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  • L'enfance d'un sexe

    Ma vie sexuelle a commencé lorsque j’avais huit ans. J’ai gardé un point de repère précis. Mes parents m’avaient permis d’inviter trois copains, dont deux des quatre frères Chaland, Wilfried et Baudoin, à jouer autour du château. On pourchassait une bande d’Indiens imaginaire lorsqu’on est tombés en arrêt devant cette fille, derrière une grosse souche. C’était dans la pente raide plantée de sapins, sur le flanc ouest du château. Stoppés net dans notre élan, on s’est rattrapés les uns aux autres pour pas déraper sur les aiguilles glissantes.
    Assise, la fille, qui devait être Russe ou Tchèque, ouvrait les cuisses, pas du tout gênée d’exposer comme ça sa jolie motte frisée châtain clair en plein milieu de Penthouse magazine. Complètement à poil dans un manteau de fourrure moelleux de la même couleur, mais coiffée quand même d'un bonnet… Silence quasi-religieux des moutards babas.
    Après un examen balistique sommaire, nous conclûmes que quelqu’un avait dû se débarrasser en catastrophe de l'illustré conpromettant en le balançant par-dessus le grillage ceignant la propriété. Un chemin étroit en surplomb descendait en pente douce du bourg jusqu’à la plage. En tombant, le magazine s’était ouvert sur cette fille slave de joie.

    Le premier réflexe de Wilfried, il avait repris sa respiration le premier, fut de bouter le feu à la poupée russe avec son zippo. Il venait juste de repérer l’étoile rouge sur la chapka noire et n'était pas décidé à laisser passer un truc pareil ! À son âge, il connaissait les meilleurs pamphlets d’Hergé par cœur, bien sûr, à commencer par les "Soviets" !
    Son prénom exotique et sa pyromanie étaient ce que je préférais chez Wilfried, mais j’eus le réflexe, ce coup-là, de le dissuader d’aller au bout de son idée :
    « - T’es fou, Will, je lui dis, si ça fume mes parents vont radiner ! » Je suis désolé de donner ici de moi l’image d’un rabat-joie, mais c’est comme ça que les choses se passèrent. Nous enfouîmes délicatement sur place, sous une couche d’humus, la fille à poil.

    De ce jour, je ne fus plus tout à fait le même. Jamais j’avais croisé une fille d’une telle prestance - ni offrant de telles prestations. Mon mépris pour la gent féminine se nuança donc.
    Mais, en me refilant des goûts de luxe, elle retarda pas mal l’éclosion de mon sexe. Ce n’est qu’à dix-sept ans, en effet, que, désespéré de croiser un jour la Russe de Penthouse en chair et en os, je me décidai enfin à franchir le pas avec une Normande. Certes, elle avait aussi de longues jambes, mais elle ne les écartait pas avec autant de naturel. Déception. Je ne lui offris pas de manteau en vison.

    Le lendemain, je revins vérifier, seul, que la fille à scandale n’avait pas été découverte. Il n’avait pas plu et elle n’était pas souillée. Et le surlendemain encore jusqu’à la fin de l’été. Je ne tournai pas la page.

  • Le seul qui a du talent

    Impossible de faire comprendre à un collègue de travail (qui achète Le Monde), espèce de brute positiviste, qu’un logiciel de traduction ça ne sert à rien, que c’est un PUR ATTRAPE-COUILLON. C’est le genre de crétin à croire que Kasparoff a VRAIMENT été battu par une machine. «Certes, me dit-il, c’est pas encore tout à fait au point, mais c’est qu’une question de temps…».

    À force de traverser les saisons sans attraper une de ces grippes, bronchites ou autres courantes qui sèment l’apathie dans le métro parisien, je commence à me prendre pour le surhomme Nietzschéen. Je trouve même là un prétexte à mes tendances polygames, car cette immunité coïncide avec une activité sexuelle assez intense. Quand un frisson me parcourt l’échine. De mauvais augure, vu qu’il fait 35 degrés à l’ombre dans mon bureau, rapport aux bécanes qui pédalent dans la semoule. Je me mets à claquer des dents et ça me ramène à la précarité de ma condition de Lapinos.

    Heureuse inspiration ! Grâce au site de Vebret, je découvre le site de Nabe et ses deux galeries de portraits, les renégats d’un côté, Vebret en tête, et les amis de l’autre. C’est très drôle, très potache, ce truc. En un mot, nabien. Ça serait encore plus chouette si on pouvait passer d’une catégorie à l’autre. Dès que Juldé dirait du bien d’un bouquin de Nabe, hop, il marquerait des points et changerait de catégorie. Pour l’instant, Juldé fait partie des renégats. Et il a raison de dire que ça vaut mieux que de faire partie des amis. Dans un jeu comme ça, les “amis”, ça fait un peu lèche-cul, non ? D’autant que dans le lot des amis, il y a Sollers, face de rénégat s’il en est ! Normal aussi, quand on fait le grand écart comme Nabe entre les Prs Arveiller et Choron, d’avoir besoin de faire des listes pour s’y retrouver (ce serait faire de l’humour facile que de prétendre que ces deux-là se ressemblent beaucoup plus qu’il y paraît).
    Un petit regret quand même, lorsque je vois le nombre de potes que Nabe s’est fait à Charlie-Hebdo, que n’y figure pas le seul qui a du talent, je veux parler de Cabu bien sûr.

    Charlie-Hebdo, la dernière fois que je l’ai ouvert, je me suis rendu compte que c’était devenu l’organe officiel du parti bobo. Sous l’impulsion de Philippe Val, champion pour mener sa barque dans le vent. Il en vend environ 60000 exemplaires par semaine, chapeau bas ! Récemment, Johan Sfar et Riad Sattouf ont été enrôlés, y manque plus que Titeuf et Trondheim ! Riad Sattouf, il est Syrien. C’est pratique, ça lui permet de dire leurs quatre vérités aux Arabes sans qu’on puisse le traiter de nazi. D’où des bédés nettement moins politiquement correctes que celles de ses comparses. J’ai bien aimé Le Pays de la soif, par exemple.

    Avec cette fièvre, je ne sais pas si je vais aller à la piscine ce soir relever mes filets.

  • Le cœur au bord des lèvres

    Loin de moi l’idée, en feuilletant l’Abécédaire Schopenhauer, d’apporter de l’eau au moulin de la germanophobie ambiante. Non, je ne mange pas de ce pain-là, mais il est certain que quelqu’un qui bâtirait toute une théorie sur l’épaisseur de l'esprit germanique trouverait dans ce bouquin matière à l’étayer.
    Certaines “entrées” ont en effet de quoi faire ricaner :
    PHILOSOPHER : «Pour philosopher, les deux premières conditions sont celles-ci : premièrement, qu’on aie le courage de se poser toutes les questions ; et deuxièmement, qu’on prenne clairement conscience de tout ce qui va sans dire pour en faire un problème (P II, par. 3,4)»
    Ça en dit long sur la hauteur de vues de Schopenhauer. Je ne m’y connais guère, mais je comprendrais qu’on prenne Bergson à côté pour un extra-lucide.

    Celle-ci n’est pas mal non plus, sur KANT :
    «Kant est peut-être l’esprit le plus original que la nature ait jamais produit (PI, 181)», quand on la rapproche avec : «Nous connaissons les choses non pas comme elles sont en soi, mais seulement comme elles apparaissent. Voilà la grande leçon du philosophe Kant (PII, par. 30,47).» Bigre.
    Et je referme l’Abécédaire, sans regretter de m’être contenté, pour toute formation philosophique, de lire les Fables de La Fontaine.

    Jongler avec des concepts, c’est plutôt lassant à la longue, quand il y en a pas un qui vient choir lamentablement, entraînant tous les autres. Tandis que l’Histoire, ça c’est une école de précision ! C’est plein de détails avec lesquels on ne triche pas impunément. Aussi Simone Veil a-t-elle su capter mon attention. Avec un petit livre-interviou, dans lequel Madame le Ministre revient sur son engagement féministe en faveur de la libéralisation de l’avortement. La loi Veil fut votée en 1975, sous Giscard, elle raconte dans quel contexte. Prenant son témoignage à la barre de l’Histoire contemporaine au sérieux, je relève quelques lignes assez édifiantes.

    A la question : « L’Eglise a-t-elle constitué un obstacle majeur ? », Simone Veil répond : « Beaucoup moins qu’on aurait pu le craindre. Elle aurait pu être beaucoup plus agressive, mais sans doute a-t-elle senti qu’une réforme était inévitable et que, plutôt que de s’y opposer par principe, il valait mieux insister sur quelques points qui lui tenaient à cœur. Il est vraisemblable qu’un pape comme Jean-Paul II, qui intervient très souvent sur cette question, aurait montré plus d’intransigeance que Paul VI et fait davantage pression sur les catholiques français (…) quant aux rabbins, ils étaient je pense plutôt hostiles, mais ils ne sont pas intervenus et je n’ai jamais eu aucune démarche de leur part. »

    De toute évidence, Simone Veil fournit là à l’Eglise de France un motif de repentance en béton, lorsque celle-ci aura épuisé les autres. 200000 avortements par an en France, cela fait qu’on approchera les six millions en 2005. Ces calculs vertigineux peuvent peut-être laisser insensible quelqu’un qui n’aurait pas vu un “amas de cellules” de quelques semaines se tordre de douleur pendant qu’on s’acharne à lui broyer le crâne avec une pince. Moi pas, je suis sans doute trop émotif.
    A part ça, la ministre se souvient d’avoir été chahutée à l’époque par deux ou trois députés forts en gueule, oublieux de la plus élémentaire galanterie. Les députés Feit et Hammel ont ainsi sorti chacun un magnétophone pour faire entendre dans l’hémicycle les battements de cœur d’un fœtus, dénonçant un “génocide légal”.
    Mais la question la plus insolente fut posée par Jean-Marie Daillet, qui lui demanda si elle accepterait de jeter les embryons au four crématoire. Là-dessus, indignation de Simone Veil, qui rappelle à ceux qui ne le sauraient pas qu’elle est d’origine juive et tout ça… Justement, elle va quand même pas nier l’existence des fours crématoires !?

    Bon, j’espère ne pas avoir trop perturbé votre digestion. Pour ma part, j’ai le cœur au bord des lèvres.

  • Le Palindrome divers

    Il n’y a pas de discipline plus noble que le pastiche. On s’y exerçait au lycée du temps où celui-ci n’engendrait pas que de moroses paraphraseurs voués au Prix Interallié, pour prendre un exemple récent (Beigbeder, lui, au moins, a une “gueule” - et c’est important quand on fait de la figuration, curieuse erreur de casting du jury que ce Zeller qui ne ressemble à rien…).

    Peut-on vraiment comprendre Gréco tant qu'on n'a pas copié un des ses tableaux ? Vous me pardonnerez ce ton de professeur de littérature à Sciences-po pour parler pastiche, mais on aurait tort de prendre cet art à la légère.
    Les règles en sont strictes. La recette exige avant tout d'assaisonner un écrivain de talent. Inutile de s’attaquer à Chloé Delaume, Amélie Nothomb, Yann Moix, ou autre Jean-Christophe Grangé, ils ne résisteraient pas à ce traitement : comment ferait-on la différence entre l’original et la caricature ? Jourde et Naulleau, faute de pouvoir pasticher Sollers, Angot ou BHL, ont dû se contenter de s’amuser avec leurs tics et leurs trucs.

    Je reviens juste du Palindrome, ubuesque mais téméraire blogue qui publie des pamphlets de L.-F. Céline en faisant fi de l’indifférence générale pour la littérature (et de Lucette), où Raphaël Juldé et ses amis s’amusent aussi à pasticher Dantec (le mérite-t-il ?).
    J'espère au moins qu’avant de s'atteler à la tâche, ces lascars ont invoqué les mânes du grand, du sublime Georges Fourest.

    «Moi je voudrais que tout le monde,
    connût sa "Négresse blonde"
    et malheureusement (je le sais) il est encore
    des tas de gens qui l’ignorent.
    Il n’est pas de ces littérateurs
    qui encaissèrent de forts droits d’auteurs.»

  • Passage des troupes en revue

    Il y a les hussards, Nimier, Déon, Laurent, Blondin, écrivant debout, j’ai envie de dire “droit dans leurs bottes”, mais l’expression a été galvaudée, impatients d’en finir avec les charmes chancelants d’une époque scélérate.
    Il y a ceux qui préféreraient être des spahis dans le désert, comme Patrick Besson.

    Et puis il y a les zouaves. Hier soir, n’ayant plus après une journée harassante d’autre désir que celui d’allumer la télé et de m’affaler devant, j’ai pu admirer la belle charge du zouave Tillinac dans la petite arène de Franck-Olivier Giesbert. Pontifical, le zouave, ça va de soi. On le sentait piaffer à la seule évocation des fumées de Mai 68, et, dès que le signal fut donné, il n’attendit pas pour fondre sur Wolinski, Philippe Val et François Hollande, bousculant cézigues comme un possédé. Surpris par tant de hargne sur un plateau de télévision, par ce piétinement sauvage d’éthique médiatique, les trois compères se débandèrent, rougissant et balbutiant ; oubliant même de traiter de nazi ce zouave. C'était quand même la moindre des choses de la part d’un dialecticien de la trempe de Philippe Val ! Excitée par l’odeur de poudre, Elisabeth Lévy, flanquée d’une blonde dont je n’ai pas bien compris l’usage, portait ensuite le coup de grâce aux ex-révolutionnaires.

    Comme Jacques Chirac son maître, Tillinac a des idées simples, des goûts contestables et des idéaux à la portée de tout le monde, mais mâtin quel cador !

  • L'effet Goncourt

    L’effet Goncourt, c’est que je n’aurais jamais eu envie d’ouvrir Le Soleil des Scorta s’il n’avait eu le Prix Goncourt, Laurent Gaudé.
    Ça ne change pas grand-chose puisque je l’ai vite refermé. « C’était bien lui. Elle l’observait comme on fixe le destin dans les yeux. Elle lui appartenait déjà. Il n’y avait pas à lutter. Elle lui appartenait. Puisque après quinze ans il était revenu et avait frappé à la porte, peu importe ce qu’il lui demanderait, elle donnerait. Elle consentirait, là, sur le pas de sa porte, elle consentirait à tout. » Que voulez-vous, convenez que quand on lit ça, on croit avoir affaire à un pastiche (de Guy des Cars).
    Quand on lit ça, on n’a rien lu, et pourtant, c’est comme si on avait tout lu de Laurent Gaudé.

    Mais peu importe le Gaudé, car c’est de critique et de Goncourt que je veux parler.
    C’est la mode de dire que la critique est facile. Si on le répète autant, c’est que justement c’est pas vrai. La critique, c’est un art en péril aujourd’hui. Elle est mourante, la critique, même s’il reste des critiques bien nourris et en bonne santé, des tas.

    Tenez, Assouline, par exemple, capable parfois de touchants élans de sincérité, eh bien lui aussi se sent obligé de nous seriner l’antienne des jurés Goncourt repentis (sur son blogue). Mais ça ne prend pas. Les jurés Goncourt font plutôt penser à de vieilles putes ratatinées qui essaient de s’acheter une conduite. Leur influence s’est réduite ces dernières années, comme peau de chagrin. Le Goncourt, qui n’a jamais été un gage de qualité, n’est même plus un gage de quantité ! En élisant Gaudé, qui a déjà vendu 80000 exemplaires de son roman de gare, ils se sont mis à l’abri de ce genre de remarque ironique, voilà tout. C'est qu'il y a de la concurrence entre les jurys, on digère moins peinard chez Drouant qu'autrefois.

    Quant à Patrick Besson, dont je gage, avant même de l’avoir parcouru, que le dernier recueil de chroniques paru (Solderie) est un meilleur remède pour l’esprit que tous les Goncourt - mettons de ces cinquantes dernières années -, c'est presque le dernier à tenter de jouer le jeu de la critique.

    Regardez-le bien, c’est un mec costaud et habile, Patrick Besson. À mon avis, il préfigure ce que devra être le critique post-moderne s’il veut survivre dans cette jungle, trancher la tête au crotale Savigneau d’un revers de plume, écraser du talon l’aspic Nourrissier, fendre le crâne du bœuf Durand : un mec costaud, du ciboulot comme du biceps, un vrai Rambo des lettres, d’origine yougoslave si possible, ça impressionne l’adversaire.

  • Pour qui sonnent ces gars ?

    Sans tambours ni journalistes, c’est au son de la trompette que le cercueil d’Alain Fournier remonte la très gothique nef de St-Eugène. Un ange passe entre les poteaux d’ADG, un peu intimidés par toutes ces fleurs de lys, et que l’encens saoule visiblement. Coquetèle détonnant de baccantes patibulaires et de veuves éplorées, de costards-cravates et de blousons noirs de circonstance. Ici quelque kangourou se cache sous une casquette et des ray-bans yanquis, et là un vieux dur-à-cuire médite au garde-à-vous, près d’un chouan de Paname, portant une bannière frappée du Sacré-Cœur. «Rillettes et rillons, ne rions plus». Un de la Noire, représentant la boutique Gallimard, en manteau d’alpaga crème, se pince pour y croire.

    Même le curé, ancien de la Royale, met de l’argot dans son latin pour mieux se faire entendre de ses ouailles endeuillées ; il prêche que «La Providence et la Vierge Marie sont de mèche toutes les deux». «Alain Fournier est nu à l’entrée de la salle du trône. Nous avons le pouvoir, nous, les vivants, de prendre la défense des morts par nos prières !»
    Des chœurs plutôt couillus prennent le relais : «Plus près de toi, Mon Dieu, Quand sous l'effort je ploie, Quand sombre toute joie, J'espère en Toi, mon Dieu…»

    Retour d’ADG à Véretz l’après-midi, pour y reposer en paix près de son pépère. Les aminches partageront le pain et le fromage, arrosés d’un petit verre de Montlouis.

  • Pour venger A.D.G.

    La République des livres, c’est le nom du blogue de Pierre Assouline. Qui se fend d’un hommage appuyé à ADG. C’est devenu tellement rare, un homme du Monde qui sort des beaux quartiers et traverse la ligne de démarcation pour aller s’encanailler dans les faubourgs du polar réac, au risque de se mettre dans de beaux draps, que j’émets un petit sifflement d’admiration…

    Je ne sais trop quoi en penser, que la moustache d’Assouline cache un Tintin de gauche ? En moins naïf, tout de même, car quelques messages compromettants ont été effacés du blogue par ses soins (à moins qu’Assouline ait une secrétaire particulière ?).

    Pour parer à une éventuelle censure, donc, je prends la liberté de reproduire ici de larges extraits de l’hommage d’Assouline.

    Pierre Assouline : « ADG a passé l'arme à gauche. À 56 ans, des suites d'une longue maladie. L'écrivain était déjà un peu mort depuis son exil de dix ans en Nouvelle-Calédonie. Son retour n'avait pas vraiment convaincu. L'éloignement, le divorce, la dépression lui avaient fait perdre la main.

    Nul doute qu'on va voir fleurir l'épithète “facho” dans les nécrologies. C'est vrai qu'il était bien vu du côté du Front National [à ne pas confondre avec le côté de chez Swann] et qu'il avait publié nombre d'articles dans Minute et Rivarol. Mais pour être tout à fait sincère, quand je lis ses livres, je m'en tape. Avec Jean-Patrick Manchette, il incarnait le néo-polar des années 70 made in Série Noire estampillé Gallimard (…).

    ADG [pour Alain Dreux Galloux], qui adorait le pastiche, la parodie, la provocation et l'autodérision, se considérait plutôt comme un anarchiste de droite, y compris dans ses romans [?].
    La divine surprise, La nuit des grands chiens malades, Juste un rigolo, La marche truque, Je suis un roman noir se relisent avec la même saveur qu'au premier jour (…).

    Son héros étant affublé d'un nom imprononçable pour un tourangeau, il l'appelait “Machin”. Fournier était son vrai nom à lui. Ses parents lui ayant fait le sale coup de le prénommer Alain, il prit très tôt en grippe
    Le grand Meaulnes et son auteur. D'où ADG. Et son discret chef-d’œuvre au rythme, à l'atmosphère et à l'humour indécalquables : Le grand môme... »

    Assouline oublie dans sa biblio express d’Alain Fournier ce qui est sans doute son meilleur polar, à conseiller à ceux qui ignorent tout d'Alain Camille (un autre pseudo) : Pour venger pépère. ADG a raté la gloire de peu, avec Quelques Messieurs trop tranquilles, adapté par Lautner de La nuit des grands chiens malades, avec une belle brochette d'acteurs, mais qui fut un bide.

    Il oublie aussi de dire qu'ADG a travaillé à Pilote, comme Cabu, Fred, etc. Je dis ça pour souligner l'évolution rapide des mœurs. Car aujourd'hui, ce mélange des genres au sein d'une même rédaction ferait scandale.
    Autre motif de soulagement pour les adjudants de la pensée : ADG a payé pour ses fréquentations inconvenantes. La Série Noire, à qui il avait fait gagner beaucoup d'oseille pourtant, à ses débuts, s'est abstenue consciencieusement de rééditer ses polars pendant près de trente ans, malgré la demande. Il s’en plaignait car il ne roulait pas sur l’or.

  • Comment peut-on être Yanki ?

    Le Vengeur fou du Texas a succédé à l’Ogre de Saint-Cloud dans les cauchemars des Français qui aiment bien se faire peur. Et, après tout, plus on est confortablement lové dans un canapé chiné chez Habitat, à regarder Arte en sirotant un thé Mariage-Frères, plus on a besoin de se faire peur, c’est logique. D’ailleurs, c’est NA-TU-REL de se faire peur. Quel enfant ne frissonne-t-il pas, mélange d’angoisse et de plaisir, à l’évocation du Capitaine Crochet, de Cruella, de Rastapopoulos, de Dracula, d’Olrik ou de Shere Khan ?

    Quel sondage sans appel pour George Bush que celui que j’ai improvisé à la sortie d’une soirée Gloubi Boulga au Grand Rex il y a quelques jours, alors que je flânais nonchalamment dans les parages, entre chien et loup, voulant profiter d’une des dernières douces soirées de l’année. Seulement 3 % des personnes interrogées m’ont déclaré qu’elles voteraient pour George Bush aux élections américaines !! Si elles pouvaient, bien sûr. Car, faut-il le rappeler, malgré la brillante lignée de philosophes qui ont précédé Bernard-Henri Lévy, malgré la quasi-absence de rides sur le front de Catherine Deneuve, malgré la noblesse de notre attitude au cours de la dernière guerre mondiale, quand, l’effet de surprise passé, nous bottâmes vigoureusement le cul aux Boches jusqu’à ce qu’ils repassent la frontière à toute berzingue, eh bien malgré tout ça les Américains devront se passer de notre avis et choisir tout seuls entre un brillant diplômé de Yale à la dentition impeccable et un plouc texan à peine remis d'un alcoolisme chronique.

    Peu de chance qu’ils se trompent, me direz-vous. Sauf qu’avec les Américains, cow-boys crédules élevés aux OGM, on ne sait jamais. Un journaliste américain rendait hommage l’autre jour dans notre langue à l’intelligence des Français, sur je ne sais plus quelle chaîne publique. La différence entre les Américains et les Français affirmait-il, c’est que les Américains croient d’abord en Dieu, tandis que les Français croient d’abord en l’Etat. Soyons un peu sérieux deux minutes : Kerry aurait sans doute mené à peu près la même politique stratégico-économique que Bush à sa place, peut-être aurait-il fait un peu mieux stratégiquement et un peu moins bien économiquement… qui sait ? Là n’est pas le problème, de toutes façons. Car J.F. Kennedy, lui, a eu beau enfoncer l’Amérique dans la guerre du Vietnam, où on brûlait au napalm des villages entiers, ce qui relègue la guerre d’Irak au rang de vulgaire expédition punitive, ça ne l’empêche pas d’être un Président très sympa aux yeux des Français (sa femme avait d’ailleurs des origines françaises).
    Non, le véritable problème c’est que Bush mange des bretzels en regardant la télé, et que les bretzels, qui est-ce qui les a inventés, à votre avis ? Les Allemands !! Ça ne vous fait pas penser à un autre méchant célèbre…

    Le Vengeur Fou du Texas, l’Ogre de Saint-Cloud… Et le Grand Prophète Kamikaze, me direz-vous ? Ce qui ne colle pas avec Ben Laden, pour en faire un méchant crédible, si vous voulez mon avis, c’est qu’il est Arabe et qu’il porte une chemise des mille-et-une nuits. Ça bouleverse trop les lois du genre.