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Marx, Antigone et les crétins

Le mérite revient à Marx d'avoir démontré de façon drastique comment, en fait, la laïcité est la religion de l'Etat totalitaire (In : Critique de l'Etat hégélien). Il fait voir en quoi la mystique de Hegel est une illusion (elle-même issue des ratiocinages gnostiques de Kant). Evidemment on aurait tort de croire que Marx s'attaque au penchant naturel de l'homme à s'organiser, à concevoir des critères et une hiérarchie. Tout au contraire, la religion laïque est pour Marx facteur d'abrutissement, un opium plus fort que n'importe quel autre, destructeur au bout du compte de tout art, de toute science et de toute politique - en un mot de toute spiritualité.

Ce qui confirme la démonstration de Marx que la religion laïque mène au totalitarisme, c'est que bien peu d'adeptes de la laïcité aujourd'hui ont une notion à peu près claire des principes de Hegel, pourtant le plus solide théoricien de l'Etat divin. Ni même une notion claire de Feuerbach, le plus solide théoricien de la morale démocrate-chrétienne. Il est vrai qu'en France on a tendance à tout ramener aux Lumières, à Voltaire et à Rousseau, bien que le premier ait plutôt été inspiré par le régime de la monarchie constitutionnelle anglaise, qui n'est pas une théocratie laïque, et que le second ne soit en aucun cas un athéologien comme Feuerbach ou un admirateur de l'Etat-Dieu dirigé par un homme providentiel comme Hegel (On imagine mal Rousseau admirateur de Bismarck, Napoléon ou Hitler).

Balzac de son côté a bien compris que le XIXe siècle et la société civile bourgeoise naissante qu'il a si bien peinte en humaniste, est non seulement marquée par la haine de Dieu mais également par la haine du siècle de Louis XV et de ses Lumières. Rousseau et Voltaire n'ont pas été enterrés, bien sûr, mais ils survivent à l'état de fétiches, comme Baudelaire et Balzac dans le petit musée de Proust. Au mieux on peut dire que Proust est un fétichiste qui a le bon goût de ses fétiches, comme l'égocentrique Sollers aujourd'hui. Mais ce fétichisme n'a pas grand-chose à voir avec le contenu de Voltaire, Rousseau, Balzac ou Baudelaire.

 

Commentaires

  • A la décharge des crétins, signalons la lassitude d'Antigone et, hormis les textes d'Hegel et Feurbach, le peu d'exemples d'état laïc sur qui s'appuyer, de façon encore plus criante après l'interdit communiste.
    Reconnaissons leur le mérite de poursuivre l'évolution, même à leur dépends.

    Bienvenu sur votre blog.

  • Je ne suis pas sûr qu'il faille aider les crétins à se trouver des excuses ; ils sont assez doués pour s'en trouver eux-mêmes en quantité. Surtout les crétins évolutionnistes.

  • Il faut quand même dire que Marx s'est beaucoup inspiré de la tradition des polémistes bourgeois, à savoir, les Lumières. Il les complète en quelque sorte, en s'opposant à eux. Kant ou Hegel sont à renverser, comme ils ont eux-même renversé les idées antérieures (la scolastique).

  • A condition de voir comme Balzac et comme Marx qu'il y a rupture et non continuité entre les Lumières et la Révolution bourgeoise de 1789, entre le XVIIIe et le XIXe.

    C'est ce qu'il faut comprendre lorsque Marx fait l'éloge de Voltaire en tant que "summum" de la pensée bourgeoise et qu'il fustige, j'insiste sur ce point, tant sur le fond que sur la forme, l'art décadent d'Eugène Sue et de Chateaubriand. Voltaire et Rousseau, ou même Diderot, ne sont pas des "pré-romantiques". Sur ce point au moins Joseph de Maistre s'est trompé.
    Voltaire et Rousseau n'ont rien à voir avec le néo-paganisme de Nitche ou la gnose de Heidegger. La gnose de Heidegger vient de Kant ; "via" Hegel en partie, certes, mais ce que fait Marx avec Hegel, au contraire de Kierkegaard qui le nie ou de Heidegger qui l'obscurcit, c'est qu'il le "remet à l'endroit" ("renverser" est ambigu), autrement dit il le débarrasse de sa gnose.

  • Que voulez-vous dire par "il y a rupture et non continuité entre les Lumières et la Révolution bourgeoise"?

  • On parle du lapin :

    "Un Ovni ! Catholique marxiste ! Pour le fun !"

    http://anarchie23.centerblog.net/2840663-Extreme-France

    (Via Incarnation)

  • Je veux dire que Balzac a raison : l'idéologie de la société civile bourgeoise issue de la révolution bourgeoise de 1789 s'est constituée contre l'idéologie du XVIIIe siècle, Rousseau en particulier, mais aussi Voltaire et même Diderot.

    Vous savez que Leibnitz, par exemple, n'a rien à voir avec les mièvreries de Nitche (Voltaire critique Leibnitz, mais en tant que penseur majeur). Comment rattacher la superstition laïque à Rousseau ? Et le nationalisme, l'idéologie-reine au XIXe ? Les Lumières sont universalistes, comme le communisme ou le christianisme.

    Voltaire et Diderot sont tournés vers l'Angleterre, comme Marx, en aucun cas vers l'idéalisme allemand et les pures niaiseries de Kant. Evidemment, il y a des mélanges, étant donné que les Lumières françaises ont fait des émules en Allemagne, Schiller et Goethe par exemple.

    Autrement dit, ni Voltaire, ni Rousseau, ni Diderot ne peuvent être taxés de "romantisme", contrairement aux idéalistes allemands dont s'inspirent la mythologie et les raisonnements laïcs bourgeois. Qui cite Voltaire aujourd'hui ? Tariq Ramadan ! Bien sûr on peut imaginer de concilier l'islam et Leibnitz, en aucun cas la religion laïque et Leibnitz.

  • Mmmh, pas d'accord sur Kant. Si il y a un penseur universaliste, c'est bien lui. Bien entendu, on peut le critiquer, mais il n'en reste que sa philosophie est complètement objective et en aucun cas "idéaliste". L'idéalisme, en Allemagne, je pense qu'il est surtout apparu en littérature (le courant romantique donc) et chez des philosophes comme Schelling, qui sont en ferme opposition à Kant sur le plan philosophique.

    Dites, comment vous pouvez soutenir à la fois De Maistre et Voltaire? :D

  • Quoique De Maistre a des points communs avec Hegel (dont vous vous revendiquez), les deux soutiennent que l'histoire est conduite par la Providence (ou la Raison).

  • Le saucissonnage kantien, son byzantinisme (complètement étrangers à Voltaire, Rousseau ou J. de Maistre), joue un rôle décisif dans l'élaboration de la religion laïque totalitaire.

    La difficulté avec Hegel, c'est qu'il est non seulement influencé par les Lumières "via" Goethe ou Schiller mais aussi par le ratiocinage kantien. Mais précisément c'est ce que Marx a fait, il a "purgé" Hegel de sa gnose kantienne qu'il nomme "idéalisme allemand". Kierkegaard ou Heidegger ont fait exactement le contraire, ils ont purgé Hegel de sa modernité, de sa part de lumière. Aussi visionnaire soit-il, Hegel ne voit pas au-delà de l'Etat laïc totalitaire. Il était probablement conscient de cette tare lui-même car son esthétique est très ambiguë : il discerne l'assassinat de l'art par la philosophie libérale, et pour Hegel, occidental avant tout, il n'y a pas de civilisation sans art. On retrouve à peu près la même contradiction dans l'esthétique de Baudelaire. Baudelaire voit l'incapacité du romantisme à renouveler le classicisme.

    (Il est logique que vous défendiez Kant, Spendius, comme Benoît XVI, étant donné qu'on peut aussi qualifier Kant de penseur "algébrique" ; je vous fais observer que l'Education nationale laïque de masse est mue par des principes kantiens : analyse mathématique, analyse de textes, orthographe (fétichisme du langage), latin naguère, et surtout, de façon complémentaire, sacrifice de l'enseignement artistique et du grec, de l'histoire en général et de l'histoire des sciences en particulier. Marx aimait peut-être se distraire avec les mathématiques mais il est avant tout, au service de son action, helléniste, polyglotte, historien et critique littéraire.)

  • Kant est objectif. Ça pisse pas plus loin que ça, pas besoin d'en faire une analyse complètement tordue avec des mots à la volée "byzantinisme" ou autres...Simplement, je défie quiconque de trouver une seule erreur chez Kant, et pas des critiques générales mon ami, DES FAITS. Rarement quelqu'un arrivera à en trouver, tandis qu'avec Hegel...

    L'unique défaut qu'on peut reprocher à Kant, c'est de ne pas être complet (c'est peut-être cela que vous nommez "saucissonnage"). Hegel s'en chargera en quelque sorte.

    Heidegger, je connais pas trop, mais je pense savoir que c'est un anti-kantien, comme Nietzsche.

    J'ai eu une question (d'examen) en cours, c'était "Si vous croisiez Dieu, qu'est-ce que vous le diriez?" - c'est inspiré de Kant ça?

    Quant à l'algèbre, c'est apparu bien avant Kant (qui n'est en aucun cas un penseur "algébrique", simplement objectif), je ne vois pas en quoi c'est quelque chose de décadent ou de moderne comme le suggérez. Et je vous rappelle quelque chose, si Marx s'amusait en effet avec les mathématiques (l'amusement n'est qu'une forme de désintéressement, propre à tout savant qui se respecte), il considérait aussi que c'était le cœur de toute science véritable, que rien ne fonctionnait sans mathématiques. Si on poursuit le raisonnement en y associant vos idées...Kant est un esprit essentiel.


    Helléniste et polyglotte? C'est poussé le bouchon un peu trop loin...Courier est un bon helléniste, Nietzsche aussi, mais Marx n'a fait qu'effleurer ces choses là.
    Même chose pour "critique littéraire", c'est pas parce que vous arrivez à trouver quelques broutilles de critiques littéraires dans la correspondance de Marx que c'est un nouveau Sainte-Beuve.

  • L'originalité de Kant est de prétendre à l'objectivité en éliminant les faits. C'est ce qui fait son ineptie profonde. De là découle directement qu'un crétin comme Stephen Gould, dans le camp des fanatiques évolutionnistes qui prétendent imposer leurs vues au monde entier, ce fanatique-là élabore une doctrine pour protéger la science du fanatisme : sans rire.

    (Je vous donne acte que Marx n'est pas professeur de grec ; simplement il a compris l'esprit de la Grèce classique et l'a fait renaître, tandis que Nitche se vautre dans une espèce de néo-paganisme de cinéma. Sollers, Onfray, l'abbé Mugnier, voilà pour les fans de Nitche : ça fait beaucoup vous ne trouvez pas pour être une simple coïcindence - et ne me répondez pas que ce n'est par une preuve mathématique, je le sais très bien.)

  • Effectivement, c'est pas une preuve mathématique. Car si Onfray et Sollers se proclament de Nietzsche, Mao et Staline se proclament de Marx - c'est pas de très bons "fans", et pourtant ça ne discrédite pas Marx à vos yeux.

    Vous voyez ou le manque de rigueur mène. Ces raisonnements foireux, vous ne les retrouvez pas chez Kant.

    (l'objectivité inclue les faits mon ami - ou Kant nie-t-il les "faits"?)

  • Kant est chrétien ; pour un chrétien, Dieu est non seulement une réalité objective, mais c'est LA réalité objective.

    De même pour un savant athée comme Richard Dawkins, l'absence de Dieu est une réalité objective. Ca ne peut pas ne pas avoir d'incidence sur son imaginaire et ses expériences scientifiques. Je suis d'accord avec lui pour dire que Gould n'est qu'un crétin.

    Qu'est-ce que vous diriez d'un scientifique athée qui dirait : Dieu n'existe pas, mais je vais quand même l'inclure dans mes expériences, on ne sait jamais. Diderot fait ça, mais Diderot est un plaisantin, le père du "gai-savoir" authentique.

    (Il s'agit de me citer un type sérieux qui se réclame de Nitche, non pas de me citer un gugusse qui se réclame de Marx - au passage Staline est loin d'être un imbécile. Si on le compare à Napoléon, par exemple, qui lui aussi a fait assassiner des populations civiles.)

  • Des gars sérieux qui se réclament de Nietzsche, il y en à la pelle, de Drieu la Rochelle à Ernst Jünger ne serait-ce que pour parler d'écrivains (beaucoup des plus grands étant irrigués par Nietzsche).

    Pour Marx, le cas est beaucoup plus compliqué. Car je parle de Staline et de Lénine, et vous avez raison de dire qu'ils ne sont pas idiots - mais par contre les trotskistes gauchistes de premier heure, ou simplement "les communistes"? Il y en a des paquets d'idiots se réclament de Marx, beaucoup plus que ceux qui se réclament de Nietzsche.

    Kant n'enlève pas Dieu de la sphère de la pensée mon ami - mais il n'en fait pas un espèce de fétiche comme les mauvais exégètes catholiques, ou tout simplement les romantiques. Il admet par ailleurs l'objectivité de Dieu, ce qu'il critique, c'est les preuves de l'existence de Dieu - ces preuves signifient qu'on n'est pas sur de l'existence de Dieu et donc, qu'on porte à l'idéalisme, au lieu d'en admettre sa réalité comme on remarque la réalité d'une table.
    Cet idéalisme, celui du Schelling ou de Hegel, c'est de là que sort Camus, Heidegger et consorts. Pas Kant (auquel s'opposera d'ailleurs Camus et Heidegger )

    Quant à Péguy, il s'opposait à toute philosophie provenant des allemands, pas seulement Kant...Ne forgez pas une seule de ses phrases en un espèce de dogme absolu - je peux vous retrouver des phrases de lui qui disent exactement le contraire.

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