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  • Is Shakespeare Dead ?

    ...est le titre de la petite thèse humoristique baconienne de Mark Twain.

    L'hostilité des Anglais à la remise en cause de la biographie officielle de Shakespeare, aussi creuse soit-elle, ainsi que l'Américain Twain s'amuse à le souligner, s'explique aisément. Les Britanniques ont intégré au folklore national le moins patriotique et le moins nationaliste de tous leurs littérateurs.

    Qui plus est, le choc entre Shakespeare et la culture anglaise est frontal, quasiment aussi violent que le choc entre le Christ et la culture juive. Par conséquent, l'obscurité et l'énigme dans laquelle est largement plongée l'oeuvre de Shakespeare sert probablement la légende nationale anglaise.

    L'hostilité de l'université française à cette remise en cause est plus surprenante. On peut penser que la rivalité de la France et de l'Angleterre aurait pu inciter les Français à piétiner la légende dorée anglaise. Il n'en a rien été. Il faut dire que les élites intellectuelles françaises ont longtemps été fascinées par l'Angleterre, reconnaissant dans ses institutions politiques un modèle, précisément là où Shakespeare dénonce un vice, mettant un terme définitif à l'illusion du progrès social véhiculée par le clergé chrétien. Autrement dit, les universités occidentales sont largement occupées depuis le moyen âge à faire la démonstration de la supériorité de la civilisation occidentale (c'est là leur véritable but, non pas la science), tandis que Shakespeare illustre au contraire la nature particulière de la barbarie occidentale, qui tient à la conjonction de deux élans radicalement opposés - d'une part le "droit naturel" païen, d'autre part l'amour chrétien, parfaitement incompatible avec le premier. Pour le dire de façon plus imagée, le Christ fait le chemin inverse du chemin parcouru par Adam, et de même la voie du salut choisie par les fidèles qui composent l'Eglise est à l'opposé du pacte passé par Eve avec Satan. Ce que les élites intellectuelles occidentales s'efforcent de dissimuler, à savoir la nullité de la civilisation occidentale, Shakespeare ne le dérobe pas à la vue de ses lecteurs ; c'est le sens symbolique de la tenture derrière laquelle Polonius est dissimulé, et que Hamlet transperce d'un coup d'épée. La pointe de la science contre le filet de la rhétorique.

    Petite parenthèse pour expliquer pourquoi certains satanistes, à commencer par F. Nietzsche, mais aussi S. Freud, ont pu être fascinés par Shakespeare. Ce dernier met à mal la figure du diable, telle qu'elle fut peinte par la théologie catholique au moyen âge, et qui en réalité n'est pas chrétienne mais platonicienne, et il restaure l'authentique conception juive et chrétienne de Satan, comme le dieu de la vertu, c'est-à-dire à la fois le plus intransigeant et le plus prodigue des dieux. D'une certaine manière, on entend beaucoup moins parler du diable dans les pièces de Shakespeare que dans les fables du moyen âge. Horatio ne veut pas suivre son ami Hamlet qui va à la rencontre du spectre, craignant le diable. Naïf Horatio, qui ignore que le diable demeure en chacun de nous. Cependant il n'y a aucune pièce de Shakespeare qui ne nous montre l'action de l'antéchrist dans l'histoire, en cela beaucoup plus proche des explications de l'apôtre Paul que des sommes théologiques médiévales.

    Autrement dit Shakespeare ne donne pas une explication psychologique du diable, puisqu'il montre que c'est au contraire Satan qui gouverne la psyché, la volonté inflexible du tyran comme le petit miroir fragile d'Ophélie. En cela Shakespeare est beaucoup plus proche des explications fournies sur Satan par son porte-parole Nietzsche, concevant à juste titre et suivant une formule qu'aucun juif ou chrétien ne peut sérieusement lui contester, l'art comme un mode d'expression satanique. Mais Shakespeare est très loin d'exalter ainsi que Nietzsche la vertu comme la seule et unique force ayant un ascendant sur l'homme. Shakespeare brosse le portrait d'un homme traversé en même temps par le besoin impérieux du bonheur et par la capacité contradictoire de sacrifier cet état de satisfaction médiocre à quelque chose de plus grand, et non seulement une illusion comme le pense Nietzsche, peignant un tableau de l'antiquité destiné à conforter sa démonstration d'un âge d'or antique, prométhéen, relevant exclusivement du droit naturel et du nombre d'or 666.

    L'anthropologie de Nietzsche ne l'accule pas à une philosophie naturelle aussi bancale que le darwinisme, qui a la particularité d'être la "science humaine" la moins apte à rendre compte rationnellement de la condition humaine. Contrairement à la doctrine de Nietzsche, le darwinisme contribue à la justification de l'esclavagisme moderne, en particulier à l'idée que "le travail rend libre". Mais l'anthropologie de Nietzsche accule son auteur à une thèse historique on ne peut plus fragile, consistant à décrire les deux millénaires (de décadence) écoulés comme la conséquence des fantasmes répandus par les prophètes juifs et chrétiens parmi les peuples.

    Quant à Bacon, il formule, lui, une version plus laïque de l'influence de Satan sur le monde et de l'activité de l'antéchrist, celle de l'ignorance apparemment invincible de l'homme, son emprisonnement dans les limites de l'art, et l'impossibilité de sortir du labyrinthe des déterminations complexes où il se trouve perdu à la naissance. Plus les siècles passent, plus la possibilité d'une vérité semble s'éloigner. Plus l'homme feint de s'agiter au service de la science, comédie jouée en permanence par ce grand cocu qu'est l'homme moderne, plus l'homme semble s'enliser dans le marécage de l'ignorance.

    Cette description est proche de la "bipolarité" de l'homme soulignée par Shakespeare, comme étant soumis à deux forces opposées, et qui explique par exemple comment il peut être à la fois l'animal le plus faible de toute la création, le moins bien naturellement pourvu, tout en étant capable de dominer toutes les espèces concurrentes (parler de l'intelligence de l'homme pour justifier une telle position, c'est renoncer à expliquer cette contradiction). Or cette contradiction essentielle est sans doute la meilleure explication qui soit de l'incapacité des sociétés humaines à effectuer un quelconque progrès scientifique, et même social, puisque la quête du bonheur où se situe environ aujourd'hui l'idéal politique, est la caractéristique des civilisations sous-évoluées, tandis que l'on peut dire au contraire que les plus hautes civilisations, ayant atteint un niveau de bonheur ou d'équilibre suffisant, passent plus de temps à jouir qu'à courir après le bonheur. Le bonheur n'existe dans les temps totalitaires où nous sommes, annoncés par Shakespeare, que comme une vitrine ou une cinématographie, un slogan dont les élites politiques ne peuvent se départir sous peine que leur légitimité à diriger les peuples s'en trouve réduite à peau de chagrin. Que l'on prive les gouvernements occidentaux des paradis artificiels qui permettent de maintenir une bonne partie des peuples dans un état de léthargie, et le risque de révolution s'en trouvera augmenté, c'est-à-dire de dépit d'une politique si orgueilleuse qu'elle ne se connaît pas elle-même.

    Néanmoins Shakespeare montre qu'on exercera en vain sa vengeance sur Claudius, Gertrude et leurs serviteurs. C'est bien assez de déjouer leurs ruses ; et c'est perte de temps que de désirer des potentats honnêtes - la vie est trop courte pour poursuivre ce genre d'illusion, au détriment de la vérité et de l'amour. Un peuple sage, plein de sang-froid, mettrait un terme définitif à la nécessité de la politique et de l'ordre social, exactement comme l'égalité entre les hommes et les femmes mettrait un terme à la sexualité, c'est-à-dire que la volonté de démocratie véritable, comme celle d'égalité entre les hommes, ne trouvent pas de consistance en dehors de mensonges religieux.

  • De Shakespeare à Sollers

    Dans un article récent, P. Sollers décerne aimablement à Shakespeare le titre de "plus grand tragédien de l'Occident", avant de se pencher sur la personnalité énigmatique de l'auteur, que très peu d'éléments factuels permettent d'identifier, ainsi que le souligne Mark Twain dans une petite pièce comique.

    L'abondance à peine croyable des sources de Shakespeare, tant historiques que littéraires, mythologiques, bibliques, chrétiennes, juridiques, astronomiques, folkloriques, géographiques, etc., qui procurent à l'oeuvre du tragédien anglais son exceptionnelle densité, suffisent à forger la conviction du journaliste américain qu'un jeune acteur de province, aussi doué soit-il, ne peut en être l'auteur.

    L'opinion de P. Sollers est tout ce qu'il y a de plus banal ; on sait que les plus grands noms de la littérature occidentale ont tenté de se hisser au niveau de Shakespeare, Voltaire ou Hugo pour ne citer qu'eux. Pour se limiter au périmètre de la France, Molière et Balzac en sont sans doute les plus proches. Molière en raison du caractère antisocial de son propos, le plus dissuasif d'espérer quelque chose de la société en termes de vérité. Balzac parce qu'il appartient au genre mal nommé du "fantastique chrétien", mal nommé puisque c'est l'utopie politique qui est, du point de vue réaliste de Balzac, le rêve ou le néant vers lequel se précipitent les sociétés, et la nouvelle fiction susurrée à l'oreille des peuples par la bourgeoisie en guise de religion. Elle consiste simplement à conférer à l'au-delà une fonction politique qu'il n'avait pas, ou qui était plus restreinte dans l'antiquité. La démocratie est une sorte de paradis ouvert à tous. Shakespeare, Molière et Balzac ont en commun d'être des négateurs de "l'au-delà", dont ils illustrent la dimension psychologique triviale. Aucune société ne peut se passer de l'exaltation mystique de la chair, suivant la tournure d'esprit qualifiée dans le judaïsme et le christianisme de "fornication" (cf. Swedenborg, où Balzac a trouvé une partie de son inspiration), pas même les sociétés bourgeoises puritaines, qui l'exaltent bien plus encore, exactement comme le masochisme est une quête de plaisir plus mystique que la recherche d'une satisfaction ordinaire.

    Shakespeare a aussi des adversaires, voire des ennemis, et leur propos est parfois plus éclairant sur Shakespeare que celui d'admirateurs aveugles. C'est sans doute pour le parti de la "franc-maçonnerie chrétienne", expression qui permet de désigner le large usage du christianisme en Occident, à des fins élitistes et politiques, que Shakespeare est le plus dérangeant, car il n'a de cesse de peindre les hommes d'Eglise au service des princes et monarques chrétiens comme des suppôts de Satan, ou des imbéciles "arroseurs arrosés", s'agissant de théoriciens plus idéalistes (Th. More). Et cette peinture saisissante s'accompagne d'une dénonciation drastique de la culture médiévale, qui procède de l'amalgame entre le paganisme (néo-platonisme) et le christianisme. Autant dire que Shakespeare ouvre une voie d'eau dans la théorie de la nef occidentale battant pavillon chrétien - une voie d'eau qui n'est pas tant faite pour détruire le navire que pour permettre aux voyageurs de s'en échapper.

    La piste du génie de Shakespeare, suivie par Sollers pour tenter de retrouver l'auteur, comme on résout une devinette, n'est pas la bonne. En effet, Shakespeare n'a rien d'un génie. C'est le moins original des auteurs. Le génie ne sait pas ce qu'il fait, parfois il n'a même pas la maîtrise de ses actes ; tout au plus, quand il a survécu à son génie, le génie en comprend-il a posteriori la portée. Les génies, les grands, demeurent incompris des foules qui les admirent, les croyant forts, alors qu'ils savent, eux, au contraire, qu'ils sont plus petits que l'art qu'ils ont pratiqué. Les grands génies ne peuvent que s'incliner devant la nature, dont ils sont les porte-voix. En matière d'histoire, le génie n'est d'aucune utilité. Rechercher la signification des événements du passé ne permet pas de guérir l'homme des passions qui l'ont conduit à commettre des erreurs, et qui, les siècles passant, le conduisent à répéter les mêmes erreurs en pire, suivant le principe qui veut que, quand on n'avance pas, on recule. Avec le temps, synonyme de perspective, l'erreur humaine ne fait que s'aggraver, et la culture refléter de plus en plus le prisme humain. L'histoire ne se conçoit que comme prophétie, et Shakespeare est un prophète pour les temps reculés où nous sommes.

     

     

  • Le Christ anarchiste

    Tout l'effort de l'anthropologie chrétienne (le christianisme à vocation sociale) consiste à ramener l'amour de dieu à la portée des hommes, alors qu'il n'est pas à leur portée.

    Par voie de conséquence, l'idéologie de dieu entraîne l'athéisme, progrès de la conscience mondaine effectué surtout au cours de l'ère dite "chrétienne" et des civilisations étiquetées ainsi par des anti-historiens auxquels Shakespeare oppose sa mythologie.

    L'effort de l'anarchiste chrétien consiste à desserrer l'étau de l'anthropologie chrétienne et des certitudes modernes sur la conscience humaine ; faute de quoi il vaudrait mieux qu'il ne fut pas né, c'est-à-dire qu'il ait enduré les épreuves de la vie pour un néant plus paisible que l'existence.

     

  • Le Destin

    "Deviens toi-même !", dit l'antéchrist pour indiquer la voie du destin ; c'est-à-dire rejette les injonctions de la société des hommes, pour obéir à des injonctions plus naturelles.

    Il y a deux raisons opposées pour s'écarter du destin : la peur, d'une part, car la société et la culture sont une promesse de sécurité, une assurance-vie ; et, à l'opposé, le goût de la liberté, car la voie du destin est largement obscure. La preuve, beaucoup la suivent se disant chrétiens, alors qu'ils sont fidèles de Satan. Et peu de fidèles de Satan se demandent comme Aristote s'il n'y a pas une force supérieure à celle du destin dans l'univers. 

  • Apophtegme

    Une thèse mensongère de Nietzsche est l'imputation de l'idéologie du progrès politique et social au christianisme. Autrement dit l'idéal égalitaire, qui aurait paru absurde au temps de la civilisation antique et de philosophies politiques plus écologiques, serait un "apport chrétien", néfaste selon l'apôtre du retour à la raison païenne, car facteur d'anarchie en incitant l'homme à revendiquer plus que la part que la nature, source unique du droit, lui réserve.

    Cette thèse superficielle se renforce presque exclusivement de la preuve que de nombreux chrétiens ont la prétention, formulant des propositions sociales chrétiennes, de faire le royaume du Christ sur la terre, autrement dit pour employer une phraséologie plus moderne, prétendent qu'il existe une "anthropologie chrétienne" (Joseph Ratzinger), ou encore que les chrétiens ont part à la civilisation. La religion chrétienne se caractérise au contraire par l'absence d'intérêt pour l'homme et la satisfaction de ses besoins naturels, c'est-à-dire pour l'homme en tant qu'animal politique, ce qui fait toute sa difficulté spirituelle - une difficulté que rencontre la science dès lors qu'elle s'élève au dessus de la recherche de moyens techniques.

    Il n'est que de lire les évangiles, ou seulement les paraboles de Jésus-Christ, pour constater l'indifférence du Christ aux questions sociales qui lui sont posées. On voit dans la Bible le peuple juif fuir la civilisation, symbolisée par l'Egypte, pour gagner une "terre promise" dont la signification est spirituelle. Les chrétiens ne font pas le chemin inverse, puisque le Messie est encore plus net sur le caractère spirituel du message divin, octroyé à l'homme pour faire son salut en dépit des déterminations du monde, bousculant au passage l'éthique juive pharisienne, subversive du sens de l'histoire indiqué par les prophètes juifs.

    La thèse du socialisme, nouveau déguisement de la morale chrétienne, la plus abstraite et nihiliste de tous les temps, repose donc surtout sur la prétention de nations ploutocratiques à se dire "chrétiennes". L'invention de l'anthropologie chrétienne est le propos le plus subversif qui soit du message évangélique. Plutôt que de nier que l'histoire à un sens, à l'instar de Nietzsche et de sa vaine tentative de restauration du bonheur antique, les athées ou néo-païens feraient mieux de se demander d'où vient la nécessité pour des nations ploutocratiques de se réclamer du christianisme avec autant d'insistance, quand bien même elles forment par leurs actions visant à dominer le monde, le plus bel exemple de l'hypocrisie des doctrines sociales chrétiennes ?

    Au cours de l'ère dite "chrétienne", formant un parti réfractaire à la doctrine sociale chrétienne dominante, bénéficiant de moyens de propagande extraordinaire, se sont toujours élevées des voix chrétiennes contre le "discours social chrétien", soulignant son caractère subversif.

    Francis Bacon Verulam, célèbre savant chrétien promoteur du progrès scientifique, a ainsi écrit de nombreux aphorismes destinés à illustrer sa démonstration que le progrès de l'esprit humain, englobant la métaphysique afin de ne pas réduire la portée de la science à la simple ingéniosité technique, ce progrès ne pouvait avoir de bénéfice au plan politique. La révélation chrétienne est de même exempte d'applications sociales, morales ou politiques dans ce monde, suggère également Bacon, conscient que la vanité de l'Occident repose sur une vantardise d'un progrès qui n'en est pas un.  

    "Quand l’empereur Vespasien quitta la Judée pour s’en aller prendre possession de l’Empire, il passa par Alexandrie, où demeuraient les deux fameux philosophes Apollonius et Euphrates. Alors que devant une importante assemblée il les eut écoutés discourir longuement du gouvernement politique, à la fin lassé de leur dispute il se retira. Mais en s’en allant il ne put s’empêcher de se moquer d’eux, ayant trouvé leurs discours un peu trop spéculatifs, et impossible à mettre en oeuvre. Ainsi dit-il pour les blâmer : - Je voudrais, dit-il, pouvoir gouverner des hommes sages, ou qu’eux-mêmes me gouvernassent."

  • Destin ou hasard ?

    J'ai pu observer chez de nombreux artistes modernes une étonnante soumission au hasard, comme à une détermination libératrice, opposée à celle du destin, dont les artistes conservateurs mettent au contraire la puissance en avant, incitant pour cette raison à une culture de la maîtrise ou du savoir-faire.

    Cette soumission au hasard est un élément-clef de la soumission au régime de droit totalitaire. G. Orwell fait justement observer que les intellectuels perçoivent moins le totalitarisme et ses effets que les gens ordinaires. Il y a bien entre l'intellectualisme et le hasard une relation. L'intelligence dont les intellectuels se vantent ou qu'on leur prête abusivement est une intelligence fonctionnelle. Les mathématiques et la science juridique sont les terrains où cette intelligence fonctionnelle trouve à s'appliquer. Un savant, voire un artiste, sachant mieux combien la perspective humaine est un obstacle à la connaissance scientifique, combien la réalité est difficile à concevoir pour l'homme, hésitera beaucoup plus à se dire "intellectuel", sachant la mauvaise qualité de l'outil "intellectuel".

  • Le Christ anarchiste

    A la station "Assemblée nationale", "Fuck-off the Society", un slogan anarchiste dans la langue de Shakespeare. Sur un panneau publicitaire, ce serait encore mieux visé, puisque la pub est la poésie sociale du moment la plus forte.

    Qui se dit dégagé de l'influence de la publicité ignore sans doute à quel point elle gouverne le monde, combien par exemple de sciences bénéficient d'une promotion exagérée. Mieux vaut mesurer sur soi l'influence exacte de la publicité pour en combattre plus efficacement les effets.

    Dieu est totalement absent des mondanités, rebaptisées "questions sociales" dans les temps modernes, et c'est pourquoi Paul de Tarse affirme que les oeuvres chrétiennes ne conduisent pas au salut. Le terrain social est un terrain où le christianisme ne peut pas s'exprimer, et ne s'exprimant pas il conduit à une société totalitaire, telle que la démocratie-chrétienne américaine en est l'exemple le plus perfectionné.

    Seuls les chrétiens ont assez de force pour venir à bout de la société, et cela passe par la dénonciation des nations dites "chrétiennes" et de leur plan de fornication à l'échelle universelle, annoncé par les évangiles.

  • Apophtegmes

    "Bion l’Athéiste examinait dans un Temple de Neptune quelques portraits de marins rescapés d’un naufrage, grâce à des prières adressées à Dieu. Comme on lui demandait à ce propos si cela ne lui suffisait pas pour admettre l’existence des puissances célestes ?

    - Certes, répondit-il, si l’on pouvait me montrer de même les portraits de ceux qui, en dépit de toutes leurs prières, n’ont pas échappé à la mort."

    Francis Bacon Verulam montre ici subrepticement que les pratiques chrétiennes communes ne diffèrent pas des pratiques, rituels et prières païens. D'autre part que cette religion superficielle renforce l'athéisme, qui n'a pas de mal à ridiculiser ces pratiques. Ailleurs Bacon ajoute : '"un peu de philosophie rend athée, mais qu'une sagesse plus profonde en dissuade".

    Cette méthode qui consiste à pointer la superstition dans certains cultes païens, tout en laissant voir leur coïncidence avec les pratiques modernes religieuses encouragées par le clergé catholique, est celle de Shakespeare dans de nombreuses pièces, en particulier celles qui puisent leur sujet dans l'Antiquité. Dans "Troïlus et Cressida", en montrant la trivialité des mobiles dissimulés derrière l'argument de l'amour courtois, du patriotisme, de l'honneur et du courage militaire, Shakespeare critique d'abord le néo-paganisme chrétien, qui constitue le fondement indécrottable de la culture occidentale, du moyen-âge jusqu'à aujourd'hui, et sans doute la fin des temps.

    Dans le monde moderne, les chrétiens fidèles se situent hors de la matrice, et donc de l'Eglise à prétention universelle soutenue par un complot de veuves et de pharisiens "judéo-chrétiens". Il est exigé que nous imitions aussi le Christ dans sa prudence vis-à-vis des impostures et trahisons du christianisme, qui n'épargnèrent pas les proches apôtres avant qu'ils ne reçoivent l'appui de l'Esprit.

     

    "Un jour que Bias [de Priène] faisait voile, une grande tempête survint pendant laquelle les marins, qui étaient des hommes fort dissolus, se mirent à invoquer leurs dieux. S’en étant aperçu, Bias leur dit : - Taisez-vous, marauds, et faites en sorte qu’ils ne sachent pas que vous êtes ici, de peur que nous périssions !"

    F. Bacon

  • Manif pour tous

    Deux ou trois aphorismes du grand penseur humaniste Francis Bacon concernant les oies romaines de la "Manif pour tous", qui cacardent contre le mariage homosexuel et ont la prétention de voler au secours d'une civilisation déjà éteinte depuis longtemps.

    "Caton l'Aîné aimait à dire que les Romains ressemblent à des brebis, qu'il est plus aisé de mener par troupeaux que d'en conduire une seule."

    Comme la contribution la plus évidente de ces chrétiens lucifériens (qui mettent les écritures saintes au service de leurs intérêts politiques) au mensonge est l'invention d'une éthique démocratique et d'une politique hypocrites - la ploutocratie allemande s'avançant derrière l'argument de la démocratie-chrétienne, ajoutons deux apophtegmes concernant la statistique moderne totalitaire, présentée parfois comme un progrès.

    "Comme Lycurgue s'occupait de réformer l'Etat de Lacédémone [Sparte], un des magistrats à titre de conseil suggéra de le transformer en un régime populaire égalitaire ; outré par la sottise d'une telle proposition, Lycurgue répondit : "Monsieur, commencez donc d'appliquer cette maxime dans votre maison, et ensuite nous essaierons de vous imiter." 

    "Phocion d'Athènes, homme d'une grande sévérité et dont la volonté ne ployait jamais sous la pression de la foule, s'aperçut un jour que ce monstre à cent têtes l'applaudissait à cause d'une harangue qu'il avait faite en public ; alors, se tournant vers un des ses amis : - Ai-je dit une ânerie, lui demanda-t-il, ou bien est-on en train de s'offenser de mes paroles ?"

  • Mariage pour tous

    Le "Mariage pour tous", qui oppose les partisans du mariage procréatif aux partisans du mariage de convenance, dit "mariage d'amour" dans la société libérale, est emblématique de la cacophonie idéologique mondaine qui règne ; "mondaine", car l'enjeu du débat est politicien.

    Je me suis amusé à imaginer comment quelques docrinaires ou théologiens fameux auraient réagi à ce débat truqué ; et même le Christ, qui envoie paître le complot de pharisiens et de veuves avec leurs "questions de société" (impôts, mariage, adultère, etc.)

    - Nietzsche (les arguments civilisationnels de la "Manif pour tous" sont nietzschéens) : "L'éthique moderne accomplit l'inversion des valeurs, détruisant ainsi la culture de vie païenne. L'homme ne crée rien de plus fort que la Nature."

    - Karl Marx : "La "Sainte Famille" n'a rien d'un modèle social."

    - Platon (la doctrine catholique romaine est une doctrine platonicienne) : "Les gays sont les plus aptes à s'occuper des questions politiques car ils ne peuvent pas se marier."

    - Martin Luther : "Le mariage chrétien n'a aucun fondement évangélique."

    - Shakespeare : "L'amour de Roméo et Juliette repose sur un malentendu aux conséquences tragiques."

    - Le Christ : "La chair est faible."

    Il n'est guère difficile pour un chrétien de deviner qui est "le dieu de la fornication", c'est-à-dire de l'attribution à des actes répondant à un besoin naturel d'une aura mystique dont le message évangélique les prive absolument. Le slogan selon lequel "le travail rend libre", sur lequel reposent toutes les sociétés totalitaires reposent renferme le même esprit de fornication. Le prêtre catholique n'a pas de vocation sociale, mais celle de dire la vérité, qu'aucune société ne peut se permettre de regarder en face.

     

  • Du Progrès

    Le progrès est comme dieu : on en parle beaucoup, mais nul ne peut en rapporter la preuve. Le progrès démocratique, c'est comme de prétendre que les poux sont des animaux supérieurs aux lions (dixit Clemenceau), ça ne tient pas debout.

    En art comme en politique ou en droit, tout n'est qu'imitation de la nature plus ou moins subtile ; les trous noirs sont seulement susceptibles d'avaler l'univers dans les rêves de technocrates débiles.

    En même temps qu'ils sont improbables, dieu et le progrès sont la seule issue véritable pour l'homme ; car si "tout est sexuel", la vie ne vaut vraiment d'être vécue que pour les insectes et les bourgeois, les poètes auteurs de refrains totalitaires : "Y'a d'la joie !"