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modernité

  • Retour vers le Futur

    Vous avez tous entendu parler de "modernité" ? Ce drapeau qui incite les gosses à se tourner vers l'Avenir, et les empêche ainsi de trouver l'équilibre est assez indistinct : drapeau de l'Etat islamique ? Drapeau de l'Europe ? Drapeau des Etats-Unis ?

    Dès lors que l'on gratte un peu l'étiquette de la modernité, on retrouve le moyen-âge. En philosophie, comme en art, ou en science. Un Italien ou un Français sont mieux placés pour le comprendre qu'un Allemand, car tout ce que le moyen-âge adore : les paradoxes, les syllogismes, l'informatique, le droit canon, un Italien ou le Français le méprise au profit des choses simples, qui s'élèvent au-dessus de l'homme tant la complexité est humaine - je dirais même plus, la duplicité.

    Lorsqu'on se dirige vers le futur, on revient au point de départ : c'est la seule application réelle du voyage dans le temps, cette ânerie typiquement médiévale.

    Perdu dans le labyrinthe du Temps, l'homme moderne se meurt d'angoisse.

     

  • Modernité, piège à con

    Résolu très tôt contre l'ennui, je n'ai pas tardé à l'être contre la modernité. Je ne connais pas de personne spirituelle qui tolère cet état.

    Pour cette raison je crois le mouvement moderne condamné, car si la société contemporaine totalitaire est organisée afin de faire passer l'ennui pour une forme de confort enviable, et ce dès le plus jeune âge (tout ou presque est fade et ennuyeux dans la vie moderne), ce système sera mis en péril dès lors qu'un individu ou un groupe d'individus décidera de vivre pleinement sa vie, et non seulement de faire semblant comme un acteur de cinéma.

    La manière dont la culture moderne s'accommode de l'ennui est d'ailleurs l'indice d'une religiosité excessive. La culture et l'enseignement modernes ne sont-ils pas parvenus à rendre la science ennuyeuse ? Sciemment ou non, ce que l'amateur de littérature antique cherche dans la lecture des auteurs antiques, c'est d'abord à se désennuyer de la culture moderne.  

  • Science

    Science sans conscience n'est que modernité, me disais-je alors que je venais d'entendre Alcofribas Nasier tenter de convaincre une foule de badauds américains que l'on peut voyager dans le temps.

  • Insecte

    Modernité = ce qui meurt bientôt.

    La mort est la grande actionnaire du monde moderne. 

  • Exit la modernité

    Plus on est intransigeant avec soi-même, plus on l'est avec autrui et ce que certains vieillards cuits par les années font passer pour de la tolérance apparaît comme le mépris d'autrui.

    Cette intransigeance, qui contredit l'éthique de l'homme moderne, est l'expression de l'amour de soi. ll peut se traduire comme le refus de vivre pour vivre, le refus de la vie comme un but en soi.

    Ainsi Karl Marx voit-il dans l'épicurisme, et Nitche dans le bouddhisme, des religions décadentes, parce qu'elles incitent l'homme à la tolérance vis-à-vis de lui-même. Marx traduit la quête ou le calcul du bonheur (philosophie nécessairement inégalitaire), comme un désintérêt pour le progrès, c'est-à-dire une aspiration spécifiquement humaine, qu'aucune théorie biologique n'explique. Il n'y a que dans l'esprit d'un technocrate, c'est-à-dire d'un sous-homme acceptant d'être réduit à sa fonction, que bonheur et progrès sont deux notions exactement concordantes. Le progrès est réduit au mouvement, c'est-à-dire au sens mécanique du terme.

    L'anthropologie est le mot sophistiqué pour vanter sournoisement la renonciation de l'homme moderne au progrès au profit de réconfortantes fictions.

    L'intransigeance vis-à-vis de soi fonde l'individualisme. Socialement, il n'y aucune raison d'aller à l'encontre du mouvement général, fût-ce le plus bestial. Ce qui permet de caractériser le raisonnement moderne comme un raisonnement fonctionnel, fondateur d'une éthique totalitaire relativiste.

    D'une manière apparemment stupéfiante, le suppôt de Satan et le chrétien rejettent ensemble l'éthique moderne. Le suppôt de Satan (Nitche) y discerne un mouvement de décadence, un abrutissement sans précédent ; le chrétien (Shakespeare) y discerne un mouvement de décadence nécessaire, c'est-à-dire inéluctable, préalable de la fin des temps. Selon Nitche la modernité est chrétienne ; selon le chrétien, elle n'en a que l'apparence.

  • Modernité

    La modernité est la dernière tentative de masquer l'odeur du Danemark de la civilisation.

    Plus la foi dans les mots est grande, moins la définition de ceux-ci est précise, et plus la bestialité de l'homme est flagrante.

  • Nietzsche et la modernité

    On sait que Nitche est l'adversaire le plus radical de la modernité ; au nom de l'art, et, ce qui est plus intéressant dans mesure où la culture de masse lucrative et le cinéma font peu illusion, au nom de la science rationaliste, à laquelle l'appareil d'Etat et ses fonctionnaires continuent de fournir une caution plus sérieuse.

    Au contact de Nitche, la culture laïque moderne volerait en éclats. C'est le rôle de Michel Onfray, par exemple, de fournir une présentation de Nitche moralement correcte à l'attention des milieux populaires, méthode où l'élitisme culturel républicain est reconnaissable. Nitche méprise ouvertement le peuple, et le seul profit que celui-ci pourrait tirer de la lecture de la doctrine de Nitche est sa dénonciation de la démocratie comme une ruse sinistre et probablement catastrophique, ce qui a été confirmé maintes fois depuis le décès de cet antichrist. On ne peut plus prôner l'antichrist Maurras depuis que celui-ci s'est compromis avec une bande de politiciens mafieux, alors on prône Nitche. Ce dernier a oublié de mentionner l'extraordinaire capacité de censure du monde moderne, contrairement à G. Orwell.

    Ce n'est pas seulement le christianisme qui est moribond, comme le remarque Nitche pour s'en réjouir : l'antichristianisme a lui-même été édulcoré par les disciples de Nitche, suivant la même méthode subversive anthropologique, qui consiste à faire passer pour scientifique ou rationnel un discours essentiellement d'ordre religieux. Un chrétien ne doit surtout pas laisser se développer le discours anthropologique au nom du christianisme: c'est la méthode d'infiltration de base du pharisaïsme: la clef du cléricalisme catholique afin de détruire la vérité universelle. On peut d'ailleurs faire du purgatoire la matrice juridique de la modernité, ce qui permet de démentir l'amalgame de Nitche. Le purgatoire résulte en effet de la double négation de dieu et de Satan, caractéristique de la modernité ; intellectuels néo-païens et démocrates-chrétiens en sont d'ailleurs à peu près au même degré d'abrutissement : la merde cinématographique, du point de vue de l'art païen, est sans doute l'eau de boudin la plus fade. Très peu de cinéastes ont conscience du plan de Satan. L'anthropologie est la doctrine d'Ubu.

    Nitche ment pour le compte de Zarathoustra lorsqu'il prétend qu'un chrétien ne peut pas discerner l'action de l'anthropologue dans le cannibalisme moderne, parce que le christianisme est la racine de ce cléricalisme qui ne dit pas son nom.

    La preuve qu'il ment, c'est que Shakespeare a tranché la gorge de l'anthropologie chrétienne avant lui : celle-ci ne continue plus de se mouvoir que comme les canards après qu'on leur a coupé la tête. Et Shakespeare n'a pas agi "au nom de Satan", mais de l'apocalypse chrétienne.


  • Modernité

    Le truc de la modernité a le don de séduire d'abord les peuples arriérés. Je prends toujours l'exemple du Japon dans ce cas-là, tant cette nation a conservé le sens de l'honneur. Il semble qu'aucun apôtre français n'est jamais allé au Japon enseigner à ces butors que l'honneur est l'apanage des cocus. N'était le besoin des Japonaises de se reproduire, elles auraient transformé depuis longtemps les Japonais en eunuques serviables. Le soleil passe pour le dieu japonais, mais on dirait que c'est plutôt la lune rousse.

    La modernité est la pacotille que le colon offre au peuple qu'il colonise, l'alcool qui permet aux fermiers yankees d'exterminer les Indiens, l'opium des gentlemen britanniques pour endormir les Chinois. Le retard des Allemands et des Italiens sur le terrain de la modernité les a privés d'empire colonial.

    Nitche a théorisé la domination du sous-homme dans le monde moderne. Marx non plus n'est pas "moderne", car cela suppose d'être un ayant-droit de l'impérialisme.

  • Récidivistes

    Tandis que le code pénal s'efforce de dissuader les criminels de la récidive, les intellectuels y sont au contraire encouragés par le code moderne.

    Réflexion que je me fais en voyant de nouveau en librairie un bouquin d'Antoine Compagnon, cacouac entre les cacouacs, et auteur il y a quelques années de l'essai le plus débile et confus qu'on puisse écrire sur le thème de la modernité. Le niveau d'abrutissement général jusqu'où les élites françaises ont conduit la France serait sans doute moindre si les intellectuels s'appliquaient le principe de précaution, à la manière de La Bruyère, consistant à laisser mûrir son ouvrage une bonne vingtaine d'années avant de le publier.

    Même la manière de BHL de resserrer les boulons de la modernité, avec l'opiniâtreté d'un mécano allemand dévoué à son engin est moins pénible, car plus transparente. BHL a pigé que la propagande passe d'abord par la cinématographie et la télévision, et que c'est sur ce terrain qu'il convient avant tout de donner un semblant de cohérence à l'argumentaire moderne, qu'aucun artiste, philosophe ou savant ne cautionnera, étant donné le but poursuivi par l'art moderne de rendre justice à la médiocrité.

    Maître Bernard (je le surnomme ainsi étant donné la coïncidence de sa méthode avec celle de Bernard de Clairvaux pour subvertir le christianisme et, déjà, l'ouvrir à la modernité), maître Bernard s'étonne de l'animosité à son égard, alors même que, contrairement à Aragon, Sartre ou Eluard, il n'a encore sucé la bite d'aucun tyran sanguinaire, et sa bouche demeure pure. La réponse est pourtant simple : les Français demeurent assez hostiles aux curés et à leurs sermons. De même les encycliques pontificales sont vaines, dans la mesure où elles ne rencontrent que l'assentiment du patronat démocrate-chrétien, convaincu d'avance de la sainteté de cette rhétorique parfaitement creuse. Tant que l'évêque de Rome ne porte pas atteinte à la vulgate démocrate-chrétienne, il reste un idiot utile dans son habit de lumière, significatif du culte solaire.

    Nitche n'a pas tort montrer le caractère catastrophique de l'anthropologie moderne. C'est assez risqué de la part des derniers évêques de Rome de convoquer Nitche, ou même de la part de BHL de simplement l'évoquer. Car l'anthropologie et l'art modernes ne pèsent pas bien lourd au regard de la métaphysique artistique de ce latiniste accompli, qui n'hésite pas à révéler l'origine satanique de la culture de vie latine.

    C'est sur la cause de l'anthropologie ou du nihilisme moderne que le raisonnement de Nitche est erroné et celui de Shakespeare-Bacon, au contraire lucide. Le mirage hégélien ou "judéo-chrétien" ne peut faire autrement -et il ne fait pas autrement que s'appuyer sur la science physique de la lumière solaire. On peut dire que la rhétorique moderne est un miroir magique. L'anthropologie moderne répond à la nécessité d'exploiter la lumière solaire. Sur le plan totalitaire de l'exploitation, la physique d'Einstein est valide et confortée, comme un dogme technocratique. Sur le plan du culte solaire, elle est fausse et prive l'homme de la conscience, au profit de l'exploitation. Mais la physique d'Einstein, aussi bien que la rhétorique de Hegel, sont absolument dépourvues de lien avec le judaïsme ou le christianisme. Le sacrifice de la volonté de puissance satanique n'est pas tant au profit des "faibles", selon Nietzsche, que des élites judéo-chrétiennes. De même la démocratie, sur le plan politique, qui ne trouve aucun appui dans le christianisme, et que les masses populaires n'ont jamais réclamé, ni dans l'absolu, ni encore moins suivant la formule d'un étatisme ou d'un nationalisme renforcé.

  • La Modernité

    La modernité n'est pas dans la négation de Jésus-Christ, comme l'affirme Léon Bloy. La modernité n'est pas non plus dans la négation de Satan, comme le prétend F. Nitche.

    La modernité consiste dans la double négation de Jésus-Christ ET de Satan. La modernité consacre le point de vue anthropologique. L'homme moderne trouve sa plus grande justification dans la mort. Elle constitue l'événement le plus rationnel d'une vie ubuesque.

  • Sacrée modernité

    L'argument de la modernité est entièrement soutenu par la technique. Le mot "technocratie" dissimule moins bien le caractère totalitaire de la démocratie libérale, aussi les thuriféraires du totalitarisme ont-ils inventé le gadget de la "modernité", qui permet mieux de berner les foules.

    Etre "moderne" est pour le bourgeois en 2013 comme d'être assuré du purgatoire pour son ancêtre de 1213.

    Le fondement technique de la "modernité" explique sans doute que les Français gobent assez peu cette religion inventée par l'élite pour son seul profit.

    Si l'on comprend la démonstration de Molière que la subversion de la charité chrétienne consiste surtout dans le détournement par l'élite d'un message spirituel qu'elle ne peut entendre, et que la hyène Joseph de Maistre prêche Satan sous l'apparence de prêcher Jésus-Christ, alors on comprendra que la religion moderne dérive de ce dérapage incontrôlé des élites.

    Il n'est pas inutile de comprendre, puisque c'est un rouage essentiel de la mécanique totalitaire dont les élites sont actionnaires, que la philosophie d'une élite, son art, reflète toujours le système d'exploitation en vigueur, en tous temps. La pensée de l'élite est gadget. Elle en possède le charme et l'inutilité, se déprécie rapidement. Plus les systèmes d'exploitation sont puissants, plus la pensée de l'élite est nullissime.

    C'est d'ailleurs ce qui explique le retentissement mondial de la littérature de Céline. D'autres l'ont fait, mais de façon moins manifeste et retentissante - tout d'un coup Céline décide, non seulement qu'il n'est pas né pour lécher des bottes, comme un intellectuel normal, mais il s'affranchit complètement des codes du langage, et accomplit ainsi ce qu'un intellectuel ne peut pas faire, en raison de la dévotion de l'élite vis-à-vis de ses propres dogmes. De même c'est la dévotion religieuse qui protège les sophismes d'Einstein d'être dénoncés comme des sophismes.

    L'intellectuel est comme l'ordinateur ou le joueur d'échecs, ignorant qu'il est un imbécile.

    Il convient de comprendre les meilleurs penseurs humanistes occidentaux comme des anti-intellectuels. Le rôle de l'intellectuel à l'intérieur du christianisme est d'ailleurs le plus ténébreux. Shakespeare exécute dans ses pièces des intellectuels chrétiens à bon escient.

    L'humanisme explique que la recherche technologique est le meilleur moyen de faire triompher le point de vue conservateur. Il n'y a aucun paradoxe dans le goût des Japonais, profondément conservateurs et efféminés, pour les gadgets technologiques modernes. Ceux-ci ne traduisent que l'imitation servile et dépourvue d'imagination de la nature. Si l'irresponsabilité des modernes est encore plus grande que celle des conservateurs ou des réactionnaires, c'est en raison de l'imbécillité et de l'arrogance de l'argument moderne, destiné à faire croire au progrès de l'humanité.

  • Modernité 2.1

    La modernité est une berceuse rassurante. Presque une mère. La même indulgence feinte, la même cruauté véritable.

    D'un homme qui se dit "moderne" ou "gay", je sais que sa mère a abusé de lui ; c'est le type de viol le plus courant.

  • Le Siècle des Dévôts

    J'indique souvent Malraux comme le sommet de l'imbécillité en matière d'art. On peut facilement démontrer -d'autres que moi l'ont fait-, qu'il n'y a que la rhétorique et le sophisme qui intéressent vraiment Malraux. Quel genre d'artiste, je vous le demande, peut accepter un ministère du Culte, et consentir ainsi à aligner l'art sur la fonction publique ?

    Malraux est emblématique du jugement sans appel porté par Bernanos sur les factions qui ont pris le pouvoir à la Libération, et qui ont imposé l'idée de "modernité" dans le pays le moins prédisposé à accepter cette idéologie, constitutive du négationnisme de l'histoire.

    La haine du clergé à l'égard de l'art réaliste, et sa passion parallèle pour le cinéma en revanche, s'explique simplement par le fait que l'effort vers le réalisme, en art, a pour effet de dissoudre la propagande et la foi commune dans quelque paradis artificiel. Les historiens d'art qui s'attachent au style pour écrire l'histoire de l'art s'obligent à écrire l'histoire de la propagande et non de l'art ; il faut les requalifier en esthéticiens. Leur science se moque de l'ouvrage des artistes qui entendent au contraire se soustraire au style, à commencer par Shakespeare, le moins stylé ou dévot de tous les auteurs, pour qui la fiction a une odeur de merde.

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    Chaque changement de régime politique coïncide en art avec un retour au réalisme, et la modernité avec la folie, latente, dans l'uniformité. Cela ne veut pas dire que l'artiste réaliste souhaite nécessairement le changement de régime, puisque la foi dans le changement révolutionnaire, à elle seule, indique le manque de réalisme ; mais l'art réaliste a pour effet de soulever les jupes de la religion et de dévoiler ainsi ses varices, la privant ainsi de son principal argument : la séduction.

    L'éloge de la folie dans l'art -Nitche, par exemple- trahit le ministre du culte, si ce n'est le gauleiter, dont l'effort est pour couper le peuple de l'émancipation permise par l'art, jusqu'à faire de la gastronomie, comme c'est le cas aujourd'hui, un art premier.

    Statutairement, c'est-à-dire sur le plan de la fonction publique quand ils acceptent de s'y soumettre, les artistes se retrouvent désormais dans la position d'envier les grands pâtissiers de ce monde. On peut prendre la pratique contemporaine de l'entartage de courtisans comme l'un des derniers et rares manifestes d'art populaire, et observer combien le carnaval, aujourd'hui, est encadré, dès lors qu'il ne cible plus des idoles démodées. En décrétant le peuple souverain afin de le flatter, les Républiques bourgeoises ont sapé le carnaval pour lui substituer de grandes messes sportives, ce qui revient à priver la démagogie de limites et à encourager les pulsions criminelles dans le peuple. On peut donc poser l'équation du ministère du Culte et du populisme.

    Je sursaute en lisant la prose d'un type soi-disant anarchiste ; celui-ci s'interroge s'il n'y aurait pas un retour du phénomène religieux dans la société française en ce moment ? Un retour !? La réalité est qu'en lieu et place de la neutralité religieuse républicaine, c'est la méconnaissance du principe qui anime les religions qui a été inculquée. Les exemples de dévotion et d'attachement au ritualisme de la société abondent. A commencer, je le répète, par l'argument de la modernité sans cesse répété, qui ne fait qu'exprimer un sentiment religieux.

    A commencer par la musique, synonyme de religion, qui a désormais tous les droits. Et l'imagerie pieuse, c'est-à-dire les clichés ? Ils n'ont jamais été aussi envahissants. Qui ne possède un appareil photographique, lui permettant de se fabriquer ainsi autant d'images pour conforter son narcissime, quand le soupçon lui vient que son existence pourrait bien être parfaitement vaine ?

    Tous les gadgets technologiques activent une fonction religieuse essentielle, et sans laquelle il n'y a pratiquement pas de religion possible : la croyance dans une âme séparée du corps. Sondez l'âme d'un tueur en série ou d'un soldat, et vous y retrouverez cette dichotomie. Un charlatan moderne, qui se fait passer pour un "mage" auprès de ses fidèles, énonce à juste titre que le paradis est au coeur de l'inconscient. Ce qu'il oublie de dire, c'est que cet inconscient est entièrement hypothétique, d'une part, et d'autre part qu'il reflète chez ceux qui s'y soumettent une pulsion religieuse dans laquelle on reconnaît aisément l'effet secondaire de la technocratie. Un mécanicien ou un juriste sera le plus persuadé de l'autonomie de l'âme, puisqu'il fabrique des machineries ou des systèmes sur ce modèle.

    A ce niveau d'aliénation consentie, il est possible d'admettre les robots dans le genre humain. A ce niveau, le mage ou le programmateur a tout pouvoir de manipulation. C'est ce qui rend d'ailleurs les hommes plus réticents à la psychanalyse que les femmes : ceux-ci ont une meilleure conscience du caractère de viol, rituel dans le meilleur des cas, que l'intrusion du psychanalyste dans l'âme du patient constitue. On peut dire que la patiente du psychanalyste a raté ses noces avec la vie, et que le médecin de l'âme, s'il est honnête et efficace, lui permettra de faire de nouvelles épousailles.

    On se situe là encore, bien sûr, sur un terrain religieux. La raison qu'ont les hommes d'être réticents au mariage comme à la psychanalyse est même historique : à l'origine, le mariage n'est pas conçu principalement pour eux. L'Eglise catholique romaine est sans contestation possible l'institution qui a le plus oeuvré en faveur du féminisme, en "christianisant" cette institution païenne, ce qui a eu pour effet de soumettre les hommes à un principe auquel ils n'étaient pas soumis auparavant, dans la religion païenne. Achille, qui incarne chez Homère une religion existentialiste démodée selon cet historien, a le choix entre le mariage et le bonheur d'une part, ou la guerre et la gloire de l'autre ; sans hésiter il choisit la seconde alternative, qui lui permet de s'accomplir en tant qu'homme.

    L'idée que les femmes sont plus pures et chastes que les hommes, contredisant parfaitement la mentalité païenne voire juive, qui identifie les femmes au sexe, cette idée est le produit de l'idéologie catholique romaine, dans la continuité de laquelle s'inscrit l'éthique républicaine. Bien sûr il n'est plus question de vanter la chasteté des femmes, suivant la littérature cléricale la plus médiocre, mais plutôt l'indépendance sexuelle de la femme, aussi hypothétique que la chasteté féminine dans un monde régi par l'argent : ce changement ne tient qu'à des raisons économiques, et au fait qu'on ne capture pas les mouches avec du vinaigre.

    Enfin, à ceux qui ne sont pas convaincus par mon propos de la mise entre parenthèses de l'histoire au cours du XXe siècle (forcément provisoire), tous régimes politiques confondus, et l'aliénation religieuse que ce phénomène implique, j'aime bien en faire "la preuve par Cabu". En effet, je tiens ce caricaturiste pour le plus éloigné de la fabrique d'images pieuses, dites encore d'Epinal, à quoi l'art moderne s'applique au contraire, avec un scrupule religieux qui force parfois le rire, puisque Louis XIV en personne l'aurait trouvé beaucoup trop conventionnel pour l'agréer. Bien qu'abstraits et faits pour méduser le peuple, les jardins de Lenôtre sont une coupure moins grande entre la culture populaire et celle de l'élite que les colonnades tronquées de Buren.

    Bref, Cabu, tout en faisant une part bien moins grande à la religion et aux conventions, ne semble pas voir l'obscénité religieuse des valeurs républicaines qui l'environnent, un peu comme s'il ôtait ses oeillères pour dessiner, et faisait l'âne tout le reste du temps. Pire, il participe aux attaques contre l'islam, dont le principal objectif n'est pas d'attaquer l'islam, selon moi, mais d'affirmer la liberté d'expression, de la poser comme un dogme. Alors même qu'il est difficile de faire de la religion musulmane en France, autre chose qu'une contre-culture. Le besoin d'une contre-culture se fait sentir dans les jeunes générations, dès lors que le culte dominant ne donne plus satisfaction, c'est-à-dire qu'il ne joue plus son rôle rassurant. Comment peut-on faire passer les caricatures danoises de Mahomet pour une double manifestation de la liberté d'expression et de la critique religieuse ? La tactique ressemble à s'y méprendre à celle qui consiste pour les Etats-Unis à ménager la possibilité d'un "choc des cultures", manière moderne de prêcher la croisade, sous le couvert de l'étude sociologique. Il n'y a pas que la guerre qu'on prépare sous couvert de la paix, mais aussi la mobilisation générale, à quoi sert la culture.

    Si l'on veut comprendre pourquoi il n'y a pas de blasphème dans le christianisme, à tel point que Jésus et les apôtres sont traqués comme des blasphémateurs, la réponse est simple : il n'y a pas de culture chrétienne possible. Autrement dit le christianisme, contrairement à la plupart des religions ou des cultures, ne justifie pas le chrétien. Comme Job se plaignait à son dieu qu'il se montrait bien peu secourable et coopératif, comparé à d'autres dieux païens (sur le modèle desquels la Marianne du culte républicain est copiée), les chrétiens pourraient interroger leur dieu afin de savoir pourquoi il se manifeste aussi peu, par comparaison à la puissance nucléaire ou la sécurité sociale de tel ou tel Etat gigantesque, si la réponse n'était pas écrite noir sur blanc dans le nouveau testament, d'une manière qu'on peut résumer ainsi : ce qui nous rassure finit toujours par nous tuer.

    L'invincibilité de la religion et celle de la mort sont identiques. Défier la mort ou la religion revient au même. Le calme, le luxe et la volupté que promet la culture, n'ont jamais régné que dans les cimetières.

    Si le serpent figure la culture de vie païenne dans la Genèse, c'est-à-dire la religion, comme certains peintres de la Renaissance l'ont bien compris, c'est bien sûr qu'il ne peut pas exalter autre chose que l'éthique ou la vertu, principes les mieux faits pour éprouver la jouissance. Montrer le revers de la médaille (la rançon de la chute), aurait dissuadé Adam et Eve de se frotter à l'épreuve de l'incarnation. Quel médecin avouera à son patient qu'il ne fait que retarder le moment de sa mort, pour la raison la plus religieuse possible, c'est-à-dire parfaitement obscure.

    Si Samuel Johnson attribue l'invention du libéralisme au diable, c'est précisément parce que le libéralisme, sur le plan psychologique, inculque la culture de vie comme jamais auparavant aucune religion ne l'avait fait, persuadant ceux qui le subissent qu'ils sont déterminés par la vie, quand c'est dans un puissant mouvement macabre que l'économie libérale trouve son impulsion. Le libéralisme est con comme un toubib. Si le libéralisme a triomphé du nazisme et de l'empire soviétique, c'est pour la raison qu'il est un socialisme plus puissant, qui dissimule mieux les devoirs qu'il impose en échange des droits qu'il accorde. Mais Satan n'en demeure pas moins maître de ce genre de pacte.