L'essence de la laïcité, c'est donc la négation. Non pas la négation de Dieu, mais la négation de la religion. Les laïcs nient que toutes leurs fêtes, leurs dogmes, leurs saints, leurs martyrs, leur mythologie, leurs sacrements, les Droits de l'Homme virtuels, ces principes qu'ils partagent et font parfois partager par la force, ils nient que tout cela constitue une religion.
Lorsqu'il insulte l'islam à la Une du Figaro, avec le soutien du ministère de l'Intérieur et de toute la presse laïque et libérale, Robert Redeker ne s'exprime pas au nom de la religion laïque qui est pourtant la sienne, mais au nom de la "neutralité", de l'"indépendance", voire de la "liberté de penser". Et tous les pasteurs de la religion laïque de même, les BHL, Finkielkraut, Fourest, Régis Debray, Max Gallo : tous prétendent qu'ils se situent "au-dessus" de la mêlée religieuse. On ne peut pas le dater avec précision, mais il y a un moment où on a basculé dans le "Meilleur des Mondes", c'est une certitude. Cette absurdité qui n'est encore qu'une anticipation chez Alphonse Allais, Jarry ou Aldous Huxley, ça y est, on y est, en plein dedans.
Le fanatisme laïc est d'une violence extrême précisément en raison de cette négation.
*
Personnellement je me considère comme une victime, un rescapé du fanatisme laïc. Depuis mon plus jeune âge, à chaque fois que j'ai souhaité progresser sur le chemin de l'art, de la science ou de l'histoire, j'ai buté sur le fanatisme laïc, pétri de syllogismes et d'algèbre, les deux armes favorites du totalitarisme. Et je suis d'ailleurs tombé plusieurs fois dans les chausse-trappes de la rhétorique laïque.
*
Je ne peux pas évoquer la laïcité et le totalitarisme sans évoquer la pensée démocrate-chrétienne. Car si elle est désormais à la remorque de la pensée laïque et se contente d'en transposer les principes dans le microcosme chrétien, la pensée démocrate-chrétienne a beaucoup contribué à forger la religion laïque. S'il fallait citer cinq des plus grands docteurs de l'Eglise laïque, on ne pourrait manquer d'inclure Kant, Feuerbach et Hegel, du plus aveugle au moins aveugle.
Si j'aime bien prendre le cardinal Barbarin comme exemple de pasteur démocrate-chrétien, incarnant le mélange étrange entre la religion laïque et la religion chrétienne, même si Mgr Lustiger n'était pas mal dans le même genre, c'est bien sûr à cause de son patronyme. "Barbarin" rend l'idée d'une barbarie, mais discrète, comme raffinée : on ne peut mieux dire que le "barbarinisme démocrate-chrétien".
Logiquement au coeur de l'idéologie de Mgr Barbarin, il y a aussi une négation. "Rendez à Dieu ce qui est à Dieu..." : ce fameux passage de l'Evangile de Matthieu où Jésus, confronté aux Pharisiens qui veulent le piéger, le compromettre avec les autorités romaines ou avec le nationalisme juif, ce fameux passage dans lequel Jésus interdit de rendre un culte à César, c'est précisément sur ce passage que les démocrates-chrétiens fondent leurs principes laïcs !
Il est intéressant de voir comment ils s'y prennent pour subvertir l'Evangile. La doctrine catholique authentique interprète ce passage comme l'établissement d'une hiérarchie. Le Royaume de Dieu prime sur le Royaume des hommes ; la confusion des deux, qu'on pourrait qualifier de "théocratie", est exclue. A cet ordre les démocrates-chrétiens substituent un parallélisme. C'est le raisonnement algébrique des deux sphères, la sphère laïque et la sphère privée, l'une à côté de l'autre. Premier dérapage volontaire. Le second consiste ensuite, comme fait un jongleur, a faire passer la sphère publique au-dessus de la sphère privée.
L'Evangile devient, au terme du tour de magie : "Il faut payer l'impôt à César !" Invraisemblable, n'est-il pas ? Une telle interprétation est impossible, autant que son contraire "Il ne faut pas payer l'impôt à César !", car dans l'un ou l'autre cas cela signifierait que Jésus est tombé dans le piège des Pharisiens.
Les démocrates-chrétiens fondent la démocratie, c'est-à-dire la théocratie, sur le passage de l'Evangile qui l'interdit. Difficile de faire plus bifide, plus "pharisien".
Une dernière observation importante : la démocratie-chrétienne, qui se présente souvent comme un "retour à la lettre des Evangiles", commence par en bafouer l'esprit pour, au bout du compte, en modifier la lettre avec un sang-froid qui a de quoi glacer les âmes encore vivantes.
C'est à saint Marx et presque à lui seul que je dois d'avoir échappé à l'hérésie démocrate-chrétienne et laïque. Aussi ne puis-je m'empêcher de l'en remercier aussi souvent que je le peux.
Commentaires
"saint Marx"
Carrément! On le disait souvent nous, mais c'était pour se foutre de votre gueule...
J'espère pas les maîtres avec lesquels je peux pas causer. C'est quoi, cette manie de prendre des maîtres mort il y a deux siècles?
tes commentaires sur mon blog me semblent un peu à côté de la plaque, je sais pas, j'ai l'impression que c'est impossible d'y répondre. on vit pas dans le même monde "my Darling".
tout mon respect cependant
xxx
D'un disciple de Thalès, Spendius, cette remarque sur mes VIEUX maîtres tombe un peu à l'eau. Néanmoins j'aime mieux que vous citiez Thalès ou Nitche, aussi refroidis soient-ils par toute l'eau minérale qui a coulé sous les ponts depuis, plutôt que des pantins post-modernes, plagiaires éhontés pour la plupart.
J'ai réagi sur ton blogue, I., parce que combattre le libéralisme avec les raisonnements du libéralisme me paraît assez naïf. Pourtant tu n'es pas spécialement naïve ?
Est-ce que les féministes ne transforment pas elles aussi l'érotisme en rapport de forces ?
Tiens, à part ça j'ai noté que Céline porte le même jugement que toi sur Balzac : Balzac n'a pas de style. De là à penser que tu partages aussi le jansénisme et l'hygiénisme de Céline...
Le libéralisme est un pharisaisme, CQFD.
Ceci dit je ne vous comprends pas. La théologie classique en interprétant correctement ce passage de l'Evangile a tordu le coup au libéralisme, pourtant c'est Saint Marx que vous invoquez !
(Si vous avez croisé Marx avant la théologie catholique, n'omettez pas de le remercier, effectivement, mais ce qu'il a dit de mieux est dans la scolastique)
J'ai accepté que vous me colliez l'étiquette de disciple de Thalès, cela ne veut pas dire que j'en suis un.
J'entends par maître quelqu'un qui forge la pensée, et j'ai du mal à être "forgé" par des types morts.
Vous par exemple, vous êtes un maître pour moi, car même si je peux pas encaisser une partie de ce que vous dites, à force de vous lire, je regarde le monde sous un prisme lapinien.
Non, c'est le contraire - selon les principes de mon féminisme de quatrième génération à moi, je transforme le rapport de force en érotisme.
BDSM, baby.
(Mais "les féministes" ça veut rien dire. Je pense que tu parles beaucoup sans savoir, sur ces sujets-là.)
Quant à l'hygiénisme et au jansénisme je crois qu'on peut pas tomber plus loin de ce que je suis. Tu crois vraiment à ce que tu dis mon lapin ?
Ah oui, je crois sincèrement qu'une actrice porno peut être une sainte Nitouche, ma douce.
C'est vrai que je cause pas mal des féministes ou des anarchistes sans trop les connaître… Mais mets-toi à ma place ! Les anars, par exemple, leur principale cible, c'est Le Pen, c'est-à-dire justement le type que les bourgeois peuvent pas encadrer ! Tu vois pas une logique là-dedans ? Moi, si. Comme "anars" je préfère Céline ou Brassens, et comme féministe je préfère Colette. Pas "morts" comme dit Spendius, mais plus vivants que bien des zombis.
Bien que les propos d'Ovidie, l'actrice porno, sont tout de même assez sensés si on les compare à la propagande du ministère de la Santé. Mais j'ai l'impression qu'elle est plutôt mal vue des féministes, cette gonzesse.
De mon point de vue c'est le discours du ghetto que tu tiens, I., c'est-à-dire le discours yanki. Peut-être à ton corps défendant, mais quand même.
Transformer le rapport de force en érotisme ? Mais c'est exactement la sexualité libérale-janséniste, ça ! Robbe-Grillet, les gadgets japonais, Sade, c'est difficile de faire plus bourgeois. Je sais pas si tu connais l'égérie de Robbe-Grillet, féministe sado-maso en vogue dans les médias, une sorte de Mamie Nova du sexe. Je ne pense pas que ça soit ça que tu souhaites ? C'est la mort du sexe, tout est dans le rituel. Aussi sûr que Proust est le masque mortuaire de l'art.
Le libéralisme transforme tout en rapports de force, même l'érotisme ! A tel point que tu n'envisages pas, toi, militante féministe, que le sexe puisse être autre chose qu'un rapport de force.
Je te renvoie encore à Céline (ou à Baudelaire), jansénistes contrariés. A la fois Céline rejette son éducation janséniste et en même temps il ne parvient pas à s'en défaire complètement. Et les nazis sont aussi des capitalistes qui n'aiment pas le capitalisme, des puritains qui n'aiment pas le puritanisme, comme ce crétin de Nitche.
Il est évident, la Voix, que sans la scolastique Hegel est inconcevable, et Marx plus encore (l'hommage discret qu'il a rendu à Duns Scot ne doit rien au hasard). Il n'empêche qu'au milieu de tous ces libéraux, de tous ces jansénistes, Marx est le seul "classique", le seul scolastique.
La preuve ? La preuve c'est que les réactionnaires antilibéraux, de Burke à Joseph de Maistre en passant par Veuillot reprennent peu ou prou le raisonnement libéral. Marx pas du tout : il a parfaitement saisi que le libéralisme, c'est la haine de la science et du progrès, et s'il l'a compris, c'est parce qu'il est "scolastique". Bloy n'est pas très loin, mais il reste un peu imprégné de romantisme.
La question est de savoir si Marx se contente de restaurer la pensée moderne de saint Thomas ou de Duns Scot dans un siècle gagné par la superstitions et le fétichisme, ou s'il apporte une plus-value. Et quelle plus-value. A mon sens il ne fait pas de doute que Marx apporte une plus-value à la scolastique.
Refrain connu, et la suite aussi, je la connais : la scolastique c'est vieux et pourri, Marx c'est formidable, Marx c'est la scolastique moderne, lisez Marx et posez saint Thomas !
Sérieusement, pour un marxiste qui se définit toujours par opposition, il est facile d'arriver à supposer qu'un ennemi commun peut unir, ou mieux être un gage de similitudes. Mais bon, là est la différence d'avec la scolastique précisément, qui expose et défend seule.
Hegel est inconcevable sans Kant, sans l'idéalisme allemand et sans l'impiété romantique. Il suffit de voir comment les différentes écoles qui se sont créés à sa suite ont méprisé la scolastique, l'ignoraient (Feuerbach par exemple, c'est un ignorant profond, il n'a que son intelligence pour lui)pour ne pas faire d'Hegel un élève de saint Thomas.
Que Veuillot et Maistre reprennent le discours libéral, vous l'aviez déjà dit, il vous reste à l'expliciter plus en détail.
- Tout au contraire, la valeur de Hegel tient à ce qu'il s'extrait de l'idéalisme allemand sous l'influence des Lumières. Que des crétins comme Kierkegaard ou Heidegger aient repoussé Hegel dans l'obscurité, c'est un problème dont Hegel n'est pas responsable.
- Il est vrai de dire en revanche que la contradiction de Hegel vient de son kantisme. Le mythe hégélien, qui vient parachever la science de Hegel, est très nettement inspiré des raisonnements algébriques de Kant. Hegel est une forteresse dont la toiture s'est effondrée sous la tempête de Marx.
Mais cette contradiction qu'il y a chez Hegel, niée seulement par quelques mythomanes laïcs, on la retrouve chez Thomas d'Aquin lui-même qui veut unir des pôles qui se repoussent, qui se sert de Platon pour combler la faille, comme Hegel s'est servi de Kant.
- Il n'y a pas véritablement de discours philosophique chez Veuillot. Sa contradiction est visible dans le fait qu'il a soutenu le régime libéral de Napoléon III avant de comprendre ses mobiles profonds. Sa réaction face au bourgeois Ozanam et à son christianisme de "jeune homme riche" est une réaction instinctive. Comme le chrétien qui aujourd'hui sentirait que le christianisme de Sarkozy pue l'arnaque à plein nez.
En ce qui concerne le réactionnaire Joseph de Maistre, sous l'apparence de contredire la révolution française, il confirme sa propagande. Le régime bourgeois s'est habilement approprié Voltaire et Rousseau, les Lumières, qui n'ont pas grand-chose à voir en réalité avec le libéralisme, contrairement à ce que les libéraux ET J. de Maistre font croire. Je vous répète que les idées jansénistes ont triomphé avec la révolution bourgeoise de 1789. C'est his-to-rique. Hostile à l'augustinisme comme au scepticisme ou à la grâce miraculeuse, le parti philosophique de Voltaire entend renouveler le parti jésuite, le redynamiser. Le parti philosophique a certes triomphé du parti des jésuites, mais son triomphe a été de courte durée. Si Voltaire a un tort, il n'a rien à voir avec ce que raconte Joseph de Maistre. La "faute de Voltaire", c'est que la lutte entre les philosophes et les jésuites a permis au parti janséniste de renaître.
Tu délires mon Lapin.
T'es tellement à côté de la plaque que je sais pas par où commencer pour te répondre, tellement y a de notions préliminaires qui te manquent.
Evidemment qu'une actrice porno peut être une sainte-nitouche.
C'est pas parce que je suis actrice porno que je suis pas hygiéniste et janséniste, mais il n'empêche que je ne le suis pas.
"les féministes" ça veut rien dire. Les féministes anti-porno aiment pas Ovidie. Moi je l'aime bien. J'aime bien Coralie Trinh Thi, aussi.
Discours yanki ouais surement, et même pas à mon corps défendant. J'aime la culture américaine, j'aime la littérature la musique le cinéma la philosophie américaine, je chante Star Spangled Banner à tue-tête dans ma salle de bain, je pleure en écoutant les discours d'Obama, et je parle anglais dans mon sommeil.
Le rapport de force, Lapinou, que tu le veuilles ou non, il est là. L'érotiser c'est se faire du bien avec ce qui nous fait du mal. Le sexe c'est un exutoire. Les rapports de force qui te font souffrir dans la journée, dans le sexe tu les choisis et t'en fais des énergies positives. C'est ça le BDSM. Je t'emmerde Lapin. Si tu crois que tes rapports sexuels sont dénués de rapports de force tu te trompes.
"Le libéralisme transforme tout en rapports de force, même l'érotisme ! A tel point que tu n'envisages pas, toi, militante féministe, que le sexe puisse être autre chose qu'un rapport de force."
Je dis pas que ça peut pas être autre chose. C'est plein d'autres choses. C'est aussi playful et bon enfant, souvent. Et même dans le BDSM c'est toujours qu'un jeu, les rapports de force ils sont juste mis en scène et joués pour les dédramatiser, pour les rendre moins pesants et plus choisis. ça m'arrive aussi d'avoir des rapports sexuels sans rapport de force, ou sans que le rapport de force soit utilisé à des fins érotiques. Mais c'est pas une question d'"envisager". J'envisage qu'on puisse très bien ne pas faire ça comme ça; mais c'est comme ça que ça m'excite le plus.
bonne journée mon lapin.
xxx
Bon, je ne suis pas doué pour les préliminaires, c'est un fait.
Des deux actrices porno que tu cites, Coralie ou Ovidie, je ne sais plus laquelle, il y en a une qui a assez bien pigé le truc du sexe libéral bourgeois (ou yanki). Elle parle de "codes bourgeois", quelque chose comme ça. La suite, c'est moi qui l'ajoute : ces codes bourgeois, on peut tous les ramener à des codes sado-masochistes.
Le sexe libéral = le sexe sado-masochiste.
Quand tu me dis qu'on ne peut pas faire autrement, t'as raison. Le contexte l'interdit.
Ta réponse, c'est la même que celle du crétin Guy Sorman qui, lorsqu'on attaque l'économie capitaliste répond invariablement : "Vous proposez quoi à la place ?", avec le large sourire du mec qui croit avoir découvert la lune alors qu'il est incapable de voir plus loin que le bout de son zob.
Aussi inéluctablement que l'économie libérale a mené et mènera à la guerre, le sexe libéral conduit au conflit. Un communiste comme moi ne peut pas s'en satisfaire.
Quant à Obama, onze de ses sponsors sont les mêmes que ceux d'Hillary. Je ne suis pas assez raciste pour croire que la couleur de la peau suffit à rendre les hommes meilleurs, chérie.
L'économie yankie exige que les Etats-Unis fassent la guerre l'Iran, et, d'une façon ou d'une autre, s'il est élu Obama devra renvoyer l'ascenseur à ses "mécènes".
Est-ce que tu ne tiens pas plus au discours féministe qu'au féminisme lui-même, I., c'est la question que je me pose. Bien que je sois plutôt convaincu de ta sincérité, comme de celle des réacs lepénistes qui, à l'opposé, combattent les idées libérales en reprenant... des raisonnements puritains jansénistes.
Vous ne répondez pas à ce que je vous dis, vous serinez votre pensée toute faite.
Marrant vos tortures mentales. Hegel s'extrait de l'idéalisme allemand sous influence des Lumières. Et Kant, il fait pas partie des Lumières ?
Hegel, c'est Le libéral. Ça le classe donc au rang de Rousseau, l'intelligence en plus.
Vous lui faites dire ce que vous voulez, à l'histoire. Bientôt la Révolution française et sa continuité bourgeoise ne sera pas œuvre des Lumières !
Avec vous c'est simple. Voltaire qui détestait les jésuites, voulait en fait redynamiser leur pensée et l'anticléricalisme de Marx est en fait un désir scolastique. Mais bien sûr, messieurs dames, ne croyez pas la propagande libérale bourgeoise qui dit le contraire !
On aurait pu tomber d'accord sur votre deuxième paragraphe qui commençait bien, mais comparer Hegel à saint Thomas, c'est absurde si cela va plus loin que l'analogie. Il est faux de dire que saint Thomas bouche les trous avec Platon, comme il faut de dire que Hegel ne se base pas sur Kant.
Une question : Pourquoi jugez-vous le style du Syllabus alambiqué ?
"La critique de la raison pure" est effectivement l'attaque d'un impuissant contre les Lumières, et, partant, contre la scolastique dont découlent ces Lumières.
Dans cette logique Marx s'en est violemment pris à Kant et à l'idéalisme allemand et a défendu les Lumières françaises et britanniques.
Païen et moderniste : ce sont exactement les mêmes angles d'attaque contre Thomas d'Aquin ET contre Voltaire. Marx ne peut que constater le gouffre qu'il y a entre la théologie de Duns Scot et celle dont il est le contemporain. Le seul chrétien intelligent à ses yeux, c'est Balzac.
Je réaffirme que ce que Voltaire reproche aux jésuites c'est d'avoir perdu leur esprit scientifique. Avec son parti philosophique, il entend prendre la relève. Les jansénistes sont alors "hors jeu" : temps bénis !
(Le seul représentant des Lumières dont on peut faire un libéral, c'est Diderot. Mais Voltaire ne prend pas la philosophie de Diderot très au sérieux. Diderot lui-même… lorsqu'on lui démontre la naïveté de ses principes économiques libéraux, n'insiste pas.)
Vous vivez dans le mythe laïc d'un Voltaire libéral, La Voix. Voltaire est beaucoup trop subtil pour être libéral, d'abord. Et beaucoup trop chrétien pour enfermer Dieu comme Kant dans la sphère privée. La propagande bourgeoise procède de la façon suivante : elle assimile Voltaire à Candide, contre Pangloss, alors qu'en réalité Voltaire se dédouble en Candide et Pangloss. Ultérieurement, Voltaire a d'ailleurs produit un éloge de Leibnitz et remballé son scepticisme.
A propos de Thomas d'Aquin et Hegel, ils ont tous les deux tenté une synthèse improbable, l'un d'Aristote et Platon (Aristote méprisait Socrate), l'autre de Kant et des Lumières, parvenues jusqu'en Allemagne grâce à Goethe et Schiller. D'où la contradiction dans le système de Hegel et dans celui de Thomas d'Aquin. Comme on peut trouver des fanatiques de Hegel qui soutiennent qu'il n'y a pas de contradiction chez Hegel (ils ont obligés d'anéantir la logique pour ça), il y a des fanatiques de Thomas d'Aquin qui soutiennent aussi qu'il n'y a pas de contradiction chez Thomas d'Aquin.
Je vous assure que Thomas d'Aquin comme Duns Scot ou Voltaire, Leibnitz, Hegel et Marx, ils sont tous très éloignés du jansénisme de Thibon ou de Pascal, appuyés sur leurs garde-fous pour ne pas choir dans le néant ou l'infini, peu importe le nom que donnent à leurs marottes ces philosophes extrapolaires.