Commençons par dire pourquoi la "taxation des riches" et l'augmentation du SMIC ne sont pas des programmes d'inspiration marxiste. K. Marx s'opposa sur ce point aux socialistes français, pour une raison bien précise : la revendication d'un salaire minimum par les partis socialistes signifiait que leurs dirigeants n'avaient rien compris à la démonstration du "Capital" - démonstration que la "plus-value" implique la spoliation des travailleurs salariés.
Un siècle et demi plus tard, les dirigeants socialistes FONT SEMBLANT de n'avoir rien compris à la démonstration de Marx. Les partis socialistes européens contemporains ne visent plus comme Marx l'abolition de l'esclavage ; le parti socialiste français s'est fait une spécialité, au XXe siècle, de la trahison du peuple. La "désindustrialisation" n'est en rien le fait du hasard ou d'une mauvaise politique, mais une tactique économique capitaliste à laquelle les syndicats et les partis socialistes ont cédé.
La taxation des riches revient, du point de vue marxiste, à faire passer une annonce dans le journal après avoir été cambriolé, en réclamant aux cambrioleurs de restituer une part des biens volés.
Ce préambule était indispensable pour bien comprendre qu'un fossé éthique infranchissable sépare marxistes et capitalistes, non seulement au sujet de l'esclavage, mais aussi à propos du vol sur lequel repose le capitalisme. La concentration extrêmement dangereuse du Capital sur le plan économique n'est qu'une conséquence de ce vol. K. Marx est le défenseur du droit de propriété des prolétaires, aux antipodes de la racaille anarcho-capitaliste ou "libertarienne".
Ajoutons que, du point de vue marxiste, les massacres nazis ne sont nullement le fait de l'idéologie nazie, mais les crimes de l'industrie capitaliste occidentale.
Les proches de Karl Marx dénonçaient déjà, à la fin du XIXe siècle, la complicité des Eglises chrétiennes avec le grand Capital esclavagiste. De fait, l'Eglise catholique a adapté sa doctrine (J. Ratzinger fecit) afin de la rendre compatible avec la théorie du progrès capitaliste, dont les Droits de l'Homme constituent la pierre d'angle. Mais K. Marx fait remarquer plus profondément que le christianisme et le capitalisme sont -historiquement- indistincts.
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Cependant être chrétien et capitaliste au XXIe siècle est plus que jamais impossible, quoi que prétendent les dirigeants des partis démocrates-chrétiens, car cela revient à se prosterner devant la Toute-puissance de l'Argent. La dimension mystique du capitalisme est bien plus nette en ce début du XXIe siècle qu'elle n'était du temps de K. Marx. Le culte de l'Argent, masqué derrière celui de Dieu, deviné par Molière dès le XVIIe siècle, ne craint plus d'avancer à visage découvert.
On peut dire que Karl Marx a construit, involontairement, une théorie laïque du satanisme, c'est-à-dire de l'opposition à la Parole de Dieu émanant du sein de l'Eglise. La critique de K. Marx revient en effet à l'épisode biblique du Veau d'or : les raisons des chrétiens de se prosterner devant l'Argent sont, au XXIe siècle, exactement les mêmes que celles du peuple hébreu dans le récit de l'Exode.
Il faut dire que cette théorie laïque du satanisme préexiste chez Shakespeare, de façon plus nette et certainement pas involontaire. La pierre angulaire sur laquelle repose l'Occident chrétien selon Shakespeare est le mensonge, un mensonge constitutif auquel Hamlet se heurte comme la connaissance se heurte au mensonge.
Les membres des sectes chrétiennes nord-américaines ont généralement conscience de vivre dans une époque dominée par une culture satanique ; mais ils associent rarement cette culture au Capital, ce qui peut s'expliquer par leur puritanisme. Ils sont le plus souvent incapables de voir que la puissance de l'Etat satanique et celle du Capital ne font qu'un. La bête de la mer a une puissance numérique, celle des grands nombres, et on ne peut y échapper avec des méthodes survivalistes. Le devoir des chrétiens fidèles est plutôt de démasquer la démocratie-chrétienne et le culte de la puissance magique de l'Etat ou du Capital.
Les membres des sectes puritaines ont en outre tendance à se barricader dans la cellule familiale, ce que la législation américaine permet contrairement à la législation française dans laquelle l'Etat occupe une position transcendante. Or la cellule familiale n'offre pas une meilleure protection que l'Etat moderne contre le satanisme. Le judaïsme, qui s'appuyait largement sur la famille, a échoué aux portes de la Terre promise. La persistance des rituels et sacrifices, à laquelle le Christ s'oppose vigoureusement (et non au "commerce" comme on entend dire parfois), a le plus souvent un motif familial.