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antisémite

  • Le Juif Shylock

    Une fois n'est pas coutume, avant de rédiger ce billet j'ai consulté la notice Wikipédia consacrée au personnage de Shylock dans "Le Marchand de Venise". C'est un concentré de remarques stupides, comme chaque fois que cette encyclopédie ne se contente pas de mentionner les faits et détails.

    En deux mots, disons pourquoi Wikipédia est scientifiquement nul : parce que Wikipédia, ses "modérateurs", tentent de donner, sur tel ou tel sujet, un avis balancé ; or, la moyenne ou la médiocrité, qui du point de vue politique représente le point de vue raisonnable, ne vaut rien en matière de science. Cette contamination de l'esprit critique scientifique par la raison politique est typique des temps modernes... depuis le moyen-âge.

    Refermons cette parenthèse, qui n'en est pas tout à fait une, car Shakespeare, en faisant table rase de la culture médiévale, fournit le remède à la culture moderne, qui accorde une très large part à la spéculation dans tous les domaines : religieux, scientifique et politique.

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    Pourquoi l'odieux usurier Shylock est-il Juif ? Cela traduit-il le préjugé antisémite de Shakespeare ? On peut répondre catégoriquement non, car les fables de Shakespeare n'ont pas d'abord une valeur éthique ou une signification politique (contrairement à "La Divine Comédie" de Dante par exemple). Or l'antisémitisme, qu'il soit populiste (Hitler), ou plus raffiné (Nietzsche, Maurras, S. Freud), a une fonction éthique et politique. Il en va de même de l'antiracisme, antidote supposé de l'antisémitisme ; il est tout aussi vain de chercher à faire de Shakespeare un tragédien humaniste antiraciste.

    Le but de Shakespeare, après Homère ou Moïse, est de fournir une explication du monde, en particulier du monde moderne qui semble en proie à une aliénation excessive. Ce diagnostic de la folie moderne par Shakespeare pourquoi il a eu des lecteurs aussi différents que Marx et Nietzsche : sur la bêtise et la férocité propres aux temps modernes, Shakespeare semble en effet en savoir plus long que quiconque.

    Il fallait que Shylock soit Juif à cause de l'argent et du veau d'or. Exactement comme est catholique ce cardinal, fils de boucher, Th. Wolsey, cardinal-conseiller du roi Henri VIII, alors même que Jésus-Christ maudit quiconque servira un autre maître que dieu, son père, tout en se disant "chrétien".

    D'antisémitisme il n'y a pas, sauf chez le lecteur qui ne voit pas que le "traitement" réservé par Shakespeare à certains soi-disant chrétiens est le même que le traitement réservé au Juif Shylock : ils sont peints comme des monstres ou des possédés.

    Ce que Shakespeare met en scène, c'est la contradiction radicale incarnée par le Juif usurier, ou bien par le catholique-conseiller d'un prince de ce monde. Ce que Shakespeare nous montre, contrairement à beaucoup d'artistes qui s'emploient à le dissimuler, c'est le faciès satanique de Richelieu, pour prendre un exemple français.

    Ces types parfaitement contradictoires sont la clef pour comprendre le monde moderne et de la domination occidentale sur le reste du monde. On note que ces "types" sont nombreux chez Shakespeare, non seulement Shylock ou Th. Wolsey, mais aussi Th. More, Ophélie, Polonius, etc.

    L'antisémitisme de S. Freud est facile à comprendre : c'est un bourgeois allemand qui vitupère Moïse et les Hébreux, représentatifs à ses yeux du désordre et de l'anarchie (menace pour la propriété). Quant à Nietzsche, sa thèse antisémite et antichrétienne selon laquelle judaïsme et christianisme ont engendré une société de sous-hommes, n'est pas corroborée par Shakespeare, mais seulement par une lecture superficielle de Shakespeare, lui ôtant arbitrairement sa dimension métaphysique.

    L'aliénation excessive des temps modernes, leur éloignement tragique de la vérité, incarnés par des personnages tel que Shylock, n'est autre que la manifestation de l'Antéchrist, prophétisée par les apôtres.

    La mythologie de Shakespeare épouse les explications de l'apôtre Paul de Tarse à propos de l'Antéchrist de la fin des temps.

     

     

  • Nietzsche antisémite ?

    L'antisémitisme revêt aujourd'hui, comme on le sait, le caractère de péché majeur, selon une sorte de casuistique de la haine d'un genre nouveau, dont l'inefficacité à endiguer la haine confirme le caractère de casuistique. Pourquoi l'antisémitisme et pas l'avarice ou le délit d'initié ? Allez savoir...

    - Plusieurs intellectuels, philosophes ou artistes ont été inculpés pour cause d'antisémitisme, suivant des critères et un calendrier un peu flous. Le cas de L.-F. Céline est bien connu en France. Il me semble que les cas "limites" sont les plus intéressants : Karl Marx et Simone Weil ont été appelés post-mortem sur le banc des accusés, en dépit de leurs origines sémites, par un pitre universitaire américain du nom de Francis Kaplan, sans doute désespéré de trouver une matière plus sérieuse à étudier.

    Plus récemment, un tribunal français a condamné pour antisémitisme un ouvrage de Léon Bloy, entièrement conçu par ce dernier pour la défense des juifs, mais hélas dans des termes démodés pour les magistrats d'aujourd'hui.

    - Quant à Nietzsche, la balance penche plutôt en sa faveur ces derniers temps, en dépit des accointances de sa famille avec le célèbre chancelier A. Hitler, et des références et révérences d'à peu près tous les mouvements et intellectuels fachistes européens à Nietzsche. On note en effet certains efforts pour blanchir Nietzsche de divers essayistes ; une bande-dessinée a même été produite il y a une dizaine d'années pour prouver qu'en dépit de son satanisme, Nietzsche était "cool" avec les Juifs.

    - Ce qui fait défaut dans ce type d'affaires, c'est une notion à peu près claire du Juif. L.-F. Céline les assimile par exemple à une caste de ploutocrates, un peu comme le pape et les papistes. Mais on sait que Moïse en personne a maudit les adorateurs du veau d'or. Sigmund Freud précise que seuls peuvent être considérés juifs les sectateurs de Moïse, qu'il a tendance à assimiler à une bande de brigands.

    Le nationalisme juif ou sionisme qui cristallise l'attention aujourd'hui était alors embryonnaire.

    Le témoignage d'un ami de Nietzsche, Franz Overbeck, une sorte de "théologien athée" comme il se définit lui-même le plus sérieusement du monde est sans doute le plus éclairant sur, non pas tant l'opinion de Nietzsche sur les Juifs en général, mais sur la consistance de sa théologie satanique (in : "Souvenirs sur Nietzsche") :

    « Je crois que, dans notre manière de considérer l’antisémitisme, nous avions, Nietzsche et moi, des convictions particulièrement proches. De même que nous étions tous deux également fort éloignés de tout fanatisme, qu’il relève d’une haine nationale ou religieuse, même s’il se peut que cela ait été pour des raisons très différentes ayant leurs racines dans nos origines respectives, nous n’avions foncièrement aucune sympathie non plus pour l’antisémitisme. Sans que ce rejet nous ait distingués du reste des Européens de notre temps. Car la radicalité de notre rejet n’aura guère été différente de celle des contemporains qui vivent sous nos latitudes.

    Sous ces dernières, on peut bien dire que tout homme, ou du moins tout homme cultivé, ressent une certaine aversion pour les Juifs, à tel point que même les Juifs de chez nous partagent cette aversion. (...) L’expression la plus claire de ce dégoût que nous éprouvions Nietzsche et moi à l’égard de l’antisémitisme apparaît dans le fait nous avons pourtant parfois abordé le sujet au cours de la conversation, mais jamais avec passion, car, dans le fond, nous n’avons jamais pris ce sujet "au sérieux" et nous l’avons considéré comme une mode des temps qui ne méritait guère qu’on s’y attarde. (…) Les écrits de Nietzsche attestent aujourd’hui encore de façon particulièrement claire (..) que cette attitude n’est pas incompatible avec une certaine dose « d’antisémitisme », en tout cas avec un manque de sympathie à l’égard des Sémites.

    (…) Nietzsche a été un adversaire convaincu de l’antisémitisme tel qu’il en a fait l’expérience. Il voyait en effet dans l’une des «formes les plus malhonnêtes de la haine» une «rage de dénigrer et de détruire». Il n’empêche que lorsqu’il est sincère, les jugements qu’il porte sur les Juifs surpassent tout antisémitisme par leur sévérité. Le fondement de son antichristianisme est essentiellement antisémite. »

    Pour résumer le propos de cet intellectuel allemand, l'antisémitisme était une opinion beaucoup trop vulgaire pour que des hommes cultivés comme lui et son ami Nietzsche y cédassent. En revanche la doctrine satanique de Nietzsche était suffisamment solide pour que ce dernier la fasse reposer sur le rejet dépourvu d'ambiguïté du judaïsme.

    Les Juifs trouvent grâce aux yeux de Nietzsche quand ils ne sont pas vraiment Juifs mais "fidèles à leur culture et traditions" ; de même, les catholiques romains bénéficient de l'indulgence de Nietzsche en raison de leurs efforts pour restaurer la culture de vie païenne à l'intérieur du christianisme.

  • Nietzsche antisémite

    Si L.-F. Céline est généralement inculpé pour ses propos antisémites, Frédéric Nitche en est lui, disculpé - récemment par ces fabricants de moraline à l'usage des gogos que sont M. Onfray et P.A. Taguieff.

    - Rassurez-vous, disent-ils à leurs ouailles, le porte-parole de Satan apprécie les Juifs à leur juste valeur.

    Bien qu'assez foutraque, la doctrine de Céline est, il est vrai, plus menaçante pour le veau d'or.

    En deux mots, pourquoi Hitler s'en prend aux Juifs, tandis que Nitche réserve ses diatribes au judaïsme et aux prophètes juifs ? Le nazisme est un mouvement révolutionnaire, tandis que la doctrine de Nitche ne l'est pas. Comme tout mouvement révolutionnaire, il est populiste, et requiert de désigner à la vindicte populaire une minorité intérieure, et un ennemi extérieur. Nitche escompte qu'il éradiquera le christianisme, qu'il juge moribond, à l'aide de sa doctrine, mettant ainsi en place une "paix mondiale" (sic).

    "(...) Comme il s'agit d'un coup destiné à anéantir le christianisme, il tombe sous le sens que la seule puissance internationale qui ait d'instinct intérêt à l'anéantissement du christianisme - ce sont les Juifs. Il y a là une hostilité instinctive, rien d'"imaginé" comme chez le premier "libre penseur" ou socialiste venu - je n'ai que faire de libres penseurs. En conséquence, il faut que nous nous assurions de toutes les forces de cette race en Europe et en Amérique -, et, de plus, un tel mouvement a besoin de l'appui du grand capital. C'est là le seul terrain naturellement préparé pour la plus grande guerre de l'histoire, et la plus décisive : quant au reste des partisans, ils n'entreront en ligne de compte qu'après, une fois ce coup porté. Cette nouvelle puissance qui se formera pourrait en un clin d'oeil devenir la première puissance mondiale (...)"

    F. Nitche

    Du point de vue chrétien, ce ne sont pas les Juifs les pires ennemis du christianisme, mais le monde et les doctrines sociales censées le pacifier. La "synagogue de Satan", ennemie du christianisme, ne désigne pas une institution juive, mais une institution ecclésiastique. Le "fils de perdition" dit saint Paul, s'élèvera au-dessus de tout ce qu'on appelle dieu, ou qu'on adore, jusqu'à s'asseoir comme un dieu dans le temple de dieu, voulant passer pour un dieu. Et la fin des temps n'adviendra avant que le fils de perdition ne soit advenu.

  • Théâtre mou

    Invité à mater une pièce de Claudel donnée dans un minuscule théâtre parisien, je m'y rends en traînant les pieds. Même si Claudel rejoint parfois Bernanos dans la dénonciation du christianisme libéral, l'illustration de son mobile satanique, je n'ai jamais aimé Claudel, qui masque plus ou moins que le paganisme est contenu entièrement dans la politique, et la politique dans la famille. "A contrario" il n'y a aucun paganisme qui ne se fonde sur la famille, même si la formule du paganisme libéral est particulièrement invertie ou hypocrite.

    Si l'on ne rejette pas le droit judéo-chrétien, y compris les "Droits de l'homme" comme Marx, dans la lignée du rejet des institutions juives par le Christ, autant entamer une danse du scalp autour du veau d'or comme le peuple juif privé de son guide, servir la diplomatie de son pays comme Claudel.

    Je remarque qu'il y a souvent de belles femmes parmi les actrices et les spectatrices de Claudel. De ces belles femmes qui semblent troublées par cette question, familière des peintres : comment retenir ce qui constitue leur principal trésor : la beauté ? (je ne parle pas ici de la beauté janséniste selon Karl Lagerfeld, qui n'est que le charme ou le "sex appeal", une manière de dissimuler l'inceste).

    Bref, au bout de cinq minutes, ce "Pain dur" m'emmerde déjà. La bourgeoisie n'est pas un sujet pour le théâtre ; elle est beaucoup trop compliquée. L'unité de temps et de lieu du théâtre classique est une idée mal comprise. La vision classique est hors du temps et de la géographie. On peut très bien écrire une pièce dans le style de Feydeau en respectant bêtement l'unité de temps et de lieu, elle n'en sera pas plus "classique". Shakespeare peut étaler son intrigue sur le fil d'une année entière, il n'en sera pas pour autant "romantique".

    La bourgeoisie qui vit sous l'empire du destin ne peut en aucun cas faire un sujet universel, classique. La bourgeoisie est morte-née, ou innée. Si la Grèce a des auteurs tragiques, c'est notamment parce qu'elle croit en dieu, sans quoi elle n'aurait que des comiques et des poètes, qui jouent sur le mouvement.

    Le théâtre vivant commence après la pièce lorsqu'un sorbonnard parfaitement dans le style sorbonnard, qui connaît la date des premiers furoncles de Claudel, celle de sa dernière bandaison, et ne souffrira pas qu'on évoque un simple rapport sexuel de son idole si ce rapport n'est pas archivé, un tel olibrius monte sur la scène pour une petite conférence de son cru. Il va s'agir en un quart d'heure principalement de démontrer que Claudel n'était pas... antisémite. Car si d'aventure Claudel était vivant, cela ferait automatiquement des spectateurs qui ont payé leur entrée des collabos, et du spécialiste en question une sorte de "gauleiter". Mais qui oserait parler de censure ici ?

    Au beau milieu de ce petit rituel de dévotion à l'esprit du temps, le type se paie même le luxe de dire qu'il trouve parfois Claudel un peu trop religieux.