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lucrece

  • De natura rerum

    Où la science naturelle de Nitche est défaillante, et son "Retour éternel" néo-païen :

    - ce qui "dénature la nature" dans la philosophie naturelle de Nitche, provient de ce qu'il l'envisage sous l'angle exclusif du rapport personnel qu'il veut s'efforcer d'entretenir avec elle, c'est-à-dire comme un "potentiel". C'est sans doute un angle à la fois plus limité et plus réaliste que celui de l'exploitation capitaliste des ressources naturelles à l'infini, principal ressort de l'anthropologie moderne fustigée par Nitche.

    Cela revient à considérer le système solaire ou le zodiaque (chiffré 666 dans le christianisme) comme un organisme gigantesque en perpétuel renouvellement. Sans tenir compte de la part qui n'est pas organique, ou seulement comme une base neutre, un point de départ, auquel vient se heurter l'idée de cycle.

    La conscience, pour Nitche, est liée à la vie. Celle qu'il prête à la nature divine, est aussi liée à la vie et aux cycles. Il s'accorde ainsi avec les prêtres romains antiques, et sa morale aristocratique est similaire. Lucrèce, peut-être encore mieux que Nitche, discernait que cette philosophie naturelle est sans solution pratique sur le plan religieux et populaire. Un peu trop dissuasive des travaux des champs pour le compte d'un maître. Les idoles sont nécessaires, leur culte sans doute un peu plus esthétique que le rituel du triage des déchets.

    Cette conception ferme la porte à la métaphysique. C'est-à-dire, selon Aristote, à ce qui dans la nature n'obéit pas aux lois cycliques de la biologie, mais paraît au contraire immuable. Nitche n'a d'intérêt que pour la puissance, la réunion du corps et de l'âme permise par le culte païen, tandis que l'éthique moderne entraîne un effet de division et d'affaiblissement de l'homme sur le modèle de la femme.

    Malgré l'occultation de la métaphysique (mêlée à l'éthique, elle fonde toutes les variétés de pataphysiques), la conception biologique ou vitale des païens Romains, leur "culture de vie", paraît plus sérieuse que les modèles mathématiques anthropologiques, prônés par les technocrates : ces derniers impliquent une conscience plus mécanique, non pas liée à la vie, mais qui serait plus conforme au mobile du robot, le plus éthique, et qui permettrait si l'homme l'imitait, d'accomplir enfin la démocratie.

  • Demain la guerre

    C'est une assertion étrange de la part de Léopardi lorsqu'il postule que les poèmes d'Homère ont perduré pendant des millénaires par hasard. Léopardi est en effet plus sage d'habitude, et tranche heureusement avec la culture de vie incestueuse de ses compatriotes.

    La résistance de Homère au temps et au hasard est encore plus logique que celle d'Aristote.

    - Très tôt dans l'histoire, Homère renseigne sur la cause de toutes les guerres et les charniers ; il dit pourquoi aucune éthique ne peut les empêcher et comment, ne pouvant les empêcher, elle les prépare insidieusement. Tout professeur d'éthique moderne est nécessairement de l'espèce des logocrates égyptiens, dont le rôle plus ou moins conscient est d'entraîner les peuples vers l'abîme (en créant un inconscient collectif qui libère l'instinct criminel de l'homme). Le masque de la démocratie-chrétienne est transparent.

    - L'erreur de jugement de Léopardi est scientifique, voisine de celle de Lucrèce. Il croit dans la matière et sa vérité, non pas réfugié comme toutes les femelles et gens de robe dans l'abstraction, mais il hésite à croire que l'homme peut dépasser le stade de l'hypothèse, c'est-à-dire qu'il peut triompher de la providence ou du destin. De là son explication providentielle, à l'incroyable longévité d'Homère, le poète qui méprisait la gloire. Le défi à la mort de Homère heurte le sentiment religieux qui, au contraire, se nourrit de celle-ci.

    - La femme est l'objet du désir, et il y a une femme pour deux hommes imbéciles. Cela suffit à Homère pour illustrer la compétition entre les hommes. Cette vérité homérique n'a pas vacillé depuis des millénaires : derrière une bête à concours, on retrouve toujours une femme. Ceux qui parlent de "guerres de religion", occultent que le dieu poursuivi dans ces cas-là n'est qu'une puissance équivalente de l'Etat ou de l'avenir des publicitaires : le produit d'un fantasme ou cette figuration de dieu interdite dans le judaïsme pour parer au piège de la femme. L'hommage des publicitaires modernes rendu aux femmes n'est autre qu'un discret encouragement à la compétition. La compatibilité de cet hommage avec la prostitution est d'ailleurs parfaite. Et le petit chiffon rouge du terroriste musulman, qui va s'écraser contre les panneaux publicitaires, de quoi est-il encore fait ? Un cheptel de vierges.

    Loué sois-tu, Homère, à travers les millénaires, de nous préserver de l'éternel retour de la connerie cléricale !

     

     

  • Contre Ratzinger

    Pourquoi ne pas s'acharner un peu sur le cadavre de la philosophie - cadavre exquis puisque chacun ajoute son petit schéma ?
    Le credo athée est à la base de beaucoup de spéculations philosophiques. L'argument classique des athées selon lequel Dieu n'est qu'une invention pour réconforter les âmes inquiètes a son équivalent chez les chrétiens (Nitche a voulu faire le malin en posant le principe athée à l'envers, mais il n'a fait que se rendre encore plus ridicule.)
    Certains chrétiens plutôt puritains prétendent donc que les athées, eux, se débarrassent de Dieu pour mieux jouir peinards. Il est assez évident lorsqu'on confronte à la réalité ces deux arguments qu'ils sont d'abord faits pour conforter ceux qui les avancent.
    Vouloir prouver l'existence de Dieu est puéril. C'est une manière de se rassurer. Il y a la même angoisse chez celui qui essaie de prouver que Dieu n'existe pas. Dans le fond, il est animé par le doute. Cet exercice devant le miroir va le décevoir. Car il ne mène ni à la preuve de Dieu, ni à la preuve qu'il n'existe pas, ni même à la preuve que l'homme existe !… c'est dire l'inutilité de la conscience de la conscience.

    Au bout du compte, le résultat c'est que l'angoisse de ces pauvres penseurs n'a fait que s'accroître.
    Les philosophes ne font qu'imiter l'attitude craintive de certains théologiens.
    C'est Diderot qui a une manière de trahir sa philosophie que je trouve délicieuse. Lorsqu'il dit que, s'il s'est trompé et que Dieu existe - malgré toutes les fables de Lucrèce dont il raffole -, il pense que Dieu lui pardonnera en vertu de sa… sincérité. C'est quand-même plus drôle que les faux-fuyants existentialistes !

    Je dis exprès "philosophie". Ce mot a été fabriqué pour faire croire aux béotiens que le contraire du "philosophe" c'est le "fou", le "cinglé", le "fanatique", etc. Franchement, quand on voit Finkielkraut, Jacques Attali ou Jean d'Ormesson élucubrer leurs théorèmes en postillonnant, on se demande bien qui est fou ou gâteux…

    Non, le contraire du philosophe, c'est plutôt l'homme d'action. Lui ne se pose pas TOUTES les questions, mais seulement les questions utiles. C'est même l'aptitude de la pensée active à trier les questions pour ne retenir que les bonnes qui fait d'elle une pensée active et audacieuse. Le vrai philosophe ne se trompe jamais mais il n'avance pas.

    Hélas, aujourd'hui, ce sont les théologiens qui tentent d'imiter les philosophes et ça n'est pas très fructueux non plus. Je songe ici au théologien allemand Joseph Ratzinger, bien sûr, plus connu dorénavant sous le nom de Benoît XVI. Pour simplifier le problème, qui n'est qu'un problème de vocabulaire et de définitions et ne mérite donc pas qu'on s'y attarde outre mesure, les philosophes ont érigé la raison en principe fondamental afin d'évincer les pouvoirs religieux. « Puisqu'on ne peut pas démontrer Dieu par un raisonnement, eh bien faisons de la raison le critère essentiel ! »
    Benoît XVI ne devrait pas répondre à ça. On ne doit pas accepter de jouer aux échecs, ce jeu de fous, lorsqu'on ne sait faire que des réussites. La raison, ça n'existe pas. Point à la ligne.
    « Mais, le peuple chrétien réclame des encycliques et des conférences ! », j'entends dire parfois, bizarrement. Qu'à cela ne tienne, il y a deux encycliques de Jean-Paul II, loin d'être démodées et qui tiennent dans la poche. La première, c'est « France, souviens-toi des promesses de ton baptême ! ». Et la deuxième, un peu plus énigmatique : « N'ayez pas peur ! ». Question blabla, ça devrait suffire.