Pourquoi ne pas s'acharner un peu sur le cadavre de la philosophie - cadavre exquis puisque chacun ajoute son petit schéma ?
Le credo athée est à la base de beaucoup de spéculations philosophiques. L'argument classique des athées selon lequel Dieu n'est qu'une invention pour réconforter les âmes inquiètes a son équivalent chez les chrétiens (Nitche a voulu faire le malin en posant le principe athée à l'envers, mais il n'a fait que se rendre encore plus ridicule.)
Certains chrétiens plutôt puritains prétendent donc que les athées, eux, se débarrassent de Dieu pour mieux jouir peinards. Il est assez évident lorsqu'on confronte à la réalité ces deux arguments qu'ils sont d'abord faits pour conforter ceux qui les avancent.
Vouloir prouver l'existence de Dieu est puéril. C'est une manière de se rassurer. Il y a la même angoisse chez celui qui essaie de prouver que Dieu n'existe pas. Dans le fond, il est animé par le doute. Cet exercice devant le miroir va le décevoir. Car il ne mène ni à la preuve de Dieu, ni à la preuve qu'il n'existe pas, ni même à la preuve que l'homme existe !… c'est dire l'inutilité de la conscience de la conscience.
Au bout du compte, le résultat c'est que l'angoisse de ces pauvres penseurs n'a fait que s'accroître.
Les philosophes ne font qu'imiter l'attitude craintive de certains théologiens.
C'est Diderot qui a une manière de trahir sa philosophie que je trouve délicieuse. Lorsqu'il dit que, s'il s'est trompé et que Dieu existe - malgré toutes les fables de Lucrèce dont il raffole -, il pense que Dieu lui pardonnera en vertu de sa… sincérité. C'est quand-même plus drôle que les faux-fuyants existentialistes !
Je dis exprès "philosophie". Ce mot a été fabriqué pour faire croire aux béotiens que le contraire du "philosophe" c'est le "fou", le "cinglé", le "fanatique", etc. Franchement, quand on voit Finkielkraut, Jacques Attali ou Jean d'Ormesson élucubrer leurs théorèmes en postillonnant, on se demande bien qui est fou ou gâteux…
Non, le contraire du philosophe, c'est plutôt l'homme d'action. Lui ne se pose pas TOUTES les questions, mais seulement les questions utiles. C'est même l'aptitude de la pensée active à trier les questions pour ne retenir que les bonnes qui fait d'elle une pensée active et audacieuse. Le vrai philosophe ne se trompe jamais mais il n'avance pas.
Hélas, aujourd'hui, ce sont les théologiens qui tentent d'imiter les philosophes et ça n'est pas très fructueux non plus. Je songe ici au théologien allemand Joseph Ratzinger, bien sûr, plus connu dorénavant sous le nom de Benoît XVI. Pour simplifier le problème, qui n'est qu'un problème de vocabulaire et de définitions et ne mérite donc pas qu'on s'y attarde outre mesure, les philosophes ont érigé la raison en principe fondamental afin d'évincer les pouvoirs religieux. « Puisqu'on ne peut pas démontrer Dieu par un raisonnement, eh bien faisons de la raison le critère essentiel ! »
Benoît XVI ne devrait pas répondre à ça. On ne doit pas accepter de jouer aux échecs, ce jeu de fous, lorsqu'on ne sait faire que des réussites. La raison, ça n'existe pas. Point à la ligne.
« Mais, le peuple chrétien réclame des encycliques et des conférences ! », j'entends dire parfois, bizarrement. Qu'à cela ne tienne, il y a deux encycliques de Jean-Paul II, loin d'être démodées et qui tiennent dans la poche. La première, c'est « France, souviens-toi des promesses de ton baptême ! ». Et la deuxième, un peu plus énigmatique : « N'ayez pas peur ! ». Question blabla, ça devrait suffire.