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marx - Page 4

  • Pornographie laïque

    « Rien qui ne devienne vénal, qui ne se fasse vendre ou acheter ! »

    Parce que Marx a prévu la braderie des choses les plus sacrées par le régime bourgeois ; parce que Marx a mis a nu le double langage laïc qui procède en désincarnant le Verbe et permet de condamner l’esclavage tout en le pratiquant avec un cynisme accru ; parce que l’industrie cinématographique, que la bourgeoisie élève au rang d’art, est au cœur de ce business - pour toutes ces raisons la pornographie est exemplaire du mode de fonctionnement hypocrite des régimes laïcs.

    Les documentaires sur l’industrie du cinéma porno sont rares à la télévision. Il n’est pas aisé en effet d’en dissimuler le contexte politique.
    L’internet a eu au cours des quinze dernières années un effet dopant sur la croissance des Etats-Unis ; et l’industrie du cinéma X a eu elle-même un effet dopant sur l’internet. Dans les grandes écoles françaises qui se dotèrent rapidement de l’internet par esprit de conformisme, les connexions à des sites pornographiques représentaient 75 % à 90 % des "études" au démarrage, lorsque le haut débit n’était pas encore accessible aux particuliers.

    Retirez un élément du château de cartes de l’économie capitaliste, en déséquilibre permanent, et le château de cartes s’écroule. Au cours des premières années de développement de l’internet, comme ce fut le cas avec le minitel auparavant en France, les seuls sites marchands rentables étaient les sites vendant des services pornographiques.
    La pornographie a joué le rôle de l’huile dans un engrenage.

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    “Arte”, la chaîne de BHL, a diffusé récemment un reportage édifiant sur le thème de la pornographie. Les bobos sont en effet de plus en plus inquiets de voir leurs enfants, dès cinq ou six ans, visionner des images crues sur leurs propres bécanes, les outils de filtrage étant inefficaces ; bientôt sur leurs téléphones portables.
    La chaîne ”Arte” omet de dire qu’elle programme elle-même des films pornos yankis ou japonais régulièrement, qui reflètent sans doute le penchant de BHL lui-même pour un morne sado-masochisme à base de philosophie et de silicone. Arielle Dombasle, qu'on peut voir à peu près normale encore dans le film de Rohmer, Pauline à la plage, tentative avortée de sortir le cinéma de la logique industrielle, Arielle Dombasle s'est transmutée peu à peu sous le désir sadique de BHL en une sorte de poupée gonflable inexpressive. Non pas l'essence de la femme ou de la féminité, mais un produit de consommation capitaliste, une femme-objet qui répète en boucle des odes à son partenaire de jeux sado-masochistes.

    - La première manipulation d’”Arte” dans ce reportage consiste à faire porter le chapeau au régime communiste, sous prétexte que la majorité des prostituées virtuelles viennent des pays de l’Est, de République tchèque et de Hongrie notamment. Non seulement les Etats-Unis ont inventé cette industrie, mais ils continuent de la promouvoir et de la financer. Mais, selon “Arte”, ce sont les esclaves elles-mêmes qui sont coupables, ou la pauvreté engendrée par le communisme (la Hongrie et la République tchèque sont parmi les pays les moins "pauvres" et les moins communistes de l’ex-empire soviétique).
    Bientôt le communisme rivalisera avec le nazisme dans la propagande capitaliste. On peut compter sur des abrutis comme BHL et la clique des renégats démocrates-chrétiens pour tailler à Staline les mêmes moustaches caricaturales qu'à Hitler. La repentance pour tous hormis les suprêmes salauds !
    Souligner l’esclavagisme dans les colonies, sans rentrer dans les détails de l’histoire, c’est encore une façon de mieux faire oublier l’esclavage ici et maintenant.

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    - La seconde manipulation est plus subtile. Elle a un rapport direct avec les caractéristiques profondes du totalitarisme, avec le paradoxe apparent du mélange homogène de pornographie et de puritanisme laïc.

    Les reporters d’”Arte” constatent le phénomène d’accoutumance provoqué par le visionnage répété de films pornographiques. Certains adolescents ne peuvent plus s’en passer.
    Il ne s’agit pas ici, contrairement à ce qu’”Arte” insinue, d’une accoutumance au sexe, mais bien aux images pornographiques ou au “sexe virtuel”. Il serait aussi stupide de croire qu’on ne peut de passer de sport sous prétexte qu’on ne rate un match de l'équipe de France de foot sous aucun prétexte.
    Cette dissociation entre le sexe réel et le sexe virtuel opéré par la propagande puritaine laïque est double. Le sexe, coupé de ses effets procréatifs, est lui aussi assimilé au sexe réel ; comme si le comportement alimentaire anorexique-boulimique était un mode d’alimentation normal, par exemple. Ce que l’industrie pornographique montre en général, plutôt qu'un rapport "sexuel", c’est un rapport de pouvoirs sado-masochiste distinct de l’érotisme.
    On est bien obligé de voir là la marque de la dissection kantienne. Les laïcs puritains, dans un autre domaine, assimilent l’épistémologie à la science par le même tour de passe-passe ontologique.

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    “Arte” a largement recours dans ce reportage à des sexologues, des psychanalystes freudiens et autres charlatans en tous genres, qui répandent une image désastreuse de la science dans le grand public. Le langage mystique freudien est le moyen idéal d’assimilation de la pornographie-sexe virtuel à l’érotisme-sexe réel.
    L’individu qui ne peut se passer de cinéma porno, dans la mesure où il n’a pas une sexualité réelle épanouie, et le membre d’une ligue de vertu yankie qui s’offusque à la vue du moindre bout de chair, ils sont de la même engeance des batards capitalistes.
    D’ailleurs il existe un cinéma “porno-chic”, celui de David Cronenberg ou de David Lynch, grand public, encore plus hypocrite que l’industrie des images pornos “explicites”, qui vise à satisfaire les besoins d’individus “moyens” et fait la transition entre les ligues de vertu et les accros aux images sado-masos.

  • No Sex in France

    Converti au communisme, je n’en reste pas moins misogyne : les slogans féministes sont typiquement des slogans bourgeois. Ce que les “chiennes de garde” défendent avec rage et avec la complaisance des médias, ce sont les valeurs bourgeoises et non les droits de la femme à vivre hors de portée du désir charnel et du pouvoir de contrainte des hommes.
    La haine des féministes vis-à-vis de l’islam est tout à fait caractéristique. Qu’il soit féministe (Caroline Fourest) ou démocrate-chrétien (Redeker, Philippe de Villiers), libéral de gauche (BHL) ou de droite, le bourgeois entretient soigneusement le fantasme de la menace islamique afin de justifier son propre fanatisme à caractère totalitaire. J’ajoute que le féminisme étant le contraire de l’humanisme et de l’universalisme, c’est tout sauf une idée marxiste.

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    Mme (Mlle ?) Michèle Reiser, présidente d’une commission nouvellement créée contre les “dérives sexistes” à la télé, qui comporte tout de même un membre masculin, le présentateur Frédéric Taddéi, se donne pour objectif d’abolir les clichés véhiculés sur la femme par la télé.
    Michèle Reiser distingue trois grands clichés : le cliché de la ménagère ; celui de la ravissante idiote, blonde ou pas ; et enfin celui de la femme, désirable et séductrice, de la “vamp”.

    Je n’ai pas entendu Michèle Reiser proposer un autre exemple. Suggère-t-elle le modèle de la femme qui aurait une bite comme tout le monde et qui saurait s’en servir avec délicatesse ? Ou le contre-exemple dissuasif de la blonde, séduisante donc forcément idiote ?
    On voit mal au terme de ce féminisme médiatique - tous les membres de cette commission de vigilance à la mord-moi-le nœud sont employés par les médias -, se dessiner autre chose que l’androgynie morale de la femme yankie (WASP), qui repose sur un arsenal de droits privés aberrants.

    Difficile d’accorder un quelconque crédit à cette nouvelle bande d’écervelées féministes. Ça saute aux yeux que la télévision est un outil de propagande avant toute chose, une machine à véhiculer des clichés.
    Il n’y a pas de série plus caricaturale que la série Plus belle la vie, conçue justement pour enseigner la morale féministe, entre autre, à grands coups de clichés hénaurmes. Une commission qui voudrait s’attaquer aux caricatures véhiculées par la télé commencerait par stopper la diffusion de ce genre de programmes.

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    Un régime totalitaire se définit par rapport à un régime dictatorial par son caractère particulièrement sournois, insidieux.
    Ce genre de commission de contrôle, le BVP ou le CSA sont d’autres exemples, sous le fallacieux prétexte de combattre les clichés ou les dérives, contribuent à multiplier les clichés bourgeois.
    On peut penser comme Marx que le totalitarisme porte en lui les germes de sa destruction ; c’est l’idée que Marx exprime lorsqu’il dit que “le premier ennemi du capital, c’est le capital lui-même”, car ce qui frappe, plus encore que l’hypocrisie des membres de cette commission, c’est leur bêtise, leur mièvrerie.
    Ce n’est pas l’excès de raison qui menace l’humanité, cette thèse n'a pas de consistante, mais bien la bêtise, le crétinisme aggravé de nos élites.
    Le communisme n'est pas, contrairement aux médisances, un nivellement vers le bas, mais une aspiration vers le haut, un combat contre l'asphyxie de la conscience politique par les préjugés bourgeois dans tous les domaines.

  • Demain l'orthodoxie ?

    Qu'un jeune vicaire démocrate-chrétien dans son sermon puisse faire référence à Nitche comme ce matin, voilà qui en dit long sur l'ultra-ringardise de l'Eglise de France et de son clergé, son évolutionnisme, sa soumission aux dogmes bourgeois.

    Michel Onfray a beau prendre la posture du philosophe anticlérical, afin de mieux passer à la télé, c'est un pur élève de l'école et de la morale démocrate-chrétienne. Un curé démocrate-chrétien, voilà ce qu'est Michel Onfray exactement, en plus ambitieux, avec une "volonté de puissance" plus grande. Qu'est-ce qui sépare Onfray d'un autre curé libéral ambitieux tel l'abbé La Morandais, par exemple ? Je ne vois pas. Mêmes valeurs démocratiques dépassées, même hédonisme petit-bourgeois ennuyeux. Des marionnettes qui se croient libres parce que leurs livres font un tabac dans les supermarchés, et que Guillaume Durand ou Marc-Olivier Fogiel les admirent.

    L'Eglise, traditionnellement, s'est montrée conciliante avec le paganisme des champs, qui a donné La Fontaine ou La Bruyère (qui influence Marx également), voire Rousseau. Mais le néopaganisme des villes, celui de Nitche, cet espèce de Virgile de parc d'attraction, dépasse les bornes de la raison. Avec le même ridicule que ces bobos qui retournent à la Nature et n'ont pas encore mis les pieds dans gadoue qu'ils vous donnent déjà des leçons de science-naturelle. Ou que Philippe Sollers sous la férule de sa bourgeoise qui n'hésite pas à donner des leçons de libertinage.

    L'existentialisme de Nitche et la peinture impressionniste du dimanche, voilà le niveau de la démocratie-chrétienne. Pour nettoyer les écuries d'Augias et tailler les bacchantes à Nitche, il faut à Benoît XVI autre chose qu'un kärcher nazi ou qu'une somme théologique assommante. Au moins la volonté de résistance de Marx et la ruse de Lénine.

     

     

     

     

  • Traduire le pape

    Pourquoi est-il est nécessaire que je décrypte les dernières déclarations du pape ? Trois raisons.
    La première, pour parler clair, c’est que les démocrates-chrétiens, ou les chrétiens-libéraux, sont des traîtres, des cathos-traîtres. Si Louis Veuillot a pu être abusé par la politique (concrète) de Napoléon III, Bernanos par les promesses de De Gaulle, aucun chrétien authentique ne peut être abusé par les propos de Nicolas Sarkozy, ses petites concessions au folklore chrétien, juif ou musulman, concessions insultantes. Si les musulmans sont plus “susceptibles”, c’est parce que leur foi est plus grande, de toute évidence (Ce qui explique l’indifférence, ou la conversion de certains démocrates-chrétiens à l’islam, ou même la jalousie à l’égard de la foi d’un musulman comme Tariq Ramadan, qui renvoie les démocrates-chrétiens à leurs lâchetés.)

    Les enquêtes à la sortie des urnes ont montré le poids qu’ont pesé le troisième et le quatrième âges dans l’élection de Sarkozy. Et ces générations, surtout en Alsace-Lorraine, sont plus que d’autres attachées au folklore. François Mitterrand naguère avait, à la veille des élections, des propos flatteurs pour le noyau dur de son électorat, les profs, de la même façon. Ce qui n’a n’a pas empêché la déchéance du corps professoral.

    Par conséquent, tout propos du pape qui ira à l’encontre des dogmes libéraux ou démocratiques sera immanquablement étouffé par les interprètes officiels du pape en France, dont la faiblesse à défendre la religion catholique est proportionnée à la force à soutenir les sacro-saintes “Valeurs actuelles”.
    Si, comme je le soupçonne, c’est le tartuffe Darcos qui a soufflé cette idée de cadeau à Benoît XVI - une édition originale de Bernanos -, Benoît XVI aurait dû répliquer par un coup de crosse en travers de la gueule de ces insolents, car il n’y a pas d’autre façon de traiter un tartuffe de l’envergure de Darcos, plus retors que François Bayrou encore.
    Mais le pape n’est pas libre. On entre désormais au Vatican comme dans une boutique de souvenir.
    La censure exercée par les médias occidentaux est telle que le pape ne peut pas, sur la place Saint-Pierre, sortir un billet de cent dollars de sa poche et l’enflammer, comme Gainsbourg, pour signifier clairement ce que le “sécularisme” veut dire, à quoi il se résume. Le scandale de cette image serait trop grand. Les médias capitalistes attendent Benoît XVI au tournant, et il le sait.
    Le pape est contraint de parler, non pas “en paraboles”, hélas, mais par euphémismes qu’il faut décoder.

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    Qu’est ce que le “sécularisme”, ce cryptogramme, au juste, signifie ? Lorsque le pape déclare que le “sécularisme” est pire que le communisme, que faut-il en déduire ? D’abord, dans le langage courant que Benoît XVI parle, il est convenu de considérer que le communisme n’est plus, qu’il a disparu avec le mur de Berlin, en 1989 ; seul demeure donc le “sécularisme”, que le pape condamne comme une idéologie, une philosophie dangereuse pour l’humanité.
    Le sécularisme, c’est-à-dire les “Valeurs actuelles” de l’Occident, autrement appelées “libéralisme”, ou encore “capitalisme”, “démocratie” - pour ce qui est de faire valser les étiquettes on peut faire confiance aux VRP, aux chefs de rayon qui nous gouvernent à l’aide de médias réduits à des emballages publicitaires. Goebbels fait désormais figure de pionnier naïf de la propagande électorale. Pour faire ce genre de comparaison, Joseph Ratzinger, enfant du siècle, est on ne peut mieux placé.

    Le pape, qui n’est pas marxiste, se contente d’y faire allusion, mais concrètement il faut insister pour dire que le sécularisme est une religion.
    Le principe de cette religion est de nier qu’elle en est une et de s’affirmer “au contraire” comme une philosophie, d’adopter ce point de vue censé être supérieur. Quelle religion ne se pense pas supérieure aux autres ? Feuerbach, qui a le mérite contrairement à des imbéciles comme Nitche u Heidegger d’être cohérent et rationnel, trahit naïvement l’essence de la nouvelle religion. C’est précisément de cette négation que vient le fanatisme particulier des Occidentaux néocolonialistes. Un fanatisme qu’on distingue déjà chez Feuerbach et qui éclate au grand jour lorsque des Savonaroles du capitalisme et de la démocratie tels que Jacques Attali, Robert Redeker ou BHL prennent la parole pour prêcher leurs valeurs.
    Un jésuite au Japon, que fait-il ? Il tente de convaincre ses hôtes de la supériorité de son point de vue. Tandis qu’il n’est pas question de discuter le bien-fondé des droits de l’homme, de la démocratie, de l’évolution, de l’athéisme ou du capitalisme, pas plus que la morale bourgeoise qui en découle.
    Marx a été pourchassé dans toute l’Europe pour l’avoir osé, et Bloy traité comme un proscrit à une époque plus libre que la nôtre.
    Malgré les millions de morts, de Verdun jusqu’au Rwanda, le sécularisme a raison, invinciblement raison.

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    En outre le pape a parlé de la nécessité pour l’Eglise de faire son autocritique. Est-ce à dire qu’on n’est pas assez loin dans la “repentance” dont Mgr Lustiger fit une véritable théologie ? Au contraire, le pape veut rompre avec l’hypocrisie qui consiste à charger des morts qui ne peuvent pas se défendre, privés d’avocats, à les charger de tous les péchés, pour faire le bilan vrai d’un siècle de démocratie-chrétienne, neutre, fière d’être neutre, concrêtement globalement inerte face aux crimes du siècle, ne leur opposant que de vagues discours ou de vagues théologies.

    Les démocrates-chrétiens peuvent bien embrasser Péguy, Bernanos, ou même Bloy et Veuillot, ce n’est que pour mieux les solder. Il est significatif d’ailleurs que de Mauriac, qui correspond pour le coup à leurs aspirations profondes, ils ne retiennent que les écrits politiques globalement ineptes, en définitive, occultant ce qu’il y a de vrai et de puissamment évocateur chez cet artiste, à savoir son portrait effrayant de la grande bourgeoisie chrétienne bordelaise, autoportrait en noir.

  • Esprit bobo où es-tu ?

    Pour prolonger ma phénoménologie de l’esprit bobo : Pourquoi n’y a-t-il pas de bobos aux Etats-Unis, où on parle plutôt de “yuppies”, ce qui signifie à peu près : “blousons dorés” ou “jeunes cadres dynamiques” ? Probablement parce qu’il n’y a pas encore eu aux Etats-Unis comme en Europe de révolution antibourgeoise.

    La guerre civile de Sécession, qui a un aspect révolutionnaire comme toutes les guerres civiles, oppose la nouvelle bourgeoisie industrielle capitaliste du Nord aux Etats du Sud, plus traditionnels. Contrairement à ce que la propagande capitaliste inculque, ce n’est pas une révolte des esclaves nègres opprimés dans les champs de coton.
    Dorénavant, la majeure partie des travailleurs opprimés par le capitalisme yanki est en Asie, et la révolution contre le capitalisme, si comme Marx l’a prévue elle advient, la révolution doit être envisagée à l’échelle mondiale.

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    En France, les bourgeois préfèrent se cacher ; comme par un reste de vieux principe d’Ancien régime, l’argent semble souffrir chez nous d’un manque de légitimité, au grand dam de la droite libérale, qui, jamais à cours d’idées, entend réveiller dans les couches les plus modestes le goût de l’argent et des gadgets merveilleux qu’on peut se payer avec à Noël.
    Si l’on résume la morale de la presse féminine, par exemple, Madame Figaro, Elle, etc., à l’attention de la lectrice bourgeoise de base (ou qui rêve de le devenir), c’est : « Attention, si tu mets des fringues de luxe, ma chérie, veille à ce que ce soient des fringues de PUTE de luxe ! » Evidemment, dans ces conditions, les petites dindes de Saint-Germain-des Prés ne doivent pas s’attendre à dégotter autre chose que des maquereaux. L’essentiel en matière de moralité reste que “la jeunesse (bourgeoise ou petite-bourgeoise) emmerde le Front national !”

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    Ces deux ou trois dernières années, on note que la définition du “bobo” a évoluée. Ce terme destiné à présenter les valeurs bourgeoises sous un jour plus sympathique, à les recouvrir d’une couche de bohême “cool”, a pris une connotation péjorative ; comme dans la chanson de Renaud Séchan. Du jour où il a été cul et chemise avec une jeune bobo et où il a commencé toutes couilles rentrées à prêcher l’abstinence à longueur d’interviou, comme par hasard l’ex-chanteur engagé a commencé à fustiger les bobos “qui lisent Cioran” (de droite) ou “Djian” (de gauche).

    C’est un signe, Finkielkraut aussi désormais, le parfait suiviste, qui toujours taille sa petite philosophie aux couleurs de la mode, Finkielkraut aussi utilise le terme de “bobo” dans un sens péjoratif.
    Ça signifie qu’il est temps pour les bourgeois de trouver un autre truc pour redorer leur blason. “Métrosexuel” ? Ce terme a l’avantage de dissimuler qu’on prend le taxi et qu’on est à peu près dépourvu de sexualité, mais une ou deux séances de “brainstorming” à Madame Figaro ou à Elle devraient permettre de trouver mieux.

  • Table rase de la télé

    Pour donner la réplique à Finkielkraut, Frédéric Taddéi avait invité un universitaire communiste, Yves Quiniou. Celui-ci ne déshonore pas la pensée occidentale comme Finkielkraut, mais de là à dire que c’est une lumière…

    J’ai moi même recommandé sur mon blogue le petit ouvrage de Quiniou qui combat quelques idées reçues sur Marx ; comme initiation, pourquoi pas. Mais Yves Quiniou est resté figé dans le marxisme des origines, il n’a pas évolué, ce qui pour un marxiste est impardonnable.
    Yves Quiniou persiste contre la réalité à voir dans les religions, musulmane, chrétienne, une menace, une force d’oppression. Il est incapable de voir la réalité des faits. La plus grande religion aujourd’hui, c’est la démocratie, le républicanisme, et il l’a en face de lui : c'est Finkielkraut, imam démocratique qui diffuse ses principes décadents par tous les canaux médiatiques mis à sa disposition. Marx, vivant, n’aurait jamais fait preuve d’un tel aveuglement !
    On observe également qu’Yves Quiniou défend ses principes avec une ferveur religieuse dont bien peu de prêtres catholiques sont capables dorénavant.

    Yves Quiniou, en outre, se réclame de Marx ET des “Lumières” de la Révolution française. Ce n’est pas si simple. Marx considère Voltaire comme le sommet de la littérature… mais de la littérature bourgeoise. Un marxisme qui ignore les évolutions de l’histoire est un marxisme momifié.

    Pour l’anecdote il y avait aussi Marcel Gauchet sur le plateau. Ce Gauchet est encore pire que Finkielkraut ; à la nullité il ajoute l’insignifiance. Tout au plus il est significatif de ce que la pensée démocrate-chrétienne n’est qu’un accessoire, un sous-produit de la pensée démocratique.

  • L'œil du cyclone

    « Ainsi c’est donc ça, Raymond Aron ! je me dis en parcourant en diagonale une grosse compilation - Les sociétés modernes -, non pas la sagesse et la modération qu'on prétend, mais plutôt une sorte de bouddha, un gros néant… »

    Je m’y attendais un peu, mais pas à ce point. Les sociétés modernes, il y a tout l’ennui de l’université contemporaine dans ce machin-là, ses fausses leçons, ses fausses grèves, ses fausses révolutions. Rabelais est mort, Céline hante les charniers de la démocratie.

    « Essayons tout de même de trouver un point d’appui là-dedans. », je conclus, pragmatique. Marx a prouvé qu’on peut partir d’une philosophie décadente, celle de Feuerbach, pour retrouver l’esprit de l’Occident : foi et raison. Même preuve par Bloy, Péguy.

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    Raymond Aron se veut centriste. Le centrisme, c’est aussi la posture de Sarkozy. Le centre de Sarkozy, en réalité, c’est l’œil du cyclone médiatique, ce tourbillon qui l’engloutira.

    Comme Sarkozy est le représentant de commerce de la France, Aron est le représentant de commerce de la philosophie, avec son catalogue sous le bras.
    Pourquoi Aron préfère-t-il l’aveuglement de Tocqueville à la lucidité de Marx ? Ou Durkheim et Weber, leurs petites définitions de sociologues impuissants ? Mieux que ça, cette outre d’Aron se goure au point de faire de Thorstein Veblen (!) un esprit plus fort que Marx.
    En tant que centriste, forcément, Aron s’efforce d’entretenir le mythe libéral de la “gauche” et de la “droite”. Sans lui, le centre s’évanouit. Au plan idéologique on peut réduire l'idéal libéral au vieux manichéisme. On retrouve celui-ci dans tous les dogmes libéraux : l’évolutionnisme, le racisme, l’antiracisme, l’égalitarisme, le féminisme, etc. Bernard-Henri Lévy se cache derrière les nazis comme Hitler se cachait derrière les juifs.

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    Pourquoi Aron se trompe systématiquement ? Parce que Weber et Veblen ne sont pas révolutionnaires, contrairement à Marx, voilà le mobile d’Aron. Un jugement de classe ; faire passer pour universel un jugement de classe. C’est le contraire de la politique.

    Décidément Aron a tout pour plaire aux bobos. Une parodie de philosophe pour une parodie de bourgeoisie.

  • L'Essence de la démocratie-chrétienne (II)

    “L’essence de la démocratie”, “L’essence de la pensée démocrate-chrétienne”, c'est une allusion à Feuerbach, quand même moins nul que Kant ou Nitche.

    Il faut signaler la médiocrité des exégètes marxistes français ici. On ne peut pas affirmer que Marx emprunte à l’athéisme de Feuerbach sans remarquer également l’opposition presque radicale de leurs modes de raisonnement. Marx est un antiphilosophe qui rejette le raisonnement dit “ontologique” de Feuerbach, c’est-à-dire un raisonnement spéculatif et antihistorique, antipolitique. Nul n’incarne mieux que Marx le retour à la raison grecque, à ses principes écartés par la bourgeoisie et par les barbares yankis.
    Feuerbach, n'est qu'un philosophe aimant les sophismes.
    On a tort de croire que Marx a exercé une influence sur la société française, à l'exception de quelques historiens subtils. Les élites en France sont républicaines ou démocrates-chrétiennes, tournées vers le passé, attachées à de vieilles lunes, et par conséquent imperméables à la modernité de Marx. On confond Marx avec Trotski, alors que celui-ci n'est qu'un opportuniste, comme ses disciples français, Lionel Jospin en tête. Quel rapport entre le jargon idéologique de Lionel Jospin et Marx ? Encore faut-il reconnaître à Trotski et à Lénine le mérite d'avoir importé en Russie la pensée occidentale de Marx.
    Le marxisme chez nous a largement été étouffé par les palinodies de Sartre, prophète de l’égotisme bourgeois, les mièvreries de Debord ou de Baudrillard, qui plaisent tant aux bobos. Sous prétexte d’actualiser Marx, on n'a fait que le désamorcer.
    En revanche, oui, les sophismes de Feuerbach imprègnent largement les dogmes démocratiques en vigueur. On peut d’ailleurs dire de Feuerbach qu’il est le trait d’union entre la pensée démocrate-chrétienne et le paganisme. Un démocrate-chrétien qui lirait L’essence du christianisme plutôt que Harry Potter ou Johnatan Littell, il se verrait dedans comme dans un miroir.

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    Quelle est la théorie de Feuerbach ? De façon systématique (et assez fastidieuse), Feuerbach s’applique à “retourner la chaussette” ; ce n’est pas Dieu qui a créé l’homme à son image, mais l’homme qui a créé Dieu à son image.
    L’erreur de Feuerbach est assez criante et elle a certainement frappé Marx et Engels, dont l’enthousiasme pour Feuerbach fut passager. C’est typiquement une erreur de puritain et d’iconoclaste protestant. D’ailleurs l’idéologie, en général, n’est-elle pas une forme de puritanisme, un dégoût des choses matérielles et de la peinture dont la société de consommation et le cinéma sont l’aboutissement logique ? Il n’y a pas de paradoxe dans cette société yankie puritaine dont l’économie repose de plus en plus sur l’escroquerie, l’abus de confiance et la prostitution.

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    Feuerbach, qui prend pour référence non pas la religion catholique mais le protestantisme, plus authentique selon lui (plus pur, croit-il), et une partie de la théologie chrétienne, confond religion et théologie. Pourquoi ? Parce que c’est lui-même un théologien, un athéologien si on veut. La théologie est l’opium des intellectuels, voilà en réalité la démonstration involontaire de Feuerbach.
    Il croit démontrer que l’homme a inventé Dieu à son image alors qu’il prouve, ce n’est pas faux et c’est ce que Marx a retenu, que la théologie n’est qu’anthropologie. On n’est pas loin de ma démonstration que la pensée démocrate-chrétienne tend à n’être qu’un paganisme ordinaire.

    Ce que Marx a emprunté à Feuerbach, c’est seulement la volonté de gratter les sépulcres blanchis de la bourgeoisie, de s’intéresser aux mobiles. La condamnation du régime birman pour mieux "dealer" avec la Chine : immondes capitalistes !

    Mais Marx creuse beaucoup plus profond. Alors que les interprètes français de Marx, dans leur grande majorité, Althusser, Balibar, etc., ont fait de Marx un philosophe ordinaire, comme Feuerbach.

  • L'essence de la démocratie-chrétienne (I)

    La pensée démocrate-chrétienne participe du paganisme actuel. Pas besoin d’être grand clerc pour voir que tout l’effort de la démocratie-chrétienne a consisté à élaguer le catholicisme pour le faire entrer dans le moule du libéralisme.

    Comparons la France aux Etats-Unis : dix pour cent de croyants d’un côté, quatre-vingt dix-neuf de l’autre. Mais opposer radicalement ces deux nations n’aurait pas de sens. Français et Yankis, majoritairement, ont désormais des croyances, des principes communs.
    Le niveau de la pratique religieuse aux Etats-Unis dissimule un relativisme au moins aussi fort qu’en Europe, une absence d'esprit scientifique de plus en plus flagrante.
    François Mitterrand a pu dire en privé : “L’Amérique, voilà l’ennemi !”, mais Mitterrand était un Français de souche, élevé dans le catholicisme, puis proche des idées de Maurras, gagné enfin par des idées socialo-marxistes, son cas reste exceptionnel (un "itinéraire" proche de celui de Drieu La Rochelle).

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    La pensée démocrate-chrétienne a emprunté la voie du relativisme pour trahir le catholicisme. C’est très net dans le cas de politiciens comme François Bayrou, Jean-Pierre Raffarin, Xavier Darcos, Pierre Méhaignerie, Pascal Clément, etc. : au catholicisme, méthode concrète, a été substitué un double langage sur le modèle du byzantinisme kantien.
    Tel le fameux épisode de l’Evangile où les Pharisiens tendent un piège à Jésus, lui demandant s’il faut ou non payer l’impôt à César ? « Rendez à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César ».
    Les démocrates-chrétiens se sont appliqués dans leur catéchèse à trahir le sens de l’Evangile. Ils lui ont fait dire l’inverse. En deux temps ; d’abord en bâtissant une idéologie peu catholique (et peu marxiste) selon laquelle il serait possible de scinder le plan politique et le plan religieux.
    Ensuite ils ont prétendu que Jésus, par ces mots, ordonne de payer l'impôt et d’obéir à César. En définitive, la doctrine des démocrates-chrétiens, c’est que César prime sur Dieu, le pharisaïsme sur l’Evangile. Et ils se conforment à cette doctrine.
    Alors que Jésus indique au contraire dans ses paroles la supériorité du royaume de son Père.
    Si Benoît XVI entend sincèrement restaurer la raison et l’esprit scientifique, il doit avant tout s’attaquer au double langage démocratique.
    Invoquer les racines gréco-romaines de l’Occident est largement insuffisant. C’est une abstraction de plus. Même les penseurs décadents Nitche ou Heidegger se réclament des Grecs et des Romains !
    Benoît XVI ne doit pas craindre de trancher, de séparer le bon grain de l’ivraie, la pensée profondément occidentale et moderne de Hegel, Baudelaire, Marx, Péguy, Bloy, Claudel, d’un côté, et la pensée barbare de Kant, Nitche, Heidegger, Freud, de l’autre. Sinon autant pisser dans un violon.

  • L'Essence de la Démocratie

    Pour un catholique marxiste, il n’y a pas véritablement d’athées, il est plus conforme à la réalité de parler de “paganisme”.
    La démocratie a toutes les caractéristiques d’une religion d’Etat, ce qui explique d’ailleurs le zèle des démocrates à condamner le catholicisme, l’islam, la scientologie, voire le communisme, bref tout ce qui paraît représenter une menace ou une concurrence pour les dogmes démocratiques et libéraux.

    Au plan juridique, les démocraties sont des théocraties, au même titre que les Etats musulmans ou que le Royaume-Uni, si ce n’est plus. Evidemment pour un marxiste l’idée abstraite de “théocratie” n’a pas beaucoup de sens. C’est un gadget des libéraux pour donner un air supérieur, émancipé, au régime bourgeois. Franchement est-ce que Robert Redeker, BHL, Finkielkraut, Michel Onfray, Luc Ferry, ont des gueules d’émancipés ? Ils ont plutôt l’air constipés et foireux. Les petits systèmes de pensée de ces Spinoza de poche ne passeront pas le quart de siècle. Ils le sentent et c’est ça qui les rend bilieux.

    Disons que l’athéisme en tant que tel fut seulement il y a quelques lustres le fait d’une toute petite minorité de philosophes indépendants comme Feuerbach, Nitche, Maurras, Sartre… Leurs théories leur servaient de chapelles personnelles. Ils sont en quelque sorte au paganisme contemporain ce que les chanoines sont au catholicisme.

  • Triptyque politique (I)

    « En Amérique, nous n’avons pas de tradition conservatrice aristocratique, ni de tradition marxiste ou socialiste. Nous sommes un pays fondamentalement libéral. Le spectre politique est plus limité qu’en Europe. »
    Samuel Huntington (“Manière de voir”, oct.-nov. 2007)

    En d’autres termes, l’élite nord-américaine n’a pas une conscience politique très développée, voire pas de conscience politique du tout, tout juste a-t-elle conscience, comme Huntington, de sa médiocrité.
    En effet, il se trouve que le marxisme d’une part, et le "conservatisme aristocratique" d’autre part, promu par des écrivains tels que Waugh, Barbey d’Aurevilly, Baudelaire, principalement, sont les deux pointes de la pensée occidentale. C’est parce qu’ils sont privés du marxisme et de la pensée réactionnaire aristocratique que les Yankis confondent l’invention du Viagra, de l’internet ou de l’I-pod, avec le progrès, la modernité.

    Un des points communs entre le marxisme et le “conservatisme aristocratique”, pour reprendre le terme d’Huntington, c’est la méthode historico-critique. Cette méthode a été abandonnée peu à peu en France depuis la révolution de 1789 sous les régimes bourgeois libéraux qui se sont succédés après que les fanatiques révolutionnaires ont perdu le pouvoir.
    Aujourd’hui la conscience politique, en France, malgré le recul historique dont nous bénéficions, est faible, étranglée par les démocrates-chrétiens, les socialistes, les libéraux de gauche et de droite, tous bâtards de la même idéologie funeste.

    Difficile de trouver en France de véritables réactionnaires, ou même des marxistes cohérents. Les penseurs marxistes français, Althusser, Balibar, etc., mélangent l’ordre des priorités chez Marx ; ainsi l’athéisme de Feuerbach n’est qu’un point de départ pour Marx et pas un point d’arrivée ! Eteindre le mysticisme, hégélien, de la pensée marxiste, est un contresens : ça revient à transformer le marxisme en système, en philosophie. Sans compter les sociologues ineptes comme Baudrillard ou Debord, qui ont pompé sur Marx quelques idées originales mais les ont maquillées avec des gadgets sociologiques roccoco.

    On a presque en France des penseurs marxistes “kantiens” ou "freudiens" : un comble ! La seule qui grimpe sur les épaules de Marx pour voir encore plus loin, c’est Simone Weil, et elle est presque entièrement marginalisée, diffamée dans “Les Temps modernes” de Lanzman par un yanki obtus.
    De Michel Onfray en passant par Luc Ferry jusqu’à Alain de Benoist, les idéologies les plus ringardes prolifèrent en France, qui fut naguère le pays des Lumières.

    Dans le domaine artistique, le terme de scandale n’est pas exagéré. La France qui, jusqu’au XIXe siècle, emportée par son élan, offrait un cadre politique à la production artistique la plus élevée, elle ne songe plus aujourd’hui qu’à singer le mercantilisme yanki. Quand j’entends parler d’art contemporain, je sors ma cravache.

  • Dieu mais pas Maistre

    Plutôt que de qualifier Baudelaire de poète "romantique", il paraît plus juste vu que cet épithète est un vaste fourre-tout, de qualifier Baudelaire de poète "renaissant". C'est pour ça qu'il est moderne et réactionnaire à la fois. C'est aussi pour ça qu'il est puissant, car la force d'un art, ou d'une science, se mesure au nombre de ses rejetons, et Dieu sait que Baudelaire n'a pas manqué de suiveurs de génie.

    Baudelaire, même s'il a pu commettre certaines erreurs d'appréciation, et son engouement pour C. Guys est sans doute exagéré, est un naturaliste éclairé, c'est-à-dire qu'il laisse dans l'art place, non seulement à la nature, mais aussi à Dieu et à l'homme. Les artistes renaissants comme Baudelaire font un travail de REcréation, c'est ce qui leur donne cette profondeur. L'idée, qu'on prend en pleine figure chez Picasso, ou la nature en pleine pomme chez Cézanne ou un peintre impressionniste, se combinent subtilement pour vous envahir par les cinq sens, sans oublier le sixième, dans l'art renaissant, caricaturé par les critiques dits "modernes", pour qui Baudelaire a des mots durs, qui prennent la Renaissance pour une époque de géomètres-experts puritains, de savants froids.

    L'idée de romantisme indique plutôt une idée de nostalgie, à la limite du pastiche, et donc de décadence. Le vrai poète romantique, pour moi, c'est Proust, petit-bourgeois incapable de comprendre, contrairement à Baudelaire, la modernité de Sainte-Beuve, mais cependant auteur de quelques pages émouvantes où sa détresse est palpable, l'effort de se rattacher à de petites choses concrètes mais tellement friables, un album de photos.

    *

    Je suis quand même obligé d'avouer que lorsque Baudelaire explique que Maistre lui a "appris à raisonner", je suis étonné. Bloy reconnaît d'ailleurs la même filiation avec Maistre, bien que Bloy prétende ne rien entendre à l'art de Baudelaire.

    Je vois mieux le rapport entre Maistre et Maurras. Car le parti-pris, le systématisme, chez Maistre, on le retrouve presque à chaque page. Comme lorsque Maistre déclare que les femmes ont autant de dispositions que les hommes pour l'exercice du pouvoir politique ; jusque-là, rien à dire, l'histoire du Moyen-âge où les femmes ont eu le pouvoir plus souvent qu'aujourd'hui permet en effet d'observer qu'elles se comportent à peu près comme des hommes politiques. Mais lorsque Maistre avance que les femmes ont même plus de dispositions que les hommes pour l'exercice du pouvoir, on ne peut s'empêcher de trouver ses raisons infondées et qu'il pousse le bouchon un peu loin.

    Baudelaire, parfois idéologue - qui ne l'est jamais ? -, a cependant une vision beaucoup plus concrète des choses que son cher Maistre. Ce qu'il a peut-être appris de Maistre, c'est à ne pas se soucier de l'opinion commune sur les choses, ce qui est peut-être une définition de l'esprit aristocratique. On voit bien d'ailleurs que plus le temps passe, plus l'opinion publique dans tous les domaines semble dictée par des imbéciles dangereux et qu'il est urgent de s'en écarter.

  • Confluent

    Baudelaire et Marx ont en commun la détestation de la classe bourgeoise. Pour des raisons convergentes. La pensée réactionnaire française et le marxisme sont deux fleuves faits pour se rencontrer. L’idéologie communiste a contribué à l’occulter pendant longtemps. L’idéologie démocratique a pris le relais, avec pour slogan : « Marx et les réactionnaires sont dépassés, ils sentent le moisi. »
    C’est tout juste si les démocrates savent lire et ils prétendent pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie ?

    Comment un marxiste peut-il regarder l’art contemporain capitaliste de Pinault et Arnault autrement qu’avec mépris, autrement que comme le produit d’une politique, d’une civilisation décadente, autrement que comme Delacroix, Baudelaire, Barbey d'Aurevilly, Bloy, Villiers-de-l’Isle-Adam l’ont deviné ?
    Les artistes contemporains ne cessent de clamer leur liberté, leur créativité. Il suffit de creuser un peu pour voir qu’on a affaire à des marionnettes. Le plus académique des peintres du XIXe, Delaroche, tant vanté par Hugo, avait les mains moins liées que n’importe lequel des petits faiseurs d’art de maintenant.
    Le marxisme, en une phrase, c’est cet enfant dans le conte d’Andersen : « Mais le roi est… nu ! ».

    *

    Le peintre est l’adversaire du philosophe. Ce n’est sûrement pas un hasard si Drieu, qui désirait être peintre, a pu sentir aussi bien la convergence entre le marxisme et catholicisme. À rapprocher aussi, cette phrase de Péguy à propos de Kant, dont les libéraux empruntent tous plus ou moins les sophismes déconcertants, et qui, avec Nitche, est le philosophe le plus éloigné de Marx : « Kant a les mains pures mais il n’a pas de mains. »
    Réunissez un peintre et un philosophe, que celui-ci soit kantien, existentialiste, maurrassien, libéral, sadien, etc., ces deux ennemis finiront par en venir aux mains. J’ai toujours ressenti pour ma part que les philosophes représentent un danger public. Cela ne tiendrait qu’à moi, je donnerais l’ordre d’enfermer tous les philosophes, à commencer par BHL, Luc Ferry, Finkielkraut, dans de solides monastères, avec interdiction formelle de publier quoi que ce soit. L’autoflagellation les ramènerait peut-être à la réalité, et les travaux des champs.
    On pourrait envisager à la rigueur de délivrer des “laissez-passer” aux moralistes, mais à condition de les faire surveiller, car un moraliste peut à tout moment basculer dans la folie philosophique. La sagesse de Montaigne éveille en moi un sentiment de malaise. Comme si cette littérature n’était qu’un garde-fou.
    Les moines ne sont-ils pas de doux dingues assez sages pour comprendre qu’ils n’ont rien à faire au dehors, que l’enfermement les préserve et NOUS préserve ?

    *

    Ce n’est pas un hasard non plus si, en Allemagne, les artisans ont constitué le premier auditoire attentif de Marx.
    Evidemment un artiste “conceptuel”, par rapport à un artisan chargé de son matériel, de ses outils, a toutes les apparences de la légèreté et de la liberté. Les pets au vent aussi sont libres.

  • Psychologie de l'athéisme

    Il y a une manière un peu particulière pour un catholique marxiste de considérer un athée. Les Évangiles fondent une morale de l’action. Le marxisme lui aussi est une méthode : elle peut venir renforcer l’action catholique. Au cœur de la morale catholique, il y a la charité et le prosélytisme - la charité spirituelle.

    *

    Partons d’une représentation simple : qu’est-ce qu’un pur croyant aux yeux d’un pur athée ? Quelqu’un qui croit qu’il y a une vie après la mort et qui obéit à son Dieu, endure les souffrances de la vie en leur opposant l'espérance d'un monde meilleur, pour mériter à la fin la vie éternelle.
    Le minimum qu'on attend de lui, c'est qu'il aide les vieillards à traverser la rue. Souvent les athées sont sévères avec les chrétiens qui n'accomplissent pas leur devoir comme ils croient que ceux-ci devraient l'accomplir : sans défaillir.
    Les athées ont beau ne pas croire en Dieu et à la vie éternelle, ils savent se montrer des contrôleurs zélés des bonnes actions des croyants naïfs. Au point qu'on peut penser que si chaque croyant avait un athée pour tuteur, il serait à peu près certain de gagner sa part de ciel. Il y a même des athées comme Coluche, qui font la charité rien que pour prouver aux chrétiens qu'ils sont au moins aussi charitables qu'eux.

    De façon symétrique, un pur athée aux yeux d'un pur croyant, qu'est-ce ? C'est quelqu'un qui ne croit ni en Dieu ni en la vie éternelle, "tout n'est que matière et retourne à la matière", ce genre d'idée ultra-antique que l'athée s'efforce de démontrer par la science moderne. Un pur athée c'est le contraire de Sartre qui fait jouer ses pièces pendant l'Occupation allemande pour gagner sa croûte, non, un pur athée devant la douleur et la souffrance de la vie, la guerre, il aime mieux se suicider.
    Les croyants sont un peu choqués que les athées ne respectent pas ce principe de base du suicide et laissent Staline, Hitler ou Franklin Roosevelt faire le boulot à leur place.
    Bref, les purs athées comme les purs croyants ne courent pas les rues, même si on note une recrudescence du suicide dans les sociétés démocratiques.
    Derrière la condescendance des athées pour la naïveté des croyants, derrière celle, réciproque, des croyants pour l'inconséquence des athées, il y a la réalité religieuse que Marx permet de mieux saisir.
    (Je suis obligé de mettre l’athéisme de Marx entre parenthèse pour le moment, non parce qu’il contredit mon raisonnement ou qu’il ne m’intéresse pas, au contraire, mais pour ne pas surchager la démonstration.)

    *

    À la racine de l’athéisme, il y a une idéologie. Celle qui consiste pour un athée à croire que, contrairement aux musulmans, aux catholiques, aux orthodoxes, aux scientologues, lui n’adhère à aucune religion (Les athées adorent causer de la scientologie qui leur fournit une caricature pratique de religion.)
    Ici il faut distinguer deux sortes d’athées. Les athées sincères ou ignorants, d’une part (on peut parler ici de la "foi du charbonnier"), et d’autre part les athées qui utilisent cette idéologie pour faire du prosélytisme, l’idée séduisante que lorsqu’on n'adhère à aucune religion, on est plus libre et plus indépendant.

    Il est permis à un marxiste ou à un catholique de voir les choses de cette façon plutôt qu’à un démocrate-chrétien, parce qu’en réalité ceux-ci ont partiellement ou complètement glissé de la religion catholique à une autre. Concrètement plus rien ne sépare certains démocrates-chrétiens de la religion athée dominante. Les démocrates-chrétiens n'ont pas intérêt à dissiper l'idéologie qui protège leurs intérêts de classe. Un peu comme Sartre qui bascule dans l'existentialisme, les crétineries d'Heidegger, pour se protéger du marxisme et de ses conséquences spirituelles.
    Logiquement les démocrates-chrétiens devraient tout mettre en œuvre pour étouffer l'appel à la dissidence lancé par Benoît XVI, non pas à l'attention des catholiques de Chine mais à ceux du monde capitaliste, les rares paroles politiques de Benoît XVI, donc. De même la bienveillance de Benoît XVI vis-à-vis des musulmans on ne veut pas l'entendre. Ce que les démocrates-chrétiens veulent, c'est de la théologie existentialiste en veux-tu en voilà, comme si Baudelaire, Bloy, Claudel, ces grands docteurs modernes, ne suffisaient pas.
    Les démocrates-chrétiens vont faire diversion, rendre théorique la dissidence comme ils ont rendue théorique la pauvreté. Ils sont parfaitement prévisibles. J'entends d'ici leurs sophismes thomistes ou kantiens, leurs mille et une façons de noyer le poisson.

    *

    Plutôt qu'à l'athéisme, on est donc confronté à un paganisme somme toute assez banal et qui emprunte ses dogmes et ses préceptes ici ou là. La gloire du Panthéon n'est pas neuve.
    Peut-être pas la clef de voûte, mais au moins un des piliers de ce paganisme, c'est l'évolutionnisme. Rares sont les athées qui ne s'accrochent pas farouchement à cette hypothèse, qui leur sert de refuge. Il est tout à fait logique, dans un mouvement prosélyte, qu'ils essaient même de convertir le pape à ce schéma de pensée.
    Le plus farouche existentialiste athée n'échappe pas à la religion et à la politique. Nitche finit à l'asile. L'asile ou la prison, le monastère, ce sont là des lieux pour les existentialistes, faits pour entretenir les illusions libertaires.

  • Marx pas mort mais enterré

    La gauche française, à commencer par les syndicalistes, est très influencée par le léninisme. Le léninisme emprunte un peu au marxisme, c’est sans doute ce qui fait que la gauche est moins conne que la droite. Assez forte pour entrer au gouvernement après avoir perdu les élections.

    Bien que la gauche soit ridiculisée par des types foireux comme Finkielkraut, Onfray, BHL, Enthoven, Philippe Val, Redeker, Sollers, etc. - n’oublions pas qu’à droite il y a des gugusses comme Zemmour, Tilinac, Dantec, d’Ormesson, qui, s’ils sont peut-être plus sympathiques, sont tout aussi inutiles, quelques vrais historiens comme Claude Allègre ou Emmanuel Leroy-Ladurie surnagent, et ils sont plutôt étiquettés "de gauche" que "de droite".
    Il y en a d’autres moins connus, évidemment ; les médias sont hostiles aux gens sérieux, et les gens sérieux le leur rendent bien. Suffit de voir Allègre sur un plateau de télé : on a l’impression qu’il va se jeter sur l’animateur et lui bouffer les deux oreilles. Dommage qu’il se retienne. On manque de tueurs de journalistes en série dans ce pays.

    Dans la droite nationaliste, le fait que certains se réfèrent impudemment à Chateaubriand, Tocqueville ou Ozanam montre bien qu’on y déraisonne là aussi à plein tube, malgré l'indépendance de Le Pen. Ozanam il y a cent ans je veux bien, mais maintenant les ravages du libéralisme sont évidents.
    Ce qui est étonnant dans cette droite nationaliste, c'est le nombre d'américanophiles décadents, voire de russophiles rêveurs, et le petit nombre d'Européens.

    *


    Mais ni la gauche ni l’extrême-gauche ne sont marxistes. Toutes les bourdieuseries et le situationnisme imbécile, non seulement ne sont pas marxistes, mais ce fatras bobo contribue à faire écran au marxisme.
    Si la gauche était marxiste, elle ne dépeindrait pas Hitler comme le grand Satan mais comme un capitaliste ordinaire ou presque, un peu plus sincèrement socialiste, en concurrence avec d’autres nations capitalistes et inquiet comme les autres capitalistes, un peu plus étant donné la proximité de l’URSS, par la montée en puissance de la nation russe.
    Au lieu de ça la gauche se sert de l’hécatombe des Juifs pour renforcer le discours idéologique.
    Et qu’on ne dise pas que je suis obsédé par les Juifs et les nazis : on ne peut pas allumer la télé, publique ou privée, sans tomber sur un reportage qui exploite de façon obscène les crimes des nazis ; et bientôt ce qui fait office de littérature n'abordera plus que ce seul sujet. Bientôt les généalogistes de France et de Navarre seront sollicités de tous les côtés par des écrivains en herbe à la recherche d'un ancêtre juif afin de glaner un minimum de crédibilité. Des écrivains en herbe toujours plus nombreux vu qu'aujourd'hui être écrivain c'est un peu comme jouer au loto.

  • Contre Proust

    J’ai oublié de parler d’un bouquin bizarre… Contre Proust, qui a tort de croire qu’un bon écrivain fait forcément un bon critique - tout le monde n’a pas la sagacité de Chardonne -, comme Sainte-Beuve je me passionne pour les biographies d'écrivains dignes de ce nom.
    Proust démontre qu’on peut être assez bête, avoir assez mauvais goût (le Ritz, Vermeer), et faire néanmoins un poète potable, bien qu’un peu irritant à la longue. On peut dire n’importe quoi mais le dire avec de belles phrases. Il n’est pas le seul dans ce cas ; Claudel aussi sur la peinture a dit n’importe quoi, placé José-Maria Sert au-dessus de Jordaens (!), mais il a dit ça de façon magnifique, c’est toujours mieux que de dire n’importe quoi dans un style administratif.

    Les démocrates, qui conçoivent mal l’ambiguïté et le paradoxe, ont du mal à comprendre Proust, en quoi il est décadent par rapport à Sainte-Beuve dans sa critique d'art, ou même Delacroix et Baudelaire (Cf. Guillaume Durand parlant de Proust, pour les amateurs d'effets comiques forts.)

    Bref, désireux d'en savoir un peu plus sur Marx tout en évitant les idioties de cette tête de moineau de Jacques Attali, je me suis rabattu sur le bouquin de Jean-Jacques Marie, de la “Quinzaine littéraire”, une étude consacrée aux pérégrinations de Karl Marx à travers l’Europe, sous-titrée “Le Christophe Colomb du capital”.
    Jusque-là rien d’anormal, la couverture du bouquin est même d’un rouge on ne peut plus banal. Mais on voit bien vite que ce Jean-Jacques Marie, même s’il est plus pertinent qu’Attali - pas difficile -, est presque aussi gonflé !
    Guillaume Durand, Jacques Attali, Jean-Jacques Marie : trois exemples qui montrent qu’en démocratie, c’est le culot qui est la vertu du monde la mieux partagée. Plus c’est gros plus ça passe.

    *

    D’abord le bouquin est sponsorisé par LVMH. Oui, la LVMH de Bernard Arnault, ce capitaliste arrogant qui collectionne les gadgets d’art contemporain, indirectement Bernard Arnault sponsorise Karl Marx, sans le savoir probablement, car les capitalistes ne savent pas exactement ce qu’ils font ni ce qu’ils disent.

    Ensuite, par-ci, par-là, au détour d’un chapitre, Jean-Jacques Marie, qui est trotskiste, en profite pour charger Staline de tous les crimes soviétiques. Comme si l’implication de Trostski n’était pas parfaitement connue des historiens désormais. S’il y a bien quelqu’un qui ne fait pas table rase du passé, c’est bien Karl Marx avec sa méthode historique, et c’est bien pour ça que les communistes l’ont escamoté, vu leur passé politique peu reluisant.

    Troisièmement, et ça c’est typique de l’arnaque capitaliste où on soigne l’emballage pour vous vendre n’importe quoi dedans : cette collection sponsorisée par un fabricant de bagages en skaï et d'eau de Cologne de synthèse, est consacrée aux écrivains-voyageurs, alors que Marx détestait voyager ; il ne l’a fait que sous la menace d’être déporté dans le Morbihan, plein de remugles en ce temps-là, ou sous le coup de bannissements, ou pour réclamer un peu d’argent à des parents.
    (Une parenthèse pour signaler que la pauvreté a suscité au XIXe les deux penseurs qui ont pénétré le plus avant les mystères de l’argent et des relations du peuple juif à l’argent, Karl Marx et Léon Bloy ; Bloy qui reproche par ailleurs à une partie du clergé de maintenir le peuple catholique dans une sorte d’état de léthargie ou de conformité aux dogmes du libéralisme.)
    Jean-Jacques Marie explique bien en quoi Marx n’est jamais si heureux que dans une bibliothèque ; il est polyglotte mais c’est pour mieux lire les auteurs étrangers dans le texte. Sans bouger de Londres, Marx voyage dans le monde entier.
    Ça va contre le préjugé actuel selon lequel il faut se rendre sur place pour avoir un point de vue supérieur. Petits détours de BHL en Yougoslavie, en Amérique.
    On pense à tous ces reporters qui sont allés en Union soviétique et en ont ramené des images pieuses.
    On pense à E. Waugh, véritable écrivain-voyageur, lui, et à son roman, Scoop, où il brosse un portrait réaliste du milieu des journalistes-reporters.
    (Scoop : ce titre de Waugh a été repris par un minable paparazzi français de Paris-Match pour faire l’éloge de son métier crapuleux avec un culot monstrueux… encore ce fameux culot.)
    En quelque sorte, Marx, c’est l’antitouriste. Vu que Londres est l’épicentre du capitalisme, autant s’y tenir et éviter de papillonner à droite à gauche.

    Cette contradiction-là de Jean-Jacques Marie n’est pas la plus gênante, évidemment, surtout si on se fie à l’instinct critique de Sainte-Beuve pour comprendre une œuvre plutôt qu'aux sophismes de Proust. À cet égard les voyages de Marx sont instructif sur sa méthode.

  • Deuil blanc

    L’art contemporain vient de perdre sa marraine, Claude Pompidou. Comme quoi tout passe, même les idées les plus sottes.
    Sarkozy l’a décrite grossièrement (avant lui, le déluge) comme une “brave femme”. Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions, en particulier, ces derniers temps, de bonnes intentions démocratiques.
    Pour moi, n’ayant de goût ni pour la géométrie, ni pour la philosophie, ni pour la photographie ou la vidéo d'art, ce sera un deuil en blanc.

    *


    Ici ou là on ose se dire scandalisé par des expos de photographies vulgaires subventionnées par telle ou telle municipalité branchée, on ose protester parce que Mgr Barbarin, l’évêque de Lyon, est attaqué en justice pour avoir osé critiquer les “conceptions artistiques” de tel margoulin lyonnais de l’art contemporain ; je dis que c’est bien fait pour sa pogne au sieur Barbarin : ça lui apprendra à composer des odelettes à la démocratie ! Ça lui donnera aussi l’occasion de répéter, à la face de ses censeurs, que ces procédés sont cyniques. S’il ose. Car si le clergé français a bien une chose en commun avec les artistes contemporains, c’est le manque d’audace. Combien de catholiques ont protesté contre l’expo. de Christian Lacroix dans une chapelle versaillaise, blasphématoire ET mercantile de ses dernières productions ? Une poignée, et, à ma connaissance, aucun ecclésiastique. Quand on ne chasse pas les marchands du temple à coups de pieds au cul, ils s'incrustent.

    *


    Face à ces barbares qui vendraient père, mère ou enfants pour faire de l’argent - la seule preuve concrète de l’existence de l’art contemporain -, on ne peut pas se contenter d’un discours philosophique comme quoi le Beau, le Bon et la Vérité seraient en perdition. Ce genre d’incantation approximative est débile et lénifiant. On est bien obligé de passer par une analyse marxiste plus lumineuse. Si on est tombé aussi bas, ce n’est pas en raison d’un quelconque faillite des idées platoniciennes ; c’est bien la société civile qui a évolué dans le sens de la vulgarité. Toute la société civile qui est touchée par le mercantilisme et les raisonnements philosophiques bénins qui vont avec.
    N’est-il pas hautement significatif que des catholiques n’aient pas été capables de reconnaître, dans le roman de Johnatan Littell, un recueil de fantasmes pornographiques ? Pire que ça, certains catholiques ont même osé, les macaques, encenser ce machin officiel ! C’est dire l’épaisseur du brouillard philosophique.

    *

    Je relisais récemment des discours de Pie XII et de Paul VI sur l’art ou adressés à des artistes, leurs réflexions destinées à alimenter les débats du concile v2. C’est d’une banalité, d’une généralité affligeante, il n’y a aucun critère d’action là-dedans ! Du moins on veut agir, mais on ne sait pas bien quoi faire. On a oublié comment la papauté fut grande et belle avec Jules II pour débiter des sermons de préfet laïc.
    Au moins quand Claudel parle d’art, même s’il dit souvent, sur le fond, n’importe quoi, que Jordaens est un mauvais peintre, tout et son contraire à quelques semaines d’intervalle (il n’est pas diplomate pour rien)… au moins il le dit… avec art ! Chez Pie XII et Paul VI, platitude du fond et de la forme ! Aucun feu sacré. Ça aussi c’est significatif.
    Sans compter le rôle actif que jouent certains grands patrons démocrates-chrétiens dans l’économie capitaliste.

    *

    Cette montée en puissance, irrésistible, des élites bancaires et du mercantilisme, Marx l’avait prédite. Élevé à Trêves, une ville catholique, apparemment il n’a pas remarqué que les bourgeois catholiques étaient différents des autres. En revanche il est vrai que cléricaux “noirs” et “rouges” communistes se sont retrouvés unis dans l’opposition au régime de Bismarck. La protestation contre les élites bourgeoises nées de l’industrialisation est à la fois dans Bloy et dans Marx. Juste coïncidence.
    Pour ceux qui préfèrent laisser Marx enfermé dans un mausolée soviétique, il y a Baudelaire. Il avait déjà, auparavant, parfaitement discerné le cynisme de ce qu’il est convenu d’appeler "Les Temps modernes".

  • Marx au pays des menhirs

    Un peu plus et j'oubliais ce que j'étais venu faire dans ce rayon. Les bouquins de Marx et les bouquins sur Marx sont malheureusement classés au rayon "Philo" : contre le poids des préjugés, il est difficile de lutter.

    Yves Quiniou, ça tombe à pic, se propose de bousculer quelques-unes des idées reçues sur Marx. Décidément, après le Père Le Calvez, encore un Breton… On peut dire que la Bretagne participe à l'exégèse marxiste ! Il est vrai que Marx a été exilé dans le Morbihan, je crois - mais ceci est une autre histoire.

    Et puis des bouquins autour de Marx, il y en a des centaines, des milliers, une vraie jungle. Autant éliminer Jacques Ellul tout de suite, obscur penseur démocrate-chrétien qu'on réédite parce qu'il ne mange pas de pain ; fatras incohérent, même pas sûr qu'Ellul ait vraiment pigé le propos de Marx…
    R. Aron est plus intéressant, mais un peu trop "pontifiant" à mon goût, pas assez dynamique, un centriste de plus. Althusser n'est pas mal non plus, le cas d'un professeur qui étrangle sa femme, c'est forcément plus pittoresque que le cas d'un travailleur de force qui étrangle sa femme. Sur la différence entre la vision de Hegel et le regard critique de Marx, Althusser dit des choses intéressantes ; le seul problème c'est qu'il s'exprime sous le contrôle du PCF et que ça l'oblige à alambiquer son propos au maximum pour que les cadres du Parti ne le comprennent pas.

    Le livre de poche de Quiniou est assez clair. Sur Marx et la démocratie, par exemple : l'égalitarisme démocratique ne coïncide pas avec l'idée d'égalité qu'il y a chez Marx. L'idée du partage "équitable" des richesses, défendue par les terroristes de la Convention française, ou plus "médiatiquement" par Besancenot aujourd'hui, cette idée qui s'appuie concrètement sur la jalousie des moins riches vis-à-vis des plus riches, elle n'appartient pas à Marx. Ce que Marx explique et voulait combattre, c'est l'oppression du Capital, une oppression dont les capitalistes eux-mêmes sont les victimes. Un raisonnement "qualitatif", pas "quantitatif". D'ailleurs Marx méprise l'argent.
    S'il ne se trouve aucun homme politique pour répliquer à Besancenot qu'il est écœurant et ridicule à force de pédaler derrière la cassette du CAC 40 en prenant des airs de moujik joufflu opprimé, c'est parce que ce sont tous des libéraux - de droite ou de gauche. Au fond ils partagent le même idéal que Besancenot.

    De l'athéisme de Marx aussi Quiniou est précis. Peut-être ne va-t-il pas assez loin ? Sur les questions religieuses, j'ai tendance à me méfier des Bretons, des païens christianisés en surface, à l'image des menhirs christianisés qu'on voit parfois en plein champ de maïs génétiquement modifié.
    Bref, voici la citation de Marx que Quiniou commente en disant qu'elle n'est pas vraiment athée : « C'est l'homme qui fait la religion, ce n'est pas la religion qui fait l'homme. » Je dirais même plus, non seulement cette manière de présenter les choses n'est pas athée, mais elle est conforme au récit évangélique, puisque Jésus bâtit son Église sur les épaules d'un homme, Simon-Pierre. Cette citation peut choquer un protestant à la limite, mais pas un catholique. Maurras, par exemple, est plus choquant lorsqu'il réduit le christianisme à un mythe - sans parler des démocrates-chrétiens qui admettent la relégation de Dieu dans une sphère privée fictive en se fondant sur une interprétation truquée de l'Évangile de Matthieu.

  • Les Sept Samouraïs

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    Il y a un dissident français que je respecte depuis longtemps, c'est Jean Madiran, que je me garderais de qualifier de "philosophe". Son combat pour la liberté de la presse force le respect. Je le range parmi les "Sept Samouraïs", même s'il est moins japonais que Nabe ou D. Venner.
    La vindicte de Colombani, le directeur du Monde, qui tenta en vain de le faire taire en réclamant des centaines de milliers de francs de dommages et intérêts devant les tribunaux, est un signe qui ne trompe pas. Il n'y a pas d'arrangement possible avec Madiran, pas comme avec Pierre Péan.

    Cela posé, je dois dire que la démonstration antimarxiste de Madiran ne me convainc pas. Madiran est maurrassien, ça veut dire qu'il a forcément un peu la tête dans les nuages - Maurras, c'est "trente ans d'inaction française", comme a dit un railleur.

    Le reproche que Madiran fait à la dialectique marxiste de nuire à la vérité, en lui substituant la notion de progrès, n'est pas justifié. Il ne faut pas confondre les marxistes imbéciles, dans le domaine de l'histoire de l'art ceux qui voient en Lautrec une préfiguration de Picasso, par exemple, ou en Géricault une préfiguration de l'artiste contemporain "expérimental", et Marx lui-même. Il ne faut pas confondre l'original et la caricature. D'ailleurs le "sens de l'histoire", c'est une notion plutôt hégélienne, et Marx se démarque nettement de Hegel.
    En quoi la dialectique marxiste est-elle un outil très différent de la dialectique grecque ? Thèse, antithèse, synthèse ; sauf que chez Marx la synthèse n'est pas définitive. Marx juge qu'on ne peut atteindre l'objectivité absolue par la pensée, mais il ne dit pas que la vérité n'existe pas. C'est au contraire un passionné de la vérité, un anticommuniste en somme.

    Il y a bien des cacouacs qui collent sur Baudelaire l'étiquette d'"antimoderne", d'autres sur Bloy ou Claudel celle d'écrivains "philosémites", d'autres encore qui font de Péguy un philosophe existentialiste, tout ça pour se faire mousser eux-mêmes… Faut-il rendre Baudelaire, Bloy, Claudel et Péguy, responsables de ces billevesées ?

    Madiran, il me semble, fait abstraction de l'intention des caricaturistes. Si Dagen, critique d'art officiel au Monde, s'efforce de faire de Géricault un peintre expérimental, c'est pour pomper un peu de sa force à Géricault et tenter de la réinjecter dans le bordel de l'art moderne dont il est un des tenanciers. Dagen n'est pas si con, il sait parfaitement que Géricault est avant tout un peintre expérimenté. Le dindon de ce discours, c'est le lecteur du Monde. Il y a bien au départ une intention de tromper son monde et le "sens de l'Histoire" n'est pas en cause ici.

  • Le lit du capitalisme

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    En réalité, quand on est vraiment marxiste, honnêtement on ne peut pas se permettre de dissocier l'idéal démocratique du capitalisme bourgeois.
    Un minimum d'esprit scientifique suffit pour faire le constat que les idées démocratiques ont fait le lit du capitalisme. Pour être plus marxiste, donc plus précis, il faut que je tourne ma phrase à l'envers, car c'est le capitalisme bourgeois qui a fait le lit de l'idéologie démocratique.

    Démocratie et capitalisme coïncident harmonieusement pour la plus grande fortune des capitaines d'industrie. Les États-Unis d'Amérique sont l'exemple contemporain le plus flagrant d'avènement de la société marchande en même temps que des fameux slogans d'égalité, de liberté, de suffrage universel, de droit international, de paix universelle, etc.
    De nombreux autres exemples, capitalistes ou non, permettent d'ailleurs de vérifier que plus un pays bafoue la liberté, l'égalité, le droit de vote, la justice, plus ses représentants truffent leurs discours de ces slogans.
    Sur un autre plan, le protectionnisme étatsunien, le plus puissant du monde, aime à se parer du joli nom de "libre-échangisme". Et la France, ou l'Europe, qui n'est pas si protectionniste que ça, abhorre cette idée-là.
    Les intellectuels anglo-saxons au service des marchands ont forgé un autre joli nom, le "libéralisme", à l'usage de leurs maîtres. En quelque sorte l'expression de libéralisme englobe le système ET l'idéologie, en insistant surtout sur l'emballage. Mais parler d'une forme évoluée, globale, de mercantilisme, est plus exact.

    Si Voltaire revenait, il serait sans doute horrifié par les effets du libéralisme anglais qu'il admirait tant mais dont il ne pouvait estimer toutes les conséquences, sur les arts et les lettres. La peinture, la poésie, la musique, qui en son temps étaient encore au sommet de l'activité humaine, au-dessus de l'artisanat, ont été reléguées au rang de vulgaires artifices, quasi des arguments commerciaux.
    Quel usage des individus transformés en consommateurs pourraient bien faire d'une conscience ? À quoi bon enseigner à un futur vendeur de téléphone portable le latin ou le grec ?

    Et quel déficit de la pensée chez Finkielkraut lorsqu'on le compare à Diderot ! Derrière les jeux de mots de Diderot, on sent un esprit subtil, critique, facétieux. Tandis que chez Finkielkraut, rien, aucun recul, juste un vague cercle d'idées, accompagné d'un vague geste circulaire de la main, même pas une rhétorique stable ! Il est ce qu'il dit, Finkielkraut, il se confond complètement avec sa subjectivité. J'aime citer Finkielkraut parce c'est l'exemple le plus caricatural que je connaisse, en attendant d'en trouver un autre. Même Christine Clerc, assise à côté de lui l'autre jour sur un plateau de télé ne pouvait s'empêcher de le trouver bête et d'avoir pitié. Même Christine Clerc !

    Si on veut bien se pencher sur Marx sans préjugés idéologiques, de droite ou de gauche, plus radicalement encore que Burke, on constate que Marx démonte les contes philosophiques dont on nous rebat les oreilles dans notre démocratie prématurément vieillie.
    Certains catholiques reprochent à Marx d'être athée. La belle affaire ! Encore un raisonnement très subjectif. Doit-on se préoccuper de savoir de quelle religion est le jardinier qui a planté l'arbre dont on prélève une poire pour se désaltérer ?