Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Léopardi contre Darwin

    Lisant Léopardi, je suis frappé par le fait que la description qu'il fait de l'être humain ne peut s'accommoder avec le transformisme darwinien, l'idée qu'il y aurait entre l'homme et l'animal seulement un degré d'évolution.

    Voici pourquoi : le darwinisme tend à nier l'individualisme, ou du moins à le déprécier; c'est sans doute ce qui explique que toutes les idéologies totalitaires s'appuient, au moins en partie, sur une forme de darwinisme social (libéralisme, communisme et nazisme).

    A contrario, Léopardi, tout en indiquant la limite de l'autonomie de la volonté humaine, son conditionnement biologique et social, illustre la capacité de l'homme à s'émanciper des lois de la nature, comme aucun autre animal ne peut. Le lecteur attentif de Léopardi sera le moins convaincu, en définitive, que l'on peut réduire la personne humaine à un "être social".

    La profondeur de l'analyse psychologique de Léopardi, en comparaison de celle de Freud qui demeure superficielle ou médicale, vient de ce qu'il ne résume pas la conscience humaine à la volonté.

    L'individualisme de Léopardi est "expérimental", en même temps qu'il résulte de sa méditation des évangiles.

    Expérimental, en effet, car les circonstances de sa naissance dans un milieu aristocratique et de son grave handicap physique dû à la maladie (deux signes contradictoires de la fortune) furent causes de l'isolement exceptionnel de Léopardi qui, pour ne pas être complètement cloîtré dans son château, un entourage restreint et la maladie, s'échappa dans la lecture des auteurs, classiques et modernes, apprenant les langues étrangères pour pouvoir lire ces auteurs dans le texte.

    S'il a pu souffrir parfois de cette réclusion, Léopardi n'en estime pas moins le bénéfice de la solitude à sa juste valeur. La poésie a probablement procuré à Léopardi une jouissance comparable à celle que tirent des relations sociales des esprits plus bourgeois. La poésie de Léopardi est émouvante car c'est celle d'un homme qui triomphe par ce moyen d'une maladie atroce.

    A cet égard, il est globalement faux ou trompeur de considérer Léopardi comme un auteur pessimiste. En effet celui-ci a compris et explique que l'optimisme dissimule souvent la peine à jouir, en particulier sous la forme de l'optimisme religieux.

    D'autre part Léopardi, méditant les saintes écritures, relève que personne n'a autant méprisé la société que Jésus-Christ, ce que sa condamnation du monde systématique implique ; a contrario il n'y a pas de témoignage plus individualiste que le témoignage de Jésus-Christ, dans la mesure où ce témoignage dévalue toutes les dimensions sociales dans lesquelles l'être humain croit ordinairement s'accomplir (civique, sociale, artistique, familiale, etc.).

    On peut traduire ainsi l'individualisme évangélique : l'amour de la vérité scinde l'individu du reste de l'humanité, tandis que son goût naturel pour le mensonge (l'art) le fait membre du troupeau. Le péché peut en effet se traduire du point de vue chrétien comme "la loi sociale commune".

    A ce propos, Léopardi commet une erreur d'interprétation de la Genèse (dans le "Zibaldone"), caractéristique de la culture latine (on la trouve chez Cicéron, quand ce dernier interprète la fable similaire des sirènes). Le péché n'est pas lié dans le récit de la Genèse à la connaissance en général, mais à une forme de connaissance particulière, symbolisée par l'arbre et son fruit : la connaissance du bien et du mal, c'est-à-dire à l'éthique.

    Force et de constater que la science ou la connaissance n'a aucune justification ni utilité sociale, tandis que l'éthique est, elle, indispensable sur le plan social. Le paradoxe de l'anthropologie darwinienne ou transformiste, c'est qu'elle ne laisse aucune place à l'activité scientifique.

  • Satan dans l'Eglise

    Dans la démocratie-chrétienne nous pouvons voir l'aboutissement du catholicisme romain. On pourrait multiplier les preuves, comme je l'ai déjà fait sur ce blogue, mais je me contente de rappeler celle-ci : "l'anthropologie chrétienne", qui au stade de la démocratie-chrétienne a pratiquement remplacé la foi évangélique, est introduite par la théologie catholique romaine (c'est pourquoi Shakespeare, qui parle dans de nombreuses pièces de la trahison de l'Esprit évangélique -représenté par le Spectre dans "Hamlet"-, demeure d'actualité).

    On peut parler de "talmudisme chrétien" à propos de ladite "anthropologie chrétienne", c'est-à-dire d'adaptation aux circonstances temporelles d'une loi spirituelle intemporelle. Mais si le droit au talmudisme est ouvert par l'imperfection de la loi de Moïse, les évangiles et Paul ferment absolument la porte à toute forme de doctrine sociale chrétienne car l'Evangile EST la parole de dieu, ce que ne sont pas les commandements de Moïse, mais seulement une étape vers dieu.

    Le nouveau général des jésuites Arthur Souza (Arturo Sosa Abascal) (-2016) a quelque peu défrayé la chronique dernièrement en affirmant dans un entretien que "le diable est une invention des hommes", suscitant ainsi quelques protestations.

    Nous devons expliquer cette affirmation, qui est typiquement démocrate-chrétienne. Ce soi-disant prêtre aurait aussi bien pu dire que dieu, non seulement le diable, est une invention des hommes. En effet l'anthropologie chrétienne, qui est le cadre général de sa réflexion, est entièrement une invention des hommes, comme l'est toute réflexion anthropologique en général. Pour être précis, l'anthropologie chrétienne a pour effet, non pas de nier positivement l'existence de dieu, mais de la réduire à une hypothèse.

    La notion du bien et du mal est en effet relative aux intérêts humains, dans toutes les cultures, y compris la culture occidentale moderne sous influence démocrate-chrétienne. Le diable est donc une invention des hommes, et il faut souligner ceci que le diable joue un rôle plus important que dieu. La preuve en est que la culture communiste athée peut se passer de dieu, mais non de la diabolisation du point de vue anticommuniste.

    Les Evangiles chrétiens, qui parlent peu d'éthique, ou indirectement, mais d'amour et de vérité, parlent peu du diable. Ils parlent de Satan (l'adversaire), et de l'antichristianisme dont l'apôtre Paul décrit la montée en puissance comme une résistance à l'esprit évangélique au cours du temps. Un chrétien ne peut concevoir Satan autrement que comme une force supérieure à l'homme, analogue au destin et en aucun cas comme une "invention" ou une "idée humaine".

    On voit ici que l'anthropologie ou la doctrine sociale chrétienne a pour effet d'effacer la notion de péché ou d'occulter Satan et son action.

  • De l'Athéisme

    L'étude de la philosophie du XIXe siècle m'a conduit à la même conclusion que Léopardi en ce qui concerne l'athéisme. Léopardi a développé son point de vue dans le "Zibaldone" (notes rédigées entre 1817 et 1832) :

    "N'est-il pas paradoxal de voir dans la religion chrétienne la principale source de l'athéisme, ou plus généralement, de l'incroyance en matière de religion ? Je la tiens néanmoins pour telle. L'homme est naturellement croyant, car il raisonne peu, et ne fait pas très grand cas des raisons des choses. (...) L'homme peut naturellement tout au plus imaginer, concevoir une religion et y croire, comme l'expérience nous le montre, tout comme il peut imaginer, concevoir et croire tant d'illusions dont certaines sont communes à tous, alors que les religions imaginées par les hommes naturels étaient toutes différentes.

    La métaphysique, qui plonge jusqu'aux raisons cachées des choses, qui examine la nature, nos imaginations, et nos idées, etc., et l'esprit profond, philosophique et raisonneur sont les véritables sources de l'incroyance. Tout ceci fut en grande partie répandu par les religions judaïque et chrétienne, qui enseignèrent aux hommes et les habituèrent à regarder au-delà de leur clocher, à contempler plus bas que le sol, à réfléchir en somme, à rechercher les causes cachées, à examiner et, souvent aussi, à condamner et à abandonner leurs croyances naturelles, leurs imaginations spontanées et sans fondements, etc. (...) Aussi toutes les religions constituent-elles une espèce de métaphysique, et toutes les religions un tant soit peu constituées peuvent être tenues pour des causes d'irréligion, ou inversement (admirable agencement du système de l'homme, qui ne serait pas irréligieux s'il n'avait été religieux) ; toutefois, comme chacun le voit, cette particularité appartient principalement aux religions judaïque et chrétienne."

    Quelques lignes de commentaire :

    - D'abord on voit dans ce passage combien Léopardi diffère de Nietzsche, en même temps qu'il permet de comprendre la doctrine antichrétienne et antijuive de Nietzsche. En effet ce dernier combat la métaphysique (au nom du bonheur) comme une invention judéo-chrétienne funeste et délirante.

    - L'analyse de Léopardi a pour effet de dissoudre la propagande, sans doute plus répandue en France que dans d'autres nations, qui tend à faire croire que le christianisme est une religion dissidente.

    L'idéologie démocrate-chrétienne est, au contraire, une idéologie dominante, distincte de la foi dans la parole de dieu. A la foi chrétienne, la rhétorique démocrate-chrétienne substitue un calcul, la probabilité que dieu existe; il s'agit là d'un athéisme qui n'ose pas dire son nom.

     

  • Chute de Rome

    "L'homme est un loup pour l'homme." : qu'est-ce qu'un chrétien peut ajouter de plus à cette description lapidaire de la civilisation ?

    Et comment décrire la décadence, quand les loups ne sont plus vraiment des loups mais des bêtes bien plus sournoises ? Un homme d'élite admiré en France (Clemenceau) a comparé la démocratie au règne des poux - ils opèrent la même besogne que les loups, mais d'une manière plus subtile.

    De la civilisation ou de la décadence, le chrétien ne doit pas trop se préoccuper mais suivre la voie que les évangiles lui montrent, viser ce chemin de crête qui surplombe la civilisation et la décadence un peu plus bas.

    Un prêtre chrétien plein de zèle (Calvin) faisait le reproche à ses ouailles de passer plus de temps à lire des ouvrages techniques médiocres qu'à lire les évangiles. En revanche, du point de vue de la civilisation, il est inutile que la plupart des hommes et des femmes sachent lire car cela ne fait que contribuer à la décadence.