Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

impérialisme

  • Lire Lénine en 2025 (4)

    Tout d'abord une remarque sur le roman national français, tel qu'il est enseigné à l'école aux enfants entre dix et dix-huit ans. On peut le qualifier de propagande assez grossière, dont la fonction est la glorification des élites françaises dirigeantes.

    Le roman national répond au besoin, qualifié de totalitaire par G. Orwell, de contrôler le passé pour mieux contrôler le futur. A partir des années 1980, il devient nécessaire de réécrire le roman national pour le conformer au projet capitaliste et technocratique d'Union européenne, et de gommer en particulier la germanophobie de la version enseignée entre 1950-1980 pour faciliter l'attelage avec la nouvelle Allemagne officiellement dénazifiée (le roman national allemand est encore plus nettement totalitaire que le roman français).

    Le nouveau chancelier allemand Frédéric Mertz a tenu ce propos d'un négationnisme invraisemblable lors d'un récent sommet diplomatique avec D. Trump, expliquant que l'Allemagne avait été soumise par le parti nazi pratiquement contre sa volonté.

    Si de Gaulle et la Résistance française sont encensées à ce point dans le cadre du roman national, c'est afin de mieux dissimuler la cuisante débâcle de 1940, qui fait suite à une victoire à la Pyrrhus en 1918.

    Mon propos n'est pas ici "léniniste", il est plutôt "bernanosien", puisque G. Bernanos a fustigé l'emploi du terme "Libération" pour qualifier de la façon la plus mensongère un épisode de l'Histoire de France qui coïncide avec sa faillite et sa relégation durable.

    Ajoutons que le PCF de 1945, allié au parti gaulliste, n'a plus grand-chose à voir avec le marxisme, ni même avec le marxisme-léninisme. Au lieu d'enseigner le roman national comme un fonctionnaire d'Etat républicain, un historien comparerait plutôt la façon dont de Gaulle a circonvenu le parti communiste prolétarien à la façon dont le général Franco procéda en Espagne.

    Il s'ensuit une ignorance crasse des Français de l'Histoire de France au XXe siècle, comme on peut s'en rendre compte lorsque l'on fréquente les réseaux sociaux où polémiquent "souverainistes gaullistes", "démocrates-chrétiens européistes", "altermondialistes", et même quelques "royalistes" qui semblent ignorer que la constitution gaulliste a réduit la représentation parlementaire à une clique de courtisans, à peu près aussi efficacement que Louis XIV avait réduit la noblesse frondeuse à une coterie versaillaise.

    Après ce préambule sur le XXe siècle négationniste, où le professeur d'Histoire est une sorte de catéchiste au service de l'Etat, disons ce qui a changé depuis Lénine, avant de dire ce qui n'a pas changé.

    L'espoir de voir le prolétariat triompher au terme de la lutte des classes, mettant ainsi fin à l'oppression de la bourgeoisie impérialiste, a été déçu, éteint par l'Union soviétique elle-même ; ici j'ai déjà fait observer que l'espoir de l'avènement d'une démocratie aux Etats-Unis, formulé par Tocqueville, n'a pas moins été déçu, et encore plus tôt.

    Certains marxistes ont reproché à Lénine de s'exprimer "au nom du prolétariat", et de vouloir l'émanciper, par conséquent, presque malgré lui. Il est certain que l'attitude de Lénine fait penser à celle de Moïse conduisant le peuple hébreu vers la Terre promise, le peuple "à la tête dure".

    L'espoir de Lénine qui paraît rétrospectivement le plus naïf est son espoir affiché dans l'effondrement prochain de l'impérialisme. Je précise "affiché", car il n'était peut-être pas tout à fait sincère sur ce point. Au cours du XXe siècle, deux entités politiques, l'URSS et les Etats-Unis, fondées sur des cultures anti-impérialistes, vont le devenir à la faveur de la Seconde guerre mondiale. L'impérialisme ne s'effondre pas au XXe siècle, mais il triomphe au contraire. Cependant "1984" nous enseigne un fait historique essentiel : la lutte des classes est désormais menée par la classe bourgeoise contre le prolétariat, et son arme la plus efficace dans cette lutte est la technologie, et une formule politique technocratique. Le IIIe Reich allemand a peut-être échoué contre l'URSS sur le plan militaire, mais il a triomphé du mobile marxiste-léniniste anti-impérialiste. Orwell montre subtilement que les prolétaires, assujettis au travail et aux machines-outils, sont moins soumis culturellement à Big Brother par le biais de la culture de masse que les fonctionnaires d'Etat et les membres du parti socialiste. Un fils ou un petit-fils de prolétaire européen, en 2025, a sans doute une conscience politique altérée en comparaison de son père ou de son grand-père.

    L'impérialisme a donc survécu bien au-delà de la révolution bolchévique, mais au prix d'un effort considérable des élites technocratiques pour faire passer le régime technocratique pour un régime républicain. Il n'est pas interdit d'y voir une des raisons de l'échec pour constituer un puissance européenne impérialiste alternative, faisant jeu égal avec la Russie ou les Etats-Unis.

    Le propos de Lénine s'est donc très peu démodé ; il nous semble traiter de sujets actuels comme "1984" parle aux Gilets jaunes qui ont faire face à des forces de l'ordre établi, un ordre qui ne tient pas compte de la volonté des Français, mais façonne l'opinion publique au jour de jour avec l'accord tacite des "partis d'opposition".

    L'attaque de l'Iran par Israël a tout d'une politique impérialiste (atlantiste) qui part en vrille. Le "lobby sioniste" est, en réalité, un lobby impérialiste. Il n'est pas plus "juif" que V. Poutine, dont la tentative d'annexer l'Ukraine obéit aussi à une logique impérialiste, c'est-à-dire à une logique dont le but n'est pas apparent, dont Orwell a montré que c'est une logique de consolidation de l'Etat.

    L'expansionnisme, explique Lénine, a pour but de compenser le manque de ressources intérieures de l'Etat-nation capitaliste.

    En contestant la logique de "croissance économique", les écologistes ignorent le plus souvent qu'ils contestent en réalité un principe de compétition impérialiste.