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nationalisme

  • Identité, piège à moules

    Je lisais il y a quelque temps le billet d'une blogueuse résidant au Quartier latin à Paris, dans un périmètre où le tourisme est, pour les habitants, un véritable fléau. Cette blogueuse ne précise pas, un fléau capitaliste, ce qui est pourtant l'évidence même. On peut considérer l'électeur de droite comme le "crétin de base", dans la mesure où il ignore absolument le fonctionnement de l'économie capitaliste, tout en passant le plus clair de son temps à se plaindre de ses conséquences dans le domaine des moeurs.

    Je prends un exemple, au passage : il n'est pas rare que le crétin de droite se plaigne de la disparition ou de l'érosion de l'autorité ; en mode : - Mais plus personne ne respecte rien, où est donc passée l'Autorité !? J'ai un pote Kabyle musulman de droite comme ça ; heureusement, il n'a pas le droit de vote. L'autorité n'a pas disparu, elle a été remplacée par l'injonction de l'argent ; et d'où vient la généralisation de cette injonction, si ce n'est du capitalisme ? En conséquence, la plupart des rapports sociaux sont des rapports de domination et de soumission, que ce soit au travail, dans le couple, à l'école, etc.

    Le touriste se situe, lui, à un niveau encore plus bas que le crétin de droite, au-dessous du niveau de la mer. C'est ce que ma blogueuse observait, de son balcon où elle sirotait son café. Les touristes ne se contentaient pas de lui gâcher la vue, ils se gênaient eux-mêmes les uns les autres, comme des fourmis dont le GPS se serait soudain détraqué. L'éthique du touriste, venu de l'étranger ou monté de sa province à Paris, est parfaitement absurde, pour ne pas dire dadaïste. Quel plaisir trouve-t-il à s'agglutiner dans des périmètres délimités, où des commerçants-escrocs rivalisent d'astuce pour lui soutirer l'argent qu'il a gagné à la sueur de son front ? Cette éthique heurtait la conception de la jouissance de ma blogueuse, moins éloignée du savoir-vivre.

    Le réflexe d'agglutination, que l'on retrouve chez les supporteurs de foot ou des vedettes de musique pop., est un réflexe identitaire. Shakespeare montre que l'attraction fatale du Néant est dans l'Amour. Le suicide conjoint de Roméo & Juliette ne convient pas à tous les tempéraments - certains brûlent à plus petit feu ; le bûcher des vanités est plus tiède sur les côtés.

    Le touriste ne subit pas l'attraction de Paris, qu'il pourrait découvrir beaucoup mieux en restant chez lui lire Balzac ou Maupassant, mais il est happé par la foule, le flot auquel il se mélange avec délice. Juliette n'est pas amoureuse de Roméo, elle est amoureuse de l'Amour. De même Paris n'est qu'un point de fixation pour le touriste.

    Si la culture identitaire nationaliste est un fanatisme (de droite ou de gauche), contrairement au patriotisme qui a une dimension d'attachement rationnelle à une région ou un pays, c'est parce qu'elle ne tient pas compte de la réalité. La culture identitaire est aussi abstraite que l'amour ou la musique ; l'utopie des anarchistes est encore plus abstraite (l'anarchie est presque un raisonnement mathématique appliqué à la politique).

    L'écologie politique, qui n'est ni pas forcément de gauche (mais très souvent manipulée) consiste à aborder la politique au travers de problèmes concrets plus délimités, comme par exemple les conséquences de la pollution urbaine sur la santé des enfants et la population riveraine des grands axes routiers ; très vite le bon sens écologiste se heurte au capitalisme, car le capitalisme est un mode de gestion théorique qui tient peu compte des réalités économiques concrètes. Si la pandémie de coronavirus a été gérée de façon aussi absurde, heurtant le bon sens médical et écologique, c'est parce qu'elle a été gérée de façon bureaucratique, c'est-à-dire capitaliste.

    La formule bureaucratique du capitalisme est la mieux tolérée par la gauche pour des raisons purement démagogiques : les fonctionnaires d'Etat dont la mission est de faire appliquer les règles étatiques votent souvent à gauche (sauf les flics). L'anticapitalisme de Marx n'a pas pénétré les milieux socialistes français à la fin du XIXe siècle, car il était peu compatible avec le bras de fer entamé par les syndicats ouvriers avec le patronat sur le terrain électoral ; à mesure qu'ils obtenaient des augmentations de salaire et de nouveaux droits, les socialistes ont remplacé l'anticapitalisme marxiste par la mythomanie du rapport de force avec le patronat et le Capital, transformant le socialisme en doctrine du partage équitable de la plus-value capitaliste.

    Le socialisme français a réconcilié très tôt la classe ouvrière avec un capitalisme qui conduit selon Marx les nations inexorablement à la guerre, ou encore à un phénomène tel que l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis représente, à savoir l'affrontement du nouveau capitalisme représenté par les GAFAM et la révolution MAGA (qui se présente comme un capitalisme plus pur), et de l'ancien modèle capitaliste bureaucratique représenté par le parti démocrate.

  • Du Sionisme

    Avant de parler plus en détail du sionisme, il convient de préciser que ni le judaïsme, ni le christianisme ne sont des points de vue "modernes" ; si les facteurs d'espace et de temps sont essentiels au calcul du progrès moderne, ils n'ont aucune importance spirituelle ou historique. Les prophètes juifs, chrétiens, les apôtres, pensent à contre-courant du monde et non selon sa détermination : c'est un leitmotiv biblique constant.

    Un juif ou un chrétien, en raison de son caractère "moderne", tiendra donc non seulement le propos sioniste, mais tout propos moderne comme un propos idéologique, c'est-à-dire subjectif. Le socialisme, le sionisme, le nationalisme, le communisme, etc. proposent de se soumettre à un idéal, contrairement au christianisme.

    Secundo, Jérusalem a dans l'apocalypse de Jean un double sens, un peu comme Israël précédemment dans l'ancien testament, tantôt chérie de dieu, tantôt blâmée et sanctionnée durement. Jérusalem symbolise dans le nouveau testament l'accomplissement spirituel, en même temps que son nom est associé à Sodome et à l'Egypte, ou encore à Babylone. L'une sera sauvée, l'autre sera détruite ; à chacun de choisir la bonne... ou pas. Pourquoi ce double sens ? L'apocalypse chrétienne contient la révélation du dévoiement (dit "fornication") de la voie spirituelle indiquée par le Christ Jésus sur le plan politique. Cette subversion est systématique tout au long de l'histoire de l'Occident, et contrairement au propos de l'essayiste luthérien Jacques Ellul, bien loin d'y renoncer, l'art politique occidental le plus récent, loin de renoncer à cette subversion, n'a fait que le perfectionner. Bien que l'exemple de la "monarchie chrétienne de droit divin" soit l'exemple le plus frappant de fornication, cet exemple est très loin d'être isolé. Plus subtile, et en même temps plus utile à déceler, la substitution de la "providence" à la parole divine et à son esprit. En effet la parole divine est "libre de droits", tandis que la providence, elle, ne l'est pas, et permet de détruire le catholicisme à l'intérieur du catholicisme. De plus le providentialisme demeure lié à l'invention et à la justification de l'Etat moderne totalitaire dans l'Occident "judéo-chrétien". 

    - Entrons maintenant dans le vif du sujet : le sionisme moderne, en tant qu'idéologie laïque. Avocat zélé et fameux de l'expression du sionisme en France, Bernard-Henry Lévy reconnaît cette définition d'idéologie laïque, quoi qu'il soit plus habile de présenter les idées politiques comme des "idéaux".

    Dans "Les Aventures de la Liberté", dont le titre traduit une conception laïque de la liberté, si ce n'est personnelle, B.H. Lévy précise : le sionisme est un idéal antitotalitaire, né au coeur de l'Europe (Autriche-Hongrie/Mittel-Europa). Le sionisme représenterait, à l'égal de l'européisme, si ce n'est mieux que lui, l'idéal des Lumières et de la Révolution française de 1789, répandu dans toute l'Europe. L'Etat israélien et ses élites dirigeantes seraient donc porteurs du flambeau de la liberté, allumé au coeur de l'Europe, sous la forme du sionisme ; une liberté dénuée du caractère nationaliste ou racial. Je crois avoir à peu près résumé la définition de B.H. Lévy.

    Les actionnaires d'un tel idéal ne peuvent en vouloir à des esprits moins idéalistes de remarquer son côté romantique, et de faire valoir que si l'idéal laïc sioniste est assez neuf et vierge, d'autres idéaux laïcs ont précédemment entraîné au XXe siècle les plus formidables bains de sang que l'humanité avait jamais connus auparavant. C'est donc la philosophie et l'anthropologie qui sont mêlées aux crimes modernes "contre l'humanité" (expression dépourvue de sens chrétien ou juif), non la théologie. Précisons : il faut pour conférer à la théologie chrétienne ou juive un mobile guerrier, la ramener à une culture ou une philosophie.

    Du moins peut-on accorder à B.H. Lévy de ne pas tenter l'accord impossible entre le judaïsme ou le christianisme et l'idéal laïc sioniste, opération de manipulation scandaleuse des esprits menée par certains clercs chrétiens, et à peu près aussi grossièrement chrétienne que le sacre de Napoléon par le pape. En revanche il se moque des faits historiques en attribuant à l'Europe centrale la promotion des valeurs des Lumières. Une telle thèse ne peut que rencontrer l'adhésion d'ignorants. Le nationalisme n'est pas un produit des Lumières françaises ou européennes. C'est une religion mystique qui découle de l'ordre juridique républicain et son appui dans la propriété. Cette religion a été baptisée dans le sang et la guerre, et non par la philosophie des Lumières. Si ce n'était le cas, stalinisme et hitlérisme auraient aussi bien pu se prévaloir de l'héritage des Lumières que l'idéologie sioniste laïque.

    Comme les idéologies sont idéologiques, les idéaux sont idéalistes ; voilà pourquoi il n'y a pas grand-chose à en dire de plus. Un juif ou un chrétien ne sera pas antisioniste, il se contentera d'être juif ou chrétien.

    La difficulté de l'idéal sioniste est à servir de support à une morale s'imposant à tous ; le subterfuge catholique romain qui consistait pour son clergé à dire le droit commun "au nom de Jésus" est difficile à renouveler sous la forme d'une éthique commune "au nom des victimes juives de la choa", ou même des victimes du totalitarisme en général. Le statut de la victime se doit d'être éminent.

    Bien que les victimes juives ne s'opposent pas formellement, comme le nouveau testament, à la fondation d'un ordre royal, laïc, démocratique, ou encore un consortium industriel et bancaire sur leurs reliques, il semble difficile de fonder une morale planétaire sur cet argument, y compris avec des moyens de propagande décuplés par rapport à ceux de l'Eglise romaine jadis. Aucune morale ne s'est jamais imposée dans l'histoire sans l'appui de forces militaires conséquentes. Comme tout romantisme, le sionisme paraît être exposé à un brutal retour à la réalité ; plus que d'autres idéologies laïques, il paraît confus et marqué par l'abstraction.

    (En lien, non pas avec l'idéologie sioniste mais l'histoire du salut chrétien, je propose cette étude de Rodney Sankinka, chrétien congolais sur la grande prostituée de l'apocalypse, dans laquelle celui-ci se demande si elle est une figuration mythologique de Rome ou de Jérusalem ?)