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Bestiaire

  • L'Homme moderne

    L'homme moderne est l'homme qui a perdu le sens tragique de l'existence. L'homme moderne est celui pour qui Shakespeare est une énigme.

  • Science humaine

    L'éducation est une science humaine ; pour cette raison ce n'est pas une véritable science, mais un éternel recommencement. Le monde moderne est le monde de la religion, dissimulée sous le terme de "science humaine".

  • Mot-valise

    Le mot "dieu" est comme le mot "amour", un mot-valise dans le sens où chacun y met à peu près ce qu'il veut. On peut observer que "dieu" et "amour" se confondent tous les deux très souvent avec un certain verbiage.

    Quand Nietzsche dit : "Dieu est mort", du moins a-t-il le mérite de préciser de quel dieu il veut parler, à savoir le dieu de la vertu - à savoir Satan. Le néant l'a remplacé, dit Nietzsche, à savoir le dieu des juifs et des chrétiens, qui n'a jamais existé.

    Nietzsche aurait pu en dire autant de l'amour, à savoir qu'il a été remplacé par la spéculation amoureuse, une sorte de verbiage oscillant entre la stimulation des zones érogènes et la théorie du genre.

    Qui cherche dieu ou l'amour par-delà sa définition changeante, au gré des modes et des cultures, discernera vite la limite des mots et du langage - l'obstacle que le langage peut représenter pour la conscience, à double titre ; non seulement pour la conscience des choses physiques, mais aussi pour l'expérience des choses métaphysiques. En effet, le langage prend des distances avec le monde physique sous la forme d'une métaphysique truquée, mettons d'une "pataphysique" (au sens le plus péjoratif du terme). Au passage on peut remarquer combien la psychanalyse a mal tenu la promesse d'élargissement de la conscience faite par ses inventeurs, jouant en définitive pratiquement le rôle inverse de camisole rhétorique.

    L'obstacle du langage est similaire à celui du plan social, que celui-ci soit pyramidal et statique, ou bien qu'il prenne une apparence plus évolutive, le clergé social (instituteurs, médecins, propagandistes, philosophes, etc.) s'attachant à faire passer cette évolution pour un progrès ou "le sens de l'histoire".

    Ainsi peut-on voir Jésus-Christ, de même qu'il prohibe à ses apôtres toute tentative d'assimiler son message à une doctrine sociale, les mettre en garde contre les effets délétères du langage du point de vue de l'amour. "Les mots qui sortent de la bouche de l'homme, c'est cela qui souille l'homme", dit en effet Jésus-Christ, sachant à quel point le pharisaïsme et le jésuitisme reposent sur les mots.

    Il y a quelque chose dans l'amour, comme dans dieu, qui se situe au niveau de l'expérience et que le langage humain, outil imparfait, peine à traduire.

     

  • Miroir, mon beau miroir...

    Jessica exigeait de son amant qu'il lui dise au moins une fois par semaine : - Jessica, je t'aime. Mais l'amant, qui avait reçu une éducation honnête, rechignait à ce pieu mensonge hebdomadaire comme une femme rechigne le plus souvent au viol, car l'obligation de mentir pour un homme ressemble à l'amour contraint pour une femme.

  • Intellectualisme bourgeois

    - Dans les régimes bourgeois, le prêtre ou l'inquisiteur se dissimule sous le terme générique "d'intellectuel".

    - Ôtez son intellectualisme à la raison et vous la rendrez raisonnable.

    - La modernité n'est pas la civilisation, c'est la civilisation selon les intellectuels, de sorte qu'il ne viendra à personne l'idée de vanter la modernité en dehors d'un salon bourgeois où l'on a confiance dans les élites intellectuelles.

    - L'intellectuel est aussi un censeur : en effet, les critiques de l'intellectualisme ne sont pas rares, et signées des esprits critiques les plus prestigieux : Marx, Nietzsche, Balzac, Orwell, etc. Il faut donc censurer ces critiques sans avoir l'air d'y toucher.

    - Pointer la menace que représentent les intellectuels revient à pointer la menace que représente l'idéologie ; et défendre les intellectuels contre le "populisme" revient à dissimuler que l'intellectualisme est la première cause de l'idéologie, par ricochet du populisme.

    - Détruisez la culture populaire à l'aide de l'intellectualisme et vous obtiendrez le populisme.

    - Le cinéma est un art intellectuel car seuls les intellectuels trouvent un intérêt dans la recherche du temps perdu. Ils en viennent et ils y retournent, remplissent les bibliothèques de leurs travaux sur la quadrature du cercle.

    - Proverbe contre les intellectuels : "Le poisson pourrit par la tête".

    - Comme la légitimité des intellectuels est analogue à celle de la ruse, les intellectuels quand ils sont démasqués scandalisent plus encore le peuple que les tyrans qui le brutalisent.

    - La France offre une meilleure protection contre les intellectuels que l'Allemagne ou les Etats-Unis. Les Allemands qui ont parlé contre les intellectuels ont le plus souvent abjuré leur nationalité allemande (Nietzsche, Marx). Quant à Shakespeare, chacune de ses pièces fournit cent flèches contre les intellectuels.

    - Beaucoup de juifs ne sont pas intellectuels, et nombre de juifs ne sont pas des intellectuels. Typiquement intellectuel, le raisonnement identitaire n'a absolument rien de juif. Ce raisonnement est désigné dans la littérature juive prophétique sous le terme métaphorique : "piège de la femme".

    - L'intellectualisme l'emporte sur l'esprit critique comme la vieillesse l'emporte sur la force et la maturité. Une nation exsangue s'appuiera sur des intellectuels, car ils fournissent des tas de ruses. L'intellectualisme est le signe de la dégénérescence d'une culture ou de son immaturité (Moyen-âge).

    - L'intellectualisme correspond sur le plan artistique au génie. Comme le génie, l'intellectuel n'est pas prompt à reconnaître que l'idée qu'il croit neuve a au moins deux mille ans d'ancienneté.

    - Lorsqu'un abruti qualifie les mathématiques modernes de "science dure", vous savez que vous êtes en présence d'un intellectuel. La science d'Einstein a la mollesse du confort intellectuel.

    - Un statisticien qui se moque d'un astrologue, c'est l'hôpital qui se moque de la charité, ou le fils de son père quand il croit mieux tenir la boutique.

    - L'intellectualisme est le produit d'une confusion entre l'ordre physique des choses et la métaphysique. Ainsi les intellectuels doivent affronter deux sortes de critiques : les artistes, d'une part, aux yeux desquels la métaphysique fait le plus souvent partie des choses improbables ; et les savants d'autre part, pour qui la physique et la métaphysique doivent être méthodiquement distinguées, afin de ne pas prêter vie à des choses éternelles, et de ne pas prêter l'éternité à des choses vivantes.

  • Dans la Matrice

    L'autofiction est exemplaire du mysticisme moderne occidental ; c'est un phénomène plus religieux que littéraire auxquels les éditeurs, face à l'afflux de manuscrits relevant de ce procédé, sont confrontés.

    Dans l'autofiction "pure", il s'agit de se mentir à soi-même, et de faire de ce procédé un art. L'analogie avec le raisonnement altéré d'une personne aliénée permet de jauger la culture bourgeoise bien au-delà des seuls nazisme ou stalinisme désignés pour faire diversion et préserver le jugement arbitraire des élites bourgeoises.

    Ce phénomène, décrit par Nitche comme le cancer de l'art ou l'assassinat de la poésie par l'éthique judéo-chrétienne, est présenté a contrario par les cerbères de la bourgeoisie capitalistes comme un "progrès anthropologique".

    L'autofiction impure seule présente une valeur littéraire, car on ne fait pas de littérature avec de bons sentiments religieux. L'ironie et le détachement de soi, tels qu'on peut les lire dans Voltaire, Rousseau, Céline, traduisent un certain détachement religieux de ces auteurs.

    Voltaire, que Marx décrivit comme le "sommet de la pensée bourgeoise", est même assez peu bourgeois dans la mesure où il exprime son mépris de la fiction, clef de voûte de la culture bourgeoise et du totalitarisme. Le relativisme moderne repose en effet sur une perspective anthropologique truquée, un "néant" présenté comme "quelque chose de positif".

    Céline, lui, a cette exclamation : - Je ne veux pas être une victime !, ô combien significative car la vocation de la pure fiction est d'inciter au sacrifice le plus vain, c'est-à-dire le sacrifice pour une cause sociale. L'autofiction n'est pas loin de la crucifixion. Quoi de plus dangereux que de se mentir à soi-même ? On peut résumer l'oeuvre de Céline comme l'antidote à sa jeune vocation de chair à canon. L'auteur accuse sa propre imbécillité. Céline irritera nécessairement, ou dérangera les plans des partisans de la justice sociale (mélange d'imbéciles et d'hypocrites, puisque la justice sociale est une chose impossible).

    L'autofiction pure porte donc la marque de l'Etat totalitaire et de ses élites intellectuelles. Le cinéma devient un art, en même temps que l'industrie devient une civilisation et que la propagande devient vérité communément admise.

     

  • Barbarie moderne

    Les nations barbares de l'Occident moderne sont gouvernées par les sentiments. On le reconnaît à leur manière de guerroyer, plus féminine et distanciée que la méthode des anciens barbares, mais qui est totale et ne connaît aucune limite, ainsi que les sentiments qui animent les personnes aliénées (à qui l'équilibre du corps ne procure pas l'équilibre de la raison).

    Le terrorisme, quelle que soit la revendication ou le masque qu'il porte, est caractéristique de la violence moderne occidentale, qui vise autant à frapper les esprits qu'à blesser les corps. Dans le "terrorisme islamique", l'aspect moderne l'emporte sur l'aspect coranique ; l'aspect moderne, c'est-à-dire identitaire et donc anthropologique, à travers lequel un lecteur de la bible reconnaîtra la fausse religion et le faux dieu d'Adam et Eve, qui a marqué leur destin du sceau de la mort. L'argument social ou anthropologique est à quoi on reconnaît que la démocratie-chrétienne est un plan machiavélique de Satan.

    L'emprunt par des mahométans à l'Occident de ses méthodes d'oppression subtile peut leur valoir des victoires plus nombreuses, mais elle leur vaudra la malédiction de dieu s'ils se laissent entraîner dans cette voie, comme les démocrates-chrétiens seront maudits d'avoir baisé le sol de la terre et fait passer leur religion ploutocratique pour celle de Jésus-Christ. Le plan de Satan, à l'instar des politiciens, est de diviser les hommes pour mieux régner, et qui entrera dans son plan fera partie de Satan - les signes de la mort ou du hasard peu à peu marqueront son corps, et il finira plus ou moins égaré.

    Mahométans, croyez le chrétien qui vous dit qu'il y a plus de danger dans "Le Marchand de Venise" pour les nations démocrates-chrétiennes qu'il n'y en a dans tous les attentats terroristes contre ces nations. Quel danger ? Le danger que représente la vérité pour les menteurs, et la divulgation du plan de Satan, car il est écrit que les nations ne peuvent être conduites que par des menteurs, et que plus ces nations grossiront, plus le mensonge devra être subtil.

  • Rêveuse bourgeoisie

    La prière du bourgeois : "Mon Dieu, donnez-nous notre punition quotidienne !".

    Le remède le plus efficace contre une existence bourgeoise, véritable pensum, est le suicide ou le "jihad" (pour ceux qui se tiennent au courant de la mode). C'est pourquoi la société bourgeoise est environnée des cadavres de ceux - artistes, enfants, âmes viriles -, qui n'ont pu se résoudre à son train de vie morose, et n'ont pas trouvé la force, comme Hamlet, de zigouiller les actionnaires du léviathan bourgeois.

  • Rêveuse bourgeoisie

    Accomplir son rêve c'est faire le bilan, comme Napoléon, qu'en définitive on n'a rien fait. Le rêve accompli n'est qu'un élastique détendu.

     

  • Psychologie française

    Molière a su montrer que l'esprit du monde est plus vivace dans le misanthrope que dans un esprit mondain déclaré, bien qu'il soit dissimulé chez celui-là.

    Adolf Hitler, par exemple, était un misanthrope qui finit par être ravi par le suffrage universel et les bains de foule. Je prends cet exemple car la misanthropie est une disposition d'esprit que l'on retrouve souvent chez les tyrans ou tyranneaux des temps modernes.

    Le mépris du monde n'est qu'une affectation, une pose de la part du misanthrope, ce qui rend le propos des auteurs misanthropes un peu creux. Sans doute Molière visait-il les jansénistes, dont le propos théologique est doublement creux et mondain, comme un problème de mathématique. Le jansénisme est une religion mondaine française portant le masque de la misanthropie.

    La Bruyère n'est pas misanthrope, car il trouve sincèrement dans la solitude le bonheur et la possibilité d'écrire, dont une vie mondaine l'aurait privé. La Rochefoucauld est un misanthrope supérieur, qui sait qu'il est misanthrope et n'a pas de prétention à la profondeur.

    Léopardi pour sa part a compris très tôt que la vie sociale divise autant les hommes qu'elle les unit ; elle n'offre ainsi aucun remède véritable à la solitude. On est moins seul quand on est seul, dit en substance Léopardi, car au moins cela permet de mieux se connaître, tandis que la société vous contraint à jouer un rôle et ignorer qui vous êtes.

    La dissimulation de l'esprit mondain chez le misanthrope évoque fortement la dissimulation de l'appétit de la chair chez le puritain ; nombre de puritains sont d'ailleurs d'anciens libertins fatigués.

    Molière a aussi montré que libertins et puritains exercent les uns sur les autres une fascination mutuelle. Le libertin est persuadé de jouir d'une liberté dont la puritaine ne bénéficie pas ; et la puritaine est persuadée de jouir d'une liberté dont le libertin ne bénéficie pas. Mais tous deux confondent liberté et jouissance et se nourrissent de la même illusion.

    On peut faire le constat que, sur le plan social, libertinage et puritanisme sont aussi nécessaires l'un que l'autre ; le libertinage pour servir de tempérament au masochisme ou au féminisme, et le puritanisme ou le féminisme sont utiles afin d'exercer une contrainte au devoir social sur la partie de la population vouée au service de l'autre. Quand les femmes veulent obtenir le statut des hommes, il se produit alors une petite révolution ; et quand les peuples veulent obtenir les mêmes droits que l'aristocratie, alors il s'en produit une plus grande. L'obsession de la jouissance a pour effet d'accroître la concurrence entre les hommes et d'accroître leur frustration. L'incitation à la modération est inaudible, à cause du profit que l'Etat totalitaire moderne retire, en termes de coercition, de l'incitation de ces citoyens au sacrifice. Quel est le type de comportement masochiste le plus répandu ? L'exposition à la publicité commerciale des enfants. C'est une manière de fabriquer des citoyens soumis désormais plus efficace que l'école laïque républicaine ; et, par la suite, des adultes irresponsables car pris dans l'engrenage de la nécessité économique.

    C'est bien la publicité aussi qui entretient en permanence la confusion entre jouissance et liberté.

  • De la Tragédie (2)

    Pourquoi Shakespeare est chrétien tandis que Racine ne l'est pas ? Parce que Racine prêche pour sa paroisse au contraire de Shakespeare, théologien qui sait que les sermons divisent autant qu'ils unissent.

  • De la Tragédie

    Le seul trait d'union véritable entre le monde moderne et le monde antique, ce sont les tragédies chrétiennes de Shakespeare, c'est-à-dire l'art le plus subversif.

  • Bêtise laïque

    On peut définir la culture laïque comme "une culture de la libre-pensée obligatoire" ; cette définition caricaturale permet de souligner la bêtise laïque, en même temps qu'elle est un paradoxe élevé au rang de doctrine ; et même l'origine chrétienne de la laïcité est perceptible.

    En effet, en ce qui concerne ce dernier aspect, nulle religion n'a jamais paru plus proche de la libre-pensée que la religion de Jésus-Christ, qui attisa contre lui pour cette raison la vindicte des représentants de la religion juive et des autorités civiles et militaires romaines.

    La figure de Jésus-Christ libre-penseur est si frappante, soulignée d'ailleurs par les épîtres de Paul, que son assassinat a pu être approuvé par des doctrinaires partisans de l'ordre public, en l'absence même de motif de condamnation légale valable (!) ; F. Nitche est peut-être le plus célèbre, mais surtout le plus franc d'entre eux, qui désigne Jésus-Christ comme un anarchiste. A l'inverse, nombreux sont les doctrinaires révolutionnaires, sincèrement chrétiens ou non, qui se sont servi de l'argument de la libre-pensée chrétienne contre l'autorité de l'Eglise catholique (afin de mettre sa doctrine en porte-à-faux) ; on pourrait multiplier les exemples, contentons-nous de citer Diderot (athée), Rousseau (chrétien), d'Holbach, ainsi que Marx plus récemment.

    La logique de purge du judaïsme et du christianisme, correspondant au voeu de Nitche ou d'athées militants voudrait qu'on instaure un régime théocratique, proscrivant la libre-pensée au lieu de la promouvoir. Nitche en est parfaitement conscient.

    Aucun homme de loi, aucun politicien honnête et compétent ne parviendra en effet à justifier le besoin de la libre-pensée sur le plan politique et social. Si les espèces animales fournissent des exemples d'organisations politiques parfaites, c'est bien parce que la volonté animale est exclusivement tendue vers la jouissance, à l'exclusion de tout principe ou de toute chose métaphysique. Les Anciens en tiraient une leçon sur le rapport de la bêtise et de la politique, et de cette leçon une double limite, haute et basse, assignée à la politique.

    Mais l'éradication de la libre-pensée par le biais de la théocratie s'est avérée inefficace chaque fois qu'elle a été tentée (Napoléon, Hitler). La bourgeoisie libérale a mis en place une stratégie bien plus efficace ; principalement en réduisant la liberté à la liberté de jouir, en quoi le libéralisme excède toutes les sortes de cultures barbares du passé, et le Dr Johnson n'a pas déduit pour rien de sa lecture du "Marchand de Venise" que "le libéralisme est l'invention de Satan". Sur le plan juridique, la bourgeoisie libérale a choisi de mettre en place une théocratie qui ne dit pas son nom, que l'on peut qualifier d'anthropothéocratie. La ruse est grossière puisqu'il s'agit d'inciter le citoyen d'une nation anthropothéocratique à renoncer à la liberté, non pas au nom du droit divin représenté par une caste particulière de prêtres et de princes, mais au nom d'une volonté générale qu'une caste de hauts fonctionnaires prétend incarner. L'arcane est à la fois grossière et instable - on le voit à travers cette "laïcité sacrée" dont chaque citoyen propose une définition conforme à son désir ou presque.

    Cette anthropothéocratie a grand peine, de surcroît, à dissimuler qu'elle est un culte du veau d'or. L'Ancien testament renferme à cet égard une information historique majeure. On y voit le peuple de dieu se scinder de l'ancienne Egypte, pure théocratie, pour affronter une idole, qui en son sein même sème la discorde, à savoir le culte du veau d'or.

    Ce n'est pas un hasard si le régime laïc, soi-disant favorable à la liberté d'expression, se garde d'envisager l'argent comme un instrument d'aliénation et de fanatisme, de sorte qu'à de rares exceptions le culte du veau d'or est la religion la mieux protégée par le régime de libre-pensée laïc.

  • Du mensonge laïc

    Disons d'abord simplement ce que représente la laïcité d'un point de vue scientifique : il s'agit d'un mensonge d'Etat.

    A ce titre, la laïcité est un phénomène banal, car il n'y a aucune institution étatique qui puisse se passer d'une religion d'Etat mensongère.

    Un despote interroge son conseiller : - Et dieu dans tout ça ? Et le conseiller de répondre : - Peu importe dieu, majesté, du moment que nous disposons d'une religion afin de contenir le peuple dans les limites qui sont les siennes.

    Si l'on considère la musique comme la religion la plus commune, ou l'essence de la religion, on peut constater que celle-ci laisse la question de dieu pendante, tout en jouant le rôle trivial de ciment social dont aucune organisation humaine ne peut se passer. Mais, du point de vue scientifique, la musique n'est qu'un divertissement futile. Je le mentionne afin de souligner à quel point spiritualité et science se recoupent, et à quel point l'Etat totalitaire moderne doit se défendre contre ces deux aspirations - science et spiritualité - qui en réalité n'en forment qu'une.

    Prenons maintenant un exemple politique concret, qui en apparence ne semble pas concerner le christianisme : la critique marxiste est dissuasive de tenir quelque culture que ce soit pour autre chose qu'un discours religieux ; Marx met à jour que l'esprit critique a pour effet de dissoudre la culture. Par conséquent la religion d'Etat communiste, soviétique ou stalinienne, est largement fondée sur la censure de la critique marxiste, qui a pour effet de dévaluer complètement le culte mystique de l'Etat, ramenant celui-ci à un instrument de domination des élites bourgeoises.

    Il n'y a pas de chrétien laïc, pour la simple et bonne raison qu'un chrétien ne peut obéir à deux maîtres en même temps, et les théoriciens du "césarisme chrétien" (J. Ratzinger) doivent être regardés comme des serviteurs de l'Antéchrist.

    D'une certaine façon, on peut dire que le chrétien est soumis aux institutions temporelles comme il est soumis au principe vital. Il ne doit pas s'interdire d'être vertueux, sous prétexte que la vertu n'a qu'une valeur anthropologique, et non théologique ; cependant les lois sociales, dans la mesure où elles s'appuient sur un discours mystique étranger au message salutaire de Jésus-Christ, ne doivent pas venir troubler l'esprit des chrétiens. C'est un grave péché pour les soi-disant théologiens chrétiens qui ont osé le faire, de prôner la peine de mort comme son interdiction, ou encore le régicide comme la soumission aux valeurs de l'Etat (démocratie, droits de l'homme, etc.) ; on discerne d'après la diversité d'opinion de ces soi-disant chrétiens l'absence de fondement évangélique. Béni soit au contraire le théologien chrétien Swedenborg qui a mis à jour que la norme juridique est nécessairement satanique, éclairant ainsi deux symboles apocalyptiques majeurs : la "bête de la terre", qui désigne une puissance dont l'effet est analogue à celui de la norme juridique d'assigner à l'homme des considérations terre à terre ou charnelles ; et le cavalier juché sur un cheval noir d'autre part, qui tient dans la main une balance, représentant la justice des hommes, dépourvue d'amour au contraire de celle de dieu.

    Parler d'apocalypse entraîne à parler d'histoire et relever le paradoxe suivant à propos de la culture laïque : aucun chrétien authentique ne peut se soumettre à la "culture laïque", mais il n'est pas moins vrai que la laïcité est un avatar de la "civilisation chrétienne", au même titre que la bourgeoisie, catégorie sociale aux contours indéfinissables.

    On peut définir la culture laïque comme une invention bourgeoise, un cadre juridique défini par et pour la bourgeoisie. Les individus issus du peuple qui défendent la culture laïque ne font que répéter une instruction bourgeoise. Quant à l'aristocratie, sont sort est lié à celui de la théocratie - on peut l'observer à travers Nietzsche, qui désira restaurer l'aristocratie au nom de Satan et de l'art, Nietzsche à qui on peut décerner le titre de "dernier philosophe aristocrate authentique". La franche hostilité de ce dernier à la révolution française est caractéristique. Autrement dit, paganisme et théocratie sont indissociables.

    La culture laïque durera tant que la bourgeoisie durera. Dès que l'idole principale de la bourgeoisie vacille un tant soit peu - je veux parler du veau d'or -, on voit naturellement les prêtres laïcs ressortir leurs vieux sermons poussiéreux et qui ne mangent pas de pain. Toutes les leçons de catéchisme laïc récitées et apprises par coeur ne compenseront pas la mort de crédit s'il celle-ci advient.

  • Téléphone

    Mieux que "téléphone portable", "téléphone cellulaire" décrit l'enfermement du bourgeois dans son ego.

    - "Le téléphone avilit la parole même." dit Léon Bloy, qui passe pour extravagant à cause de sa lucidité.

  • ...isme

    Le féminisme comme toutes les religions en "isme" est tourné vers l'infini.

  • Stylisme

    Si le style est l'homme même, dans ce cas l'homme moderne est une sorte de défroque sans chair ni os en dessous.

  • Logique de l'Amour

    Il est plus logique de voir quelqu'un de fort aimer quelqu'un de faible, car la faiblesse implique un défaut de volonté et l'impossibilité d'aimer autrui par conséquent. C'est là le sens "d'aime ton prochain comme toi-même". Dans la société totalitaire contemporaine, l'individu est incité à se transformer en "objet du désir" ; cette société est donc organisée pour empêcher l'amour. Par-delà la vertu authentique, ce que l'éthique judéo-chrétienne la plus compatible avec le capitalisme veut détruire, c'est l'amour.

    C'est pourquoi on ne peut prôner l'amour et faire l'éloge de la faiblesse en même temps. Le Messie des chrétiens, prônant l'amour, prône une force distincte de la vertu, dont la source est physique. L'amour chrétien est de surcroît étranger à la casuistique de l'âme platonicienne, qui a eu pour effet de transformer en quelques siècles le catholicisme en bouddhisme (les prônes de l'évêque de Rome ne diffèrent pas ou peu de ceux du Dalaï Lama).

    Disons et redisons-le, il n'y a pas d'éthique chrétienne ou judéo-chrétienne possible, c'est-à-dire que le message évangélique ramène l'éthique au plan humain où elle se situe.

    Si Nietzsche nie la réalité des choses métaphysiques, c'est pour la raison qu'il n'est pas un surhomme, mais qu'il s'efforce de le devenir, luttant contre sa peine à jouir (typiquement allemande ou féminine). Nietzsche cherche à obtenir par l'art ce que la bourgeoise puritaine veulent compenser par la psychanalyse. Or la métaphysique n'est d'aucune utilité dans la quête d'un plus grand bonheur. L'évidence est, contre le propos de Nietzsche et ses disciples, d'une religion grecque qui fait place à la métaphysique - notamment Aristote et Homère. Cependant cette métaphysique cherche à s'en débarrasser, comme un enfant ou un adolescent les questions qui ne sont pas d'ordre érotique.

    Le satanisme de Nietzsche coïncide en effet parfaitement avec la volonté de l'adolescent de devenir un adulte plus fort. L'adolescent viril niera le plus souvent l'amour, dont il n'a le plus souvent connaissance que sous la forme abstraite féminine du sentiment amoureux. On peut dire l'artiste "nietzschéen" également, dans la mesure où ce que l'artiste recherche plus ou moins confusément dans l'exercice de l'art, c'est un renforcement de sa volonté, la mise à distance de la mort (devant laquelle seule les civilisations au bord de la pourriture s'inclinent avec dévotion, leur art cinématographique ou photographique macabre).

    Si les personnes faibles ne peuvent aimer, c'est pour la raison qu'elles ne se connaissent pas elles-mêmes - ce qui est indispensable en termes de volonté comme d'amour.

  • Vérité

    Quand la société rencontre la vérité, cela fait le même effet que l'étrave d'un paquebot croisant de nuit à pleine vitesse la route d'un iceberg.

  • Laïcité

    Après une commission d'enquête parlementaire réclamée par le ministre du Culte de la Place Beauvau, l'argent fut reconnu comme une valeur parfaitement laïque.