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Scholies d'Origène

Le mépris réservé par le clergé à l'évangile de Jean, le "fils du tonnerre", et notamment à la révélation de Patmos, que les théologiens aussi bien libéraux qu'archaïsants zappent, m'incite à publier mes propres scholies sur l'Apocalypse au plus tôt - vu l'heure tardive.

Quand l'Apocalypse n'est pas ouvertement discréditée comme étant une obsession de théologien "millénariste" par un clergé complètement absorbé par les valeurs séculières, elle est subvertie par des romans ou des films qui rendent le canevas historique de l'Apocalypse complètement abscon. Maurice Dantec est un exemple de cette subversion, du détournement de la Révélation au profit du Pacte Atlantique assoiffé d'or noir et armé jusqu'aux dents, Pacte auquel l'islam n'est en mesure d'opposer qu'un judéo-christianisme médiéval sans réelle force militaire. Or, non seulement l'Apocalypse n'est pas une lubie millénariste, mais elle est indissociable de toutes les grandes révolutions théologiques au cours de l'histoire, qui ont profondément marqué l'Eglise elle-même, avant que la religion laïque ne prenne le relais. Les passages un peu mystérieux de l'évangile de Jean concernent d'ailleurs les mêmes sujets que les passages demeurés assez mystérieux des épîtres de Paul.

Mais il y a encore pire que Dantec, et qui explique sans doute la manière stupide qui consiste pour ce dernier à défendre l'Eglise en n'hésitant pas pour ce faire à se travestir en suppôt mélancolique (veste de cuir et lunettes noires), c'est l'exégèse officielle, validée par les autorités ecclésiastiques, de l'Apocalypse, qui revient le plus souvent à la disqualifier, à en faire un texte apocryphe.

Je prends un seul exemple, l'ouvrage récent du franciscain yanki Stéphane Doyle, o.f.m. ("A catholic perspective on the book of revelation") : celui-ci, en fait de "perspective catholique", fournit une interprétation du texte à laquelle un adepte du soufisme musulman, un bonze tibétain ou un druide breton pourrait souscrire. Certainement pas un catholique, pour deux raisons :

- Stéphane Boyle insinue que l'évangéliste Jean (le préféré de Jésus), n'est pas le véritable auteur de l'Apocalypse (!), mais qu'il s'agirait plutôt d'un disciple de saint Jean le Baptiste. Sans apporter aucune preuve ! simplement parce que l'Apocalypse dénote d'une bonne connaissance de l'Ancien Testament de la part de son auteur. Argument totalement absurde qui révèle qu'un franciscain accrédité aujourd'hui, ignore non seulement ce que la doctrine franciscaine doit à l'Apocalypse, mais aussi la Pentecôte et les dons de l'Esprit qui ne laissent AUCUN des évangélistes dans l'ignorance de l'Ancien Testament, auquel tous se réfèrent COMME Jésus lui-même. Jésus abolit la loi ancienne du sabbat, mais en toute connaissance de cause et d'effet.

Argument débile, donc, mais lourd de conséquence, presque aussi stupide que la thèse des pasteurs protestants yankis selon laquelle l'Apocalypse -ici on se retient d'éclater de rire- serait un pamphlet contre saint Paul. Le franciscain yanki S.C. Doyle partage la même fascination que le dominicain français Philippe Verdin pour la théocratie, indubitablement satanique selon saint Jean, et c'est ce qui pousse bien sûr Doyle à un travail de sapeur sous couvert d'élucidation, procédé bien pire que celui d'un gugusse comme Dantec, qu'on n'est pas tenu de prendre au sérieux.

- Pour interpréter le sens du nombre 666, que la vision incite à interpréter, S.C. Doyle passe par la numérologie ou la "guématrie", c'est-à-dire par une sorte de science kabbalistique qui, elle non plus, ne participe guère d'une perspective catholique ou chrétienne. Il traduit ainsi le "code 666" par "Néron", en se gardant de s'appesantir sur la démonstration. C'est une autre manière, elle aussi sournoise, de discréditer l'Apocalypse en frappant le texte de caducité. Le code 666 est cité en Ap. XIII, non loin de la phase ultime. Si 666 = Néron, l'Apocalypse n'a plus rien ou presque à nous dire, c.q.f.d. Je relève que sur internet, un autre site ouaibe passe par la guématrie, une guématrie qui paraît plus sérieuse que celle de Boyle, pour démontrer que l'antéchrist n'est autre que... Benoît XVI (Ce qui n'est pas sans rappeler les attaques ad hominem de Dante Alighieri contre les papes simoniaques.)

En outre ce franciscain n'en profite même pas pour dénoncer -ce qui est le minimum dans un ouvrage de ce type- la scandaleuse récupération par le nationalisme européen de la symbolique chrétienne. Doublement scandaleux le procédé des chrétiens libéraux atlantistes dans la mesure où la femme aux douze étoiles N'EST PAS Marie, mère de Jésus, et ne peut pas l'être ("Les Pères et les interprètes catholiques sont presque unanimes à reconnaître dans cette femme un symbole de l'Eglise" dixit le chanoine Crampon, qui n'est pas un hurluberlu comme S. Boyle, lui.)

Aussi scandaleux car l'Apocalypse contient la condamnation sans appel de la doctrine nationaliste en général, les nations étant animées par le diable, et en particulier celle, européenne, de Maurice Schumann et Jean Monnet, nation peut-être "aryenne", napoléonienne, laïque, démocrate-chrétienne, tout ce qu'on voudra, mais sûrement pas chrétienne.

En attendant de donner mes propres scholies, et puisque le temps me serre à la gorge comme tout un chacun, je fais la publicité des scholies attribuées à Origène, perspicace contrairement à Boyle, et dont je m'apprête à recopier ici même quelques extraits. Il faut signaler ici que toute exégèse "augustienne" de l'Apocalypse est plus ou moins oblitérée par le fait que saint Augustin est pénétré de principes platoniciens décadents gênants pour comprendre l'association dans l'Apocalypse entre le diable, la "bête de la terre", et la politique des nations, qui confirme s'il était besoin l'interdiction prononcée par le Sauveur lui-même de sacraliser toute institution humaine.

Les sept étoiles et l'épée acérée (1,16)

"Dans sa main droite il a sept étoiles et de sa bouche sort une épée acérée, à double tranchant, et son visage, c'est comme le soleil qui brille dans tout son éclat."

Il est écrit au Psaume 56 : "Les dents des fils des hommes sont des armes et des traits, leur langue un glaive acéré." (Ps 56,5). Non que les paroles soient absolument condamnables ; si elles sont les armes des justes (Ep 6,17), des traits choisis et une épée honorable (Is 49,2), - car tous les fils des hommes combattent, les uns pour Dieu et sa justice, les autres pour le mauvais et le péché -, il ne faut pas non plus en douter pour ce qui est dit ici de celui qui est devenu Fils de l'homme et qui a dans sa bouche une épée tranchante.

Il a dit lui-même : "Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre, mais le glaive" (Mt 10,34) et "un glaive qui peut pénétrer jusqu'à la division de l'âme et de l'esprit" (He 4,12). Les méchants qui méditent sur les fausses doctrines ont fortement aiguisé leur intelligence comme une épée acérée (Ps 64,4), pour la rendre capable de faire du mal à leurs auditeurs, mais les autres ont aiguisé leur intelligence dans les divines Ecritures, pour leur propre salut et pour le salut de leurs auditeurs : leur langue est devenue une épée acérée pour le salut ; car les méchants blessent comme une épée, mais les sages guérissent par leur langue (Pr 12,18) et blessent d'amour : le Sauveur nous a donc blessés de son amour (Ct 2,5).

Commentaires

  • Excellent billet Lapin.

    Lorsqu'on me pose la question "dans quel époque aurais-tu aimé vivre?", je réponds que l'emploi du conditionnel me sépare de l'interlocuteur d'une manière telle, qu'il ne comprendrait ma réponse.

    Dantec est assez marrant comme gugusse. Il synthétise sans l'anonymat des blogs libéraux-conservateurs ni le complexe d'un Novelli honteux (on le comprend), l'Occidentalisme pour neuneus schizophrènes. Natios le jour, libéraux (au sens économique) la nuit et citant indifféremment l'Ancien Testament comme Lavey. Deux poches avachies dans l'imperméable : une pour les Echos, l'autre pour le Choc du Mois.

  • Pas de pitié pour les cathos militaristes et atlantistes, les aumôniers militaires, toute cette chienlit désignée dans l'Apocalypse comme "le parvis de l'Eglise".

  • "Abscon" : comme la lune ?

  • auto-correction : "dans quelle époque" et non "dans quel époque"

    @Lapin : disons que Dantec a le mérite du grotesque assumé. Aucune planque, ni pirouette possible. Et puis le spectacle d'un JF Kahn regardant ses godasses sans moufter, lorsque le prince des ténèbres du deuxième sous-sol cite St Thomas d'Aquin et De Maistre... on ne peut s'empêcher de sourire avec bienveillance.

  • Dantec n'assume rien à mon avis, même pas sa clientèle de supporteurs du PSG, ni le fait de devoir lécher le cul de Guillaume Durand pour fourguer sa came.
    J.-F. Kahn ou BHL sont assez malins pour piger que, défendu par Dantec ou Frigide Barjot, le pape est définitivement "out", et que leur propre cathédrale de papiers poisseux n'est pas en danger.

    (Par contre je me réjouis de la contrepublicité que Dantec fait à de Maistre.)

  • Pourquoi ? de Maîstre c'est de la merde ?

    (fait chier, à force de lire tout et n'importe quoi, on finit par ne plus savoir ce qu'est bon... De peur de cuistrer sur le mauvais cheval, on s'inhibe dangereusement, on ferme sa gueule et fatalement on passe pour une petite pédale sans intérêts dans les diners en villes... misère.)

  • Baudelaire ne l'a jamais pigé ; Bloy a fini par comprendre que de Maistre n'est presque qu'un idéologue.
    Les deux pages de Marx expliquant la différence entre les deux révolutions, l'anglaise et la française, valent mieux que tout l'oeuvre de Joseph de Maistre, qui fait penser à Diderot par sa manière de mélanger les bobards avec la vérité.

    Très exceptionnellement il arrive à de Maistre de dire un truc sensé ; par ex. que la capacité d'exercer le pouvoir politique est une vertu plus féminine que masculine, ce qui se vérifie dans les sociétés animales de type totalitaire, fourmis ou abeilles, dirigées par une reine. Et dans l'histoire, puisque Hitler, Napoléon, Louis XIV, de tempérament assez pédérastique au demeurant, sont précédés par Elisabeth (1533-1603) ; c'est sous son règne que s'est opéré le dernier grand virage historique, qui a imprimé le mouvement vers la grande termitière où nous sommes désormais pris. Il n'y a de la part des suiveurs d'Elisabeth que "désir mimétique", comme disent les cuistres.
    (Le seul "hic" est que pour un chrétien -ce que de Maistre prétend bizarrement être contrairement à Diderot-, c'est Satan qui commande aux armées et non le Saint-Esprit.
    Autant il y a des arguments scientifiques pour arguer du penchant des femmes pour le pouvoir et la guerre, le tempérament pédérastique du soldat, autant on aura du mal à fonder sur le "Nouveau Testament" une théocratie militaire.)

  • On peut lire ces deux pages de Marx dont tu parles, Lapin?

  • Reproduit dans le vol. IV de la Pléiade introduit par Maximilien Rubel -que toute bibliothèque municipale digne de ce nom doit avoir en rayon.
    Deux pages pour démolir la thèse historique de Guizot et expliquer pourquoi la précédente révolution anglaise, bourgeoise elle aussi, n'a pas viré au bain de sang comme en France.
    Du même coup Marx démolit la thèse franchouillarde qui veut que 1789 soit un tournant décisif de l'Histoire européenne, ce que Marx, aussi francophile fut-il, n'a jamais cru.

    Après avoir lu cet article, on est d'autant plus écoeuré par la médiocrité des éditorialistes actuels, les Imbert, les Giesbert et les Kahn -et Revel ne valait guère mieux-, baveux dont le métier consiste à entretenir l'ignorance de leurs lecteurs.

  • @Lapin : je ne défends pas Dantec, loin de là, mais j'ai toujours préféré les Philistins aux Pharisiens.
    KAHN regardait ses godasses car parfaitement conscient que le zozo à bagouses faisait du KAHN (et Frères) l'air de rien. Ce qui sépare les Chrétiens-Démocrates des Néos-Conservateurs est rien moins subtil que ce qui sépare un Démocrate d'un Républicain : une question de personnes. Peter Sellers disait qu'un scrutin Anglo-Saxon ,c'étaitdevoir choisir entre pepsi et coca-cola. D'ailleurs "Anglo-Saxon" résume parfaitement le cas d'un hypothétique duo DANTEC-KAHN.

    "Le mépris réservé par le clergé à l'évangile de Jean, [...] l'Apocalypse n'est pas une lubie millénariste, mais elle est indissociable de toutes les grandes révolutions théologiques au cours de l'histoire, qui ont profondément marqué l'Eglise elle-même, avant que la religion laïque ne prenne le relais."

    Dimanche soir, vous auriez dû regarder arte.
    Non Lapin, pas sur la tête... aie aie aie...

  • Des chrétiens grotesques comme Dantec, le clergé laïc, J.-F. Kahn en tête, en redemande ! Et selon moi Dantec n'est pas assez con pour l'ignorer. De même qu'il n'est pas assez con pour ignorer le lien entre le "Figaro" et le lobby militaro-industriel qui fait des affaires avec les potentats musulmans du Golfe persique. C'est donc bien un faux-derche de première bourre.
    Et n'étant pas janséniste je ne crois pas que Dieu sonde les reins et les coeurs ; il juge plutôt des actes. Qu'est-ce qu'un adolescent va penser en voyant Dantec déblatérer sur l'Apocalypse ? Que c'est qu'un tissu de conneries !

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