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technique

  • Science consciente

    Qu'est-ce que la science consciente ? Réponse : la science consciente est celle qui consiste à se méfier du "parallaxe humain", c'est-à-dire d'un réflexe qui consiste pour l'homme à tout rapporter à lui-même, jusqu'à prêter parfois à l'univers entier les bornes de sa propre condition.

    De même l'homme s'est construit des dieux à sa mesure au fil du temps, dont l'Etat moderne est le plus facilement identifiable comme tel.

    "Science humaine", "sociologie", "anthropologie" sont autant d'expressions faites pour travestir le discours religieux en discours scientifique ; la plus ridicule d'entre ces expressions : "science dure", pour désigner les mathématiques modernes largement fondées sur des paradoxes inconsistants (i.e. l'infini, notion secondaire dans l'ancienne géométrie).

    D'une certaine manière, l'accès de l'homme à la vérité lui est barré par sa propre tendance à l'idolâtrie, à se mirer dans la nature. Si l'on n'y prend garde, on finira par placer le parallaxe ou le biais lui-même à la place de l'objet de la science, et la recherche scientifique finira par ressembler à un jeu de miroirs comme on en construit dans les foires afin de permettre aux enfants de jouer à se perdre.

    On reconnaît le parallaxe ou le biais humain dans un science à ce qu'elle est paradoxale, comme l'homme lui-même. Ainsi de la théorie de l'évolution (qui fait de l'homme l'animal le plus évolué, bien qu'il n'évolue pas lui-même) ; de la relativité (qui formule comme un absolu le fait qu'il n'y a rien d'absolu) ; de l'hypothèse copernicienne (qui ne peut se passer du postulat d'un univers fini, en même temps qu'elle ne peut s'accorder avec) ; du "big-bang" (qui prétend répondre à la question de l'origine de l'univers, tout en repoussant à l'infini cette question).

    La culture moderne est celle de la "science sans conscience". Le raccourci suivant permet de le comprendre : celui qui ignore la différence entre la technique et la science, tel le citoyen lambda d'un Etat moderne, ignore la déviation possible de la science vers la religion. A contrario, on peut comprendre que la technique est une science biaisée par la volonté et la nécessité humaines.

    Les temps dits "modernes" coïncident avec une faillite de l'esprit critique ou scientifique. [Qui lit cette ligne avec une moue sceptique pourra vérifier la censure, le sabotage ou l'amputation dont font l'objet divers philosophes ou essayistes dont la conclusion n'est pas toujours aussi radicale, mais qui posent des jalons dans ce sens ; dans un ordre de radicalité décroissante, citons K. Marx (la science décline à mesure que l'idéologie libérale progresse), F. Nietzsche (la culture moderne est irrationnelle), G. Orwell (le totalitarisme est un intellectualisme), S. Weil (les physiciens modernes disent n'importe quoi), H. Arendt (la culture de masse est un signe d'irresponsabilité des élites), G. Bernanos (la mécanique s'est substituée à la pensée)].

    La thèse opposée à celle du déclin de la pensée scientifique dans l'Occident dit "moderne" peut être énoncée de la façon suivante : l'anthropologie marque un progrès de la science. Autrement dit, la défense de la culture moderne ne peut se passer de cet argument anthropologique.

    A cet égard, le christianisme ou la culture chrétienne jouent un rôle décisif, trop souvent ignoré en France. La science moderne prend racine dans le XVIIe et une poignée de savants chrétiens fort éloignés de distinguer suivant une classification récente (on ne peut plus spécieuse) le domaine de la science de celui de la religion ; ces savants sont enseignés aujourd'hui comme les pères de la science moderne, et les élèves contraints de se prosterner devant leur "génie", tenus dans l'ignorance que la science ne doit pas grand-chose au génie. Dans ce domaine, la légende dorée est monnaie courante, s'agissant de Galilée, Newton, Descartes, etc.

    La doctrine de Nietzsche ou la critique de Marx nous orientent vers "l'origine chrétienne" de cette déviation anthropologique. Nietzsche est on ne peut plus clair : la culture moderne a le grave défaut, en comparaison de la culture antique, d'être entièrement arbitraire, et cet arbitraire vient du christianisme. Quant à Marx, il a lu Feuerbach et n'ignore pas que l'athéisme moderne est très largement le produit de ce que Chateaubriand a qualifié de "génie du christianisme" ; autrement dit, on peut concevoir les sciences sociales de manière positive comme un aboutissement du christianisme (en aucun cas Marx n'est un "sociologue"), ou de façon négative comme la maladie d'Alzheimer de la philosophie occidentale.

    La question qui se pose est : comment la culture chrétienne a-t-elle pu entraîner un tel désaxement de la science ? (accusation à laquelle l'évêque de Rome fournit d'ailleurs dans une récente encyclique une réponse nulle, c'est-à-dire purement rhétorique). La réponse de Nietzsche est : en substituant le néant à la nature. La réponse de Nietzsche n'est qu'à moitié vraie ; il est exact que les évangiles "abolissent" la servitude de l'homme vis-à-vis de la nature, sur laquelle les religions païennes de la nature étaient fondées, et leur philosophie naturelle. C'est ce qui explique que Nietzsche veuille restaurer la physique contre la métaphysique, synonyme à ses yeux de mysticisme truqué.

    Cependant, en aucun cas le christianisme n'abolit la servitude des sociétés. Il n'y a pas de doctrine sociale chrétienne possible d'après les évangiles, dépourvus d'ambiguïté sur ce point. Bien qu'elle a souvent été présentée traîtreusement comme une concession faite au peuple, la doctrine sociale chrétienne résulte de la nécessité pour les élites occidentales chrétiennes de justifier leur position ; ne le pouvant d'après les évangiles, les princes chrétiens ont élaboré une culture arbitraire et fragile, en perpétuelle mutation. Ainsi Nietzsche amalgame deux choses opposées dans sa polémique antisémite et antichrétienne : la doctrine sociale chrétienne, d'une part, et les apôtres et les évangiles d'autre part. De surcroît il est inexact de prétendre la culture grecque antique "dionysiaque" et opposée à la métaphysique.

    Autrement dit : la doctrine sociale chrétienne est l'axe de la modernité, et cela n'est pas sans conséquence sur le plan de la culture scientifique, c'est-à-dire des idées scientifiques communément et superficiellement partagées par le plus grand nombre. On ne sera pas surpris que certains savants évolutionnistes invoquent la démocratie, bien que celle-ci soit de l'ordre de la foi du point de vue scientifique, à l'appui de la thèse évolutionniste. Ou encore que d'autres aient cherché à consolider les thèses raciales nazies à l'aide de l'évolutionnisme ; ou encore à consolider le dogme économique libéral à l'aide du darwinisme. Ils font ce qu'ils s'interdisent de faire : mélanger la foi -sous couvert d'éthique ou d'anthropologie- et la recherche scientifique. D'ailleurs la foi, au sens le plus banal du terme, mettons bouddhiste, est assimilable à une "recherche", bien plus qu'à une révélation.

    Qu'est-ce qu'un "trou noir" en astronomie, si ce n'est la projection du destin chaotique de l'homme moderne sur le cosmos, déployé comme un écran ? On objectera les photographies de "trous noirs", qui viennent appuyer la démonstration sophistiquée (mieux vaut dire "les dizaines de démonstrations parallèles et contradictoires", formant une nébuleuse). Mais l'appareil photographique est-il parfait au seul prétexte que l'homme l'a fabriqué ? N'y a-t-il pas de nombreux biais possibles dans la photo ? Et qu'est-ce que la photo a d'expérimental ? L'expérience scientifique ne consiste-t-elle pas justement à explorer au-delà de la surface des choses ? Le fait que les mathématiques modernes et le cinéma ou la photographie se confirment mutuellement ne signifie pas qu'ils sont des méthodes scientifiques.

  • Sacrée modernité

    L'argument de la modernité est entièrement soutenu par la technique. Le mot "technocratie" dissimule moins bien le caractère totalitaire de la démocratie libérale, aussi les thuriféraires du totalitarisme ont-ils inventé le gadget de la "modernité", qui permet mieux de berner les foules.

    Etre "moderne" est pour le bourgeois en 2013 comme d'être assuré du purgatoire pour son ancêtre de 1213.

    Le fondement technique de la "modernité" explique sans doute que les Français gobent assez peu cette religion inventée par l'élite pour son seul profit.

    Si l'on comprend la démonstration de Molière que la subversion de la charité chrétienne consiste surtout dans le détournement par l'élite d'un message spirituel qu'elle ne peut entendre, et que la hyène Joseph de Maistre prêche Satan sous l'apparence de prêcher Jésus-Christ, alors on comprendra que la religion moderne dérive de ce dérapage incontrôlé des élites.

    Il n'est pas inutile de comprendre, puisque c'est un rouage essentiel de la mécanique totalitaire dont les élites sont actionnaires, que la philosophie d'une élite, son art, reflète toujours le système d'exploitation en vigueur, en tous temps. La pensée de l'élite est gadget. Elle en possède le charme et l'inutilité, se déprécie rapidement. Plus les systèmes d'exploitation sont puissants, plus la pensée de l'élite est nullissime.

    C'est d'ailleurs ce qui explique le retentissement mondial de la littérature de Céline. D'autres l'ont fait, mais de façon moins manifeste et retentissante - tout d'un coup Céline décide, non seulement qu'il n'est pas né pour lécher des bottes, comme un intellectuel normal, mais il s'affranchit complètement des codes du langage, et accomplit ainsi ce qu'un intellectuel ne peut pas faire, en raison de la dévotion de l'élite vis-à-vis de ses propres dogmes. De même c'est la dévotion religieuse qui protège les sophismes d'Einstein d'être dénoncés comme des sophismes.

    L'intellectuel est comme l'ordinateur ou le joueur d'échecs, ignorant qu'il est un imbécile.

    Il convient de comprendre les meilleurs penseurs humanistes occidentaux comme des anti-intellectuels. Le rôle de l'intellectuel à l'intérieur du christianisme est d'ailleurs le plus ténébreux. Shakespeare exécute dans ses pièces des intellectuels chrétiens à bon escient.

    L'humanisme explique que la recherche technologique est le meilleur moyen de faire triompher le point de vue conservateur. Il n'y a aucun paradoxe dans le goût des Japonais, profondément conservateurs et efféminés, pour les gadgets technologiques modernes. Ceux-ci ne traduisent que l'imitation servile et dépourvue d'imagination de la nature. Si l'irresponsabilité des modernes est encore plus grande que celle des conservateurs ou des réactionnaires, c'est en raison de l'imbécillité et de l'arrogance de l'argument moderne, destiné à faire croire au progrès de l'humanité.

  • Aux Captifs

    Prisonnier du Temps, il arrive que l'homme se prosterne néanmoins devant lui, comme il arrive au serf ou à l'esclave devant son maître.

    Peu d'hommes ont, comme Bacon alias Shakespeare, osé s'attaquer au Temps, penser contre la Mort ; en particulier dans les "temps modernes", qui coïncident avec le culte de la vitesse, et une emprise du Temps plus grande encore que dans la religion antique.

    Pour ainsi dire, si les mythes ont été entérinés par les élites, ou réservés aux seuls enfants, c'est au profit du Temps et sa signalétique binaire, dont les infidèles au jour du jugement dernier portent les emblèmes, qui comme la croix des assassins romains du Messie et de ses apôtres sont aussi des instruments de torture et de sacrifice. Jésus-Christ est venu abolir la torture de l'homme par l'homme, son sacrifice sur l'autel de la condition humaine ; mais les chiens romains sont constamment là pour rétablir, dans le peuple, le culte du Temps.

    Le principal reproche que l'on peut faire aux élites occidentales est d'avoir mis la science à la place de dieu, et rabaissé la science au niveau de la technique, asservissant ainsi l'homme au Temps, plus que jamais.