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eschyle

  • Léopardi et l'évolution

    En même temps qu'il "prouve dieu", selon Léopardi, le suicide infirme la théorie pseudo-scientifique de l'évolution, qui contribue à la barbarie capitaliste moderne, après le nazisme, sous la forme du darwinisme social.

    Notamment le darwinisme contribue à accréditer une idée qui heurte la conscience française, celle du progrès collectif ou social. C'est probablement une idée qui fera sourire pas mal de Français, encore aujourd'hui, l'idée qui consiste à voir dans la littérature de Houellebecq, Philippe Sollers ou Marc Lévy, un progrès par rapport à Molière ou Voltaire.

    Il n'est pas difficile de comprendre que c'est la mode et le commerce qui incitent à lire Houellebecq plutôt que Voltaire, y compris dans ses ouvrages les plus médiocres, ou à perdre son temps dans les salles de cinéma.

    Et, si l'on prouve que le singe n'est pas insensible à la mode, à l'instar des Boches, on n'aura encore rien prouvé scientifiquement de l'évolution. En matière de progrès, le temps ne fait rien à l'affaire, bien au contraire ; ceux qui le croient confondent le progrès avec la danse de salon ou la musique de chambre. De là vient la comparaison du plus sérieux promoteur de la science humaine, Francis Bacon, entre la faiblesse du génie humain et l'horlogerie, qui se contente de plagier quelques principes naturels de base, connus depuis des millénaires.

    Il y a peu, j'entendais Jean-Didier Vincent, spécialiste de la psychologie des chats et auteur de cours d'éducation sexuelle pour sa fille, réclamer "qu'on en finisse enfin avec Eschyle !". S'il y a un domaine ou l'homme moderne s'avère l'égal du singe, et il sera obligé de le prendre pour un compliment, c'est le domaine du comique involontaire. Les élites républicaines, comme les élites cléricales auparavant, ne pensent d'ailleurs qu'à censurer tout ce qui les désavoue, avec une efficacité renforcée par les moyens de la technocratie.

    - Si Léopardi est aussi peu considéré aujourd'hui, au profit de moralistes tout à fait creux dont les bouquins répétitifs remplissent les rayonnages des bibliothèques municipales, c'est parce que son point de vue philosophique individualiste est peu compatible avec l'évolutionnisme. Mieux que l'Ancien régime aristocratique, la bourgeoisie libérale est parvenue, avec l'aide du personnel républicain, à maintenir le peuple à distance de l'individualisme, aussi dangereux pour les élites que la culture ou la religion, au contraire, les conforte.

    - De Louis-Ferdinand Céline, Léopardi paraît très proche (le rapprochement de Léopardi et Nitche est absurde), c'est-à-dire caractéristique de l'humanisme occidental qui place l'individu au-dessus de la société et des lois absurdes qui la régissent, comme la quête du bonheur, chiffon rouge à l'aide duquel les élites libérales (officiellement démocratiques) toréent le peuple, d'une manière plus bestiale encore que l'oppression physique des anciens bouchers. Au contraire de Nitche, Léopardi et Céline sont irréligieux, c'est-à-dire peu enclins à envisager l'homme comme une espèce, non pas parce que celui-ci échappe au règne animal, mais parce que, s'il lui appartenait exclusivement et n'était que le produit raffiné de la culture de vie ou de la génétique, il serait logique de conclure que l'espèce humaine est, de toute, la plus vile, car la moins soudée. Ou encore il serait logique de conclure que les personnes humaines les plus bestiales sont les plus estimables, alors qu'elles le sont seulement sur le terrain social, temporairement, ne marquant guère l'histoire. Louis XIV n'est plus guère qu'une vague silhouette, comparé à Molière dans l'ordre artistique, qu'il est encore possible d'aimer.

    De tous les côtés où on examine l'espèce l'humaine, le fait de la considérer comme une espèce animale perfectionnée semble absurde, sauf du point de vue religieux. Sur le plan psychologique, l'animal s'ignore moins que l'homme et ne tombe pas dans l'artifice du dédoublement de l'âme et du corps. 

  • Eyes for eyes

    "Eyes for eyes" dans le sonnet 24 que je traduis sans m'écarter volontairement par "yeux pour yeux" est-il une allusion à "oeil pour oeil" et à la morale juive que Shakespeare utilise souvent comme repoussoir ? Ce n'est pas impossible, vu que Shakespeare dénonce les limites et dévoile les soubassements de la morale, devançant en cela Fourier ou Karl Marx... de plus de deux siècles !

    L'idée que la prostitution (de Cressida) est le revers de la médaille du mariage paré d'atours romantiques (désiré par Troïlus), Fourier ne l'a pas inventée ; sa typologie des cocus remonte à la guerre de Troie et à l'interprétation du récit mythologique d'Homère par Shakespeare ("Troïlus et Cressida"). Shakespeare situe dans le camp troyen l'exacerbation sentimentale la plus grande, tandis que deux ou trois Achéens sont pris pour illustrer la bêtise guerrière, Ajax au premier chef (Shakespeare utilise même la symbolique démoniaque pour peindre Ajax).

    Il est important de bien comprendre que, pour Bacon, la mythologie ne s'oppose pas à l'histoire, bien au contraire ; la traduction de l'histoire en archétypes, méthode proche de la peinture d'Histoire, est pour Bacon plus féconde que la chronologie et la gnose chronologique ; la méthode de l'archétype révèle mieux la signification profonde de l'histoire. De là viennent la force persistante d'Eschyle, Sophocle... tragédiens souvent anihilés désormais par des mises en scènes censées épater le bourgeois et lui en donner pour son argent. Ce n'était pas le cas dans les années cinquante, désormais lorsqu'un type d'un milieu modeste peut se payer une place de théâtre, ce n'est plus pour aller voir Sophocle ou Shakespeare mais Guignol. Même si je suis sans doute trop sympa avec les années cinquante, vu qu'avec Brecht, Giraudoux, Cocteau, Montherlant, on est déjà en plein sac.

    Le modèle-type de la gnose chronologique est fourni au XIXe siècle par la doctrine nationale-socialiste de Hegel (gnose luciférienne), que la propagande laïque, effaçant la mémoire des crimes atroces de Napoléon autant que possible, maquille en spéculation philosophique honorable (en Allemagne où le national-socialisme est tabou, Hegel est quasiment proscrit). Les héritiers de la gnose de Hegel, que ce soit Nitche ou Freud, René Girard, interprètent tous d'ailleurs la mythologie grecque, qui nous parle déjà de progrès historique, sur le plan génital ou moral. Homère est plus historique que Lévi-Strauss ou Nitche ! Nitche, c'est Ophélie dans "Hamlet".

    Marx et Engels, qui atteignent quasiment le niveau de l'archétype grâce au matérialisme, rejoignent pratiquement la science de Shakespeare. En tenant compte de ce que les démons ont changé de nature, et la science de mode d'expression (hélas !), on discerne en effet chez Marx et Engels une démonologie comparable à celle de "L'Iliade" et de "L'Odyssée". Bacon n'a pas attendu Dumézil ou Jean-Pierre Vernant pour, dans la "Sagesse des Anciens", éclairer les dessous de la mythologie grecque, bien plus affriolants que ceux de la mythomanie de Lévi-Strauss, cette vieille mégère laïque.