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1984

  • Alain Soral, idiot utile ?

    Le combat dAlain Soral et de son comparse Dieudonné contre le puissant lobby sioniste est un exemple de bravoure ; mais Don Quichotte ne manque pas de courage non plus

    Le lobby sioniste est-il un moulin-à-vent ? On peut penser en effet que ce groupe de pression na pas dautre grain à moudre que lantisionisme, quoi qu'il semble exercer une surveillance rapprochée de la classe politicienne ; mais avant de développer cet argument, je voudrais expliquer en quoi le propos dAlain Soral rejoint celui de George Orwell, et en quoi il sen éloigne.

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  • Orwell et le wokisme

    J'ai déjà rédigé quelques notes sur ce blog expliquant combien la culture identitaire française est dangereuse, en l'absence de souveraineté économique, militaire et diplomatique de la France.

    Le "gaullisme" est peut-être la formule la plus répandue de cette culture identitaire imbécile. Imbécile car il faut être plus que naïf pour ne pas comprendre pourquoi François Hollande ne fait pas un discours, en ce moment, sans exalter les institutions gaullistes de la Ve République : elles représentent la meilleure protection juridique de la caste oligarchique à laquelle F. Hollande appartient, avec la garde prétorienne de 35.000 CRS.

    Et celui qui écrit ces lignes n'est pas "révolutionnaire" pour une bonne raison : ce sont les élites oligarchiques qui le sont, dont les représentants les moins rusés n'hésitent pas à le dire publiquement (J. Attali, Bruno Le Maire...).

    L'Histoire du XXe siècle selon George Orwell est, ça va de soi, antigaulliste, mais elle est surtout contre-révolutionnaire. Lire "1984", c'est comprendre pourquoi le préfet Lallement, représentant de l'ordre oligarchique, se réclame de Trotski ; ou pourquoi les banquiers capitalistes rendent hommage, lors de la cérémonie d'ouverture des JO à... Louise Michel. Pas de totalitarisme sans exaltation de l'idéal révolutionnaire.

    Il est sans doute plus conforme à l'identité française de pencher du côté de la Russie de V. Poutine, puisque le poutinisme n'est autre qu'une sorte de gaullisme (c'est-à-dire de bonapartisme), mais pencher du côté de la Russie est parfaitement stérile. Le chef de l'Etat a semblé marquer une hésitation diplomatique au début du conflit ukrainien, vouloir maintenir le dialogue avec la Russie : mais un chef d'Etat sans armée est un chef d'Etat impuissant. E. Macron n'est, au demeurant, pas plus maître de l'arsenal médiatique français que F. Mitterrand ne l'était, et que tous les monarques républicains avant lui.

    Le pouvoir d'E. Macron est très largement réduit à son pouvoir symbolique, ce qui est aussi le cas de Big Brother ; le culte de la personnalité est la preuve qu'il n'y a pas de démocratie, ni même de République (celle-ci exclut forcément la fascination), mais aussi que l'acteur qui incarne le pouvoir absolu de l'Etat n'est qu'une sorte d'interface.

    Certains commentateurs insinuent qu'E. Macron serait fou : il n'est pas plus fou que D. Trump ou que quiconque introduit un bulletin dans l'urne en pensant faire un geste politique ; il se produit, au stade totalitaire, un phénomène de cristallisation amoureuse entre le candidat et l'électeur, si bien que l'on peut presque déduire la perversion sexuelle d'un individu en fonction de son bulletin de vote. E. Macron s'accroche à son pouvoir inexistant comme une femme s'accroche à l'amour, c'est-à-dire à quelque-chose qui n'existe pas.

    Il est bien plus utile pour un dissident de se forger une conscience politique, puisque les citoyens d'Océania baignent dans l'inconscience, et ne sont mus pour ainsi dire que par des réflexes conditionnés. "1984" est pour cela un excellent outil - par exemple un outil d'analyse du wokisme et du trumpisme, qui sont comme tenon et mortaise, et que l'on aurait tort d'opposer suivant l'explication contenue dans cet article.

  • Orwell ou Jésus-Christ ?

    Je sais que le rapprochement entre l'auteur de "1984" et Jésus-Christ peut surprendre ; ce d'autant plus que Georges Orwell était athée, et que rien ne laisse penser qu'il aurait renié son athéisme.

    Les chroniques de Georges Orwell publiées dans la presse laissent paraître ce qu'il pensait des principales religions encore actives en Europe : le catholicisme, l'anglicanisme et le protestantisme. Son opinion n'est pas très éloignée de celle d'un autre socialiste, Karl Marx, qui les assimilait plus ou moins au folklore, un siècle plus tôt. La culture religieuse de Marx est sans doute plus étendue que celle d'Orwell ; adolescent, Marx rédigea des sermons qui dénotent d'une bonne connaissance de la Bible et des évangiles.

    Si les connaissances de G. Orwell sont plus superficielles dans ce domaine, cela vient peut-être de l'anglicanisme, qui a la particularité, comme le catholicisme, d'avoir été une religion d'Etat ; je parle au passé aussi en ce qui concerne le Royaume-Uni, car la monarchie britannique est désormais assimilable elle aussi au folklore. Les quatre ou cinq dernières années ont montré à quel point le souverain britannique et le pape jouent un rôle mineur, aussi bien sur le plan politique que spirituel. Le pape François et Charles III d'Angleterre n'estiment pas forcément que la Guerre froide est une bonne chose, mais ils se gardent bien de contredire ouvertement la stratégie guerrière de l'OTAN. Le pape hésite peut-être, car la politique occidentale fait courir le risque de catastrophes humanitaires de grande ampleur dans le tiers-monde, où vivent la plupart des catholiques.

    Orwell est tout de même assez cultivé pour ne pas ignorer que la culture européenne a été marquée de façon indélébile par le christianisme, et qu'il est lui-même le produit de cette culture. En tant qu'Européen, Orwell sous-estimait ou ignorait le dynamisme des sectes chrétiennes américaines.

    Un fait remarquable, à propos d'Orwell, et qui m'a fait dernièrement fait penser à ce rapprochement apparemment incongru avec Jésus-Christ, c'est  son isolement - à commencer par son isolement au sein du mouvement socialiste, qui sous l'influence du communisme est devenu peu à peu, au XXe siècle, "le parti de l'Etat". Il y a quelque chose de mystique, de non-pragmatique, dans l'Etat moderne, que G. Orwell a parfaitement synthétisé dans "1984". Le citoyen-socialiste d'Océania accepte de se soumettre à Big Brother au-delà du raisonnable, car celui-ci est investi de l'espoir d'un monde meilleur. Big Brother n'est pas un Etat pragmatique, c'est un Etat érotique.

    Or Jésus est un prophète juif, tellement isolé parmi les Juifs que le clergé juif complota pour qu'il soit jugé comme anarchiste et exécuté. Les apôtres eux-mêmes se cachèrent, car ils craignaient d'être arrêtés et mis à mort. La plus grande hostilité ou le plus grand mépris vis-à-vis d'Orwell,  on le retrouve chez des intellectuels assimilables à une sorte de clergé socialiste.

    Mais surtout l'idée de ce rapprochement m'est venue à propos d'une réflexion d'Orwell sur le totalitarisme et la mentalité totalitaire, assez précisément définie par lui comme le renoncement à "la vérité objective". Il serait naïf de croire, dit Orwell, que l'on peut se tenir à l'écart du phénomène totalitaire. Dans "1984", O'Brien ne permet même pas que Winston Smith et Julia puissent penser contre.

    Autrement dit, il n'y a pas de position neutre, aucune posture de méditation transcendantale qui permette de se tenir réellement à l'écart de l'Histoire. Si vous avez déjà nagé dans les eaux vives d'un fleuve, vous avez dû atteindre cette immobilité qui consiste dans l'équation momentanée de vos forces et de celle du fleuve ; mais, à la longue, on ne peut que rejoindre la rive au prix d'un effort surhumain, ou se laisser emporter par le fleuve, comme la masse est conditionnée à le faire dans un régime totalitaire. Il n'y a que deux mouvements réels possibles.

    Or le Messie, de la même façon, explique qu'il n'y a pas deux voies possibles, et que ceux qui ne sont pas avec Lui sont contre Lui.

    Peut-on imiter, suivre Jésus-Christ sans même s'en rendre compte, en étant "athée" ? La parabole du "bon Samaritain" indique que oui : le Samaritain n'était pas Juif, mais se comportait comme un Juif aurait dû le faire s'il avait compris que la Loi de Moïse n'était aucunement un privilège.

    "Nombre de gens se consolent avec cette idée maintenant que le totalitarisme, sous une forme ou une autre, est visiblement en plein essor dans toutes les parties du monde.

    (...) Pourquoi cette idée est-elle fausse ? Je passe sur le fait que les dictatures modernes, à la vérité, n'offrent pas les mêmes échappatoires que les despotismes à l'ancienne, et sur l'affaiblissement du désir de liberté intellectuelle qu'entraînent probablement les méthodes éducatives des systèmes totalitaires. Mais la pire des erreurs, c'est de s'imaginer que l'être humain est un individu autonome. La liberté secrète dont on est censé pouvoir jouir sous un régime despotique est un non-sens car nos pensées ne nous appartiennent jamais entièrement. Les philosophes, les écrivains, les artistes et même les savants n'ont pas seulement besoin d'encouragements et d'un public, ils ont aussi besoin de la stimulation constante d'autrui. Il est pratiquement impossible de penser sans parler avec quelqu'un. Si Defoe avait vraiment vécu sur une île déserte, il n'aurait pas pu écrire "Robinson Crusoé". D'ailleurs, il n'en aurait pas eu envie. Supprimez la liberté d'expression et les capacités créatrices se tarissent. (...)" G.O. (1944)

  • Orwell dérange toujours (2)

    Certains journalistes prétendent qu'il y a "des controverses à propos de l'interprétation de "1984" ; deux objections :

    - Il est évident que l'on ne doit pas tenir compte de la récupération d'Orwell par tel ou tel démagogue de gauche ou de droite ; ces citations opportunistes ne font qu'illustrer le propos d'Orwell sur les "faits alternatifs" ; idéologiquement, Trotski s'oppose à Goebbels ou Churchill, mais on tient là trois représentants des méthodes totalitaires d'oppression, sous des drapeaux différents. La dialectique gauche/droite est elle-même totalitaire, comme le mouvement des Gilets jaunes l'a montré en France en dévoilant le système.

    - La comparaison entre G. Orwell et A. Huxley, entre "1984" (1948) et "Brave New World" (1932) permet d'éviter la plupart des erreurs d'interprétation. Si Orwell était convaincu comme Huxley de l'impasse totalitaire dans laquelle les élites occidentales s'étaient fourvoyées, Huxley a écrit un roman d'anticipation (il anticipe de quelques années les méthodes de la médecine nazie, puis du régime soviétique et des Etats-Unis), au contraire d'Orwell qui fait la satire de la société de son temps, en proie à la Guerre froide, sans faire de science-fiction, mais en forçant le trait.

    Orwell ne décrit pas un pouvoir totalitaire hyper-puissant, comme Huxley, mais une sclérose de l'action politique, dont l'Etat oppressif actionné par quelques technocrates est la manifestation, un Etat que la nécessité du mensonge permanent affaiblit. Big Brother n'est pas effrayant en raison de sa puissance, mais en raison de son emprise sur l'âme humaine.

    A côté des quelques critiques que nous évoquions dans le chapitre précédent sur ce blog, le hors-série "Orwell dérange toujours" ("Le Monde", sous la direction de N. Truong) recense quelques hommages.

    Les éloges de Raymond Aron et Simon Leys se distinguent par leur rareté. Autant dire que "1984" était prédestiné à faire "flop" dans l'intelligentsia française. Il y a quelques (mauvaises) raisons à cela : la plus évidente est le culte de l'Etat qui sévit en France dans presque tous les milieux sociaux, à gauche comme à droite. Les moins fanatiques partisans de l'Etat sont capables de comprendre que "trop d'Etat tue l'Etat", mais ils sont une infime minorité incapable d'agir, dans un contexte totalitaire paradoxal (sponsorisé par quelques millionnaires pour tenter de réduire la voilure de l'Etat, E. Macron aura mené une politique de dépense publique extravagante).

    - Raymond Aron voyait dans "1984" une thèse sociologique plus large que la seule satire du stalinisme et de la ruse trotskiste complémentaire. Il est incontestable que le propos d'Orwell vise l'Occident en général, et non la Russie. Le régime soviétique représente une phase de modernisation de la Russie, selon la description de Lénine lui-même. L'extrême violence de la révolution russe s'explique en grande partie par cette modernisation à marche forcée.

    Cependant le qualificatif "sociologique" pose problème, car la sociologie est en France une "discipline" contrôlée par l'Etat - autrement dit universitaire. Tandis que G. Orwell est aussi indépendant qu'on peut l'être. Big Brother est parfaitement capable de rédiger et d'imprimer en quantité industrielle des ouvrages de sociologie rédigés par O'Brien. Quel sociologue du XXe siècle prête aux intellectuels, ainsi qu'Orwell le fait, un rôle essentiel dans l'élaboration du mensonge d'Etat ?

    Il va de soi, et R. Aron ne fait que le souligner : le totalitarisme n'est autre pour Orwell (contrairement à Huxley) que le produit de l'économie capitaliste. La classe laborieuse est soumise à l'Etat ; la "lutte des classes" a tourné court.

    - Pour le sinologue Simon Leys, "Orwell était un animal politique, un homme obsédé par la politique, et tous ceux qui l'ont connu n'ont pas manqué de souligner cet aspect central de sa personnalité."

    Cette description d'Orwell a le mérite de souligner que Orwell a pensé le XXe siècle comme un siècle fondamentalement antipolitique. La politique menée par les régimes totalitaires nazi, soviétiques et libéraux est une politique inadaptée à l'être humain, donc ce n'est pas une politique véritable. Ici on retombe sur la dénonciation de la médecine darwiniste protonazie par Huxley : ce n'est pas une véritable médecine, car elle revient à traiter l'homme comme si c'était une bête de somme.

    L'utopie politique est, d'après "1984", destructrice de la politique ; elle dissout l'action politique dans l'idéologie. Ce phénomène est encore plus nettement perceptible en 2023 qu'il n'était en 1950. Un "libéral" comme R. Aron serait obligé de reconnaître aujourd'hui que le libéralisme est un néofachisme, suivant ce pronostic d'Orwell : "Le fachisme ne renaîtra pas sous le nom du fachisme."

  • Orwell et l'Ukraine

    Je vais essayer dans cette note de présenter clairement le point de vue orwellien sur la reprise de la Guerre froide, dont l'épicentre est actuellement en Ukraine.

    Au lendemain de la seconde guerre mondiale, Georges Orwell décrit dans "1984" un monde engagé dans une impasse politique. L'Etat omnipotent (Big Brother) apparaît comme "la fin de l'Histoire" - la fin au sens du but ou du terme définitif.

    La politique est partout : sous la forme de l'art engagé, de la littérature engagée, du sport engagé, de la gastronomie engagée, de la propagande enseignée comme l'Histoire (roman national), ce qui a pour effet de dissimuler le déclin de la politique, au sens positif et pragmatique du terme.

    A la politique se substitue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale une compétition économique et militaire entre "blocs" continentaux (les idéologies dont ces blocs se réclament n'ont d'importance que pour les sous-citoyens soumis aux castes dirigeantes). Cette compétition (O. parle "d'exercice du pouvoir pour le pouvoir") remplit le but de la politique en même temps qu'elle en est la modalité principale.

    La comparaison de la politique contemporaine (1950-2020) avec le sport tel qu'il est pratiqué aujourd'hui me paraît éclairante : en effet la compétition sportive a l'apparence du sport, tout en corrompant les principes du sport (résumés par l'adage : "Un esprit sain dans un corps sain."). La performance, autour de laquelle le sport de compétition est organisé, est un principe technocratique et non sportif.

    Le point de vue orwellien est le plus éloigné de la prétention civilisatrice du discours du président russe V. Poutine, comme de la prétention pacificatrice du bloc OTAN, dont les porte-parole rabâchent des slogans onusiens démentis par la réalité de conflits à répétition d'une extrême violence. Quel que soit son commanditaire, l'attentat contre les gazoducs NordStream discrédite les discours de propagande grandiloquents, russe et otanien.

    Le point de vue orwellien, en soulignant le chaos politique persistant à l'échelle mondiale, s'oppose évidemment le plus radicalement à la propagande du "nouvel ordre mondial". Il s'y oppose de façon "radicale", c'est-à-dire non-complotiste, en soulignant l'inaptitude de l'Etat moderne technocratique à maintenir l'ordre autrement que par la violence - à l'échelle nationale comme à l'échelle mondiale. Ces efforts technocratiques ne datent pas de la dernière campagne de vaccination à l'échelle mondiale, mais du début du XXe siècle.

    "1984" est une description du chaos mondial : à ce stade, l'ordre public ne repose plus sur la citoyenneté ou un quelconque principe de civilisation effectif, mais sur la police et l'armée - une police dont le pouvoir est étendu à la pensée, de sorte que l'Etat policier est perçu comme acceptable et compatible avec la démocratie.

    *

    A propos du conflit actuel entre la Russie et l'Ukraine, on a pu entendre ici ou là qu'il avait "surpris tout le monde". Il est, a contrario, du point de vue orwellien, le moins surprenant du monde. On ne peut même pas parler de reprise de la Guerre froide, puisque celle-ci n'a jamais cessé de structurer la politique des blocs opposés, compte tenu du facteur déterminant de la compétition économique.

    Promoteur en chef zélé de l'alliance entre la France et les Etats-Unis, Bernard-Henri Lévy s'est rué en première ligne dès 2015 pour apporter sa contribution à la stratégie de l'OTAN, manifestement conscient que l'Ukraine est située entre deux plaques tectoniques. La Pologne, voisine de l'Ukraine, s'est offert un système de défense antimissile américain en 2018.

    Quand les médias sont conçus pour endormir l'opinion publique, rien d'étonnant à ce qu'ils ne la tiennent pas en éveil.

    - La bonne question est plutôt celle de la limite entre la Guerre froide (c'est-à-dire indirecte) et la Guerre mondiale (où les blocs s'affrontent directement). Cette frontière théorique existe-t-elle vraiment ? Aussi navrantes soient les conséquences des bombardements militaires en Ukraine, il faut rappeler que l'économie capitaliste (mondialisée) est très peu économe en vies humaines, bien que beaucoup d'Occidentaux préfèrent se voiler la face à ce sujet et ne s'offusquent des conséquences dramatiques de la mondialisation que lorsqu'elle les frappe directement.

    - La Russie et les Etats-Unis semblent épuiser en vain dans le conflit ukrainien leurs dernières forces. Le projet d'annexion rapide de l'Ukraine par la Russie semble un projet politique relativement rationnel a priori. La résistance inattendue de l'Ukraine lui a fait perdre son intérêt, sans pour autant en faire naître un nouveau (du point de vue européen, américain ou ukrainien), compte tenu des ravages subis par l'Ukraine et de l'exode d'une partie de la population. Ce conflit paraît aussi absurde, en définitive, que la tentative de la Russie, puis des Etats-Unis, de conquérir l'Afghanistan pour asseoir leur domination mondiale.

    - L'attaque sous-marine contre les gazoducs NordStream sonne le glas de l'Europe ; en particulier de l'Allemagne, moteur de cette Europe conçue dans les ruines, qui a ignoré l'attaque de façon assez stupéfiante. On voit que le projet européen, qui s'était substitué au nationalisme allemand défait, n'était qu'une velléité politique.

    On conçoit que la France et l'Allemagne, au sortir de la Seconde guerre mondiale, avaient intérêt à s'unir, comme deux personnes faibles ont intérêt à se marier pour s'apporter un soutien mutuel et passer à la postérité. En soixante-dix ans, la France et l'Allemagne ont été incapables de s'unir effectivement : on peut voir dans cette passivité politique la confirmation du diagnostic de "1984".

    En effet, l'union de l'Allemagne et de la France ne pouvaient se faire passivement. L'union de la France et de l'Allemagne aurait probablement comblé le vide juridique où Poutine s'est précipité, en profitant de la crise aux Etats-Unis - on ne s'attardera pas sur cette hypothèse.

    - L'union monétaire européenne, argument ultime des européistes, semble relever du mirage bien plus que de la politique active. Les Etats-Unis sont le modèle du consortium européen où l'Allemagne joue le rôle de banquier ; or les Etats-Unis eux-mêmes semblent rongés de l'intérieur par ce principe monétaire qui soude entre eux des Etats assez disparates. Autrement dit, l'unité de l'Amérique ne paraît pas pérenne.

    "1984" attire l'attention du citoyen lambda sur la démarche suicidaire des élites occidentales (non seulement d'A. Hitler).

    "1984" est dissuasif de prendre les sciences sociologique et économique au sérieux ; ces "sciences" apparaissent du point de vue orwellien comme des contributions à la théorie totalitaire de la fin de l'Histoire.

    "1984" redonne* à l'Histoire la fonction d'éveil des consciences. Orwell insiste en effet sur l'effort de Big Brother pour effacer l'Histoire la plus récente, et asservir ainsi l'opinion publique à une vérité officielle, conçue par une poignée d'intellectuels (suivant les directives de Goebbels ou Trotski).

    *Redonne car Marx et Engels concevaient déjà l'Histoire comme l'instrument de la prise de conscience du peuple, réduit en esclavage.

  • Orwell et la "crise sanitaire"

    Article corrigé (4 févr. 2022) sous forme de fichier pdf à lire ici.