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marx - Page 5

  • Le lit du capitalisme

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    En réalité, quand on est vraiment marxiste, honnêtement on ne peut pas se permettre de dissocier l'idéal démocratique du capitalisme bourgeois.
    Un minimum d'esprit scientifique suffit pour faire le constat que les idées démocratiques ont fait le lit du capitalisme. Pour être plus marxiste, donc plus précis, il faut que je tourne ma phrase à l'envers, car c'est le capitalisme bourgeois qui a fait le lit de l'idéologie démocratique.

    Démocratie et capitalisme coïncident harmonieusement pour la plus grande fortune des capitaines d'industrie. Les États-Unis d'Amérique sont l'exemple contemporain le plus flagrant d'avènement de la société marchande en même temps que des fameux slogans d'égalité, de liberté, de suffrage universel, de droit international, de paix universelle, etc.
    De nombreux autres exemples, capitalistes ou non, permettent d'ailleurs de vérifier que plus un pays bafoue la liberté, l'égalité, le droit de vote, la justice, plus ses représentants truffent leurs discours de ces slogans.
    Sur un autre plan, le protectionnisme étatsunien, le plus puissant du monde, aime à se parer du joli nom de "libre-échangisme". Et la France, ou l'Europe, qui n'est pas si protectionniste que ça, abhorre cette idée-là.
    Les intellectuels anglo-saxons au service des marchands ont forgé un autre joli nom, le "libéralisme", à l'usage de leurs maîtres. En quelque sorte l'expression de libéralisme englobe le système ET l'idéologie, en insistant surtout sur l'emballage. Mais parler d'une forme évoluée, globale, de mercantilisme, est plus exact.

    Si Voltaire revenait, il serait sans doute horrifié par les effets du libéralisme anglais qu'il admirait tant mais dont il ne pouvait estimer toutes les conséquences, sur les arts et les lettres. La peinture, la poésie, la musique, qui en son temps étaient encore au sommet de l'activité humaine, au-dessus de l'artisanat, ont été reléguées au rang de vulgaires artifices, quasi des arguments commerciaux.
    Quel usage des individus transformés en consommateurs pourraient bien faire d'une conscience ? À quoi bon enseigner à un futur vendeur de téléphone portable le latin ou le grec ?

    Et quel déficit de la pensée chez Finkielkraut lorsqu'on le compare à Diderot ! Derrière les jeux de mots de Diderot, on sent un esprit subtil, critique, facétieux. Tandis que chez Finkielkraut, rien, aucun recul, juste un vague cercle d'idées, accompagné d'un vague geste circulaire de la main, même pas une rhétorique stable ! Il est ce qu'il dit, Finkielkraut, il se confond complètement avec sa subjectivité. J'aime citer Finkielkraut parce c'est l'exemple le plus caricatural que je connaisse, en attendant d'en trouver un autre. Même Christine Clerc, assise à côté de lui l'autre jour sur un plateau de télé ne pouvait s'empêcher de le trouver bête et d'avoir pitié. Même Christine Clerc !

    Si on veut bien se pencher sur Marx sans préjugés idéologiques, de droite ou de gauche, plus radicalement encore que Burke, on constate que Marx démonte les contes philosophiques dont on nous rebat les oreilles dans notre démocratie prématurément vieillie.
    Certains catholiques reprochent à Marx d'être athée. La belle affaire ! Encore un raisonnement très subjectif. Doit-on se préoccuper de savoir de quelle religion est le jardinier qui a planté l'arbre dont on prélève une poire pour se désaltérer ?

  • Tendance Teissier

    Si je suis autant motivé par Marx, c'est parce qu'il met à la casse une bonne partie de la philosophie. Il n'y a pas de discussion, il n'y a pas de progrès si on ne déblaie pas tout le fatras de la pensée philosophique de devant sa porte avant. Aux chiottes les ratiocineurs kantiens !

    Il faut éviter de juger Marx à la tête des marxistes contemporains. Je dis ça parce je suis tombé dans le piège avec Jacques Attali, l'ancien conseiller de Mitterrand. Il m'a longtemps dissuadé de m'intéresser à Marx. Je me disais : « Jacques Attali est marxiste, donc le marxisme ne PEUT PAS être un truc très sérieux… »

    Je me demande d'ailleurs si Mitterrand ne s'est pas offert les services de certains de ses conseillers, je pense à Attali mais aussi à Régis Debray, avant tout pour pouvoir garder un œil sur eux et les empêcher de nuire. Il ne faut jamais laisser seul sans surveillance dans la nature un X, à plus forte raison un major de promo, on ne sait jamais quel gadget il est capable d'inventer…

    Jacques Attali est marxiste, donc, mais un marxiste "tendance Élisabeth Teissier". Il transforme la méthode de Marx en boule de cristal, dans son dernier bouquin. Aux gogos il prédit l'hypercapital en 2025, pour pas trop les dérouter au début, puis l'hyperconflit en 2050, pour les faire flipper un peu, puis l'hypercoolitude en conclusion, pour respecter les règles du genre. D'ici que Spielberg propose d'adapter ça au cinoche…

    Le truc d'Attali, pompé sur Élisabeth Teissier, c'est que si par hasard ce qu'il prédit pour dans vingt-cinq ans s'accomplit, le téléphone-fax-télévision-réveil-matin, par exemple, il pourra faire remarquer que son pressentiment était génial si Dieu lui prête vie ; si cela n'advient pas, qui lui en tiendra rigueur dans vingt-cinq ans ?

    Ce qui prouverait que l'idée originale de Marx selon laquelle l'économie capitaliste comporte un vice structurel qui l'entraînera à faire faillite un beau jour est une idée complètement fausse, ça serait justement qu'on puisse dater cette faillite à deux ou trois ans près.

  • De l'art d'éditer des conneries

    J'ai décidé de m'embusquer au rayon "Philo" de la Fnac. La philo ne m'intéresse pas, je n'y consacrerais même pas six heures et un quart, mais je suis curieux de voir quelle tête ont les amateurs de philo, et les amatrices, comparées aux gonzesses du rayon "Littérature étrangère" ou "Développement personnel" ?

    La première ne me déçoit pas en réclamant un titre d'"Emmanuel Lavinasse". Le vendeur ne peut réprimer un sarcasme, avant d'essayer de se rattraper vu que la cliente est plutôt bien roulée et que c'est une cliente. La vanne du vendeur glisse sans faire un pli sur le visage lisse de la jeune fille.
    Bon, mais celle-ci n'est pas typique, juste une lycéenne en train de faire ses courses avec sa liste. La suivante est blonde et élégante et doit faire pas loin d'un mètre quatre-vingt. Elle farfouille un peu, puis va réclamer à son tour une biographie de Karl Marx par Jacques Attali… Heureusement pour elle, ils ne l'ont pas.
    Pour se foutre de la gueule des clients ignares, ils sont forts à la Fnac, mais à part ça ils n'ont jamais rien dans leurs rayons, ou quinze jours après tout le monde. La Fnac combine les inconvénients du dirigisme soviétique et ceux du capitalisme américain.

    Je suis intrigué au bout d'un moment par ce petit bouquin qui me tourne le dos et devant lequel deux ou trois bobos ont marqué un temps d'arrêt. C'est De l'art de raconter des conneries, d'un certain Harry Frankfurt, professeur à Princeton. Ça, en revanche c'est très typique, typique du genre de merde que les éditeurs français essaient de fourguer pour se remplir les poches. En gros c'est une dissertation d'étudiant appliqué d'une soixantaine de pages. 10/18 a imprimé ça en corps quatorze pour gonfler la disserte jusqu'à en faire un volume de poche, et ajouté une couverture toilée épaisse pour faire monter le prix au-dessus de huit euros. Avec un tel titre, ça va sûrement cartonner, ils ont dû se dire, ces enculés !
    Petite préface oiseuse du traducteur d'abord pour expliquer qu'il a eu beaucoup de mal à traduire bullshit dans la langue de Molière. Foutaises ! Il a bon dos Molière ! Ensuite, développements vains et maladroits du professeur de Princeton sur les tenants et les aboutissants de la logorrhée. Faut dire qu'il est mal placé. La philosophie, ç'a toujours été un peu l'art de raconter n'importe quoi sur n'importe quel sujet, mais depuis quelque temps, c'est VRAIMENT n'importe quoi !!

    Bien sûr, la littérature française se dégrade surtout à cause des goûts déplorables des femmes pour les niaiseries politiquement correctes, mais aussi parce que les éditeurs ne pensent plus qu'à ça, au pognon.