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roger bacon

  • Le vrai François Bacon

    L'hypothèse selon laquelle François Bacon pourrait avoir écrit les pièces signées Shakespeare est écartée avec dédain par Michèle Le Doeuff, spécialiste française officielle de F. Bacon (fac de Toulouse). Mais les commentaires sur Bacon de Mme Le Doeuff s'avèrent sur de nombreux points parfaitement baroques et grotesques ; par exemple :

    - Etant féministe, Mme Le Doeuff transpose sur l'objet de son étude sa fantaisie féministe alors même que le féminisme est une variété de sexisme qui n'a de sens que dans un contexte politique récent, la plupart des "droits" acquis par les femmes occidentales ou nord-américaines l'ayant été du fait de l'industrialisation massive et de la généralisation du salariat. Le seul intérêt du féminisme de Mme Le Doeuff est qu'il la conduit à dénoncer le pillage par le "misogyne" Gaston Bachelard d'une partie de l'oeuvre de Bacon. Il faut ajouter que ce pillage est d'autant plus contestable que les délires scientifiques de Bachelard s'écartent complètement de la rigueur scientifique souhaitée par Bacon (dont Marx peut plus légitimement revendiquer la paternité).

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    - Plus grave, dans la mesure où cette assertion est devenue un lieu commun sur Bacon (dont J. Ratzinger s'inspire probablement pour s'en prendre de façon inepte et inique à François Bacon dans une encyclique récente), M. Le Doeuff propage l'idée selon laquelle François Bacon serait un des pères fondateurs de la science moderne. Il n'est pourtant pas difficile de prouver que la science de François Bacon est beaucoup plus proche de celle de son homonyme Roger Bacon, moine franciscain du XIIIe siècle, que de la science de Descartes ou d'Isaac Newton, bien peu expérimentales contrairement à la légende dorée de ces deux rhétoriciens (tels sont-ils qualifiables du point de vue de la science matérialiste ; la science d'Einstein ou de Bergson aurait d'ailleurs certainement fait beaucoup rire François Bacon). Descartes prétend il est vrai s'inspirer en partie de Bacon ; mais il prétend aussi s'inspirer d'Aristote qu'il n'a pas vraiment compris, pas plus que le savant nazi Heidegger plus récemment. L'expression de "science expérimentale" est destinée à faire avaler le mythe de la neutralité de la science laïque, bien qu'il ne soit pas difficile de constater qu'Aristote ou Ptolémée font beaucoup plus appel à l'expérimentation que Freud ou Bachelard.

    Son propre statut entraîne Mme Le Doeuff à occulter elle-même deux faits concernant la science actuelle : primo celle-ci est dans une large mesure une science de fonctionnaires financée par de grands groupes industriels et donc complètement étrangère aux voeux formulés par François Bacon ; secundo la science a pris la place que la théologie occupait au moyen âge et remplit un rôle religieux désormais en contradiction complète avec l'intention de Bacon. La meilleure preuve ce sont les cris d'orfraie que déclenche à la télévision la simple affirmation que le darwinisme est une pièce essentielle de l'idéologie nationale-socialiste, comme du capitalisme désormais.

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    - On peut supposer -même si elle n'en fait pas état-, que Mme Le Doeuff est athée étant donné la légèreté avec laquelle elle interprète ou relègue le christianisme de François Bacon qui est au contraire un axe essentiel de la science de Bacon, si ce n'est l'axe principal.

    C'est un point particulièrement intéressant ; il permet de comprendre mieux la dimension religieuse qu'occupe la polytechnique aujourd'hui. Si des savants aussi différents que Bacon, Newton ou Galilée doivent être purgés de leur christianisme au prix de mensonges grossiers (Newton est sans doute un des savants les plus "religieux", dans le mauvais sens, de tous les temps, et cela bien que ses connaissances en théologie sont déficientes), c'est pour mieux les intégrer à un corpus scientifique laïc prétendument neutre.

    Comment comprendre que l'université laïque et le pape s'entendent aussi bien, l'une pour déformer, l'autre pour dénigrer François Bacon ? L'explication en est très intéressante. Si la théologie de Bacon est minimaliste dans la forme c'est parce que, précisément, selon le savant anglais, la scolastique a pour effet de dénaturer le sens des Saintes Ecritures dans une très large mesure, de les enfouir sous des tombereaux d'explications plus ou moins gnostiques, non de les mettre en valeur. Les circonvolutions de l'histoire font que l'anticléricalisme de Bacon, désormais que l'Eglise n'est plus qu'un grand cadavre tout à fait froid, transposables à la science universitaire laïque. Typique l'exemple de la biologie quand on observe ne serait-ce que la phraséologie d'un Stephen Gould dans le domaine du transformisme. L'observation de Marx à propos de la scolastique de Duns Scot, selon laquelle ce genre de science fait autorité par son seul poids d'encre et de papier vaut pour les massifs traités de Gould qui empile des considérations quasiment juridiques sans jamais fournir d'explication univoque aux mutations ne serait-ce que légères observées dans certaines espèces animales.

    La science universitaire, on le constate, renouvelle l'attentat de la scolastique contre les Saintes Ecritures en général et l'apocalypse en particulier en enterrant la science physique sous des tombereaux de commentaires frappés au coin des préjugés de leurs auteurs. Karl Marx et Simone Weil se voient confirmés dans leur affirmation que la religion de l'Etat qui est inévitablement celle de ses fonctionnaires, mais pas seulement, est un opium plus fort encore que celle de Rome.

  • Créationnisme

    C'est le même mouvement qui pousse le pape à condamner la science positiviste de Roger ou Francis Bacon, de Karl Marx, et à admettre en revanche les hypothèses débiles de la science capitaliste, l'évolutionnisme en tête.

    Les "repentances", quels que soient les hypocrites qui les signent ou les contresignent, en faveur des noirs, des Juifs, des Arméniens ou de ma pomme, est le signe avant-coureur de nouveaux crimes commis au nom des Droits de l'Homme.

    Rien n'est plus opposé au pardon sincère que ces ignobles repentances. On a inventé-là une nouvelle manière laïque ou démocrate-chrétienne de se payer la tête des morts.

  • Ruine de l'âme

    « Dire que t’Serstevens était journaliste au Monde ! » C’est toujours l’effet que ça me fait quand j’en lis un morceau, je suis saisi par le contraste avec les emmerdeurs publics qui sévissent désormais au journal officiel de la République des Traîtres, entre une réclame pour les soutien-gorge Lagerfeld et une autre pour la dernière turbotraction Luxus.
    Si les chevaliers d’industrie actionnaires du Monde étaient plus malins, ils se contenteraient de reproduire les vieilles piges des années cinquante.

    Voici un petit extrait que Benoît XVI aurait mieux fait de lire plutôt que les niaiseries d’Adorno, Horkheimer ou Heidegger, avant de s’en prendre au classicisme de Roger et Francis Bacon.

    LA SCIENCE DES ANCIENS

    On peut se demander pourquoi les anciens, qui ont somme toute conduit la géométrie à un tel point de perfection qu’on n’y a presque rien ajouté depuis, n’ont pas songé à en appliquer les principes à la mécanique et à doter ainsi leurs contemporains de toutes les inventions qui nous facilitent - ou nous compliquent - l’existence.
    La réponse peut sembler paradoxale : c’est qu’ils ne l’ont pas voulu. Il leur répugnait en effet d’abaisser une science purement spéculative à des applications matérielles qu’ils jugeaient indignes de la pensée.
    Les grands philosophes, les plus grands savants, aiment la science pour elle-même, font des recherches pour découvrir la solution d’un problème, mais ne se soucient nullement de la mettre au service de notre commodité. C’est à grand peine qu’on a amené Pasteur à nous faire bénéficier de ses trouvailles : le principe une fois résolu, son application ne l’intéressait aucunement. Il se montrait en cela un génie digne de ce nom, un véritable philosophe.
    Nous n’avons aucune raison de considérer comme une légende ce que nous raconte Plutarque au sujet d’Archimède (Vie de Marcellus). Il est certain que ce géomètre, pendant le siège de Syracuse par les Romains, a créé, pour défendre sa patrie, des machines puissantes qui empoignaient du haut des murailles les galères ennemies, les secouaient à les briser ou les enfonçaient dans l’eau, projetaient à de grandes distances des pierres du poids de vingt quintaux, incendiaient comme meules de foin, par le secours de miroirs et de prismes, les navires de la flotte romaine. Au tyran Hiéron qui le félicitait, le grand homme fit cette réponse nonchalante :
    - Ce ne sont que jeux de petits enfants…

    Une seule fois, deux disciples de Platon, Architas et Eudoxus, se mirent en tête d’appliquer à la mécanique - on la nommait l’organique - les principes de la géométrie. La réaction fut immédiate : PLaton, nous dit Plutarque, fut courroucé de ce qu’ils corrompaient la dignité de la géométrie en la faisant descendre des choses intellectuelles aux choses matérielles ; et les deux disciples furent chassés de l’Académie.
    Il n’est pas sans grandeur ce dédain des sages de jadis pour les réalisations, je dirais populaires, qui ont mis la science à la portée des plus petits cerveaux. Mais on peut s’imaginer que si Archimède, Empédocle, Platon et d’autres géomètres ou philosophes n’avaient pas interdit à leurs disciples de matérialiser les découvertes théoriques, des villes comme Athènes et Alexandrie auraient eu, vingt siècles plus tôt, l’éclairage électrique sur l’Acropole, des tramways autour du phare, des hydravions dans leurs ports, des séances de cinéma sur l’agora.
    Car ce sont jeux de petits enfants…

    A. t’Serstevens, Escales parmi les livres