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Contre Proust

Marx n'aimait pas Chateaubriand, qu'il situe justement entre Voltaire et le romantisme dégoulinant de sentiments. Il aurait détesté Proust.

Proust anticipe en effet cette véritable haine du bourgeois pour la critique et son adoration symétrique de la philosophie, véritable "procès" de justification. La seule fois de son existence bourgeoise où Proust a du nerf, il attaque Sainte-Beuve, qui incarne la critique.

L'archaïsme vendu pour de la modernité, le vieux vendu pour du neuf, c'est tout Proust et le régime bourgeois libéral à la fois.

En outre, la critique bourgeoise traduit le principe selon lequel "On ne fait pas d'art avec de bons sentiments", appliqué par Barbey, en : "Seul un menteur ou un hypocrite peut faire un bon artiste."

Je confesse ce péché de jeunesse qu'étant lycéen j'ai aimé lire Proust. Deux ou trois cent pages, pas plus. C'était pour moi alors comme de la "confiture de groseilles", preuve que j'avais quand même conscience du côté fade et écœurant de Proust. Et puis j'étais fasciné par l'habileté de Proust à dévider sa grosse pelote de phrases ; une dextérité de tapissier persan. Désormais, tant qu'à prendre, je préfère une belle carpette à Proust.

"Dante et Shakespeare sont soucieux, vraiment très soucieux de la morale et de la justice économique. Les écrivains purement sensuels et dilettantes ne s'en soucient pas du tout. Tout ce souci de la morale donne une dimension à l'oeuvre des premiers. Dimension qui distingue la grande littérature, la littérature profonde, de la décadence."

Ce critère n'est pas de Marx mais de Pound (In : "Broletto", n°36), qui perpétue miraculeusement le combat humaniste de Marx. "Miraculeusement" vu qu'Ezra Pound est natif de l'Idaho.

Commentaires

  • ""Miraculeusement" vu qu'Ezra Pound est natif de l'Idaho."

    Moi je suis né au Portugal, vers la frontière espagnole, dans un village de vieux exilés de la civilisation, ça va aussi?

  • Proust anticipe en effet cette véritable haine du bourgeois pour la critique et son adoration symétrique de la philosophie allemande, véritable "procès" de justification, qu'on qualifie d'"existentialisme".

    ????????
    Vous pouvez répéter la question...

    D'autre part, il me semble, de mémoire, que Pound appréciait plutôt Proust qu'il mettait au dessus de James et qu'au dessus de tout il plaçait Joyce...Marx aurait-il aimé Joyce ?

    (j'aime bien quand vous écrivez n'importe quoi)

  • Joyce, Yeats, Beckett... Beaucoup de prix Nobel chez les Celtes !... Pour des amateurs de gadgets... Bah ! Laisser dire... Tout le monde a toujours un peu raison...

  • Sauf que le lapin a toujours beaucoup raison Claire. Ne faites pas de procès d'intention, on dirait que vous allez sortir des menottes, vous tous, là, et arrêter l'Histoire et ceux qui l'ont écrite et dénoncée... C'est l'envie de pénis ou l'envie de pénal qui vous ronge? voulez pas foutre un peu la paix aux morts? recueillir leurs pensées, peser ces riens dans des toiles d'araignée comme s'en vantait ingénuement Volaire! (Ha crotte, vlà que j'm'y mets moi aussi... troisfoiszut!)

  • Au fait, bravo et mes félicitations Madame l'Oie...j'avoue je vous envie beaucoup...enfin votre mari, ça va sans dire!

  • Je te le donne en dix sept millions de km2, mon Lapin, il a fallu que ce soit Olga qui m'annonce hier que c'était l'anniversaire de Baudelaire! J'en suis resté trois fois coi! tu parles d'une souris!... Ces filles-là attendent trente six ans pour se donner à un homme, mais c'est là qu'on commence à cerner un peu ce que patienter veut dire.
    Dis-moi, mon lapin, y a une parole dont je me demande si elle vient des évangiles ou de la bible, je suis pas sûr de la formulation exacte, quelque chose du genre : "il te sera demandé selon ce que tu as reçu" ...;tu peux éclairer ma lanterne?

  • Et puisque tu fais allusion à Dante et Barbey et que ce poulet du jour est un larguage de noms propres, j'ai ma petite citation. S'agissant de Baudelaire Barbey aurait lâché "C'est un Dante d'une époque déchue"...

    Ma petite contribution.
    Bien à toi...

  • On ne peut pas demander à Pound, natif de l'Idaho, de viser toujours juste ; même Sainte-Beuve se trompe parfois. Le jugement sur les contemporains n'est pas le plus aisé, surtout lorsqu'on est un grand sentimental comme Pound. Mais il y a la Charité chez Pound, c'est-à-dire la Critique.

    ("Tout le monde a toujours un peu raison." : on dirait du Blaise Pascal interprété par Sarkozy.)

    Lisez la parabole des Talents, Fodio. A ce propos, remarquez que Jésus enferme la vérité dans une allégorie, une comparaison imagée ; c'est aussi la méthode de Hegel, de Marx, de Baudelaire, de Pound, de Balzac. La phrase de Proust est, elle, pleine de syllogismes ; c'est en partie ce qui explique sa longueur. Plaidoirie d'avocat. Pas d'images mais quelques tableaux. Mais Proust ce n'est pas l'amour de la peinture mais le fétichisme de la peinture. Non content de s'en prendre à Sainte-Beuve, Proust n'hésite pas à s'en prendre à Fromentin également, critique pourtant beaucoup plus lucide que lui, éloigné des niaiseries de l'art pour l'art.

  • Difficile d'atteindre les sommets que vous atteignez, monseigneur !

  • Je suppose que vous appréciez Nitche pour son côté terre à terre.

  • Toujours à ressortir les mêmes penseurs pour faire des étiquettes, lapin... Dites, Fodio il commence à pas à vous gêner un peu? Ce qui est amusant avec lui, c'est qu'il révèle ce que vous ne voulez pas révéler vous même, en quelque sorte il vous discrédite. Maintenant il dit que vous avez toujours "beaucoup raison" - c'est exactement ce que vous pensez si on creuse votre discours (pas très difficile, vous arrêtez pas d'ajuster les grands "Même Sainte-Beuve se goure" "Même Marx n'est pas parfait", ce qui laisse entendre que vous, vous l'êtes), mais c'est un peu dérangeant de le dire haut et fort. Même chose pour Freud, c'est un penseur qui vous irait tout à fait bien pour sa capacité à tronquer la réalité, mais là encore, c'est trop dangereux, Freud est trop "transparent", il laisse trop voire l'imposture.

    Tant que Fodio est là, vous risquez gros, moi je serais vous, je l'aurais déjà viré.


    En tout cas, on voit que sans wiki il serait rien (Voilà qu'ils nous cite la phrase de Barbey en entrée d'article sur Baudelaire...).

  • La parabole des talents! merci mon lapin, ça me revient... un film...attends...un drôle de titre...un film que tous les branleurs connaissent... Haaaaaaaaaaa voilà, Le crabe tambour !!! voilà! ... purée! me rappelle que ça de ce film de merde! la parabole du talent..mais du coup tu me dis pas, ça vient d'où? et la formulation exacte... je veux pas faire mon pédant mais quand même l'étymon de parole c'est parabole....d'où Balzac etc... alors, bible ou évangile, c'est ça que je veux savoir!
    (Proust est un inverti parait-il. Pour moi c'est un pédé, donc un pervers! ... que les spendis se lachent à leurs bonnes intentions...la perversion est-elle une maladie etc.: pour moi c'est une défense contre la psychose. Ni plus ni moins.
    Charité critique, même combat, ça va de soi.)

  • hé! Spendiquita, tu serais le lapin je serais même pas là ... pourquoi tu vas pas te chercher une paumée dans ton genre au lieu de nous les casser comme une hystérique avec tes reflexions désobligeantes... tu me lis, tu me lis pas... faudrait savoir hein... va te branler le clito avec les copines de ton âge ma poulette, et laisse-nous entre hommes. Pouffiasse va! je te garantie que si je t'avais sous la main je te ferais ravaler chacune de tes injures... bougre de fiotte de bougre!

  • - La parabole des talents est très éloignée de la symétrie du "œil pour œil, dent pour dent" de L'Ancien Testament, Fodio.

    - Je parle de Nitche en tant que symptôme, Spendius, de l'archaïsme de la société occidentale contemporaine. Je ne peux pas faire l'autruche et faire comme si Nitche n'était pas unanimement célébré, de Michel Onfray à Sollers en passant par Gustave Thibon, Claire Fourier, mon curé démocrate-chrétien… Qui plus est le surhomme de Nitche, c'est le Yanki. Le rapport d'un Yanki à la religion est à peu près le même que celui de Nitche au protestantisme de son enfance. On pourrait dire qu'il y a de l'idéologie démocratique française à l'idéologie démocratique yankie la distance qu'il y a de Nitche à Feuerbach. La "mort de Dieu", Nitche la vit de façon nostalgique tandis que Feuerbach la vit de façon positive, "hégélienne", comme une étape vers une religion nouvelle.
    Marx, lui, se contente du constat raisonnable que l'Eglise a cessé de penser et que la philosophie est morte.

  • Le "oeil pour oeil", c'est pas ce que je préfère chez les juifs, tu peux me croire Lapin. D'abord la symétrie c'est quoi? l'équité c'est quoi? la justice vient de Dieu et elle est immanente, non? Donc c'est dans le Neo Testament. Les psaumes? Jean? Jacques? Luc? Mathieu? Marc ? Timothé, Les corinthiens? J'ai l'impression que ça fait beaucoup de monde pour un si petit livre (la taille d'un paquet de clopes) .

    Bref, si j'ai bien compris, faut que je lui tende l'autre joue à Spendiussimo, c'est ça hein!
    Je vois bien que c'est la seule chose à faire...
    Et puis j'ai assez été en colère cette semaine avec mes voleurs de pommes, la confession me fera du bien. Maudirte ire honnie!

    Allez spendius, remonter votre machine à insulter, et ne soyez pas ladre!
    Il m'a été donné tant et tant de talent qu'il est évident qu'il me serait demandé beaucoup. Shoot man!

  • "- Je parle de Nitche en tant que symptôme, Spendius, de l'archaïsme de la société occidentale contemporaine. Je ne peux pas faire l'autruche et faire comme si Nitche n'était pas unanimement célébré, de Michel Onfray à Sollers en passant par Gustave Thibon, Claire Fourier, mon curé démocrate-chrétien… Qui plus est le surhomme de Nitche, c'est le Yanki. Le rapport d'un Yanki à la religion est à peu près le même que celui de Nitche au protestantisme de son enfance. On pourrait dire qu'il y a de l'idéologie démocratique française à l'idéologie démocratique yankie la distance qu'il y a de Nitche à Feuerbach. La "mort de Dieu", Nitche la vit de façon nostalgique tandis que Feuerbach la vit de façon positive, "hégélienne", comme une étape vers une religion nouvelle.
    Marx, lui, se contente du constat raisonnable que l'Eglise a cessé de penser et que la philosophie est morte."

    Il ne vaut pas ce qu'on dit qu'il vaut, c'est vrai. De là à penser d'une manière systématique contre lui, c'est un peu poussé je trouve, il a aussi influencé des auteurs que vous aimez, et je pense que ça dépasse le simple aspect de "mode du bouddhisme".

  • Ce qui est chiant avec les communistes comme vous, c'est qu'on doit se surveiller, beaucoup, surtout si on ne partage pas avec eux un certain instinct. Parce que, franchement, c'est par instinct que vous détestez Proust et Chateaubriand, n'est-ce pas? Vous n'allez pas me faire croire que c'est la lecture de Marx qui vous a ouvert les yeux et qui vous a détourné, par une large rasade de rationalisme, des épanchements sentimentaux?
    C'est étouffant, il n'y a pas d'abandon possible aux rêveries personnelles avec vous, ni même à sa propre nature sociale, il faut s'arquer devant l'ordre moral. Je me demande d'ailleurs comment on peut se satisfaire de considérations historiques pour lire des livres. Ai-je bien vu le coté bourgeois libéral ou l'aspect authentiquement émancipateur de tel ou tel livre? Pff... Je veux bien que ce soit urgent, mais si tout le monde vous ressemblait, j'espèrerais réveiller les égoïsmes. Que pouvons-nous y faire si nous admirons Proust et Chateaubriand? Changer le coeur des hommes?

  • L'existentialisme est un moralisme : impossible de faire plus moral que Kierkegaard, Nitche, Freud, Heidegger, Sartre (seul le côté "voltairien" de Sartre l'empêche de sombrer dans l'immonde moralisme protestant.)

    Je crois qu'un communiste en effet ne lit pas pour les mêmes raisons qu'un libéral. Il y a différents degrés dans le mensonge et un menteur tel que Chateaubriand est sacrilège aux yeux de Marx.
    Pour Proust je n'ai pas eu besoin de la critique littéraire de Marx. La haine de l'art manifestée par Proust et qui fonde toute sa métaphysique m'est naturellement odieuse. Plus on aime l'art, plus on déteste Proust, qui le plonge dans le formol de sa poésie insane. Proust a tout pour plaire à un cinéphile.

    N'inversez pas le problème : que Proust vienne du désespoir et qu'il y retourne ne signifie pas que je sois isolé. Je ne pense pas l'être et je crois que c'est vous qui l'êtes. Même si tout laisse à penser que la Révolution viendra plutôt d'Amérique du Sud ou de Russie que du Vatican ou de Paris.

  • Alors pour quelles raisons un communiste lit-il?
    Pour ma part, j'ai toujours pensé que les motifs étaient des invariants et parmi eux, j'en trouvais un, qui ne me semblait pas spécifiquement bourgeois: retrouver noir sur blanc ses propres sentiments, sous une forme qui rehausse notre perception.
    Prenant pour départ que nous éprouvons du plaisir à fraterniser avec des personnages ou des auteurs, la seule question qui me semblait valable était: est-ce que tout homme ressent ce qu'a ressenti Chateaubriand? Est-ce que tout homme prend plaisir, comme Proust, a s'abîmer dans les vestiges du temps?
    Vous comprenez mon idée: ce n'est pas l'épanchement sentimental lui-même qui écœure, pour des raisons plus ou moins scientifiques, mais la nature même des sentiments. Un romantique ne serait pas dégueulasse à quelqu'un qui s'y reconnait, encore voudrait-il d'une littérature qui se décentre de soi-même.
    De fait, Ch, Pr et les romantiques présentent des points communs: une attitude qu'on peut qualifier de fuyarde - du moins aux yeux d'un militant. Ils semblent tous chercher asile, en eux-même ou ailleurs. Trouver refuge, que ce soit dans les souvenirs, les livres, la nostalgie à laquelle l'éloignement et la fantasme invitent, la gloire personnelle ou un lyrisme exhausteur, les rapproche. Symptôme d'une classe dégénérée?

  • La remarque de Céline comme quoi "Balzac n'a pas de style" est une façon de comprendre ce qui nous oppose. Proust n'a rien à dire mais il le dit bien, musicalement. Balzac a beaucoup à dire au contraire et sa forme en dépend.

    Les nouveaux écrivains dont la littérature capitaliste accouche cette année comme la précédente sont des enfants de Proust. Ils n'ont rien à dire de plus que Proust ; ils le disent beaucoup moins bien dans la mesure où ils n'ont pas son don du pastiche. Proust ne sent pas la madeleine, il sent la naphtaline et le formol.

    Un communiste lit comme un catholique pour accroître sa science. La littérature n'a jamais été autre chose pour moi qu'une série de révélations successives.

    Il n'y a aucun doute là-dessus dans mon esprit, si Marx s'intéresse autant à Balzac, c'est parce que Balzac parle de l'Apocalypse.
    Il y a plus qu'une fuite de la part de Proust : le projet d'étouffer Balzac. Ce que ce dernier enseigne, et il faut le croire, c'est que les guerres ne se font pas seulement à coups de sabres ou de fusils d'assaut.
    Qu'est-ce que le combat d'un soldat français en Afghanistan ou ailleurs à côté du combat de toute une vie mené par Balzac dans son froc de moine ? Proust nourrit le Temps, Balzac le défie.

  • Si je comprends bien, la haine de l'art manifestée par Proust serait de se vouer à un amour immodéré des apparences de l'art - je pense à un bibliothécaire qui passerait sa vie à classer amoureusement ses livres, non pour leur contenu mais pour l'odeur des feuillets, le grain du papier, la variété des éditions, en somme pour 'l'objet' - vidé de sa teneur politique, expurgé de son aspect polémique.
    Ce coté taxidermiste rassurant pour le bourgeois.

    J'aurais deux questions:
    -Que pensez-vous de Scwhob et Borges? Font-ils partie de ces embaumeurs?

    -c'est tout à fait à part, mais vous n'avez jamais parlé, je crois, de Michon. Je serais curieux de savoir si vous le tenez pour un tenant de la tendance réactionnaire française à la Baudelaire, ou pour un mauvais archaïsant "vendu pour du neuf".

  • Non seulement Proust fait de Balzac et Baudelaire des fétiches, il attaque la méthode de Sainte-Beuve qui consiste à les traiter comme des êtres vivants, mais son obsession pour la musique est caractéristique d'une possession par le diable contre laquelle Baudelaire a lutté, à laquelle Proust s'abandonne complètement.
    Proust, c'est l'anti-Balzac.

    La religion laïque a une haine profonde vis-à-vis de l'art ; avant d'en faire un trafic de marchandises ordinaires et d'accomplir ainsi la prédiction de Marx, Napoléon a fait du Louvre un musée. Proust, c'est le musée qui assassine les muses.
    Quand Balzac veut tuer le Temps, Proust nourrit la bête nichée au coeur des rêves. C'est assez clair, non ? Sans qu'il soit besoin d'aller chercher un bibliothécaire comme Borgès. Je le connais mal, mais il me donne l'impression d'être le même type que Bardèche qui fuit à toutes jambes dès qu'il aperçoit la Vérité.

  • Mais voilà, vous-même ne cessez de le dire, finalement ce sont les deux faces d'une même médaille. Ils s'opposent mais Proust fait la version sans Dieu, mettons, sans Charité, sans aucune vertu théologale du reste, de la comédie humaine. Proust n'est pas "obsédé" PAR la musique (et non pour, grrrr, comment l'obsession peut-elle être pour, c'est le diable qui nous obsède, qui nous assiège, et puis on lui cède ou pas, on ne se jette pas sur lui, on s'abandonne comme vous dites). Il ne fait pas plus d'impasse sur la musique que sur la peinture, que sur rien qui ne soit dans Balzac, sauf Dieu. Et donc, la mort, la mort, la mort, etc.

    Je ne voudrais pas me faire tomber dessus par les théologiens chevronnés qui me liraient, mais Dieu sans le diable, hein, ici-bas, ça ne veut rien dire ; ce qui ne veut pas dire qu'on ne doit pas choisir Dieu. Balzac n'étant pas Dieu, Proust n'est pas le diable. On peut le lire sans se damner, être glacé d'épouvante devant tant de finesse déployée pour décrire un monde totalement vain, mesquin, aliéné, où la solitude est la loi cruelle, et choisir de voir le monde plutôt à la manière de Balzac. Proust dit : "sans Dieu, voilà ce qu'on a, c'est affreux mais c'est tout ce qu'on a ; et au lieu de conjurer le temps qui passe, et la mort, par le Salut, on n'a plus qu'à becqueter des madeleines, oui je sais mon bon monsieur c'est pas gai, et puis surtout c'est pas grand'chose des madeleines". Mais il n'est pas comme vous le monsieur, il n'y croit pas du tout du tout, il ne fait pas semblant de douter, il ne prend pas la peine de douter il n'y croit pas et puis c'est tout.

    "Ce que ce dernier enseigne, et il faut le croire, c'est que les guerres ne se font pas seulement à coups de sabres ou de fusils d'assaut". De ce point de vue-là, les deux s'accordent, la guerre de 14 chez Proust comme dans l'histoire du reste, personne ne la gagne, et pour cause.

    L'un est d'une sensibilité symboliquement "virile" (synthétique, mal rasé, transcendant, vertical, moral, coeur, liberté), l'autre est sensible et "féminin" (analytique, poli, charmant, au ras des pâquerettes, horizontal, patient, amoral, tripes, aliénation, passions). Mais les hommes sans les femmes ça n'existe pas longtemps, et réciproquement. Yin, yang, blablabla.

    Comme chantait Jeanne Moreau, "une femme sans homme elle n'a pas d'âme, un homme sans femme il reste en panne"... Excusez ce témoignage de mon goût diabolique pour les bonnes chansons gaies.

  • C'était très clair Lapinos, la référence au bibliothécaire était motivée par mon goût pour l'image, mais le musée fonctionne très bien aussi. Et puis, je voulais prolonger la discussion pour voir si l'anathème pouvait s'étendre à d'autres auteurs.
    Le diable? Il est plus tentant que je ne l'imaginais. Si la musique suffit à la damnation, les élus seront en effet peu nombreux. La faute n'est peut-être pas au diable, mais à l'étroitesse de la vertu. Le diable est plus large, plus...libéral.
    Quoique la vérité ne fasse pas envie, Borgès n'aurait pas fui devant, il aurait joué avec, car c'est un grand enfant; loin d'avoir peur il voyait quel profit on pouvait tirer des idées par simple facétie.

  • - Ne vous étonnez pas lorsque vous me dites que Satan est le revers de Dieu (ou sa face, suivant que la pièce retombe d'un côté ou de l'autre), que je vous réponde "Vade retro !", Nadine.
    En ce qui concerne les possédés, c'est avec ceux qui brûlent les Eglises que je suis le plus indulgent.

    - Le diable est séduction, Rackham, relisez Dom Juan. Il ne semble pas que la largeur de la vertu de Done Elvire la protège beaucoup du diable et de sa vrille selon Molière. Il y a aussi cette idée chez Molière, que je défendais un peu plus haut, que Dom Juan est un suppôt de Satan magnifique, même s'il n'est pas sauvé pour autant. Le petit satanisme ordinaire de Proust, le genre qui s'amuse à faire tourner les tables entre deux parties de cartes, voilà la religion laïque.

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