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sorbonagrerie

  • Science sans conscience

    ...n'est que ruine de l'âme.

    J'ai déjà dit sur ce blogue combien la "conscience chrétienne" dont Rabelais fait état dans cet avertissement, diverge de l'éthique, sorbonagrerie néoplatonicienne de clercs ineptes. J'en veux pour preuve que le darwinisme, promotion d'un déterminisme barbare et totalitaire, reçoit la caution la plus souvent aveugle d'exemplaires tartufes, attachés par ailleurs à brandir la bannière de l'éthique, y compris jusque sur le terrain de la guerre où elle est vouée à être indéfiniment bafouée par des lois supérieures.

    D'éthique de la liberté il n'est pas question dans le christianisme. Les évangiles illustrent une conception chrétienne de la liberté OPPOSEE à celle de l'éthique, contrairement au païen Platon. "Ethique de la liberté" : la formule est d'un pasteur et universitaire protestant, Jacques Ellul, sournoisement occupé à promouvoir le choc des cultures sous couvert d'anarchie. J. Ellul aurait mieux fait de lire les paraboles du Christ, qui montrent toutes le fossé qui sépare la charité de l'éthique. Il aurait aussi pu lire Platon, et comprendre ainsi à quel point l'éthique est compatible avec l'esclavage.

    J'allais oublier Molière : l'aumône de Don Juan au pauvre est significative de la démarche éthique, dont Molière montre ici le caractère de parodie subtile de la charité. Don Juan est athée : son geste a une dimension sociale. Il ne fait pas l'aumône suivant le commandement de dieu, mais pour le bien du monde, c'est-à-dire au fond pour lui-même, car Don Juan a conscience que la société n'a qu'une valeur relative. Et Molière, lui, sait que la société n'a aucune valeur du point de vue chrétien.

    Ce que Rabelais dit de la science, on peut le dire de l'amour : "Amour sans conscience n'est que ruine de l'âme." (Cela ne vaut pas d'abord pour les putains, dont bien souvent la conscience est plus nette des véritables ressorts de l'amour humain que les filles à papa.)

    Science et amour se confondent parfaitement du point de vue chrétien. L'incitation à la conscience dans la science est ainsi incompréhensible du point de vue païen, qui relève du droit naturel et de la philosophie naturelle. La nature est pour le physicien païen un dieu seulement partiellement pénétrable. Le physicien païen s'incline devant la nature qui en saura toujours plus que lui.

    Sauf la dimension de respect, la technocratie moderne répète exactement la même mentalité. L'éthique moderne, substituée à la conscience chrétienne authentique, n'est là que pour affranchir la science du respect, c'est-à-dire pour attribuer à l'homme une capacité qui n'est pas la sienne, mais celle de l'homme. Les soi-disant "comités d'éthiques" ne sont là que pour servir de caution à la barbarie moderne. L'athéisme ou l'éthique chrétienne sont des armes juridiques au service de la domination occidentale. Si complot de l'Occident il y a, il consiste surtout à faire passer les valeurs occidentales pour des valeurs "scientifiques", ce qu'elles ne sont pas. Les mathématiques sont une science inférieure à la poésie, et bien souvent les mathématiciens n'ont de la nature ou de l'univers que des supputations pour toute connaissance.

    Les propagandistes modernes de l'éthique juive, chrétienne ou laïque, sont en réalité les artisans de la destruction de l'humanisme chrétien authentique. L'éthique chrétienne substitue le néant à dieu - il devient ainsi possible de passer de l'athéisme au christianisme, et du christianisme à l'athéisme, comme on enfonce une porte ouverte.

    Simultanément, d'une manière tragique et qui a été illustrée par Shakespeare dans plusieurs pièces, l'éthique chrétienne (l'odeur qui empeste le Danemark) incline l'amour dans le sens de la mort (suivant le mobile qui détermine Ophélie). Il ne s'agit pas pour Shakespeare comme certains l'ont cru (Nitche) de dénoncer le christianisme, mais bien de dénoncer une morale chrétienne-platonicienne qui dissimule derrière l'argument de la tradition l'occultation du message évangélique, de sorte que la culture médiévale n'est qu'un syncrétisme abject dans la plupart de ses propositions, notamment les plus officielles.