Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jean-jacques rousseau

  • La Faute à Rousseau ?

    C'est le titre d'un blog publié par Hautetfort, monarchiste et spécialisé dans le procès de J.-J. Rousseau. Bien sûr seuls des plaisantins peuvent adresser à Rousseau des critiques "au nom du monarchisme". La spécialité des monarchistes français, outre quelque talent de critique littéraire, fut la magouille parlementaire et la formation d'individus particulièrement aptes à feindre la foi dans la démocratie, afin de mieux asseoir leur pouvoir despotique, à l'instar de Charles de Gaulle ou François Mitterrand.

    Plus ou moins dissimulée, on retrouve chez l'énergumène monarchiste la haine nitchéenne de l'histoire. 

    En effet, s'il y a quelque chose à reprocher à J.-J. Rousseau, c'est de mélanger les considérations politiques et sociales et le message évangélique. Plus nettement Augustin d'Hippone marqua son désintérêt de la civilisation et des questions civiles, fondé sur l'avertissement messianique que "le royaume de Dieu n'est pas de ce monde", et qu'on ne peut pas servir deux maîtres à la fois.

    Mais le "dérapage" de Rousseau, avant d'être caractéristique des doctrines sociales chrétiennes modernes, l'est bien sûr, de façon encore plus flagrante, dans les régimes tyranniques héréditaires qui atteignirent au XVIIe siècle la taille critique et un degré de mensonge insupportable, plaçant leurs propagandistes dans l'impossibilité de défendre rationnellement le camp des élites au nom du christianisme, impossibilité dans laquelle les philosophes des Lumières se sont engouffrés. Le dérapage de Rousseau est donc bien moindre que celui de la démocratie-chrétienne, dont l'hypocrisie est palpable ; tout laisse penser que Rousseau aurait réagi comme Marx et condamné l'imposture de la révolution bourgeoise et du mythe fondateur républicain.

    D'autre part, cette confusion des choses de la nature et des choses de l'esprit (chrétien) est le plus puissant facteur d'antichristianisme, puisqu'il permet presque de résumer la culture occidentale et d'expliquer qu'elle a basculé dans l'artifice le plus dangereux. De fait, cet artifice culturel est constitutif de l'inconscient collectif totalitaire. A ma connaissance, seul Shakespeare fait la preuve d'une conscience chrétienne entièrement libre des droits que la nature exerce sur l'âme de tout un chacun. Nombre de théologiens chrétiens qui croient penser contre-nature, en réalité pensent abstraitement comme Platon, et dieu n'est qu'une création de leur esprit.

    La faute de Rousseau porte donc surtout la marque du XVIIe siècle. On en trouve l'origine dans le calvinisme, qui comme le catholicisme romain se montre incapable d'interpréter correctement la signification historique du mythe de la Genèse. Calvin prend la Genèse au pied de la lettre, jetant ainsi la base d'une anthropologie chrétienne impossible au regard du nouveau testament et de saint Paul. Du point de vue juif ou chrétien, il est impossible de fonder l'universalisme sur la morale ou l'éthique. Le "Tu ne tueras pas" de Moïse, est inconditionnel et parfaitement immoral.

    Cette tendance à l'antichristianisme sous couvert du judéo-christianisme est si "lourde" que l'université s'est empressée, à partir de Nitche et bien qu'il exprime l'antichristianisme le plus ferme, de forger et d'enseigner un Nitche compatible avec le judéo-christianisme. La démocratie-chrétienne est vraiment la religion de Sganarelle : Satan et lui seul la tient en respect. Elle espère de lui des gages qui ne lui seront jamais versés. 

  • Théorie du Complot

    "Le premier qui ayant enclos un terrain s'avisa de dire Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d'écouter cet imposteur ; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne !" Mais il ya grande apparence qu'alors les choses en étaient déjà venues au point de ne pouvoir plus durer comme elles étaient : car cette idée de propriété, dépendant de beaucoup d'idées antérieures qui n'ont pu naître que successivement, ne se forma pas tout d'un coup dans l'esprit humain : il fallut faire bien des progrès, acquérir bien de l'industrie et des lumières, les transmettre et les augmenter d'âge en âge, avant que d'arriver à ce dernier terme de l'Etat de nature...

    Tant que les hommes se contentèrent de leurs cabanes rustiques, tant qu'ils se bornèrent à coudre leurs habits de peaux avec des épines ou des arêtes, à se parer de plumes et de coquillages, à se peindre le corps de diverses couleurs, à perfectionner ou embellir leurs arcs et leurs flèches, à tailler avec des pierres tranchantes quelques canots de pêcheurs ou quelques grossiers instruments de musique ; en un mot, tant qu'ils ne s'appliquèrent à des ouvrages qu'un seul pouvait faire, et qu'à des arts qui n'avaient pas besoin du concours de plusieurs mains, ils vécurent libres, sains, bons et heureux autant qu'ils pouvaient l'être par leur nature et continuèrent à jouir entre eux des douceurs d'un commerce indépendant : mais dès l'instant qu'un homme eut besoin du secours d'un autre, dès qu'on s'aperçut qu'il était utile à un seul d'avoir des provisions pour deux, l'égalité disparut, la propriété s'introduisit, le travail devint nécessaire, et les vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu'il fallut arroser de la sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l'esclavage et la misère germer et croître avec les moissons.

    La métallurgie et l'agriculture furent les deux arts dont l'invention produisit cette grande révolution.

    Pour le poète, c'est l'or et l'argent ; mais pour le philosophe, ce sont le fer et le blé qui ont civilisé les hommes et perdu le genre humain."

    Jean-Jacques Rousseau (Discours sur l'Origine de l'inégalité)

    Le philosophe chrétien (calviniste) Jean-Jacques Rousseau indique ici le rôle atroce joué par la propriété dans la condition humaine. De fait le lien est fait dans la Genèse entre Satan et "l'arbre de la connaissance du bien et du mal" : non seulement chacun sait le lien étroit entre l'éthique et la propriété, mais on peut tirer le constat d'une éthique libérale en constant changement aujourd'hui, et qui reflète l'instabilité des valeurs mobilières. Bien sûr quiconque prétend que l'économie libérale est sans conséquence sur les moeurs n'est que le factotum de banquiers ou un imbécile. Shakespeare ou Karl Marx ont déjà envisagé les conséquences des moeurs capitalistes, et ont décrit dans le détail les risques d'aliénation inhérents à l'éthique capitaliste.

    Néanmoins Rousseau semble tributaire de l'incapacité de Calvin à interpréter correctement le symbolisme de la fable de la Genèse, notamment à comprendre sa signification sur le plan de la science physique. Il opère une dissociation artificielle entre la nature et la culture. L'Anglais Francis Bacon Verulam (alias Shakespeare) tire un bien meilleur enseignement de la Bible, plus direct, quand il élucide que la prédation détermine les rapports sociaux humains. Autrement dit, sur le plan social, l'homme se comporte de façon bestiale. Hormis Moïse, on trouve aussi chez les Grecs d'autres fables antisociales, dont on peut penser qu'elles dérivent du judaïsme.

    On ne peut pas dire que Rousseau soit un naïf socialiste ou manipulateur du peuple. Dès lors qu'on situe la propriété au coeur de la bestialité sociale, on ne peut pas demeurer inconscient de l'extrême difficulté du progrès social. Mais Shakespeare est beaucoup plus ferme et mieux fondé sur les saintes Ecritures quand il ferme définitivement la porte du chimérique espoir de réforme sociale. Par là la condition humaine ne peut être abrogée, et le chrétien ne peut que mépriser fermement les oeuvres païennes politique ou éthique.

  • Vol de cacouacs

    Comment se fait-il que la vie de Justine Lévy ou celle de Frédéric Beigbeder nous emmerde ? Tandis que les vies de Voltaire, de Jean-Jacques Rousseau ou de Louis-Ferdinand Céline nous passionnent ? Beau sujet de dissertation si le baccalauréat servait à quelque chose.

    On peut passer par "Jacques Le Fataliste", petit bijou de la littérature janséniste, pour le comprendre. Comment ça, Diderot, janséniste ? Eh bien oui, pas seulement à cause de l'éloge de la fatalité, du destin, de la fortune, "Fata Morgana", divinité sacrée du "saint Empire romain germanique", ce "Titanic" qui n'en finit pas de couler ; mais aussi janséniste par la volonté de rendre moral ce qui s'allie le moins à la morale, à savoir l'art. L'attentat baroque contre l'art, Diderot le prolonge.

    Mais revenons à "Jacques". Son créateur voulut y poser l'identité du destin et de dieu ; ce faisant, il n'a fait qu'illustrer ce qu'est un mauvais romancier. On pourrait dire que l'existentialisme n'est qu'un mauvais roman (en attendant de n'être qu'un mauvais rêve). L'effort pour restaurer quelque vieille ruine gothique et l'exposer dans un intérieur bourgeois. L'existentialisme est un conservatisme allemand : Ratzinger aussi bien que Sartre. Hélas, trois fois hélas, l'existentialisme est bien d'abord camelote chrétienne.

    Voltaire, Rousseau comme Céline ne valent que par leur tentative désespérée d'échapper au destin, partition que les fayots du premier rang, Frédéric ou Justine, se contentent d'exécuter comme des violoneux imbéciles.




  • Le Jansénisme pour les Nuls

    A propos du style de saint Augustin : il est certain qu’on n’entendrait plus parler de la théologie de saint Augustin aujourd’hui sans le style si personnel, si vivant, des Confessions, qui fait appel aux sens du lecteur.

    Les admirateurs de saint Augustin : Calvin, Luther, Jansénius, Feuerbach, Lucien Jerphagnon, Joseph Ratzinger, n’auraient-ils pas mieux fait d’écrire à leur tour leurs confessions, comme Rousseau ?

    L’originalité de Rousseau, c’est que de sa position de puritain genevois, sa biblique frayeur des sodomites, des prêtres catholiques, "a fortiori" des prêtres catholiques sodomites (!), il évolue vers une doctrine quasiment “pélagienne” plus conforme au Nouveau testament, dans laquelle le péché n’est plus l’axe primordial. Il fait le chemin de la morale à la politique.
    Au contraire de son ami Denis Diderot, sympathique catholique langrois aimant la bonne chère et boire dans la compagnie de ses amis,
    qui en théorie est un moraliste acharné, allant jusqu’à théoriser un théâtre moral et une peinture morale.
    L’héritier de Pascal au XVIIIe siècle et des jansénistes, c’est Diderot, non pas Rousseau bizarrement.
    Diderot et Pascal ont en outre ceci en commun d’être de piètres scientifiques. Diderot en est resté à la science de Lucrèce, d’où il tire son athéisme. Quant à Pascal, il est en retard sur les découvertes astronomiques. Tous les deux sont fascinés par la géométrie qu’ils assimilent à l’espace. Diderot est considéré généralement comme un “matérialiste”, mais il n’est pas difficile de voir que son matérialisme est en fait un idéalisme. Diderot a le bon goût, de mon point de vue, de proférer ses blasphèmes à l’extérieur de l’Eglise et non à l’intérieur comme Pascal fait.

    Ce sont les communistes français qui ont forgé le mythe de l’emprunt du matérialisme de Marx à Diderot. Alors que le matérialisme de Marx vient de Locke, de Shakespeare, de Balzac.
    Benoît XVI perpétue ce mythe dans son encyclique, alors qu’il n’est pas difficile de comprendre que l’idéalisme cauteleux des penseurs libéraux ne fait que servir de prétexte à la gabegie des bâtards capitalistes qui ne jurent que par le gadget : gadget scientifique, gadget littéraire, gadget moral, gadget politique - c’est là que se situe concrètement le matérialisme, chez ces gens qui n’ouvrent leur gueule que pour parler d’éthique.

  • Marx pour les Nuls (2)

    Depuis Jean-Jacques Rousseau, Diderot, Voltaire, la pensée libérale n'a fait que décliner, lentement mais sûrement. Pour être exact, elle a fait le chemin de la poésie à la logorrhée. Kant et Nitche sont des étapes décisives, que Schiller et Goethe compensent à peine.

    On va dire : "Mais les idées de Rousseau, celles de Diderot, déjà, sont bêtes !" Certes, mais Diderot, et surtout Rousseau, en sont conscients. Ils ne sont pas aveugles et entêtés. Lorsque l'abbé Galiani démontre à Diderot que les idées économiques libérales sont simplistes, Diderot l'admet sans faire la mule. On subodore que c'est le simplisme même de ces idées qui a séduit Diderot, esprit rêveur - qui retombe aussitôt d'ailleurs dans ses rêveries.

    Mais cette franchise d'un philosophe libéral à admettre son erreur, cette liberté-là est perdue depuis longtemps, il n'y a plus que de féroces crétins, qui, dès qu'ils dénichent un esprit libre, un esprit différent, d'où qu'il vienne, le traquent comme un lapin.

    Bête, Jean-Jacques ? Certainement pas, il choisit ses idées en fonction de leur beauté plastique et pas de leur vérité. Il a l'intelligence de son art. Au demeurant les idéologues libéraux ont pioché chez Rousseau ce qui les arrangeait. Si ce genre d'exercice avait de l'intérêt, on pourrait faire la démonstration que Rousseau n'est pas si loin de Maurras au plan des idées. "La politique d'abord", répète Rousseau.

    Le bon sens, Voltaire en avait sans doute un peu plus, mais il le gardait pour lui. On lui doit quand même Pangloss, qui préfigure le crétin capitaliste moderne, Guy Sorman par exemple, qui nous affirme, au nom du pragmatisme - tant qu'à faire -, que son système inéluctable est le meilleur des mondes possibles.

     Ils s'appelaient "philosophes" mais c'étaient des poètes, épatés par le bon sens anglais, qui leur était étranger. ll y a quelques jours à la télé, BHL était confronté à Daniel Herrero, une sorte de rugbyman poète. Le lyrisme de cet Herrero, qui n'est pourtant pas Chateaubriand, fit pâlir notre philosophe ; chose incroyable, il baissa même les yeux. Cet Herrero l'avait mis à poil. Ni conscience ni candeur.