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rené descartes

  • Le calcul de Dieu

    "(...) Et enfin, après que les raisons par lesquelles je prouve qu'il y a un Dieu et que l'âme diffère d'avec le corps, auront été portées jusques au point de clarté et d'évidence, où je m'assure qu'on peut les conduire, qu'elles devront être tenues pour de très exactes démonstrations, vouloir déclarer cela même, et le témoigner publiquement, je ne doute point, dis-je, que si cela se fait, toutes les erreurs et fausses opinions qui ont jamais été touchant ces deux questions, ne soient bientôt effacées de l'esprit des hommes (...) et il n'y aura plus personne qui ose douter de l'existence de Dieu et de la distinction réelle et véridique de l'âme d'avec le corps."

    (R. Descartes, "Méditations métaphysiques")

    - On peut dire que le propos de Descartes, ancien élève des jésuites et supposé père du scepticisme et du rationalisme "à la française", ne manque pas de militantisme, puisque celui-ci n'hésite pas à conclure catégoriquement, avant même d'avoir jeté les bases de sa démonstration théorique.

    - Ces quelques phrases permettent de situer le niveau de démence de la science et de l'art baroques. On ne peut comprendre Shakespeare, si on ne comprend que cet esprit fidèle à la parole divine a voulu par charité s'opposer au "génie baroque".

    - La pensée de Descartes constitue une pierre d'achoppement dans la pensée scientifique moderne dite "rationaliste" ; celle-ci accorde à Descartes d'être l'un des pères fondateurs de la science moderne, en raison de l'onction scientifique qu'elle accorde aux calculs mathématiques algébriques, et aux dogmes qui en découlent (par dogme j'entends une loi physique dont la preuve expérimentale n'est pas recueillie, ou seulement par des phénomènes relatifs.) ; en revanche, le catéchisme républicain pose en principe la neutralité "laïque" de la science moderne. Et c'est là l'achoppement : il faut dissimuler par tous les moyens le débordement de foi des pères baroques de la science dite "rationnelle".

    - On remarque le leitmotiv animiste de Descartes, qui semble juger au moins aussi importante la preuve de la séparation du corps et de l'âme que celle de l'existence de dieu. Stratégie ou incompétence de la part de Descartes, il déclare s'inscrire dans la suite de savants qui ont au contraire démontré que cette division est la plus improbable : Aristote et Bacon. Cet article de foi découle de la métaphysique égyptienne, puisqu'il s'agit de remettre ici la bonne étiquette sur les méditations de Descartes. On peut qualifier cette métaphysique de totalitaire - un juif ou un chrétien le fera -, puisqu'elle répond entièrement au besoin d'organisation politique et d'ordre social.

    C'est donc sur le plan social que la croyance dans l'âme séparée est requise, par conséquent comme un degré d'adhésion inconscient minimum au corps social. Psychanalystes et médecins de l'âme modernes prorogent les données de la casuistique cléricale ancienne. Comme les juristes catholiques et les faux savants de la même espèce (Galilée) inventèrent "l'au-delà", la psychanalyse se hâta d'inventer "l'en-deçà" pour pallier les affres existentiels de la bourgeoisie européenne, en remplacement du purgatoire.

    - Descartes rend ainsi le service d'apposer le double-sceau chrétien et scientifique sur une philosophie naturelle des plus nébuleuses. "Dieu" a été remplacé depuis par l'Etat, dont on pourrait démontrer avec la même assurance que Descartes, qu'étant tout à fait providentiel, il doit nécessairement être d'essence sacrée ou divine ; dieu est mort, donc, au grand dam de Napoléon ou Nietzsche, mais le médium scientifique à la manière de Descartes a subsisté. Il y a, en soi, dans les mathématiques algébriques, une propension au dogmatisme et une fermeture à l'esprit critique. Il n'est d'ailleurs aucun sérieux défenseur de l'esprit critique qui ne se passe de divulguer que les élites ont le moins intérêt à ce que cette sorte d'esprit se répande.

    Seul le point de vue d'Einstein sur l'univers n'est pas relatif, tout le reste l'est, donc ses syllogismes ont valeur d'oracle divin. Ce qu'il faut démontrer, pour l'homme d'élite moderne, est déjà prouvé d'avance. C'est la marque de l'argument de la "modernité" d'être une pure rhétorique, appuyée sur des moyens techniques de propagande et de coercition extraordinaires. A tel point que la pensée française est une des plus éloignées de l'argument de la modernité. Ce que le Français réclame habituellement, c'est le progrès : et comme le progrès n'est nulle part, mais des gadgets modernes partout comme au Japon, il rejette cette doctrine de styliste boche. A quoi bon la téléphonie mobile et le GPS, si c'est pour se coltiner Houellebecq au lieu d'Homère ?

    Descartes est bel et bien l'un des pères fondateurs de la religion moderne.

  • Science et surnaturel

    Lors d'un reportage tv sur l'exorcisme et les exorcistes, un médecin-psychiatre est interrogé en tant qu'expert ; il décrète l'opposition de la science et du "surnaturel". C'est là un spécimen de dévôt républicain, dont la science procède du matraquage, amplifié par des moyens de propagande sans commune mesure.newton.jpg

    - Tout d'abord, il n'est pas démontré sur le plan scientifique que la télé peut contribuer à l'enseignement scientifique plutôt qu'à l'idiotie générale. Cette sorte de scientifique qui cautionne des reportages télévisés est particulièrement suspecte, au moins, d'une grande naïveté.

    - La médecine psychiatrique n'est pas à proprement parler une "science", mais une technique ; les plus illustres savants ont montré par le passé que la médecine a un pouvoir de suggestion sur les foules, analogue à celui de la religion. Le sorcier du village n'était pas par hasard aussi thaumaturge. Pour une raison simple : la culture de vie païenne est, depuis la nuit des temps, le discours religieux le plus banal, sur lequel les grandes théocraties se sont appuyées et s'appuient encore. Au contraire de la méfiance française, on peut remarquer la grande confiance, naguère, du régime nazi dans la médecine, au point de l'ériger en véritable science.

    En principe, sur le plan technique, la fin justifie les moyens. Qui reprochera à un médecin d'employer des moyens ésotériques s'il parvient à soigner efficacement ? Ainsi, l'homéopathie est une science largement "occulte", mais cela n'empêche pas que son usage soit répandu dans les cabinets de médecine et les hôpitaux publics.

    - Galilée, Copernic, Bacon, Descartes, Newton, Leibnitz : il n'y a aucun de ces grands savants ou reconnus tels aujourd'hui qui ne fasse large part au "surnaturel", ainsi que toute la science pendant des milliers d'années avant eux. Et cette liste est très loin d'être exhaustive.

    Galilée, par exemple, qui bénéficie aujourd'hui d'une gloire démesurée, croyait encore au purgatoire plus de trois siècles après Dante (!), et il appartenait au lobby catholique romain le plus archaïque, mélangeant le surnaturel païen avec le surnaturel chrétien de la manière la moins rigoureuse.

    Il y a donc une double inconstance de la part de la science technocratique moderne, dont ce médecin-psychiatre partage l'épistémologie nébuleuse.

    Primo, elle devrait se désolidariser de savants, dont l'imagination fait largement place à des croyances surnaturelles d'origines diverses. D'ailleurs cette science technocratique se livre à une propagande mensongère, à l'aide de moyens dont même l'Eglise romaine n'a jamais disposé, quand elle affirme que la science de ces grands savants qu'elle continue d'honorer, était sans lien logique avec leurs croyances surnaturelles. C'est aussi mensonger que de dire la science technocratique moderne en général, et la médecine psychiatrique en particulier, coupées de la FOI dans le progrès social. Je cite deux menteurs de cette espèce, de stature internationale : le Français Claude Allègre et, plus encore, le Britannique Richard Dawkins, auteurs dans le domaine de l'histoire de la science d'ouvrages sans fondement historique - voire à la limite de la bouffonnerie dans le cas de Dawkins.

    - De surcroît, il existe plusieurs sortes de "surnaturel", et la psychiatrie est fondée sur l'un d'entre eux, quoi que cet expert semble l'ignorer. C'est en outre le plus religieux et le moins expérimental. La méthode spéculative ou psychologique implique en effet de croire dans des états abstraits tel que l'infini, sans consistance naturelle ou expérimentale. Cette sorte de surnaturel, qu'on peut dire "théorique" ou "hypothétique", ou encore "transcendental" a été critiqué plusieurs siècles avant notre ère par Aristote, savant matérialiste et astrologue, qui la fustige comme le courant religieux le plus superstitieux.

    L'opposition moderne d'un technocrate tel que C. Allègre entre une science expérimentale, et une autre qui ne le serait pas, est inepte. Les technocrates placent d'ailleurs dans leur panthéon les savants les moins basés sur l'expérience, comme Newton, Descartes ou Galilée. La démonstration de Galilée du mouvement de la terre autour du soleil est en effet hypothétique/mathématique et contraire à l'expérience de sa stabilité.

    L'opposition entre différentes sortes de surnaturel par Aristote est beaucoup plus scientifique. F. Bacon a renouvelé cette critique à la fin du XVIe siècle ("Novum Organum"), afin notamment de souligner chez certains de ses confrères (Gilbert, Copernic, Galilée) le télescopage de ces différentes sortes de surnaturel, et la confusion absurde que ce télescopage engendre.

    - Pour finir, signalons que la caution fournie en outre à ce reportage de TF1 par un "sociologue des religions", Frédéric Lenoir (!), frise le ridicule, puisque la sociologie n'est autre qu'un discours religieux déterminé par le préjugé juridique républicain. De sorte qu'il n'y a pas de chef de parti politique en France qui ne soit aussi un "sociologue", comme son projet l'y oblige, et même si l'on ne doit pas exclure dans le domaine politique le plus radical cynisme, derrière le projet de société.

    (Ill. de W. Blake représentant I. Newton, le front penché sur la terre. Blake suggère que Newton est trop terre-à-terre et manque de spiritualité. Il n'empêche que Newton a écrit des traités de théologie, qui pour manquer de rigueur n'étaient pas insincères pour autant.)

  • Les Mystères Bacon

    La plus grossière méprise qui a cours dans notre Université à propos de François Bacon, erreur qui de mon point de vue suffit à discréditer tout l'enseignement de la "philosophie", c'est l'étiquette de "père fondateur de l'empirisme", c'est-à-dire de la science laïque et capitaliste, collée à Bacon comme Locke, Hume, ou Descartes, trois "empiriques" véritables, même si Locke commet des paradoxes moins graves.

    Une lecture rapide du "Novum Organum" permet de se rendre compte que non seulement Bacon ne peut être classé parmi les "empiristes", mais qu'il est même un adversaire déclaré de cet empirisme qui va enfler comme une grenouille peu à peu à partir du XVIIe siècle jusqu'à aujourd'hui ; à tel point que Bacon ne partage aucune des idéologies "copernicienne", "galiléenne", etc., inséparables de l'empirisme.

    Sartre, par exemple, dont je relisais un chapitre ou deux l'autre jour, est littéralement affligeant, encore plus que Benoît XVI ; cette espèce de bric-à-brac, de cocktail de Descartes, Epicure, Heidegger : je comprends qu'il ait pu séduire une bourgeoise coincée du cul comme Simone de Beauvoir... Mais l'Université ? Un tel gugusse se serait fait virer de n'importe quelle école grecque à coups de pied au derrière (Le 'truc' courant des hommes au physique disgrâcieux, qui consiste à apprendre à jouer de la guitare pour séduire les gonzesses, fonctionne aussi avec la philosophie, tant qu'on s'en tient à la spéculation, et il est probable que Sartre n'a jamais eu d'autre but que de remplacer sa maman par une autre, ce qui le rend plus "humain" que Kant.)

    Karl Marx lui-même il est vrai a commis cette bévue de confondre Hume avec Bacon, mais c'était il y a plus d'un siècle et demi, en Allemagne. Tout le mérite de Marx est d'avoir vaincu la philosophie spéculative germanique pour découvrir la pointe enfouie de la science, restaurer le matérialisme, et cela ne s'est pas fait en une semaine, hélas.

    *

    Le seul point où on peut parler d'erreur plutôt que de mauvaise foi manifeste de la part des fonctionnaires de l'enseignement laïc en ce qui concerne Bacon, c'est le point d'Aristote. Là, une lecture plus approfondie de l'oeuvre de Bacon est requise. On peut de fait s'étonner dans un premier temps qu'un adversaire de l'empirisme comme Bacon s'en prenne à Aristote, auquel Marx, pour le coup, accorda invariablement la primauté.

    Mettons de côté les circonstances tactiques qui ont pu pousser Bacon à se montrer relativement sévère avec Aristote pour s'en tenir au texte :

    - dans le détail on voit que si Bacon critique Aristote, il est moins sévère avec le Stagirite qu'avec Platon, ou les représentants de l'empirisme, et, surtout, qu'avec la secte pythagoricienne. Cette critique des Grecs dans leur ensemble, avec un peu plus d'indulgence pour Parménide, ne fait d'ailleurs que refléter la volonté de Bacon d'aller de l'avant ; mais Bacon sait parfaitement qu'on ne peut pas être progressiste sans être classique, ni classique sans être progressiste.

    - le reproche fait à Aristote d'user excessivement du syllogisme prouve par ailleurs que Bacon n'a sans doute pas bénéficié d'une bonne traduction, telle que celle de Ross, de la "Physique" d'Aristote. L'horreur du syllogisme est aussi une caractéristique des scolastiques matérialistes, Duns Scot et surtout Roger Bacon, parent de François, docteur admirable entre tous, à cent coudées au-dessus du connard polytechnicien d'aujourd'hui ou de sa métastase racornie de l'Académie française.

    De fait Bacon a dû être induit en erreur par un mauvais commentateur (Ramus, laissent entendre les préfaciers de Bacon aux "Puf", M. Malherbe et J.M. Pousseur) car il n'y a pas d'adversaire plus farouche du syllogisme qu'Aristote. A tel point que celui-ci démontre la nature syllogistique de l'algèbre et anticipe ainsi le fiasco de Descartes ou Newton. L'algèbre est une jonglerie si risquée aux yeux d'Aristote qu'il reproche même aux Eléates de la retourner contre leurs adversaires.

  • Branle-bas et haut

    En poésie ne valent que les empêcheurs de tourner en rond, Baudelaire, Céline. Tout le reste n'est que branle-bas : Nitche, Cioran, Valéry, j'en passe et des pires. Sans Homère attaché à la Vérité et à la Science, Nitche n'aurait même jamais existé qui n'est qu'une parodie.

    A quoi s'attaque Céline directement, c'est à la trigonométrie de Descartes. Ca permet de situer Sartre, dont la carrière ne connaît qu'un bref instant de lucidité, vers la fin de "Les Mots", lorsqu'il se rend compte que toute sa vie se résume à une pirouette et que le cartésianisme qu'il croyait avoir laissé derrière lui est en réalité juste devant, et que ses grands calculs prétentieux ne l'ont conduit qu'à un tout petit décalage.

    Je me suis toujours demandé ce que les adolescentes de mon lycée pouvaient bien trouver à "Les Mots" ? Maintenant je le sais, "Les Mots" c'était pour elles quelque chose comme l'aventure, du Rimbaud "light".