Le mariage de la science et de l'inconscient, c'est-à-dire le mariage que des mages égyptiens tels que Sigmund Freud ou Carl Jung nous incitent à accepter, correspond à ce que Rabelais appelle, lui, "la science sans conscience".
- Demandez-vous quelle est la part de l'inconscient dans la science, et ce que cela signifie d'accepter dans la science une part d'inconscient, au lieu de lutter contre sans trêve. On peut passer par l'art, un peu plus familier que les hypothèses confuses de la science moderne. Car l'art, quand il est religieux, j'insiste bien sur cet aspect de religiosité, présente une symétrie avec la science, qui d'un point de vue critique chrétien ou matérialiste est inacceptable, car il mène à placer la culture scientifique au niveau de la science, et la culture artistique au niveau de l'art, et qui baigne dans la culture, baigne dans le confort, et usurpe le titre de savant comme celui d'artiste.
- Je prends souvent l'exemple de Pierre Soulages, car ce type a poussé l'art à un niveau d'égoïsme et de bêtise rarement atteint en France. La part d'inconscient qu'il avoue dans son art est maximale : il ne sait ni le sens, ni la "valeur" de ce qu'il peint et, pour cela, il veut non seulement être pardonné, mais payé. Bon, on devine facilement le sens de l'art de Soulages, dont la signification est presque contenue dans le patronyme : c'est à peu près un exercice de yoga, une idée de moine.
La République française, si fière de sa science, porte au pinacle un art plus religieux encore que l'art de la monarchie de droit divin. La République française, si fière de sa liberté d'expression, se prosterne devant la réputation d'artistes qui n'aurait jamais été sans une intense propagande, et l'organisation de la spéculation par des fonctionnaires.
Plus grave que la République française, qui de toutes façons fera "pschittt" un jour ou l'autre : la science ; que dirait-on d'un prétendu savant qui, comme le patouilleur Soulages, avouerait la même part d'inconscient, et dirait : "J'ignore le sens de ce que je fais, et je ne sais pas l'usage de ma science." ? On dirait que c'est un fou dangereux ; au minimum, on ne lui accorderait aucun crédit.
Pourtant, c'est très largement le niveau où se situe la science aujourd'hui et le rôle qu'elle joue : entièrement technique comme l'art de Soulages, c'est-à-dire un exercice de style religieux, destiné à rassurer les esprits.
La seule chose que les Français pouvaient reprocher à l'Allemagne dans les années 30, c'est d'être un peuple d'ingénieurs, situant la science et l'art au niveau de l'ingéniérie ou de la musique, avec tout ce que ça implique de confort intellectuel. Les Français pouvaient reprocher aux Allemands d'être un peuple de fainéants à la recherche du temps perdu. Aujourd'hui, ce reproche, les milieux populaires français peuvent les adresser à leurs propres élites. Il n'y a là-dedans aucun motif de révolte ou de populisme, moyen au contraire pour l'élite d'encadrer le peuple et de reprendre le contrôle quand elle l'a perdu, moyen qui situe les élites bourgeoises républicaines, étant donné leur aptitude extraordinaire à ce jeu, et le sang que cette manigance a fait couler, au niveau de la chiennerie.
Rien ne prouve scientifiquement que le mouvement des sociétés vers leur déclin et leur chute peut-être enrayé. Il y a là en revanche un motif de rejet du culte identitaire national-socialiste et de reconquête de l'individualité. La science, individuelle, ne se renforce que CONTRE la religion et l'hypocrisie sociale. Contre le peuple, les élites peuvent tout ; contre l'individu, tous les clergés sont impuissants.