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Lettre à Flora

J'ai recopié ci-dessous (éd. Gallimard-Pléiade) une leçon de théologie d'un certain Ptolémée, adressée à sa "soeur" Flora (au sens chrétien du terme) et rédigée dans la première moitié du IIe siècle.

Ptolémée fournit à Flora des explications sur la Loi de Moïse, compte tenu du bouleversement dans la compréhension des écritures saintes dû à l'avènement de Jésus-Christ.

- Deux petites remarques sur cette édition (2016) ; d'abord son titre générique "Premiers écrits chrétiens" n'est pas exact, car le volume englobe quelques écrits païens et juifs antichrétiens.

- Secundo, le qualificatif de "gnostique" appliqué par l'auteur de la note à ce Ptolémée est récusable, puisque l'adjectif "gnostique" n'a plus ou n'a pas de signification précise. Son usage polémique par l'Eglise romaine a fait que la signification de "fausse science" du terme "gnose" est devenu son sens courant. Mais on pourrait considérer comme "gnostiques" des ouvrages réputés catholiques, de moines ou de poètes, mélangeant les références chrétiennes et la philosophie païenne de Platon (Dante Alighieri est un exemple célèbre de ce syncrétisme "gnostique").

L'intérêt du propos de Ptolémée tient dans la manière rigoureuse, analogue à celle de l'apôtre Paul, dont il s'appuie sur les écritures saintes pour étayer sa démonstration. Avec Paul ce Ptolémée a aussi en commun d'expliquer pourquoi le nouveau testament est plus lumineux que l'ancienne loi de Moïse.

(J'introduirai ultérieurement des commentaires en gras dans cette longue missive qui provoque la réflexion)

Ptolémée à Flora

La loi instituée par Moïse, belle Flora, ma soeur, n'a pas été comprise jusqu'ici par beaucoup de gens, car ils ne connaissent avec précision ni son auteur ni ses prescriptions : tu le verras bien, je pense, quand tu sauras quels avis divergents sont émis à son propos.

I-LA LOI EST L'OEUVRE D'UN DIEU JUSTE

Selon les uns, la Loi a été instituée par Dieu le Père ; les autres, au contraire, affirment qu'elle l'a été par l'Adversaire, le diable corrupteur, à qui, de même, ils attribuent la création du monde et qu'ils appellent "le père et le créateur de cet univers".

Ils se trompent : les uns comme les autres, se contredisant réciproquement, sont passés à côté de la vérité sur ce sujet.

Car, à ce qu'il semble, la Loi n'a pas été instituée par Dieu le Père, qui est parfait (elle est, de fait, postérieure), puisqu'elle est imparfaite et a besoin d'être achevée par un autre et qu'elle comporte des prescriptions inadaptées à la nature et au dessein d'un tel Dieu. A l'inverse, on ne peut non plus lier la Loi à l'injustice de l'Adversaire, puisqu'elle interdit l'injustice. Et au vu de ce qui suit, cette idée et celles de gens qui n'ont pas bien entendu les paroles de Sauveur : "Une maison ou une ville divisée contre elle-même ne peut rester debout", a déclaré en effet notre Sauveur.

En outre, en disant que la création du monde est son oeuvre - puisque par lui tout a été fait et que sans lui rien n'a été fait -, l'Apôtre réduit d'avance à néant la sagesse creuse de ces menteurs : la création n'est pas celle d'un dieu corrupteur, mais celle d'un dieu qui est juste et qui hait le mal. C'est là l'idée d'hommes imprudents, qui ne tiennent pas compte de la providence du démiurge et dont l'oeil, non seulement de l'âme, mais aussi du corps, est aveuglé.

Qu'ils sont passés du côté de la vérité, ce que je dis là te le montre. Chacun des deux partis le fait à sa manière : les uns par ignorance du Dieu de justice, les autres par ignorance du Père de toutes choses, que seul a révélé lors de sa venue celui qui seul le connaît.

Il nous reste, à nous qui avons été jugés dignes de la connaissance de l'un et de l'autre, à t'exposer avec précision la Loi elle-même, sa provenance et celui par qui elle a été instituée - son législateur. Ce que nous allons dire, nous en fournirons la preuve par les paroles de notre Sauveur, les seules qui permettent de conduire sans faux pas à la compréhension de ce qui est.

PREMIERE TRIPARTITION DE LA LOI : DIEU, MOïSE, LES ANCIENS

 Il faut donc savoir, en premier lieu, que l'ensemble de cette Loi, contenue dans le Pentateuque de Moïse, n'a pas été institué par un seul, je veux dire par Dieu seul, mais que certaines de ses prescriptions l'ont été par des hommes. Et cette Loi, les paroles du Sauveur nous apprennent qu'elle se divise en trois.

En effet elle se divise selon qu'elle se rapporte à Dieu lui-même et à son institution de la Loi, puis à Moïse (non en ce que Dieu a institué par son intermédiaire, mais en ce que Moïse a institué sous l'impulsion de sa propre pensée), et enfin aux anciens du peuple, puisqu'il se trouve que ce sont eux d'abord qui ont introduit des préceptes venant d'eux-mêmes.

Comment donc les paroles du Sauveur montrent-elles qu'il en est ainsi ? Tu vas l'apprendre dès à présent. Alors que le Sauveur discutait avec ceux qui l'interrogeaient au sujet du divorce qui était permis par la Loi, il leur dit : "C'est à cause de la dureté de votre coeur que Moïse vous a autorisés à répudier vos femmes ; car au commencement, il n'en était pas ainsi." Car c'est Dieu, dit-il, qui a joint cette union conjugale, et "ce que le Seigneur a joint, que l'homme, dit-il, ne le sépare pas."

Il montre ici qu'une loi, celle de Dieu, défend à la femme d'être séparée de son mari, et qu'une autre, celle de Moïse, a autorisé à séparer, à cause de la dureté du coeur, ce qui était uni par le lien conjugal.

A cet égard, la Loi instituée par Moïse est contraire à celle de Dieu ; en effet, maintenir le lien conjugal est le contraire de ne pas maintenir le lien conjugal. Mais si nous examinons le dessein de Moïse qui lui a fait légiférer ainsi, on trouvera qu'il ne l'a pas fait selon sa volonté propre, mais selon la nécessité, à cause de la faiblesse des personnes soumises à la Loi.

En effet, ceux-là ne pouvaient garder le dessein de Dieu leur interdisant de chasser leurs femmes, avec lesquelles il était désagréable à certains de vivre, et, pour cette raison, ils risquaient de passer davantage du côté de l'injustice et, par là, d'aller à leur perte. Moïse voulut donc leur épargner ce désagrément, à cause duquel ils risquaient d'aller à leur perte, et préférant, en la circonstance, un moindre mal, leur donna de lui-même une seconde loi, celle du divorce : de la sorte, s'ils ne pouvaient garder la première, ils garderaient du moins la seconde et ne passeraient pas du côté de l'injustice et du mal, ce qui aurait entraîné leur perte complète.

Voilà dans quel dessein Moïse s'est trouvé instituer une loi contraire à Dieu. Au reste, que la Loi de Moïse lui-même est autre que celle qui vient de Dieu, nous l'avons démontré ici de façon incontestable, bien que nous ne l'ayons fait pour l'instant que par un seul argument.

Il y a aussi des traditions des anciens qui ont été mêlées à la Loi. Cela aussi, le Sauveur le rend évident quand il déclare : "Car Dieu a dit : "Honore ton père et ta mère, afin d'être heureux." Mais vous, dit-il en s'adressant aux anciens, vous avez dit : "Il est à Dieu, le don que tu aurais reçu de moi", et vous avez invalidé la Loi de Dieu par la traditions de vos anciens. Isaïe l'avait clamé haut et fort : "Ce peuple m'honore des lèvres, mais leur coeur est loin de moi. En vain ils me révèrent, car leurs préceptes sont enseignements d'hommes."

Il a donc été clairement démontré que l'ensemble de la Loi se divise en trois : nous y trouvons, en effet, une législation de Moïse lui-même, une des anciens et une de Dieu lui-même. Ainsi établie par nous, la division de l'ensemble de cette Loi a donc dévoilé ce qu'il y a de vrai en elle.

[Comme l'apôtre des Gentils en ses épîtres, ledit Ptolémée (IIe siècle) explique pourquoi et comment le Messie Jésus est venu remplacer les lois instituées par Moïse afin de mener le peuple hors d'Egypte.

- Comment : en abolissant ce qui n'était pas pur dans la loi de Moïse.

- Pourquoi : afin de préparer l'entrée dans la Jérusalem céleste/Terre promise (figuration symbolique de la réunion de l'homme avec Dieu, le père du Sauveur Jésus).

Ptolémée souligne, citant le prophète Isaïe, que l'impureté des lois juives résulte de ce qu'elles sont, pour partie, des solutions humaines.

Le lecteur moderne sera surpris par la théologie de Ptolémée tant l'époque moderne est marquée par des catégories philosophiques (monothéisme/polythéisme) impropres à rendre compte de l'esprit des écritures saintes juives et chrétiennes ; la philosophie est elle aussi un "enseignement d'homme", à l'instar de ceux fustigés par le prophète Isaïe.]

 DEUXIEME TRIPARTITION : LOI PURE/MÊLEE AU MAL/SYMBOLIQUE

A son tour, la première partie -la Loi de Dieu même- se divise en trois : la législation pure, sans mélange avec le mal - celle que l'on appelle Loi au sens propre et que le Sauveur n'est pas venu abolir mais accomplir (car il n'était pas étranger à celle qu'il a accomplie ; et celle-ci avait besoin d'être accomplie) ; puis celle qui est mêlée au mal et à l'injustice et que le Sauveur a supprimée parce qu'elle était inappropriée à sa propre nature. La dernière division concerne ce qui est figuré et symbolique, institué à l'image des réalités spirituelles et transcendantes : c'est ce que le Sauveur a fait passer du sensible et de l'apparent au spirituel et à l'invisible.

La Loi de Dieu, pure et sans mélange avec le mal, c'est le décalogue, ces dix paroles divisées en deux tables, qui visent à proscrire ce qu'il faut éviter et à ordonner ce qu'il faut faire ; bien que leur législation fût pure, comme il leur manquait la perfection, elles avaient besoin de leur accomplissement par le Sauveur.

La Loi mêlée à l'injustice, c'est celle du talion et de la compensation des injustices déjà commises, qui ordonne d'arracher "oeil pour oeil et dent pour dent", et de rendre meurtre pour meurtre. Car il ne commet pas moins l'injustice, celui qui la commet en second : l'ordre seul change, l'acte et le même.

Cette prescription était et est juste par ailleurs ; c'est en raison de la faiblesse des personnes soumises à la Loi qu'elle a été instituée en transgression de la Loi pure, mais elle est inappropriée à la nature et à la bonté du Père de toutes choses. Elle était peut-être adaptée mais, plus encore, elle était le jouet de la nécessité ; car celui qui ne veut pas qu'il y ait un seul meurtre lorsqu'il dit : "Tu ne tueras pas", dès lors qu'il commande de punir le meurtrier par le meurtre, en instituant une seconde loi et en présidant à deux meurtres alors qu'il y en ait un seul, sans s'en apercevoir a été joué par la nécessité.

Voilà pourquoi le Fils, venu de sa part, a supprimé contre partie de la Loi, tout en reconnaissant qu'elle aussi était de Dieu. Il est en accord avec l'ancienne observance, notamment quand il dit : "Dieu dit : "Celui qui maudit son père ou sa mère est passible de mort."

Enfin, il y a la partie figurative, qui est à l'image des réalités spirituelles et transcendantes, j'entends par là la législation sur les offrandes, la circoncision, le sabbat, le jeûne, la Pâque, les pains sans levain, etc. Toutes ces prescriptions en tant qu'images et symboles, ont été modifiées depuis que la Vérité a été révélée : ce qu'elles ont de spirituel a été élevé ; les noms sont restés les mêmes, mais les réalités ont changé. Par exemple, le Sauveur nous a commandé de présenter des offrandes, non pas en sacrifiant des animaux ou des victimes, mais par des louanges, des glorifications, des actions de grâces spirituelles et par le partage avec nos prochains et la bienfaisance à leur égard. Quant à la circoncision, il veut que nous ayons non celle du prépuce de notre corps, mais celle, spirituelle, du coeur. De même l'observance du sabbat : il veut en effet que nous cessions de faire des oeuvres mauvaises.

Le jeûne aussi : il veut que le trône soit non pas corporel, mais spirituel, dans l'abstinence de tout ce qui est mal. Cependant, le jeûne visible est observé chez nous également, puisque, pratiqué avec raison, il peut profiter à l'âme quand il n'est fait ni pour imiter certains, ni par habitude, ni parce que c'est le jour fixé pour le faire.

Aussi bien on le pratique pour rappeler le jeûne véritable, afin que le jeûne visible rappelle ce jeûne-là à ceux qui ne veulent pas encore le pratiquer.

De même pour la Pâque et les pains sans levain, l'apôtre Paul montre que c'étaient des images : "Notre Pâque, dit-il, a été immolée : le Christ" et "pour que vous soyez, ajoute-t-il, des pains sans levain, ne vous mêlez pas au levain (par "levain" en réalité il veut dire le mal), mais soyez une nouvelle pâte."

CE QUI A ETE ACCOMPLI, SUPPRIME OU MODIFIE

Ainsi donc la Loi reconnue comme divine se divise elle-même en trois. D'abord, ce qui a été accompli par le Sauveur : "Tu ne tueras pas, tu  ne commettras pas d'adultère, tu ne feras pas de parjure" se comprennent, en effet, comme l'abstention de la colère, de la convoitise ou du jurement. Ensuite, ce qui a été complètement supprimé : "oeil pour oeil et dent pour dent", dans la mesure où cela se mêlait à l'injustice et constituait en soi un acte d'injustice, a été supprimé par le Sauveur qui a commandé le contraire ; or deux éléments contraires s'annulent : "Car moi je vous dis de ne pas vous opposer du tout à qui vous fait du mal, mais si quelqu'un te frappe, tends-lui l'autre joue." Enfin, une partie allégorique a trait à ce qui a été modifié et changé du corporel au spirituel : c'est la Loi symbolique, instituée à l'image des réalités transcendantes. Car les images et les symboles, qui représentent d'autres réalités, étaient valables avant que ne paraisse la Vérité ; mais depuis que la Vérité est apparue, il faut agir selon la Vérité, non selon l'image.

Ces trois parties, ses disciples les ont évoquées, de même que l'apôtre Paul : celle des images, ainsi que nous l'avons déjà dit, à travers la Pâque immolée pour nous et les pains sans levain ; la Loi mêlée à l'injustice, quand Paul dit : "La Loi des commandements a été invalidée dans les enseignements" ; celle sans mélange avec le mal, quand il dit : "La Loi est sainte, le commandement est saint, juste et bon."

TROISIEME TRIPARTITION : LE PERE, LE DEMIURGE ET SATAN

Pour résumer -s'il est possible-, je pense t'avoir suffisamment montré qu'une partie de la loi vient des hommes et que la loi même de Dieu se divise en trois.

Il nous reste à dire quel est ce Dieu qui a institué la Loi ; mais je crois te l'avoir montré par ce que j'ai déjà dit, si tu as bien écouté. Car si cette Loi, comme nous l'avons enseigné, n'a été instituée ni par le Dieu parfait, ni par le diable, ce qu'il n'est même pas permis de dire, c'est donc un autre qui a institué la Loi, et celui-là est le démiurge et le créateur de cet univers et de ce qui est en lui ; comme il est différent des autres par la substance et qu'il se situe entre les deux, on pourrait à juste titre lui donner le nom d'Intermédiaire. Si le Dieu parfait est bon par sa propre nature - et il l'est (car il n'y a qu'un Dieu bon : notre Sauveur a affirmé que c'est son Père, qu'il a lui-même révélé) -, et si l'Adversaire est par nature mauvais et méchant et se caractérise par l'injustice, celui qui se situe entre les deux, sans être bon, ni vraiment mauvais, ni injuste, pourrait plus spécifiquement être appelé juste, puisqu'il préside à la justice, qui se fait selon lui.

Ce Dieu sera au-dessous du Dieu parfait et inférieur à sa justice, parce qu'il est engendré et non pas inengendré (car seul le Père est inengendré, lui de qui vient toute chose et de qui dépend toute chose spécifiquement), mais il sera plus grand et plus fort que l'Adversaire, son essence et sa nature étant différentes de l'essence de deux autres. En effet, l'essence de l'Adversaire est corruption et ténèbres (car il est matériel et divisé en maintes parties), et l'essence de l'Inengendré, Père de toutes choses, est incorruptibilité et lumière en soi, simple et de forme unique, tandis que l'essence du Démiurge a produit une double puissance - mais il est lui-même une image du Dieu supérieur.

Ne va pas, à présent, te soucier de savoir comment l'unique principe de toutes choses -celui que notre foi reconnaît pour tel, celui qui est inengendré, incorruptible et bon-, se sont constituées ces natures, celle de la corruption et celle de l'intermédiaire, qui ne sont pas consubstantielles, alors que par nature ce qui est bon engendre et produit des êtres qui lui sont semblables et consubstantiels. Car tu apprendras par la suite, si Dieu le veut, leur principe et leur origine, lorsque tu seras jugée digne de la tradition apostolique que nous avons reçue nous aussi par succession, et cela, une fois que nous aurons étayé tous ces propos par l'enseignement de notre Sauveur.

Voilà, ma soeur Flora, ce que je n'ai pas eu de peine à te dire en quelques mots. J'ai écrit là de façon résumée et, en même temps, j'ai suffisamment développé le sujet.

Par la suite, cela te sera très utile, si, comme une belle et bonne terre qui a reçu de fécondes semences, tu fais pousser le fruit qui vient d'elles.

Commentaires

  • Après trois lectures, bien pigé les distinctions, et en effet elles devaient être montrées. En ce qui concerne l'intermédiaire, c'est assez troublant, il fait penser à Prométhée, démiurge ni bon ni mauvais sauf qu'il s'oppose à Zeus, ce que ne fait pas le démiurge ici décrit.

  • L'intérêt de cette théologie, outre qu'elle est très démonstrative (au point d'être parfois pesante), c'est qu'elle date du tout début de ce qu'il est convenu d'appeler "l'ère chrétienne" ; par conséquent très indépendante des Eglises instituées, orientales ou occidentales, et de leurs "traditions".

    Elle part du principe assez évident du point de vue des apôtres, de Paul de Tarse ou même d'Augustin d'Hippone, mais non du point de vue "catholique romain" ou "judéo-chrétien", de l'inachèvement de la Loi de Moïse, qui n'est pas divine au sens où l'enseignement de Jésus-Christ est divin.

    Ptolémée renvoie dos-à-dos deux "erreurs", selon lui : celle qui consiste à nier la supériorité de l'enseignement de Jésus sur celui de Moïse (l'enseignement de Jésus est moins anthropologique), et celle qui consiste d'autre part à dire que le christianisme est une religion entièrement nouvelle, le Dieu des chrétiens un dieu différent du dieu des Juifs. On pourrait résumer ainsi : le judaïsme est la fuite hors d'Egypte, et cette fuite n'est pas encore une libération complète ; tandis que le christianisme est la Terre promise.

    La démonstration de Ptolémée évoque en effet le mythe de Prométhée, dont tu fais peut-être, Fodio, une lecture trop moderne. Prométhée n'est pas tant le symbole du mal qu'il n'indique une "limite" ; une puissance, certes, mais inférieure. C'est exactement ce qu'on peut dire de la vertu : c'est une force limitée. En comparaison de la vérité, elle n'est rien : aussi vertueux soit-il, l'homme reste prisonnier de la condition humaine. Note que dans le récit mythologique, Héraklès délivre Prométhée de ses chaînes et de son supplice.

    Un des principaux axes du combat de F. Bacon est le combat contre les théologiens et les clercs qui défendent l'accès à la science, tentent de démontrer que les évangiles flétrissent la science comme une curiosité malsaine. Bacon montre au contraire que cette erreur est source de confusion entre la puissance et la vérité, c'est-à-dire entre Prométhée et le Dieu suprême.

  • Frais et régénérant ce Ptolémée, d'accord, pas comme du pape de cave de deux mille ans! qui doit se faire de la Terre promise une idée noire!
    Pour Prométhée je le fais pas exprès, je suis juste con. Faut l'être pour ne pas voir que c'est précisément une ruse du malin de se faire passer pour Prométhée. Con comme un pape quoi!
    Bacon annule bien sûr toute tentative de faire du héros juif Prométhée autre chose qu'un intermédiaire, mais dans le sens médiocre, le juste milieu. (je supposais que c'est ce qui t'as attiré dans ce texte.) Même le viol d'Athéna ne lui vaut pas de devenir Lucifer, puisque c'est en cédant aux sens ou à la raison humaine, à la faiblesse de la chair donc, que les hommes deviennent imbus de leur science ou de leur art. Le juste milieu, sobre et modeste, comme la voie étroite qui mène au ciel!
    "Nul ne peut atteindre à un parfait bonheur autrement que par Héraklès, force et confiance, laquelle a cela de propre d'être toujours prête contre toute sorte d'évènement, de se montrer égale dans les faveurs et les disgrâces de la fortune, de prévoir sans apréhension, de jouir sans ennui et d'endurer sans impatience."
    Si on admet Hercule comme Intermédiaire, du coup Prométhée devient Moïse.
    (Et sinon je redeviens con quant à la consubstantialité des personnages, mais ça va peut-être venir dans les commentaires en gras?)

  • A la base, il me semble que la loi de Moïse était comme un garde fou pour un peuple qui avait tendance à être idolâtre (voir l'épisode du veau d'or), voire pas très fidèle (je ne sais plus ou je l'ai lu mais pendant un moment, le peuple hébreux avait abandonné le dieu unique pour d'autres, Baal principalement).

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