Les questions sexuelles divisent et agrègent les bourgeois. On se donne les raisons de vivre qu'on peut. Shakespeare a déjà réduit tout ce fatras à néant. Seule l'épaisseur de la couenne empêche ce gros porc de Stendhal de sentir l'épée de Shakespeare dans la chair de l'Occident. Ophélie, elle, ne s'y est pas trompée.
stendhal
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Tête de gondole
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Stendhal = Berlusconi
Passant devant l'opéra Garnier, j'ai toujours eu un haut le coeur de cette verrue cyclopéenne en plein Paris. Quitte à subir un attentat terroriste, j'aimerais autant qu'il ait lieu dans le hall de cette caverne.
Toujours à propos de l'amateur d'opéra Stendhal et de ses coups de baguette en faveur du "romanticisme", j'ai noté ceci de plus avisé venant de son confrère Bérenger-Labaume (comme quoi la gloire littéraire frappe indistinctement abrutis musiciens et peintres naturalistes) :
"Les beautés musicales sont relatives aux temps, aux localités, à la mode si l'on veut, et ne sont point d'un ordre aussi positif que celles de la peinture, de la poésie et des autres beaux-arts."
Aristote a plus vite et mieux dit que les musiciens sont des imbéciles, des "experts". Le peintre Chenavard aussi avait compris que le vent du crétinisme sort d'un instrument de musique. Mais le mérite particulier de Bérenger-Labaume est qu'il est lui-même, comme Stendhal, amateur de ce divertissement pour femelles italo-boches en rut. Or d'habitude l'amateur d'opéra a horreur de la vérité.
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Le métèque Stendhal
(Le débat sur l'Identité française invite aussi à faire le tri dans les produits d'importation littéraires.)
Pour faire pièce au propos de l'académicien gâteux (pléonasme) Michel Déon, disons "a contrario" que qualifier le coup de foudre amoureux de "cristallisation" de la part de Stendhal, est un des rares traits d'esprit de ce physiocrate rital (tout penseur libéral peut être qualifié de "physiocrate", de Diderot à Darwin en passant par Stendhal, voire Delacroix, dont les couleurs traduisent une gastronomie intense).
Au stade guimauve où est rendu Déon sur l'échelle libérale, peut-être la cristallisation n'a pas lieu mais seulement l'adhérence? Quoi qu'il en soit, la théorie de la cristallisation (à peine oiseuse) permet de relier le coup de foudre à la politique aisément. Les femmes, que leur excédent d'âme rend plus "politiques" que les hommes, croient d'ailleurs que "les diamants sont éternels" (Dans la philosophie nazie en rouge et noir, l'âme est constituée d'un bout de carbone.)
"Quand on passe sa vie entre les bras d'une femme, tout semble obscur." : encore un coup où Stendhal vise juste et honore sa patrie d'adoption, différente sur ce point de l'Italie ou l'Allemagne, où l'idée est beaucoup plus répandue que par chez nous, Freud redoublant saint Augustin (sans compter Luther et sa bonne femme), que "la femme est à l'origine du monde", concentré de connerie anthropologique.
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A part ça Stendhal aime Shakespeare pour la plus mauvaise raison du monde : parce qu'il le trouve "romantique" (sic), confondant ainsi Shakespeare avec le boeuf Rossini ou Verdi. Les détracteurs de Stendhal plaident qu'aucun argument solide ne soutient la thèse de Stendhal que Shakespeare est plus romantique que Racine ; de fait, ce serait plutôt le contraire, si on considère que le fait de basculer du libertinage dans le puritanisme, comme Racine, est un trait de caractère dominant du type romantique (Ben Laden est le dernier dans ce cas). Le romantisme, dans Shakespeare, c'est Ophélie.
Et si on donnait Shakespeare et Racine devant un public de nonnes et de putes mélangées, il est presque certain que ce dernier aurait la préférence de ces demoiselles.
Le constat que les détracteurs de Stendhal ne disposent pas d'arguments plus solides que ceux du Rital m'as-tu vu, incite à classer le XIXe siècle sur le plan artistique au niveau du moyen âge, un moyen âge "descendant".
Je décide donc de signer l'arrêté de reconduite à la frontière de la littérature de Stendhal (que j'ai toujours eu honte d'avoir apprécié, à l'âge de dix-sept ans, vu qu'on est toujours un peu branleur quand on a cet âge-là).
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Sorbonagreries
Ce n'est pas seulement le sérieux des commentateurs de François Bacon qui est douteux (ainsi lorsque J. Ratzinger ou M. Le Doeuff en font le père fondateur de la science polytechnique moderne pour servir leurs propagandes respectives) ; beaucoup de commentaires touchant Shakespeare sont aussi mensongers ou ridicules. Même si les deux colonnes d'Hercule de la bêtise boche que sont Freud et Nitche paraissent infranchissables, les commentaires pédants et oiseux de René Girard appartiennent à la même catégorie qui consiste à plier Shakespeare aux exigences de la science laïque moderne, qui semble toujours dire en regardant le passé : "Miroir, mon beau miroir, ne suis-je pas la plus belle ?"
Avant de prendre un exemple précis, l'erreur en général est de qualifier le théâtre de Shakespeare de "baroque" toutes les dix lignes, sans démontrer qu'il en possède les caractéristiques. Le refus de caractériser l'art baroque est lui-même typique du savant baroque, au sens de "bordélique" (Le baroque est bas de plafond dans la mesure où il ne conçoit pas grand-chose en dehors de son architecture grotesque et de ses jeux de miroir.) Le crétin italien Stendhal, colporteur du goût pour l'opérette, Stendhal pas plus ne justifie l'étiquette de "romantique" qu'il colle à Shakespeare et qui lui va si mal.
L'intention ou le procédé artistique de la "mimésis" que Girard prête à Shakespeare ne fait qu'accroître l'incompréhension puisque c'est un vaste fourre-tout. En admettant que l'art grec "imite la nature", expression floue : Girard feint d'ignorer que pour certains Grecs, non des moindres, la nature est double, éternelle ou corruptible. Encore faut-il préciser à quel courant Shakespeare se rattache, méditatif (disons Pythagore) ou contemplatif (disons Parménide ou Aristote) ? L'imitation conduit beaucoup d'artistes, à commencer par les musiciens, à faire correspondre ce qui, dans la nature offerte aux sens en éveil, coïncide le mieux avec la propre nature animée de l'homme. C'est à peu près ça l'art baroque ou romantique, les paysages de Constable en peinture, et Shakespeare ne correspond guère à cette "mimésis", il est beaucoup plus "sculptural" et donc classique que ça. Du crâne du héros grec Ajax, peint sous les traits d'un possédé par Shakespeare, s'échapperait s'il était brisé... de la musique. Tout laisse croire par ailleurs que Shakespeare ne croit guère au destin ; que Hamlet n'est pas dans la disposition d'esprit de s'en remettre à la Providence. Encore un signe qu'on ne peut faire endosser l'uniforme (de marin) romantique ou pré-romantique à Shakespeare. Delacroix, pourtant du même bordage libéral que Stendhal ou Girard, a mieux vu qu'eux la distance séparant Shakespeare de l'idéal musical et reproche à Shakespeare en somme de n'être pas assez "musicien".
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Jean-Pierre Villquin dans l'édition 2008 de la "Pléiade" commente la pièce "Thomas More" découverte tardivement, en prétendant que l'éphémère ministre catholique d'Henri VIII est présenté sous un jour favorable dans la pièce -de façon "paradoxale" ajoute-t-il, puisque More (1478-1535) était papiste.
Or plusieurs passages de la pièce sont très loin de présenter More sous un jour favorable :
- un voyou, Jack Falkner, qui réclame justice à More, est éconduit brutalement (Acte III, sc.1) ;
- plus grave, More est parjure ; après avoir obtenu la reddition d'une bande d'insurgés grâce à sa promesse de leur obtenir la vie sauve, il se dédit (un "les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent" avant l'heure). Et Doll, l'une des rebelles trahis par More a ces mots sarcastiques :
"C'est un gentilhomme honnête, avisé et qui cause bien. Pourtant j'aurais loué bien davantage son honnêteté s'il avait tenu sa parole et sauvé nos vies. Les mots ne sont que les mots et ne paient pas ce que les hommes promettent avec." (Acte II, sc. 4)
Ici on ne peut s'empêcher de penser que c'est Shakespeare qui s'exprime, ce passage dirigé contre la rhétorique et les rhéteurs n'étant pas isolé dans son oeuvre. Plus largement More incarne comme Wolsey son prédécesseur, ou Cranmer (si ce n'est Polonius même), le "pouvoir des évêques" et une forme de politique théocratique à laquelle Shakespeare n'adhère pas, conformément à une tradition chrétienne (ni particulièrement antipapiste, ni anglicane). Les Eglises anglicane, allemande, suisse, n'ont pas modifié substantiellement la pratique théocratique catholique ; elles furent bien plutôt, c'est très net dans le cas de Hobbes (qui fut secrétaire de Bacon mais ne le cite presque jamais) les chevilles ouvrières de l'endossement par l'Etat et ses institutions d'habits religieux empruntés à l'ordre pyramidal catholique (La critique de Marx consiste en partie à le démontrer en ce qui concerne l'Eglise allemande luthérienne ; le fonctionnaire, l'"homme nouveau" de la doctrine nationale-socialiste hégélienne auquel Marx et Engels opposent le prolétaire, emprunte son sacerdoce au curé catholique à travers le pasteur luthérien).
Il est fait allusion à l'ironie "légendaire" de Thomas More à de nombreuses reprises, ironie de More qui lui a aussi valu quelques aphorismes de Bacon ; mais l'ironie ou l'humour n'est guère valorisé dans la tradition chrétienne. Hamlet le manie bien dans son semblant de folie, mais comme une arme pour se défendre contre les saillies de ses ennemis ou de ses soi-disant "amis" Rosencrantz et Guildenstern. Baudelaire remarque à juste titre que "les Evangiles ne rient pas". Encore une fois, More est le dindon de sa propre conception théocratique qui l'entraîne à accepter sa décapitation avec longanimité. Mourir crânement comme More n'épargne que son amour-propre. Ni Shakespeare ni son public n'ignorent qui plus est que la condamnation de More est le résultat d'un imbroglio sentimental et politique peu reluisant qui a déjà eu, lorsque Shakespeare rédige sa pièce, des conséquences tragiques. Pour avoir fait du remariage de son roi un élément-clef de ses intrigues, le cardinal Wolsey a été placé au centre d'une pièce de Shakespeare où celui-ci fait nettement allusion à la pourriture pourpre et écarlate qui colore dans l'apocalypse de saint Jean le pacte entre l'Eglise et le pouvoir temporel.
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Autre exemple de commentaire gratuit voire ubuesque, celui de Pierre Spriet, à propos de "Troïlus et Cresside" : "Shakespeare a moins d'estime pour les Grecs que pour les Troyens.", écrit Spriet dans sa notice.
Il semble ici que le commentateur prenne encore ses désirs pour la réalité. En effet, les rôles-titres que sont Troïlus et sa fiancée Cresside (et Troïlus est le "Troyen-type") sont brocardés du début à la fin de la pièce, leur idéal d'amour courtois en particulier, rabaissé au niveau de celui d'un cocu petit-bourgeois, qui lorsque sa dulcinée lui est enlevée pour être offerte en cadeau de compensation à Diomède, ne sait que s'incliner en bafouillant quelques stances ridicules.
Il me semble que l'idée a dû venir à S. Freud (loin d'être le premier à l'avancer) de l'identité de Bacon et Shakespeare à cause de l'usage subtil de la mythologie grecque par ce dernier. Shakespeare n'a de fait pas manqué de remarquer que le dieu qu'adorent les Troyens, Apollon (le "destructeur") est le nom de Lucifer dans le Nouveau Testament.
Que tel ou tel commentateur s'identifie plutôt à More, Ophélie, voire Claudius (!) n'est pas gênant en soi ; dans le cas de Nitche, qui présente le même tempérament de petite salope puritaine qu'Ophélie, c'est pleinement justifié. Ce qui est malhonnête, c'est le ton d'apparente neutralité universitaire sur lequel ce genre de commentaire est fait. Une pièce flatteuse pour More ? Paradoxe ! Et l'argument de la poésie pour couvrir cette gnose de profs lorsqu'elle est par trop incohérente. Blablabla.
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Et maintenant, voici deux apophtegmes de François Bacon où l'humour de Thomas More est lui aussi évoqué.
"Sir Thomas More n'eut d'abord que deux filles et sa femme ne cessait de prier pour avoir un garçon. Enfin elle eut un garçon, qui ayant atteint l'âge adulte, s'avéra simple d'esprit. Sir Thomas dit à sa femme :
- Tu as prié si longtemps pour avoir un garçon qu'il en restera un jusqu'à sa mort."
"Un barbier fut envoyé à Sir Thomas More le jour de sa décapitation, parce qu'il avait les cheveux longs, ce qui pensait-on risquait d'apitoyer plus encore la foule sur son sort. Le barbier s'approcha et lui demanda comment il lui plaisait d'être coiffé ?
- Ma foi, mon brave (dit Sir Thomas), le roi et moi réclamons tous les deux ma tête, et tant que le cas ne sera pas tranché, je n'engagerai aucun frais dessus."
F. Bacon, "Apophtegmes" (1624)
Et encore ceci :
"- More : Depuis quand portes-tu ces longs cheveux ?
- Falkner : Je les porte depuis ma naissance.
(...)
- More : Dis-moi à présent canaille depuis combien de temps tu n'es pas allé chez le barbier ? Depuis quand cette chevelure épaisse est-elle sur ton crâne ?"
"Thomas More" (Acte III, sc. 1) (1594 ?)
Une scène entière quasiment est consacrée à l'obsession qu'a More de la façon dont Falkner, venu le voir pour réclamer un jugement impartial, est coiffé. Ce qui est loin d'indiquer l'estime de Shakespeare pour l'utopie politique de Thomas More, dont il a été fait utérieurement par Rome le "saint patron des hommes politiques" sans tenir compte de l'avertissement de Jésus-Christ contre la tentation d'édifier le royaume de Dieu sur la terre (Je veux dire par là que Shakespeare ne manque pas d'arguments chrétiens pour contester le point de vue de Thomas More, nécessairement le résultat d'un compromis avec le paganisme.)
Il semble donc que l'opinion en faveur de More soit surtout celle de M. Villquin, non celle de l'auteur de la pièce lui-même.
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Le Bal des cocus
Voilà qu'on exhibe Michel Déon un peu partout à la télé, vieil ours qui fut naguère incorrect, aujourd'hui la griffe usée. En période de crise, les bourgeois resserrent les rangs ; le parti n'a plus les moyens de salons multiples.
On pourrait s'attendre de la part d'un hussard à une littérature de corps de garde, mais pour celui-ci du moins, il écrit plutôt pour les boudoirs. Il est vrai que les bidasses lisent peu, bien qu'ils n'ont que ça à foutre, sauf peut-être des magazines porno et du Max Gallo pour les officiers.
Moi, quand on me parle de Stendhal comme de Proust, je sors mon revolver. Déon fait pire que vanter le style musical de son auteur-fétiche, cette vieille ganache brûlée trouve le moyen de reprocher à Stendhal un des rares traits d'esprit de son idole, à savoir sa démonologie du coup de foudre ("empruntée" à Molière), qu'il nomme "cristallisation" et qui s'acoquine parfaitement avec l'esthétique nazie, la religion de l'art selon Hegel, également carbonique.
On pousse Déon à faire de la réclame pour un auteur contemporain ; il hésite un peu, finit par lâcher un nom : Emmanuel Carrère, énième connard narcissique dont on se serait bien passé.
(NB : Ne pas oublier, si je publie un livre, à souligner le rôle de l'Académie française dans la voyoucratie.)