Le mysticisme est le déguisement préféré de la bêtise et de l'ignorance.
Je ne veux pas restreindre le propos au mysticisme religieux, car nous vivons dans une époque mystique au sens très large, sans doute l'époque la plus mystique de tous les temps.
Cela fait bien rire d'entendre parler de "cartésianisme" en un temps où la croyance dans la démocratie, ou bien dans le voyage dans le temps, les univers multiples, l'amour, la paix dans le monde, les super-héros (j'en passe et des meilleures), sont répandues dans le peuple et même les élites.
Le goût généralisé de la musique est le signe d'une culture mystique ; comme la musique est un remède, cela signifie que le mysticisme est une maladie.
- Le christianisme est-il une religion mystique ? On peut le croire si on se fie à la coïncidence suivante : les nations occidentales, baignant dans cette culture mystique, revendiquent en même temps le plus souvent le christianisme, à l'exemple des Etats-Unis ou de la Russie, revenue aussi vite qu'elle l'avait abandonnée à l'orthodoxie. On peut le croire si on se fie à un ouvrage tel que le "Génie du christianisme" (Chateaubriand), mystique à bien des égards, pour ne pas dire mystificateur.
Mais si l'on examine les écritures saintes chrétiennes, on verra qu'elles ne sont pas mystiques. D'abord parce que les apôtres éclairent des pans de la religion juive demeurés obscurs jusqu'à l'avènement du Sauveur, de sorte que l'on peut dire que le christianisme est moins mystique que le judaïsme, qui déjà se distinguait des religions païennes par une vision du cosmos plus claire, moins propice à l'hystérie mystico-religieuse.
On note qu'il y a bien quelques aspects des évangiles qui demeurent mystérieux, comme le nombre de la bête (666) ; saint Paul qualifie aussi de "grand mystère" le mariage du Sauveur et de son Eglise ; l'apocalypse de Jean peut paraître un texte mystérieux : de nombreux passages sont seulement mystérieux du fait de l'ignorance de l'homme moderne du langage des symboles.
Néanmoins, dans tous les cas, l'encouragement explicite du Sauveur et des apôtres est à élucider les quelques passages mystérieux des Evangiles, non à entretenir le mystère. De même les évangiles ne font pas de la science un péché ; les Français le savent bien puisque les philosophes des Lumières se sont appuyés sur les évangiles pour contester le monopole du clergé catholique sur la vérité scientifique, vérité bien sûr relative compte tenu de l'ignorance persistance de nombreux aspects du cosmos.
Commentaires
A proprement parler, le mysticisme est (ou en tout cas, c'est comme cela que je le perçoit) être en relation personnelle avec Dieu, ce qui est finalement l'objectif de toutes les religions.
Mais bon, dans notre société ou toutes les valeurs s'inversent (ce qui est très eschatologique finalement), le mysticisme est devenu comme une transe, une danse diabolique, satanique, visant à tout marchandiser.
D'ailleurs, je viens de m'en rendre compte mais quand dans l'apocalypse, saint jean fait la liste des marchandises des marchands, il parle d'âmes humaines. Or, qu'est ce que la GPA (Gestation pour autrui ou encore pour être plus honnête et direct, Grossesse pour argent) si ce n'est acheter une âme humaine, quelqu'un qui n'est pas encore né, comme le dit bien saint jean ?!
Le christianisme est la seule religion qui propose à l'homme une relation TRANSPARENTE avec Dieu, purifiée du respect et de la crainte dans certaines puissances subalternes ; le chrétien ne peut être "réuni à Dieu" s'il ignore qui est Dieu.
Le nouveau testament permet à l'homme de progresser sur la voie de la vérité, encore encombrée de nombreuses spéculations et hypothèses au stade de l'ancien testament. Il y a beaucoup d'appelé, mais peu d'élus, car le chemin de la Vérité est une voie étroite.
La relation aux dieux païens/la Nature sous diverses formes est une relation "normale", qui n'implique pas la connaissance profonde de la Nature ; on peut nouer une relation équilibrée avec la Nature, y compris quand on est chrétien, sachant tout ce qui nous écarte de Dieu dans la nature, sans pour autant désirer tout savoir des mystères de la Nature, qui demeurent encore assez épais aujourd'hui, quoi qu'en disent quelques arrogants.
Le suppôt de Satan Nietzsche se contente du principe, relativement vague, d'éternel retour, qui régit le cycle de vie. Le chrétien est moins mystique, qui veut en savoir plus sur ce Dieu caché qui, mystérieusement, l'aime. J'ajoute que, à l'intérieur de l'Eglise, le mysticisme a souvent été le déguisement d'un retour au paganisme.
Pourriez-vous me dire par quels auteurs il faut passer pour affiner sa compréhension des Évangiles, s'il vous plait ? En dehors de vos principales références, cad Shakespeare, Simone Weil ? Merci d'avance.
Marc-Edouard Nabe, avec Les Porcs, 1000p, qui vient de sortir, par exemple...
Marc-Edouard Nabe est un provocateur ; une espèce en voie de disparition dans une époque dominée par le panurgisme ; mais il n'exprime pas une pensée religieuse cohérente (je ne crois pas qu'il prétende le faire).
- Paul de Tarse et les bons commentateurs de l'apôtre des Gentils sont recommandables dans la mesure où Paul spécule le moins possible ; il explique très bien en quoi l'avènement du Sauveur rend la religion juive caduque, comment et pourquoi le sacerdoce nouveau abolit l'ancien sacerdoce juif.
- Je ne recommande pas autant Simone Weil que je recommande Shakespeare ; Simone Weil n'est pas l'auteur d'une pensée cohérente comme celle de Shakespeare. Simone Weil est l'auteur d'une démarche sincère et sérieuse vers la vérité, à contre-courant de ce que la société exige de ses membres ; c'est déjà pas mal ; l'expérience de S. Weil en dit long sur l'épaisseur du mensonge moderne.
@lapinos J'ai oublié de préciser que le mysticisme doit se vivre à l'intérieur de l'individu, du croyant et que effectivement la religion se doit d'être la plus transparente possible à l'extérieur pour mieux en comprendre l'intérieur. Une religion mystique, emplie de mystères à l'extérieur ne fait au final, que cacher une course au pouvoir et/ou à l'argent de ses dirigeants.
Qu'est-ce que l'intérieur et l'extérieur d'un individu ?
Eh bien, l'intérieur de l'individu peut se définir comme son esprit/âme et l'extérieur comme le monde physique dans lequel nous vivons.
Sauf que ce n'est parfois pas aussi simple : on peut projeter des contenus qui proviennent de l'intérieur de soi vers l'extérieur. Ou pour prendre un exemple concret, si je traite mon voisin d'hypocrite et agressif dans ses propos, je devrais peut-être déjà me demander si je ne parle pas de moi-même au final.
Pour en revenir avec le mysticisme, les illunimatis (je parle ici uniquement de ceux qui ont existé historiquement en Bavière au 18ème siècle) on crée tout un mysticisme que je qualifie d'extérieur (l'enseignement du christ aurait été retrouvé mais étrangement n'est réservé que pour une petite élite de riches et après avoir passé différentes initiations) afin de cacher leur véritable objectif : détruire l'église catholique. On retrouve aussi cela dans une moindre mesure avec les franc-maçons (et encore, cela dépendrait des loges apparemment).
La distinction du corps et de l'âme est artificielle. Beaucoup de religions mystiques sont bâties sur cette division artificielle. Il n'est pas dit dans les évangiles chrétiens que l'homme, quand il est sauvé, l'est sous la forme d'une âme.
Les représentations de la vie au-delà de la mort, infernale ou paradisiaque, sont courantes dans les religions païennes, égyptienne, romaine, non dans le christianisme. Le salut chrétien est évoqué plutôt comme la "réunion" avec le Père.