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edwin reed

  • Peine d'amour perdue

    Edwin Reed est un des "baconiens" les plus utiles qu'il m'a été donné de lire, bien qu'il ne soit pas le plus célèbre.

    Edwin Reed ne s'est pas arrêté comme Freud ou Nietzsche à l'intuition que Francis Bacon et l'auteur des pièces signées Shakespeare (Shagspere) ne font qu'un ; Reed fait valoir que les idées originales de Hamlet dans le domaine de la cosmologie, exprimées à divers endroits de la pièce éponyme, dont un dialogue avec Ophélie, fille de Polonius (qui se pique aussi d'être savant, mais que Hamlet ne prend pas au sérieux) - ces idées cosmologiques originales, donc, correspondent aux idées développées par Francis Bacon dans ses ouvrages scientifiques.

    J'ai déjà rendu compte auparavant sur ce blog dans le détail de cette comparaison d'Edwin Reed. Elle est d'autant plus utile que les professeurs de littérature moderne n'entendent rien ou presque à la cosmologie et se persuadent, ainsi que leurs élèves, que la littérature est d'abord une question de style (pétition de principe typiquement bourgeoise).

    Il est étonnant, dit en substance un commentateur du "Novum Organum" de F. Bacon, que celui-ci, étant donné le bien qu'il dit de la mythologie, n'ait jamais songé à écrire un ouvrage de cette nature.

    Attardons-nous un peu (bien qu'il semble bien tard pour s'attarder encore) sur un autre aspect du travail d'Edwin Reed, à savoir la confrontation entre le propos des pièces attribuées à Shakespeare et le propos de Francis Bacon sur le thème de l'amour.

    Je n'écris pas ici l'amour avec un grand "A", mais bien un petit "a", car c'est bien le propos de Shakespeare, comme de Francis Bacon, de mettre en garde contre la vanité ou l'illusion amoureuse. Bacon montre par exemple que l'histoire n'offre pas d'exemple de grand homme qui ait été "amoureux" ; ou alors, explique Bacon, ce fut son point faible, entraînant sa perte. A contrario, Bacon décrit les soldats comme des individus cédant facilement aux caprices de l'amour.

    Les pièces de Shakespeare où l'amour tient le rôle principal sont nombreuses : "Othello", "Mesure pour mesure", "Peine d'amour perdue", "Roméo et Juliette", sans oublier le sonnet intitulé "Le Viol de Lucrèce".

    "Mesure pour Mesure" est sans doute une des plus intéressantes et révélatrices : cette pièce montre à quel point l'amour est corrupteur de la morale ; substituer l'amour à la morale, c'est prendre le chemin du vice. Le duché de Vienne est en proie à une sorte de folie puritaine, dont on pressent qu'elle ne pourra se résorber que dans l'immoralité opposée. Autre leçon de la pièce : puritanisme et libertinage sexuel sont les deux facettes d'une même folie.

    (Cette pièce fut donnée la première fois en 1604, à la charnière des règnes d'Elisabeth Ire et de Jacques Ier.)

    On peut dire que Shakespeare et Bacon ne font que faire valoir ici un point de vue "antiquisant" ou "philosophique" assez banal ; en effet, presque sans exception, les philosophes de l'Antiquité prônent que la philosophie commence par la maîtrise des passions. Le bonheur ne peut être qu'à cette condition. On comprend, à ce point, que des moralistes antichrétiens et antisémites tels que Nietzsche et Freud aient pu voir dans le théâtre de Shakespeare l'illustration de leur doctrine morale, un effort similaire pour restaurer l'éthique et la raison païennes dans une Europe en proie à la folie judéo-chrétienne.

    Cependant Shakespeare se limite à exposer que l'amour et l'éthique sont deux choses distinctes ; c'est la morale chrétienne qu'il dénonce en disant cela, c'est-à-dire la notion du bien et du mal enseignée par le clergé ; or cette morale n'a AUCUN FONDEMENT EVANGELIQUE, pas plus que la morale des prêtres juifs n'avait de but spirituel selon Jésus-Christ.

    On constate en lisant les évangiles que ce sont les préceptes moraux auxquels sont attachés les prêtres juifs qui les empêchent de reconnaître en Jésus-Christ le Messie annoncé par les prophètes de l'Ancien Testament.

    La preuve que Shakespeare n'est pas "païen", contrairement à certaines médisances catholiques ou puritaines, c'est que la notion de "péché" est conservée dans les pièces de Shakespeare. Elle est conservée, et délivrée du sens que la "morale catholique" prête au péché.

    "Il en est que le péché élève, et d'autres que la vertu fait chuter." peut-on lire ainsi dans "Mesure pour Mesure" : cette parole en apparence mystérieuse est aussi inexplicable du point de vue de la morale catholique ou chrétienne qu'elle est incompréhensible du point de vue païen ou athée (tel que Nietzsche l'a défini de manière réductrice).

    En revanche plusieurs exemples tirés des évangiles permettent de comprendre cette parole, de même que les épîtres de l'apôtre Paul, théologie sous-jacente au théâtre de Shakespeare - CETTE PIERRE D'ACHOPPEMENT de la culture occidentale.

  • Bacon notre Shakespeare

     

     

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    L'oeuvre de François Bacon Verulam éclaire celle de Shakespeare, et l'oeuvre de Shakespeare éclaire l'oeuvre de Bacon.

    - L'Université française est hostile à ce rapprochement qu'elle juge ridicule. Bien plus ridicule est pourtant la thèse qui circule sur la prétendue pédérastie de Shakespeare, dans un esprit similaire à la rumeur répandue sur le compte de Michel-Ange. La science libérale étant fondée sur un narcissime pythagoricien (rejeté par Bacon comme de la superstition religieuse), cette science libérale a tendance à voir du narcissicisme et de l'homosexualité partout.

    L'impérialisme économique libéral s'accompagne de la mise en coupe réglée de civilisations étrangères au libéralisme, sans limite de temps. La Renaissance a peu à voir avec notre époque de barbarie romaine, et il n'y a pas lieu de s'étonner qu'en chrétien, Shakespeare voie dans la cité romaine, contre les traditions politiques médiévales, la cité de Satan (même Bossuet ultérieurement, bien que beaucoup plus soumis, ne pourra pas nier que, s'agissant du nombre 666, tous les chemins mènent à Rome).

    Le personnage de Claudius est tout à la fois empereur romain, Hérode et Oedipe, incarnation par conséquent de la politique satanique. Et Bacon de rappeler que "l'arbre de la connaissance du bien et du mal" symbolise incontestablement la science morale et politique d'abord, qui s'accommode fort bien de l'ésotérisme scolastique dans les autres domaines scientifiques (Bacon fait écho à Rabelais sur ce point).

    - La haine du XVIIe siècle pour Shakespeare, jusqu'au franc-maçon nostalgique J. de Maistre, traduit une intelligence bien supérieure du théâtre de Shakespeare, bien supérieure à la gnose freudienne ou nitchéenne du XIXe siècle, celle du chrétien libéral R. Girard au XXe siècle.

    - Beaucoup de "baconiens" sont malheureusement passés par la cryptographie pour tenter de démontrer l'identité de Bacon et Shakespeare, prêtant le flanc aux railleries (alors même que c'est la physique quantique qui mérite qu'on la méprise pour présenter ses derniers progrès dans ce même domaine de la cryptographie comme des "progrès").

    Plus intéressante la démonstration d'Edwin Reed, disponible partiellement sur internet en anglais, et que j'ai traduite

    Edwin Reed relève quatre coïncidences qui portent sur la science de Bacon et "Hamlet", pièce majeure. La dernière apparaîtra sans doute comme la moins probante, mais c'est en revanche pour ceux qui tiennent Bacon pour un véritable visionnaire (qui a prévu et décrit de fait avec quatre siècles d'avance toutes les technologies et gadgets mordernes) la plus intéressante. La lecture des sonnets de Shakespeare est quasiment indispensable pour la comprendre pleinement, à commencer par le poème où Shakespeare compare deux amours, l'un divin et spirituel symbolisé par une colombe (colombe que Bacon a placée au frontispice de beaucoup de ses ouvrages), l'autre luciférien, comme magnétique ou électrique, symbolisé par un Phénix, oiseau solaire flamboyant.