Le jansénisme est une religion de moralistes.
La critique janséniste vise juste en ce qui concerne les jésuites et les abus de pouvoir dont la « compagnie de Jésus » s’est rendue coupable au nom de Jésus-Christ.
Ne pas rendre à Louis XIV ce qui est à Louis XIV, et à dieu ce qui est à dieu, mais confondre les deux autorités, voilà l’hérésie flagrante des jésuites. Ils se parent du nom de Jésus, mais Judas aussi a embrassé Jésus ostensiblement.
Sur le plan de la foi, en revanche, le jansénisme se situe au niveau du ratiocinage ; pourquoi les œuvres ne mènent pas à dieu ? Mieux vaut lire les épîtres de Paul pour le comprendre.
La tournure eschatologique de l’enseignement de Jésus et des apôtres, voilà ce qui rend les évangiles aussi difficile à admettre du point de vue moral. La fin du monde est une issue que le moraliste n’est pas disposé à accepter.
La Bruyère est sans doute fin psychologue, plus utile que Freud car il sait rester modeste ; cependant La Bruyère est un chrétien qui ne tient pas compte du jugement dernier, c’est-à-dire un énergumène, aussi « honnête homme » soit-il.
C’est le point de la prédestination, où conduit l’enseignement janséniste, qui permet de caractériser le jansénisme comme une religion de moraliste. En effet chaque homme est en effet plus ou moins prédestiné à être vertueux ; les hommes le sont plus que les femmes, du point de vue antique, tandis que l’éthique moderne, plus abstraite, suggère le contraire ; à certains hommes la vertu semblera une haute montagne inaccessible, à d’autres un promontoire qu’ils pourront atteindre.
Or l’honnête homme ou l’homme vertueux n’est pas plus près de dieu ou du salut que le criminel disent les Evangiles.
- Notons ici que les « moralistes chrétiens » sont cause que la vertu est devenue, au cours du temps, une notion très vague.