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  • Dans la Matrice

    L'intellectualisme est le mal du siècle.

    Il y a plusieurs façons de débusquer cet intellectualisme, contre lequel quelques mouvements artistiques, philosophiques ou scientifiques se sont dressés, faisant valoir des figures et des formules simples contre des formules et des figures complexes.

    Prenons le jeu d'échecs comme un exemple simple de divertissement intellectuel presque vain ; cet exemple permet de comprendre pourquoi l'esprit de sérieux s'est envolé avec l'intellectualisme, de sorte que les grands massacres odieux perpétrés au cours des temps dits "modernes" peuvent être mis en relation avec la part grandissante accordée au divertissement.

    Le jeu d'échecs passe pour un jeu intelligent, ce qui revient à prendre et faire passer la gymnastique intellectuelle pour l'intelligence ; et l'espèce humaine pour une espèce inférieure, car en termes de réflexe et de calcul, de mémoire, l'homme est moins bien doté que la plupart des animaux.

    Une manière de débusquer l'intellectualisme est de le rapprocher du confort intellectuel, qui en est la conséquence. Il n'est pas rare de voir certains intellectuels produire une oeuvre volumineuse, dont à peine quelques phrases pourront être retenues. L'intellectualisme et le divertissement font bon ménage : on peut le vérifier en observant la culture américaine ultra-moderne, marquée simultanément par ces deux aspects.

    Dans tous les domaines où l'esprit humain trouve à s'exercer, l'intellectualisme peut faire et a fait des ravages : dans le domaine politique, moral, religieux, artistique, mais aussi scientifique.

    Sur le plan scientifique, le terme de "révolution scientifique" appliqué aux changements de perspective qui se sont produits depuis la fin de la Renaissance est un terme ambigu et trompeur. On feint ici de ne pas voir le poids considérable de l'industrialisation dans les changements qui sont intervenus dans la manière d'envisager la science et les études scientifiques, jusqu'au confort intellectuel actuel.

    Pour le besoin du développement industriel, on s'est penché sur la matière et les matériaux principalement sous l'angle de leurs propriétés.

    Si le monde physique est principalement décrit aujourd'hui sous forme de "lois", relatives à la force, la puissance, l'énergie, et que l'on cherche à écrire la loi unique qui pourrait résumer toutes ces lois apparemment effectives dans les différents compartiments d'investigation de la science (mais qui se contredisent parfois entre elles), c'est d'abord parce que l'on a analysé la matière sous l'angle de ses propriétés, balistiques ou autres, dont on peut tirer parti sur le plan technique. On s'est limité à ces propriétés fonctionnelles, ce qui est insuffisant du point de vue scientifique.

    Il s'agit là à la fois d'une étude intellectuelle et superficielle ; de la même manière la sociologie ou l'étude comparée des sociétés en dit assez peu sur l'individu et la condition humaine ; la sociologie ne répond pas à des questions plus difficiles qui se posent à propos de l'homme une fois fait le constat que l'homme est ordinairement un loup pour l'homme et que l'Etat, que l'on peut traduire comme le coeur de la société, est un "monstre froid".

    Les "sciences humaines" ne méritent pas le nom de "sciences". Or la science physique dite "fondamentale" est en réalité une science humaine, comme l'importance de la géométrie algébrique l'indique, ou encore certaines "avancées de la science" présentées comme "fondamentales" dans les domaines on ne peut plus techniques de la géolocalisation et de la cryptographie - pour ne rien dire du bavardage autour de l'intelligence artificielle.

    Plus subtilement et sans doute plus efficacement que le philistinisme qui consiste à s'opposer à la science frontalement, au nom du bonheur (Montaigne, Nietzsche), l'intellectualisme consiste à vider de son sens la science en la ramenant à un simple moyen d'existence technique dont le bénéfice est incertain.

  • Amour barbare

    De toutes les religions, la religion de l'amour est la plus meurtrière. Si vous en doutez, faites le compte des abominations commises sous l'effet de la passion ou bien en son nom.

    Au nombre de ces abominations, il faut inclure celles perpétrées au nom du nationalisme, c'est-à-dire de l'amour immodéré de la patrie. Cette absence de modération est un ressort du nazisme, aussi bien que du communisme soviétique et de la démocratie-chrétienne (idéologies détestables du point de vue patriotique "authentique", c'est-à-dire raisonnable).

    On devrait tenir l'antisémitisme caractéristique du régime nazi, ou la haine des possédants qui caractérise le régime soviétique pour secondaires en comparaison de la folie meurtrière nationaliste. Si on ne le fait pas, c'est afin de préserver intacte la cupidité qui anime l'Occident. On pointe du doigt l'étincelle populiste, mais on ignore le tonneau de poudre du nationalisme, ou de l'hypernationalisme européen.

    Certain philosophe a d'ailleurs souligné la passion amoureuse qui unit les tyrans sanguinaires (Louis XIV, Napoléon, Hitler, Staline...) à leur peuple et à la nation qu'ils dominent ; la cupidité de ces chefs d'Etat est telle qu'elle ne trouve pas à se satisfaire dans les relations sexuelles banales.

    La rupture est ici consommée entre la culture occidentale moderne et l'humanisme, puisque ce courant de pensée difficile à cerner précisément implique au minimum la condamnation, sur le plan éthique, de la "passion".

    Dans "Roméo & Juliette", Shakespeare fait mieux que condamner l'amour, il en démonte tout le mécanisme, illustrant comment deux jeunes personnes mal instruites peuvent, en étant les jouets de leurs illusions et de la nature (ces deux aspects sont illustrés), se duper mutuellement.

    Or on ne peut mieux dissuader contre le poison de l'amour, puisque Shakespeare montre à quel point les amoureux sont passifs et privés de leur libre-arbitre. En effet l'amour a ceci de commun avec le fanatisme religieux qu'il repose sur une idée de la liberté entièrement fausse ou illusoire. Shakespeare procède donc comme un prestidigitateur qui dévoilerait le trucage d'un tour fascinant.

    Un autre mérite de la pièce est de souligner combien l'existence des amoureux est vaine, c'est-à-dire macabre. C'est aussi ce que l'on peut déduire du personnage d'Ophélie (dans "Hamlet"). On a pu dire que "L'amour, c'est l'infini mis à la portée des caniches". Or cela peut se dire aussi de la mort, qui dans les sociétés barbares a une connotation et un parfum mystique.

     

  • Décadence

    La décadence n'est pas une source d'inquiétude pour le chrétien, car le Royaume de Dieu n'est pas de ce monde.

    La décadence est une source d'inquiétude pour les élites, qui sont actionnaires du monde, tandis que le chrétien s'efforce de remonter le courant de la vanité et du péché.

    Le moraliste Léopardi dit de l'homme ""qu'il tire toutes ses forces de la nature ou bien de ses illusions". Il exclut ici la Vérité, qui procura à Jésus-Christ un surcroît de force pour affronter ses assassins, ses juges et ses bourreaux.

    Des sociétés ou des civilisations, qui ne tirent aucun profit de la Vérité, on peut mieux affirmer qu'elles prennent leurs forces dans la nature ou bien dans des perspectives illusoires ; ces dernières ont le plus souvent la forme d'utopies politiques.

    Qu'est-ce que l'illusion, si ce n'est un mirage, par conséquent une force naturelle dérivée, exactement comme la puissance technologique n'est qu'un emprunt à la nature.

    Il est probable que l'illusion joue un rôle plus grand chez les femmes (généralement plus perméables à l'amour, cet apitoiement sur soi), ou dans les sociétés proches de leur naissance ou de leur agonie. Au contraire les hommes dans la force de l'âge tirent plus directement leur force dans la nature. Les civilisations, à leur apogée, se nourrissent moins d'illusions.

    L'étude de l'art permet de mesurer la part de la nature et la part de l'illusion dans telle ou telle culture, comme le nombre des anneaux permet de dater l'arbre tronçonné. La musique ne procure-t-elle pas l'illusion de l'âme et de la vie après la mort ?