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  • Saint Hegel

    Le "sein" et le "dasein" : qui n'a eu affaire un jour à ce fétiche brenneux inventé par Hegel pour distraire les cons ? C'est un truc de pasteur protestant emprunté à Kant. Kant et Hegel sont deux de ces types qu'on peut voir dans une croûte de Rembrandt, autour d'un cadavre, affairés à le découper en petits morceaux pour tuer le temps.

    Un pasteur protestant qui essaie de comprendre cette phrase : "Je suis Celui qui est." Saint Hegel : tout sauf la Charité.

  • Aimer Rembrandt

    “ Je vous le dis, sans aucun doute, si Rembrandt vivait aujourd’hui il ne serait pas peintre… il choisirait plutôt de faire du cinéma ! ” Le peintre Charles Marron avait attendu qu’on soit rendu entre la poire et le fromage pour essayer ce trait d’esprit provocant sur ses convives.

    Un ange passa, avant que les réactions ne fusent :

    “ - Ah oui ? c’est ce que tu penses vraiment, Charles ?

    - Eh, eh, pas mal observé…

    - Oh oui, joli “travelling”, Charles ! ”

    La dernière répartie était de Flora, qui avait posé pour Marron autrefois dans sa période figurative. Il y avait en sus autour de la table dressée dans la courette du peintre, d’où on pouvait voir le quart Sud-Est du Sacré-Cœur : Anne-Elisabeth, une galeriste réputée l’amie intime de Flora, quai Voltaire ; Patrick, un voisin sans profession fixe avec qui Charles jouait souvent à la pétanque dans le quartier ; Axel, neveu unique de l’artiste accompagné de sa petite amie Ophélie ; enfin Me Bonneteau - dont Marron attendait surtout l’avis. Nicolas Bonneteau comptait en effet beaucoup pour l’artiste. Il était son agent et ami depuis plus de trente ans, l’avait toujours conseillé intelligemment. Mieux : si la peinture de Marron avait triplé sa cote et franchi un cap, c’était pour une part aux conseils de son meilleur ami que Marron le devait. Si Bonneteau acquiescait, alors Marron n’hésiterait plus, il relancerait sa formule sur Rembrandt et le cinéma lors de son prochain passage dans “Cultures en fusion”, l’émission du compositeur-animateur Frédérick Peticouly-Decaille.

    *

    Bonneteau, un peu en retard sur les autres, fit descendre en force la bouchée de pain Poilâne et de fourme de Montbrison qui lui restait en travers, vu que tous les regards après celui du “maestro” s’étaient tournés vers lui :

    “ - Eh, bien, comment dirais-je, Charles… ta métaphore est on ne peut plus “hégélienne”… et, même si Heidegger ou Houellebecq sont plus à la mode aujourd’hui, au niveau du concept, étant donné que tu vas précisément faire la promo d’un film, je trouve ça plutôt subtil… d’ailleurs Houellebecq et Heidegger sont déjà un peu “out”, donc… ”

    Là-dessus Bonneteau attaqua le tiramisu “fait maison”, dépassant ainsi les autres. Le peintre avait en effet décidé de se diversifier, de se consacrer au Septième art à son tour, tout en gardant un pied dans la peinture. Consacrer un long métrage à Rembrandt constituait une bonne transition. Il faudrait être fou en 2008 pour ne pas aimer Rembrandt ! Même les cons qui votent Le Pen ou Sarkozy aiment Rembrandt.

    Si l’on examine en détail l’œuvre de R., ce que Marron n’avait pas manqué de faire avant le tournage du film, on se rend compte du soin particulier qu’il apporte à la mise en scène et à l’éclairage, un peu comme Fritz Lang, le grand cinéaste juif chassé d’Allemagne par les nazis… Si Vermeer préfigure les grands photographes actuels qui savent mettre la vie quotidienne en abyme, Brassayas, J. Meese, ou même Ronald W. Stuart, on peut se permettre de faire le parallèle entre Rembrandt et le cinéma expressionniste allemand, David Flynch compris évidemment…

    “ - Mais, mon Oncle, fit le neveu de Marron, pris d’une inspiration subite et court-circuitant la méditation qui prolongeait la réponse de Bonneteau, mon Oncle comment peux-tu être aussi sûr que Rembrandt eût pu s’habituer à tenir une caméra après avoir fait usage auparavant d’un pinceau et d’une palette de couleurs une partie de sa vie durant ? Ça fait quand même un grand changement, non ?! En fait t’es bien placé pour le savoir ! ”

    Le “mon Oncle”, autant que la naïveté du propos, fit sourire le reste des convives sauf Ophélie qui ne souriait pratiquement jamais. Marron ne pouvait pas avoir d’enfants, étant donné sa vocation de peintre, mais sa sœur lui avait confié avant de mourir son fils Axel, qui rêvait de percer dans les arts plastiques lui aussi après avoir mis fin à ses études de commerce. Mais ce pauvre Axel était d’un terre-à-terre !

    “ - Cher Neveu, Marron imitait le style de son émule, j’espère que tu n’attends tout de même pas sérieusement que je réponde à cette question ? Le métier de peintre, vois-tu, tout le monde ou presque peut l’apprendre, avec un minimum d’entêtement, et je sais que tu en as un maximum ; mais pour ce qui est du concept… là c’est autre chose le concept… quasiment de l’ordre de… de l’inné ! Il n’y pas un seul génie dans l’histoire de l’art qui n’ait peint avec un concept puissant par-derrière… Léonardo ? On ne peut pas faire plus conceptuel ! Et Dürer, l’abstraction de Dürer !! Dürer est tellement abstrait qu’il a besoin de savoir à quoi ressemble un corps à l'intérieur avant d'en dessiner l’extérieur ; je ne parle même pas de Pottock, qui pense plus qu’il ne peint, Pottock qui est tout “intériorité” !… ”

    Mais Axel n’écoutait même plus, il s’était jeté sur la dernière part de tiramisu qui restait et semblait trouver un intérêt plus grand à la mastication de son dessert italien, les yeux levés au ciel en signe d’extase, qu’aux explications de son oncle, confirmant le mauvais pressentiment du tuteur quant aux chances de son pupille de se faire un nom dans l’art contemporain de demain.

  • Adaptation

    Une envie me prend soudain d'adapter une nouvelle en bande-dessinée. C'est sans doute d'avoir feuilleté cet album d'estampes de Rembrandt…

    Je cherche dans Sueur de Sang, le recueil de nouvelles sur la guerre de Bloy, mais je suis déçu. Sueur de Sang à cause du docu-fiction original d'Arte l'autre jour, sur la première guerre de la série contre les Prussiens, les Bavarois, les uhlans. Un film pas mal. Pour moi un film est "pas mal" lorsqu'il me donne envie d'ouvrir un bouquin ensuite. Et puis pour une fois qu'on ne cause pas de la guerre 39-45 sur Arte, ou du dernier groupe de peintres-qui-chient-sur-la-toile ou de musiciens-qui-pissent-dans-leurs-guitares-électroniques. C'est les trois sujets fondamentaux d'Arte : les nazis, les peintres inspirés et les musiciens itou, drôle de fonds de commerce !

    Dans ce docu-fiction un peu franchouillard, forcément, parmi des historiens à moitié sérieux, il y a un type extraordinaire, un philosophe français, une caricature ambulante. Au début j'ai cru qu'il s'agissait d'un sketche d'acteur, d'une imitation de philosophe, mais non, c'était un authentique métaphysicien de chaire. J'ai noté son nom à tout hasard, Frédéric Gros, comme le peintre. Il débitait absolument n'importe quoi sur la guerre, tendant à la généralisation la plus absolue et la plus idiote, mais avec les grimaces correspondantes et une emphase des mains délicieuse à regarder, une sorte de delirium tremens fascinant !

    Donc avec Bloy ça ne fonctionne pas. Bloy est son seul personnage convaincant, le seul qui n'incarne pas une vertu pure ou un vice pur. Dans ses œuvres de fiction, bien qu'elles soient très directement inspirées de la réalité, Bloy se laisse toujours emporter par la métaphysique, même ses paysages sont théologiques ; c'est pas pittoresque pour un sou, ça manque de détails vrais. Là où Bloy est vraiment bon, c'est dans le dialogue avec Dieu.

    Je crois que je vais chercher dans Poe ou dans Villiers de l'Isle-Adam maintenant…