Sir Francis Bacon est parfois rapproché de l’ordre (laïc) des "Rose-Croix", de type maçonnique, encore actif aujourd’hui. Il s’agit là d’un rapprochement ou d’une récupération fantaisiste qui brouille les cartes.
Ce rapprochement est infondé car l’ordre des "Rose-Croix" n’existait pas du temps de Francis Bacon. Il a été créé longtemps après la mort du savant, en 1626. Que F. Bacon ait pu être la source d’inspiration de cet ordre n’aurait rien d’étonnant puisque aucun savant du XVIIe siècle n’a une influence plus large que Bacon sur la pensée des siècles ultérieurs ; cette influence ou ce rayonnement est comparable à celui de Shakespeare dans le domaine littéraire (cette comparaison pour souligner le "poids" de Bacon, minimisé en France).
Ce rapprochement avec le groupuscule des "Rose-Croix" a l’inconvénient de donner à Bacon un parfum d’ésotérisme ou d’occultisme, tel qu’il émane parfois des organisations secrètes maçonniques.
Il est vrai que le chancelier Bacon prête au secret et à la ruse des vertus sur le plan politique ; il n’aurait certainement pas cru dans la "transparence démocratique", règle sans doute plus théorique que concrète. Mais, sur le plan scientifique, prépondérant à ses yeux, Bacon s’est toujours montré le plus didactique possible ; quelques réserves ou périphrases dans son œuvre peuvent s’expliquer par la volonté de ne pas provoquer la censure ecclésiastique, alors très puissante, contrairement à Galilée dont les nombreuses provocations accrurent la notoriété.
Faisant le bilan des connaissances de son temps dans le domaine de la philosophie naturelle, Bacon n’est guère plus indulgent avec les derniers alchimistes (Paracelse) qu’il n’est avec les savants "scolastiques" et leur méthode excessivement spéculative.
D’une certaine façon, on peut dire que la science de Francis Bacon est beaucoup plus laïque (au sens de "publique") que celle d’Isaac Newton, dont certains pans sont assez occultes, ou du moins peu explicites.
A l’égard de la psychanalyse, qui comme l'alchimie promet beaucoup et tient peu, il est vraisemblable que F. Bacon aurait émis les mêmes réserves.
Bacon est aussi parfois rapproché d’érudits tel Pic de la Mirandole, le plus célèbre d'entre eux, théoriciens d’un savoir primordial caché, dont les mythes antiques auraient conservé la trace.
Mais si Bacon est loin de mépriser les fables de l’Antiquité ou de les croire "irrationnelles", sa démarche n'est pas une sorte de syncrétisme philosophico-religieux. La méthode de Bacon dans le domaine de la philosophie naturelle repose sur le pragmatisme ; en effet, si les Grecs ont imaginé que l’immortalité n’était pas une chose impossible, dit Bacon, ils n’ont pas découvert les moyens de cette immortalité, et il n’y a donc pas lieu de se reposer sur les lauriers de la philosophie grecque mais de poursuivre au contraire l’exploration de la nature entamée par les Grecs (probablement héritiers de plusieurs "philosophies" - juive, égyptienne…).
De surcroît Bacon ne méconnaît pas la caractéristique de la religion chrétienne, qui est d’être une religion révélée, à l’opposé de religions comme l’épicurisme ou le bouddhisme, qui s’accommodent de la condition humaine et visent seulement à l'améliorer.
Dans son livre dédié au savoir des Anciens, conservé dans leurs fables, publié en latin en 1609 ("De Sapientia Veterum"), Bacon aborde dans son explication du mythe d’Orphée le thème de la philosophie. Ce chapitre permet de comprendre que Bacon ne conçoit pas la philosophie séparée de la science physique, amenée à progresser au fil du temps ; la philosophie ne doit donc pas être négligée, bien au contraire, mais elle ne doit pas non plus être mélangée ou confondue avec la Foi des apôtres, comme elle fut au moyen-âge selon un mauvais procédé nuisible aussi bien à la Foi qu'à la philosophie.
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