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la morandais

  • Marie, reine des Cieux ?

    Comme le chanoine Crampon le note, dont les travaux présentent un caractère de sérieux indéniable si on les compare aux foucades gnostiques de feu Mgr Lustiger, ou encore aux pirouettes télévisées du Père La Morandais, la femme de la vision de saint Jean n'a jamais été tenue pour Marie, mère de Jésus, par les exégètes, mais, au regard des symboles que comporte sa description, pour une figuration de l'Eglise elle-même (sous réserve des nombreuses définitions de l'"Eglise" au cours de l'Histoire moderne).

    Le nationalisme démocrate-chrétien a imposé sa relecture de l'Evangile concernant ce passage comme d'autres depuis Crampon et Bloy. La dévotion à Marie a pris même au cours du XIXe siècle un tour plus qu'étrange, le Capharnaüm de Lourdes étant loin d'être un exemple isolé. Le jansénisme s'est d'ailleurs toujours accompagné, hier comme aujourd'hui, de manifestations superstitieuses et hystériques de dévotion comme de la sympathie des banquiers.

    Cette substitution de la Vierge Marie à l'Eglise dans la "foi du charbonnier", désormais commune à la plupart des chrétiens de France, au point qu'on entend certains parfois en faire une caractéristique du catholicisme (!) afin de se mieux disculper de leur tare, cette substitution a eu pour effet de renforcer le culte de l'Eglise catholique pour elle-même, esprit qui anime généralement les sectes.

    Le "culte des saints", qui fut autrefois une face du catholicisme plutôt sympathique et offrant prise à la littérature populaire, a pris une tournure qui relève presque, là encore, du culte de l'Eglise par elle-même. Quel sens peut avoir la canonisation de Jean-Paul II, par exemple ? Johnny Halliday n'a pas une croix pectorale moins imposante, il y a autant de monde à ses concerts qu'à ceux du pape, et pourtant personne ne songe (encore) vraiment à le canoniser !?

    Là encore il n'est pas difficile de comprendre qu'on est en plein processus de justification sectaire. Les arcanes de la procédure de canonisation ont d'ailleurs un aspect tout à fait démoniaque. Pourtant, si "la loi ne justifie pas" (saint Augustin), la canonisation encore moins.

     

  • Demain l'orthodoxie ?

    Qu'un jeune vicaire démocrate-chrétien dans son sermon puisse faire référence à Nitche comme ce matin, voilà qui en dit long sur l'ultra-ringardise de l'Eglise de France et de son clergé, son évolutionnisme, sa soumission aux dogmes bourgeois.

    Michel Onfray a beau prendre la posture du philosophe anticlérical, afin de mieux passer à la télé, c'est un pur élève de l'école et de la morale démocrate-chrétienne. Un curé démocrate-chrétien, voilà ce qu'est Michel Onfray exactement, en plus ambitieux, avec une "volonté de puissance" plus grande. Qu'est-ce qui sépare Onfray d'un autre curé libéral ambitieux tel l'abbé La Morandais, par exemple ? Je ne vois pas. Mêmes valeurs démocratiques dépassées, même hédonisme petit-bourgeois ennuyeux. Des marionnettes qui se croient libres parce que leurs livres font un tabac dans les supermarchés, et que Guillaume Durand ou Marc-Olivier Fogiel les admirent.

    L'Eglise, traditionnellement, s'est montrée conciliante avec le paganisme des champs, qui a donné La Fontaine ou La Bruyère (qui influence Marx également), voire Rousseau. Mais le néopaganisme des villes, celui de Nitche, cet espèce de Virgile de parc d'attraction, dépasse les bornes de la raison. Avec le même ridicule que ces bobos qui retournent à la Nature et n'ont pas encore mis les pieds dans gadoue qu'ils vous donnent déjà des leçons de science-naturelle. Ou que Philippe Sollers sous la férule de sa bourgeoise qui n'hésite pas à donner des leçons de libertinage.

    L'existentialisme de Nitche et la peinture impressionniste du dimanche, voilà le niveau de la démocratie-chrétienne. Pour nettoyer les écuries d'Augias et tailler les bacchantes à Nitche, il faut à Benoît XVI autre chose qu'un kärcher nazi ou qu'une somme théologique assommante. Au moins la volonté de résistance de Marx et la ruse de Lénine.

     

     

     

     

  • Kirche, Küche und… Kapital !

    Ce coup-ci, ça y est, avec la célébration de la Saint-Valentin cette semaine dans les églises du diocèse de Paris, je crois qu'on a touché le fond. Pas le fond du mauvais goût, non, ça ça ne date pas d'aujourd'hui, et l'Église peut sans doute survivre longtemps au ridicule. Là c'est plutôt le summum du MARKETING qui est atteint. Et c'est sans doute plus grave.

    Il ne faut pas se raconter de blagues mystiques, de tout temps les évêques se sont majoritairement soumis aux diktats contraires des autorités politiques, y compris dans le domaine de la morale. Les martyrs, les Thomas More, sont plutôt rares. Je ne nie pas leur courage, mais même les prêtres réfractaires, pour beaucoup d'entre eux ont été soutenus par tout un corps social, un corps social menacé, certes, mais un corps social quand même.

    Mais la soumission empêche-t-elle le rappel des principes catholiques aux ouailles catholiques ?
    À propos du mariage, qu'en est-il, quel est le modèle que l'Église propose désormais, en quoi est-il différent du modèle laïc ? J'écoutais l'abbé de La Morandais l'autre jour, invité à la télé pour y défendre le mariage chrétien, et pourtant La Morandais n'est pas le plus soumis des prêtres, eh bien pas une seule fois en une heure de plateau il n'a parlé de la famille, des enfants ! Pas une fois : « Le couple, le couple, le couple… »
    Le Père La Morandais s'est contenté d'une morale, disons… stoïcienne, ce qui est toujours mieux que la morale petite-bourgeoise, dans un régime démago-capitaliste, je ne dis pas, mais que restera-t-il du catholicisme en Europe lorsque le clergé l'aura converti entièrement en une morale stoïcienne ?

    Contre la philosophie contemporaine de la morale sexuelle catholique, un peu d'Histoire : la question de la limitation des naissances obsède les féministes depuis au moins un siècle aux États-Unis, dans cette grande nation entièrement dévouée à l'accumulation des richesses. Y compris les féministes catholiques, suffisamment organisées pour faire pression sur les cardinaux réunis au Concile de Vatican II et les obliger à théoriser sur la limitation des naissances, ce qu'ils n'étaient pas disposés à faire a priori (Pour plus de détails sur les circonstances de ces pressions féministes, on se référera au théologien J.-M. Paupert.)
    Ces pressions féministes ont abouti à forger de toutes pièces ce que certains démocrates-chrétiens appellent sans rire "la contraception naturelle" ; et tout un un blabla proprement écœurant sur le fonctionnement des ovaires que l'homme catholique moderne serait censé connaître par cœur. Pincez-vous, vous ne rêvez pas, vous êtes dans un presbytère et Monsieur le Curé vous donne un cours de morale sexuelle. Ah, ah, comme d'habitude, j'exagère, les prêtres ont tous désormais au moins bac+5, ça ne veut pas dire pour autant qu'ils parlent latin ni même hébreu couramment, mais ils sont capables de discerner en quoi cette prétendue méthode "naturelle" est en réalité la plus technique et la plus sophistiquée des méthodes de contraception disponible sur le marché occidental.

    Donc ce cours de morale sexuelle est confié dans les faits à quelque bigote de la paroisse, aussi fanatique que dévouée. Attention : si vous lui faites remarquer qu'elle débloque complètement, elle vous coupera les couilles, avec une demande d'excommunication envoyée à Rome subito presto.

    J'ai l'air de plaisanter comme ça, mais d'ici quelques années les catholiques n'auront presque plus affaire qu'à des gargouilles de ce genre. Et les bonnes sœurs ? il y aurait beaucoup à dire sur les bonnes sœurs, le nombre de martyrs parmi les prêtres qu'elles ont pu faire dans les années quatre-vingt, les obligeant à voter pour Georges Marchais, les poussant véritablement à l'alcoolisme ou à la démence. Je n'étais qu'un petit lapereau à l'époque, mais j'ai bonne mémoire.

    Au-delà des principes, qu'est-ce que ça change ? Un dialecticien futé pourrait me rétorquer : pas grand-chose. Les statistiques montrent que les familles chrétiennes ont plus d'enfants que les autres, et donc que la méthode Billings, ils l'appliquent par-dessus la jambe, ils ne connaissent pas le fonctionnement des ovaires par cœur, ils ne font que simuler. Heureusement d'ailleurs, ça serait quand même un comble que la plupart des catholiques ne connaissent plus leur catéchisme par cœur mais qu'ils possèdent la mécanique des ovaires sur le bout des doigts !

    Non, c'est plutôt la chasteté qui se trouve modifiée par ces laïus improbables, la chasteté si pénible à saint Louis (selon Jacques Le Goff).
    Dans la morale traditionnelle catholique, qu'on peut qualifier d'augustinienne, la chasteté est entre les mains du clergé. C'est le clergé qui décide des périodes d'abstinences, de les réduire pour faire plaisir aux hommes, de les étendre pour faire plaisir aux femmes. Dans cette morale sexuelle contemporaine de bigotes fanatiques, la chasteté, on l'a compris, est entre les mains des femmes elles-mêmes, désormais. Au fond, tout ces pouvoirs qu'elles n'avaient pas auparavant, d'où le tirent-elles ? Eh bien mais de la division du travail dans le mode de production capitaliste, pardi !