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enfer

  • Enfer

    A la fin d'une saison en enfer, Rimbaud appelle sa mère au secours. Cruelle ironie du destin, car l'enfer commence par une mère.

  • Enfer et anarchie

    Défendant le point de vue de l'ordre naturel et de la morale rationnelle (non-abstraite et non-féministe) qui en découle, F. Nitche identifie Jésus et ses apôtres à des anarchistes. Tantôt Nitche distingue les chrétiens authentiques, fidèles aux évangiles, des chrétiens de culture (bourgeois capitalistes), tantôt il fait comme s'il n'y avait pas de différence.

    Cela fait partie d'une stratégie de combat, puisque Nitche entend éradiquer le christianisme afin de restaurer une culture païenne qui, là encore, demeure relativement mal définie, Nitche niant le rôle historique du peuple hébreu dans l'Antiquité (La sympathie de nombreux juifs renégats pour Nitche vient de là, comme il y a pu avoir des catholiques "maurrassiens", ravis dans le fond que Maurras insulte les apôtres chrétiens, et ne retienne du catholicisme romain que l'appareil judiciaire.)

    La vision chrétienne authentique de l'enfer est celle du monde où nous sommes. Non seulement le purgatoire n'a pas de fondement scripturaire, mais "l'au-delà" n'a qu'une consistance sociale - traduisez : il n'y a "d'au-delà" qu'en tant que prolongement d'une société donnée. Où se situe l'au-delà dans les sociétés "post-modernes" athées ? Sur un plan identitaire ou personnel, dans les différentes séquences de l'âme. Sur le plan collectif, dans les utopies millénaristes nationales-socialistes, communistes ou démocratiques. Toute la difficulté, déjà rencontrée par l'Eglise catholique romaine autrefois, est d'adapter un système providentiel de droit païen, essentiellement élitiste, à la rhétorique démocratique égalitaire moderne.

    Les martyrs chrétiens ou les apôtres fidèles ne représentent donc pas un danger pour l'art ou la civilisation, mais ce danger vient bel et bien des politiques, des morales ou des doctrines sociales chrétiennes. On comprend aisément sur le plan artistique la difficulté que représente le fait de produire un art chrétien qui contourne les vérités essentielles du christianisme - à quel point cet art s'expose à ressembler à un échangeur autoroutier.

    - Avant de décréter l'assassinat par la voie légale du Messie, le procurateur romain semble hésiter, tant le danger ou la menace que celui-ci représente, et qui sera théorisée dans les siècle suivants par de nombreux "historiens païens", tant cette menace lui paraît inconsistante. Cependant, devant l'insistance des chefs religieux juifs, il finit par passer outre le droit (c'est-à-dire ce qui est censé servir de règle de conduite à un Romain) et ordonner l'exécution. C'est la meilleure illustration qu'on puisse proposer des rapports de la sphère privée et de la sphère publique selon les tartuffes laïcs démocrates-chrétiens. L'ignominie que la "sphère politique" hésitait à commettre, la sphère religieuse la persuada de l'accomplir.


  • Le Possédé

    On annonce le décès d'un possédé, Daniel Darc, et on cite la victime : "Je ne fais pas du rock chrétien."

    Certainement le christianisme est le plus dissuasif de voir dans la musique une quelconque spiritualité. Cette idée funeste, révèle Shakespeare, est typique de l'élitisme ou bien des imbéciles (les soldats) qui vivent inconsciemment, sans se douter de rien.

    Je cite encore ce possédé, tatoué d'une croix (l'assimilation de Jésus-Christ à une victime est le fait de théologiens catholiques romains fornicateurs) : "J'irai au paradis, ayant vécu en enfer." Ce culte sado-masochiste de la récompense est, lui aussi, très éloigné du christianisme. La société exige le sacrifice du poète imbécile : Jésus-Christ, lui, exige le sacrifice de la société (il faut rendre à César ce qui est à César) qui, seul, permet l'amour, et d'échapper au destin.

    Le type Rimbaud ou Daniel Darc est aussi utile sur le plan social que le Christ est menaçant. Rimbaud est comme Pinocchio, une marionnette. Probablement le renoncement de Rimbaud à son art vient-il de la conscience du poète que la société a le don de manipuler les hommes, comme les mères leurs enfants.

  • L'Enfer et le Paradis

    Quelques minutes d'antenne consacrées par "Europe 1" à l'enfer, au paradis et au purgatoire. La trêve estivale paraît l'occasion pour cette station de se pencher sur les sujets les plus futiles, puisque l'émission du lendemain fut dédiée aux ovnis.

    "Experts" invités : Odon Vallet, l'abbé La Morandais, Michel Legrain, Malek Chebel, etc.

    Résumé : un beau bordel cacophonique, d'où jaillissait de temps à autre une saillie du père Morandais. Celui-ci a pigé depuis longtemps - petit malin égaré dans une religion où on ne rencontre guère plus que des butors -, que les médias ne tolèrent l'intelligence que sous la forme de l'humour (à l'instar des régimes totalitaires).

    - La section du purgatoire fut plutôt délaissée, bien qu'elle occupe dans l'histoire de la bourgeoisie ou du libéralisme une place décisive. L'Eglise romaine a décidé récemment de "blanchir" Luther, mais elle passe sous silence le combat de ce théologien contre le purgatoire et les spéculations des marchands allemands.

    - Je note qu'Odon Vallet est l'auteur d'un bouquin qui vise à combattre les idées reçues sur les religions, bien qu'il ne se gêne pas pour en répandre lui-même, laissant passer l'énormité de son compère Legrain selon laquelle la foi dans le diable ne serait pas un trait caractéristique du christianisme, alors même que c'est un des points où la différence est la plus nette avec le judaïsme, qui renverse l'ordre naturel ou moral païen (égyptien ou romain) de façon moins catégorique (hormis le cas du prophète Daniel, auquel Shakespeare fait référence pour dénoncer la collusion du pouvoir politique avec les autorités de l'Eglise catholique).

    Essayons d'être plus clair que ces spécialistes. Au préalable, signalons que dans le christianisme les seuls "experts", spécialistes des questions morales, sont les Pharisiens, les plus éloignés en somme de la vérité, ancêtres de nos intellectuels. On peut mieux le comprendre par le fait que l'équivalence est posée dans le christianisme entre la connaissance et l'amour. Le Christ est non seulement fidèle à l'amour de son père, mais omniscient. C'est d'ailleurs ce qui explique que la foi n'est pas une préoccupation centrale dans le christianisme, comme elle fut auparavant dans certaines religions païennes. Le peintre Michel-Ange a bien cerné le christianisme dans cette formule synthétique : "On aime bien que ce que l'on voit bien."

    - N'étant pas préoccupé de la question de la foi, mais de celle du salut, on pourrait s'attendre à ce que la question de l'enfer et du paradis occupe la première place dans le christianisme ; mais il n'en est rien. Le Christ en parle très peu. Il ne ressuscite pas dans l'au-delà, mais à la vue de ses apôtres. Rien n'indique qu'il faille situer les peintures du jugement dernier dans l'au-delà. Certains peintres comme J. Bosch montrent même carrément qu'il n'y a rien de plus actuel que l'enfer. Cette vision on ne peut plus réaliste a toutes les chances de rencontrer l'assentiment des opprimés. Elle n'est pas non plus si éloignée de la boutade (un peu éculée) qui consiste à décrire le paradis comme une morne plaine, boutade qui trahit l'attachement à un présent délicieux.

    Plus réaliste, la Renaissance a donc logiquement renoué avec l'eschatologie et l'apocalypse, renvoyant les doctrines médiévales, teintées de paganisme ou d'animisme, aux calendes grecques (ou plutôt "romaines", étant donné qu'on trouve déjà chez Homère une sorte de pamphlet contre l'au-delà et les espérances déçues d'Achille, surprenant pas sa précocité).

    J'ouvre une petite parenthèse : sans développer ici cet argument, on peut voir dans le rattachement parfaitement ésotérique de la doctrine catholique romaine à Thomas d'Aquin (ésotérique en premier lieu parce que personne ou presque ne lit cet auteur) une manière d'accommoder le catholicisme avec les préjugés libéraux dominants, qui pour la plupart ne font que réactualiser les préjugés en vigueur au moyen âge, à commencer par l'utopie funeste des "soldats de la paix", inventée sans doute par Thomas d'Aquin avec les meilleures intentions du monde, mais dont on connaît les suites largement catastrophiques, en particulier le blanc-seing moral donné à des opérations purement stratégiques.

    Du débat entre les experts d'"Europe 1" je n'ai rien retenu, si ce n'est la définition de certaines conceptions antiques de l'au-delà, paradis ou enfer, parfois les deux imbriqués, comme des conceptions de nature "topographiques". Si ces conceptions ont perduré jusqu'au moyen âge, voire plus tard (chez le très archaïque Galilée, notamment, probablement sous l'influence d'autres spéculations mathématiques), elles sont typiquement païennes. La meilleure illustration est la religion égyptienne, fondée sur la géométrie. Elle traduit l'incapacité des régimes théocratiques à penser en dehors de l'espace et du temps, jusqu'à prêter à dieu lui-même les pouvoirs d'un architecte (sans doute la meilleure façon pour l'homme de s'approprier le pouvoir divin, ou de le reproduire par homothétie).

    Comme quoi les vieilles hypothèses religieuses archaïques ont la peau dure, on peut observer qu'elles ont donné récemment le nirvana national-socialiste et son projet d'élever jusqu'au ciel, non seulement un pharaon ou une pharaonne, mais toute la race bourgeoise allemande ; perspective assez rapidement rentrée sous terre. Plus récemment, l'idéologie du gouvernement mondial, au caractère géodésique total, le globe terrestre bien quadrillé devenant une sorte d'Eden assisté par ordinateur, centré sur les augustes personnes de quelques "décideurs" multi-compétents. Toutes les utopies à caractère éthique ou moral, en somme.

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  • Foi et raison

    Aussi sûrement qu'au bout de la logique il y a Dieu, le terme de la raison c'est Satan ; peinte dès l'Antiquité, l'abîme ou l'abysse de réflexion ; et l'âme est un jardin fertile pour les jonquilles. Les grands sorciers animistes ont toujours bâti le monde à la mesure de leurs âmes, petits lacs tièdes.

    Répété dans la Genèse, le rapport entre la foi et la raison, par la métaphore du figuier, arbre de la connaissance du bien et du mal, arraché par le Sauveur à cause de sa stérilité.

    La place des poètes et des curés est au Purgatoire : ils feraient bien de vérifier la solidité des voûtes de ce temple avant de s'y précipiter avec le désir sado-masochiste qui est le leur...

    Qu'on se le dise ou qu'on le vérifie en lisant le Nouveau Testament, les moralistes mettent en colère Jésus car c'est la volaille de Satan.

  • Mode binaire

    "Signe rétrograde du temps" : la formule d'Engels s'applique parfaitement au cinéma, qui entraîne vers l'Enfer ses victimes suivant la méthode du joueur de flûte de Hamelin.

    Un jour, comme je traversai un asile de vieillards abandonnés devant quelque film, j'eus une vision similaire à celle de Dante ; l'écran avait dévoré l'âme de ces êtres, complètement possédés par la mécanique rétrograde du cinéma. Et si cette fente luciférienne aimantait si fort ces pauvres débris décharnés, c'était qu'ils croyaient y voir les cuisses écartées de leur mère : le Paradis.

    Pour le Salut, il faut d'abord se défier de sa mère, dont l'âme n'est ni main caressante, ni même coeur débordant de formules magiques, mais ventre. Hamlet a beau insulter sa sainte mère l'Eglise, la putain de l'Apocalypse, rien n'y fait, elle demeure stupide, comme une vieille nef échouée sur la vase et dont les vers s'occupent déjà.