(Emprunt au fanzine "Au trou !?")
Marx dérange tous ceux qui préfèrent continuer de vivre dans leurs rêves ; il menace de les réveiller. Dès lors qu'une élite communique au peuple le goût du rêve, elle accentue son emprise sur lui, et l'entraîne sur la voie de l'avilissement. Dorénavant, la publicité joue un rôle décisif dans le maintien de l'ordre.
Le néo-païen Carl Jung veut s'attaquer à l'inconscient, au-delà des besoins du diagnostic médical. Sous l'influence de la logique chrétienne jusqu'à ce point, il conçoit que le bonheur n'est pas une fin en soi ; et le bonheur n'est d'ailleurs qu'un état hasardeux ou temporaire. De fait Marx traduit l'épicurisme, concentré sur le bonheur, comme l'absence de pensée, et le signe de la décadence grecque. L'aspiration de l'homme à la pleine conscience s'observe, dit Jung, au fait que même lorsque l'homme accomplit des actes manifestement inconscients, qui lui sont dictés par une volonté extérieure à la sienne, familiales ou sociales, par exemple, il rechigne à l'admettre et se déclare libre, confondant la volonté avec la liberté. Sans doute les femmes consultent-elles plus volontiers des psychothérapeutes ou des confesseurs que les hommes, parce qu'elles estiment que le ressort de l'action se situe dans l'âme, tandis que les hommes ont plus confiance dans leur corps. Mais on ne peut séparer le corps de l'âme, et l'âme du corps, et les religions animistes qui postulent que l'âme survit au corps ne font que la théorie d'une volonté sublime ou spirituelle. On comprend qu'un tel système de pensée soit fait pour exciter le sens du devoir.
En réalité la volonté ne mène à rien, et se laisse guider par l'absurdité, ou à peu près n'importe quel type de récompense bas de gamme.
Jung cherche donc à savoir ce qui fait obstacle à la pleine conscience et pourquoi le patient, une fois "dénoué", et le poids d'un déterminisme beaucoup trop pesant pour son âme ou ses épaules ôté, ne poursuit pas sa quête vers la pleine conscience, mais s'arrête au bonheur ou à un équilibre somme toute précaire ? Il faut dire à ce point ce que Jung ne dit pas, à savoir que le déterminisme ou le devoir de l'élite est d'une nature particulière, puisqu'il consiste à indiquer au peuple le sens ésotérique du devoir, ou celui de l'ordre social. Jung ignore ou feint de ne pas voir à quel point l'ordre social se nourrit du rêve et de l'inconscient, et que moins les limites d'une société sont circonscrites, plus elle pèse son poids de corps et d'âmes, plus celle-ci s'oblige à ressembler toujours plus à un gigantesque hôpital psychiatrique. La nécessité finit par faire loi, et la nécessité est la loi de la jungle. Tandis que Marx a vu l'irresponsabilité des élites, à traiter l'homme comme un chien avide de récompenses.