ainsi si l'on se dit catholique, car on ne peut pas séparer le Christ de la Vérité ("je suis la voie, etc..."), sans être un schizophrène. Mais à considérer que le Christ ne soit pas la Vérité, ou qu'il ne soit pas venu la prêcher aux hommes, un scolastique préfèrerait la Vérité au Christ. Prendre l'option contraire c'est faire un acte d'amour qui n'implique pas l'intelligence, c'est donc hautement suspect, car je crois qu'il n'y a rien de grand qui n'implique l'être tout entier. Bref cette vision dostoïevskienne me semble cadrer avec la pseudo-mystique de Pascal et de Thibon, un sentimentalisme chrétien qui n'a en fait de chrétien que le nom.

    Ce qu'il y a d'admirable chez Marx, c'est la critique du libéralisme, de cette société qui est devenue la nôtre, de bien des maux dont nous soufrons, sachant que l'auteur ne passe pas pour un sale rétrograde catholique. Je n'ai jamais dit qu'il fallait rejeter Marx, mais que ce qu'il dit de mieux est déjà dans la philosophie catholique. Le libéralisme c'est condamné par l'Eglise. Et puis voyez vous, la parole de Marx ce n'est pas celle de Dieu, et la philosophie de Marx pèche en mille endroits, si on l'observe depuis la colline scolastique. Tiens, c'est même pour cela qu'il a été condamné, lui aussi.

  • Bon, je constate que vous êtes plus raisonnable…
    La question intéressante, c'est en effet : qu'est-ce que Marx apporte à saint Thomas d'Aquin ? Et vous me permettrez de traduire cette question par : Qu'est-ce que Marx apporte à Aristote et Platon ?

    L'autre point décisif que vous soulevez, cette fois pour comprendre la psychologie de Marx, c'est la critique du libéralisme. L'anticléricalisme de Marx (comme celui de Bloy) se situe ici. Hélas il est faux de prétendre que l'Eglise a condamné le libéralisme.
    Il y a des antilibéraux "instinctifs" comme Baudelaire, Barbey ou Veuillot ; mais, pour prendre l'exemple de ce dernier, qui a joué un rôle de critique important au sein de l'Eglise, ce n'est pas un théologien, ni un scientifique : il n'a pas vraiment compris la nature profonde du libéralisme.
    Donc il y a eu des "antilibéraux" : Bloy, Maritain, Péguy, Waugh, mais au sein de l'Eglise ils étaient marginaux.
    Croyez-vous que ce soit un hasard si aujourd'hui ce dominicain, Philippe Verdin, conseiller de Sarkozy, et toute la clique démocrate-chrétienne derrière, font comme si Bloy, Péguy, n'avaient jamais existé ? Non, avec la révolution bourgeoise, je vous répète que c'est le jansénisme qui a triomphé. D'où la haine des Lumières au XIXe, constatée par Balzac.

    Marx a rendu hommage à Duns Scot en qui il a reconnu un aristotélicien de valeur, un condisciple. Si Marx est aussi anticlérical, c'est bien parce que l'esprit de Scot ou de Thomas d'Aquin ne souffle plus dans l'Eglise. Marx se comporte comme si l'Eglise catholique de son temps s'était mise en travers de la Vérité.
    Que la permanence de l'Eglise soit garantie jusqu'à la fin des temps et, par ailleurs, que la Vérité rende libre, ne signifie pas que l'Eglise soit propriétaire de la vérité.

    Ah, si, Marx loue quand même trois chrétiens contemporains : Balzac, Thomas Carlyle et Lamennais.

    (La citation est tirée de "Lettres", février 1922, d'un article intitulé "L'Esprit de Descartes".)

  • Dites vous bien qu'il est rare que je change d'avis, autrement dit, si vous me trouvez "plus raisonnable" qu'avant, c'est que vous n'avez pas vraiment compris ce que j'ai déjà dit ici et là. Il me semble avoir déjà écrit pas mal contre Pascal et Thibon ici même.

    C'est votre grand truc, ça, poser des questions de telle sorte que l'on ne puisse qu'être d'accord avec vous en y répondant. Par exemple, je n'apprécie pas cette façon de poser la question suivante : "qu'est-ce que Marx apporte à saint Thomas d'Aquin ?". La mienne est celle-ci : "Qu'est ce que saint Thomas d'Aquin apporte à Marx ?" ou plus explicite : "Comment sortir des erreurs du marxisme par la scolastique ?"
    C'est très réducteur, d'autre part de ne considérer saint Thomas (ou Scot) que comme un lecteur d'Aristote. Surtout parce que c'est tirer un trait sur le nerf du système scolastique qui est la théologie.

    Par l'Eglise a condamné le libéralisme, je voulais dire que les papes ont écrit contre ce cancer moderne. Evidemment, le libéralisme n'a pas cessé de croître dans la société, et l'Eglise elle-même a fini par devenir libérale, mystère d'iniquité. Vous dites vrai, hélas, que ces auteurs antilibéraux étaient marginaux. Ce sont les Mgr Dupanloup qui ont vaincu l'Univers. Et quant à dire que le jansénisme a triomphé, ce n'est pas moi qui vous contredirai.
    Par contre je ne pense pas que Louis Veuillot soit l'instinctif un peu idiot que vous dépeignez. L'illusion libérale, c'est évidemment facile mais il y avait autour de Veuillot des intelligences certaines, comme Donoso Cortès. Que voulez vous dire, quand vous affirmez qu'il n'a pas vraiment compris l'essence du libéralisme ?

    Votre troisième paragraphe prouve la défaillance de l'Eglise, pas le bien fondé du marxisme. De mon point de vue, l'Eglise en tournant le dos à la scolastique a tourné le dos à la vérité, donc c'est un retour aux bons principes qu'il faut pour rétablir l'ordre.
    L'Eglise n'est pas propriétaire de la vérité, dans le sens qu'il n'y a pas besoin d'être catholique pour savoir que Dieu existe, ou que l'homme soit mortel. Mais l'infaillibilité de l'Eglise est la garantie qu'elle livre par le magistère romain un système exempt d'erreurs.

    Qu'est ce que Marx trouve à admirer chez Lamennais ? Son traditionalisme imbécile ? ou son libéralisme final ?

    (Merci)

  • Si mon troisième paragraphe prouve la défaillance scolastique de l'Eglise, vous comprendrez pourquoi Marx, qui se situe du point de vue de la scolastique, méprise l'Eglise de son temps.
    Pour Marx le plus grand théologien de son temps - et notez ceci que Lénine a caché et qui est très important : Marx a réfuté cette théologie, le plus grand théologien c'est Feuerbach.
    Pour Marx l'Eglise n'est plus le véhicule de la vérité mais de la superstition : voilà comment il faut comprendre le rapport de Marx à l'Eglise à la lumière de la citation de Maritain.

    Plutôt que de parler de saint Thomas ou de Duns Scot, Roger Bacon, pour l'instant, parlons plutôt de Veuillot, de Pie IX et de vous.
    Je ne dis pas que Veuillot est bête, je dis que c'est un propagandiste et non un théologien.
    Il est assez facile de voir où se situe l'ambiguïté, l'erreur de Veuillot, et plus encore celle de Pie IX, que Benoît XVI prolonge d'ailleurs (bien qu'il vienne de rendre récemment un hommage aux Lumières françaises en contradiction avec sa lettre sur l'Espérance).
    Cette erreur est aussi la vôtre, et, je suis désolé de vous le dire, vous disqualifie en tant que thomiste : le libéralisme ne doit pas être condamné comme un modernisme, mais, comme Marx le fait et mérite ainsi le titre de "Docteur héroïque", comme un ARCHAISME.

    Pourquoi Pie IX et les antilibéraux réactionnaires ont-ils commis un tel contresens ? Tout simplement parce qu'ils sont incapables de penser eux-mêmes autrement qu'en libéraux. D'où vient l'idée que le l'archaïsme libéral est quelque chose de "moderne", contre l'évidence ? De la propagande libérale elle-même !

    Une propagande qui, je vous le signale, ne faiblit pas. Voyez par exemple l'épais volume d'Antoine Compagnon traitant de la modernité en littérature paru il y a quelques années : c'est un tissu d'idioties, pire encore que les fiches de lecture de Michel Onfray, un classement qui n'est fondé sur aucun critère sérieux dans le but de repeindre l'archaïsme, l'iconoclasme libéral aux couleurs de la modernité.
    Ici vous comprenez pourquoi Baudelaire est beaucoup plus chrétien que la plupart des clercs de son époque : lui, au moins, sait que le christianisme est inséparable de la modernité.

    Je ne nie pas que Thomas d'Aquin soit révolutionnaire. Nie qu'il se contente de recopier Aristote et Platon. Je dis que le marxisme est fondé à peu près sur les mêmes bases que le thomisme et que Marx "apporte" quelque chose au thomisme ou au scotisme, qu'il est lui aussi révolutionnaire, qu'il ne contente pas lui non plus de transposer Aristote.

  • Feuerbach comme Marx présente un système rationaliste. Ils refusent la science théologique, que Feuerbach appelle "arbitraire théologique", et condamnent par là leur philosophie à parler en théologienne. Et ce n'est pas paradoxal du point de vue scolastique, c'est même logique, puisque Dieu est et que son Eglise Le connaît.

    Veuillot n'est pas théologien, pour sûr. Il parle en philosophe contre une philosophie absurde et inique, où est le problème ?
    Moi expliqué à moi-même : d'où sortez vous que je tiens le libéralisme pour une modernité ? Rien de nouveau sous le soleil, pour moi. Et d'abord le libéralisme vient du rationalisme, archaïsme païen s'il en est. La modernité est un archaïsme on est bien d'accord.
    Vous seriez gentil de m'expliquer en quoi Pe IX et Veuillot considèrent le libéralisme comme moderne. Je n'ai rien lu de tel sous leur plume.

  • - Sauf que Marx et Engels sont les premiers à avoir démontré que Feuerbach n'était pas "scientifique". C'est en cela qu'ils sont scolastiques, précisément.
    Feuerbach c'est l'"arroseur arrosé", le ruisseau qui remonte à la source en croyant qu'il va se jeter dans l'océan. Il a d'ailleurs beaucoup plus séduit les libéraux jansénistes que les marxistes.

    - Veuillot, qu'il vaut mieux juger sur le plan des actes, sur le plan des idées est plutôt incohérent. Il est "instinctivement" antilibéral, tout en ayant lui-même des points de vue assez "libéraux". Il ne se serait peut-être pas fait autant d'illusions sur Napoléon III s'il avait été un antilibéral cohérent.

    Bien sûr je ne compare pas Veuillot à tous ces démocrates-chrétiens actuellement, prêts à vendre leur âme à Sarkozy en échange de quelque vague promesse de lendemains qui chantent et d'une majoration des allocations familiales.
    Croyez-vous que le dogme de l'infaillibilité soit très "scolastique" ? La vérité, c'est la vérité, et elle n'a pas besoin de décrets.
    Une des clefs historiques, c'est que le jansénisme a triomphé en France avec l'avènement du régime bourgeois. Le XIXe siècle est janséniste. Et, à moins d'efforts exceptionnels pour s'en dégager, tel Bloy, ce jansénisme a imprégné les mentalités.

  • @Lapinos : "C'est là que réside la principale différence entre Karl Marx et Hegel, Hegel le grand penseur du nazisme, le régime laïc le plus altruiste de l'histoire, le moins anarchique, mais qui, n'en déplaise à la bourgeoisie libérale, aux industriels démocrates-chrétiens, aux laïcards nostalgiques, ne reviendra pas."

    Le régime Nazi était le fruit d'une idéologie Bourgeoise et d'un antisémitisme tout aussi Bourgeois car racial, fondé sur des critères ou plutôt des canons tant abruptement idiots (en 1933 des revues tentaient de convaincre la populace teutonne qu'Hitler était blond aux yeux bleus :D), qu'il a totalement décrédibilisé l'antisémitisme politique (à la française en quelque sorte). La mue s'opère d'ailleurs aujourd'hui par le néo-libéralisme et le "laïcardisme" qui, sous les habits du progrès, réintroduisent la "sélection" sous des conditions aussi ineptes. Le mythe du corps a été tronqué pour le mythe de la position sociale et le Darwinisme total pour la doctrine du moindre-mal catalysée en "éthique".
    Entre la démocratie Grecque et le Völkisch, il n'y a qu'un petit pas.

  • L'eugénisme, toujours vivace derrière d'autres slogans, n'explique pas à mon sens l'antisémitisme nazi. La majeure partie de l'électorat allemand ne s'intéressait pas à la recherche génétique. De mon point de vue, l'explication de Bloy est bien meilleure : il a perçu très tôt dans la thèse de Drumont qu'entre le libéralisme et le judaïsme c'est un problème de concurrence. Beaucoup plus qu'aux thèses raciales, les Allemands étaient sensibles à la prospérité de certains juifs, notamment au cours de la crise, et Hitler s'est servi de cette jalousie comme catalyseur. Un peu comme les Yankis communient aujourd'hui dans la haine des barbus musulmans.

    Quant au culte du corps hygiénique, il n'a jamais été porté aussi haut que par le capitalisme aujourd'hui ; les nazis font seulement figure de précurseurs dans ce domaine.

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