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michel-ange

  • Du Progrès

    L'homme de progrès détestera les musées, qui indiquent la difficulté de l'homme à franchir le cap de la culture ou de l'imitation de la nature pour son profit. Tout au plus les musées nous renseignent sur l'évolution de l'art et du goût au cours des derniers siècles, puisque l'intérêt pour l'homme s'est peu à peu substitué à l'intérêt pour la nature.

    L'homme moderne, en revanche, ne peut pas se passer des musées ; il n'existe que par eux. Qu'est-ce que Picasso serait sans les musées ? Sans doute son oeil avisé lui permet de faire le tri entre les bonnes imitations et les mauvaises, ce que le grand public ne sait pas faire ; ça fait de lui une sorte de prêtre, d'"officiant d'art". Michel-Ange fait preuve d'une capacité d'abstraction supérieure, car elle est moins rhétorique. Quoi qu'il en soit, Picasso est plus moderne et plus dépendant des musées.

    L'homme de progrès diverge donc nettement de l'homme moderne. Les efforts pour faire passer la modernité pour un progrès sont accomplis afin de dissimuler que les sociétés modernes sont indifférentes au progrès. Il est fort possible de bâtir une société sous le signe et le symbole de dieu, en réalité indifférente à dieu. Les sociétés sont comme les femmes qui, en général, se soucient d'abord d'elles-mêmes. De même on peut concevoir une société sous le signe de la science, dont la science soit le but affirmé, mais qui en réalité se complaise plutôt dans la culture.

  • Pour un art communiste

    "L'Art sans l'argent est une utopie" : suis pas étonné d'entendre ce truc dans la bouche d'un cinéaste franco-roumain-barbichu-subventionné, défendant la loi Hadopi pour le compte des cartels de l'industrie du divertissement.

    En dehors des régimes totalitaires, le cinoche n'aurait même pas lieu d'être. Modèle d'art génital, il recoupe à merveille la dynamique truquée, la fausse dialectique nationale-socialiste indexée sur le temps. Même un cinéaste d'une intelligence inhabituelle pour un cinéaste -Chaplin-, ne dénonce Hitler qu'après sa chute, servant ainsi les intérêts de la tactique yankie du "sépulcre blanchi à la chaux" plus efficacement que le gouvernement US n'aurait pu le faire avec ses propres films.

    Derrière les "éléments atomiques" censés fonder le néo-paganisme dans le matérialisme, se dissimule (bien mal) une statistique en branle - c'est à dire un archaïsme total. Il n'y a pas de culte plus animiste que celui rendu à Dionysos, qui suit nécessairement celui d'Apollon. Le païen d'opérette Frédéric Nitche n'est pas capable d'envisager l'art autrement que sous l'angle de son asservissement à la politique (Apollon) ou à la morale (Dionysos). Et cette raclure de Nitche prétend avoir lu Shakespeare, qui ne cesse de dire que la politique vient de l'orgie et de l'inceste, et qu'elle y retourne comme suppôt va en Enfer !

    Quant à la musique, l'amplitude de sa marée a toujours été, au cours de l'histoire moderne, signe de l'asservissement du plus grand nombre à la matrice de l'Etat, aux "valeurs actuelles". La transe du pianiste peut être prise pour le symbole de l'aliénation des foules. Le musicien est celui qui consent à se laisser dominer par son âme et, partant, à la symétrie. "La France contre les robots", certes, mais avant d'être contre les robots, la France est contre les violons ; au-delà ce n'est plus qu'une Allemagne ordinaire, dont on peut s'amuser à quarrer l'identité pour tuer le temps, non pas "après l'histoire", mais une fois l'histoire évacuée par le fonctionnaire nazi.

    Bien avant l'idolâtrie de Staline par Aragon, Eluard ou Sartre, le régime oppressif de Louis XIV, sous le signe satanique d'Apollon, ne connaît pas par hasard le débord musical et le retour en grâce d'une théologie sado-masochiste arriérée ; sans oublier le basculement dans le néant de Blaise Pascal, le triomphe du grammairien stupide, l'intérêt de la grenouille de bénitier Gassendi pour l'épicurisme...

    Pédérastique le cinéma, pédérastique sa dévotion pour l'Etat. Ce qu'il est utopique de croire, c'est que le cinéma n'est pas essentiellement pornographique et publicitaire.

    Shakespeare, Dürer, Michel-Ange, Ingres : les plus grands artistes agissent pour l'art contre l'argent.

    - Mais ils sont payés, ils palpent les artistes ! dira le premier beauf binaire mandaté par le capital pour parler en son nom sur "France Télévision"... il est payé en espèces sonnantes et trébuchantes, pour mieux affirmer l'accointance de l'artiste avec Judas et qu'il est une pute comme tout le monde. Bien sûr qu'ils sont payés, bien sûr que l'artiste a l'intelligence de ruser, de composer avec les puissances qui depuis toujours - depuis Ulysse - complotent pour l'assassiner. La ruse en cas de nécessité, qui fait de la mort une loi, sans quoi l'artiste ne serait pas moins imbécile que ceux qui tentent de le manoeuvrer. Crève le poète Achille, avide de gloire, de s'être mis au service d'Agamemnon et s'être ainsi comporté en vulgaire Troyen.


  • Un peu d'art pour tous

    Deux idées fausses reviennent fréquemment dans la critique d'art contemporaine :

    - le lien entre la peinture de la Renaissance et le "nombre d'or" ; il est vrai que les peintres de la Renaissance sont pour la plupart de véritables savants beaucoup plus sérieux que les soi-disant scientifiques d'aujourd'hui, fonctionnaires peu indépendants, parodies d'humanistes comme Axel Kahn ; mais l'arithmétique ou les mathématiques sont secondaires pour les savants de la Renaissance. Ils concernent surtout les artisans. Cette idée amène à confondre Michel-Ange avec Kandinsky, le "bauhaus" et la peinture du XIXe siècle, qu'on peut presque qualifier de "pythagoricienne" tant elle est obsédée par les calculs.

    L'usage du nombre d'or est en architecture et en décoration, pour la composition de grands panneaux, afin d'assurer un effet d'équilibre agréable à l'oeil ; point à la ligne. Dans la partie décorative (et donc à vocation politique de son travail), c'est là que le peintre se montre le moins objectif puisqu'il lui faut réserver au spectateur des effets de clair-obscur, de relief ou d'illusion perspective, afin de le séduire. Nul n'est plus au fait de l'aspect subjectif de la perspective qu'un peintre. Or le peintre de la Renaissance est en même temps, débordant le cadre politique, celui qui est le plus préoccupé d'objectivité scientifique. C'est-à-dire que l'artiste-peintre de la Renaissance autant qu'il le peut déborde le cadre de l'architecture et de la poésie pour tenter quelque chose de plus solide. De la même manière Shakespeare n'a résisté au temps que dans la mesure où il ne fut que très secondairement poète.

     

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    On peut même dire que G.W.F. Hegel, à peine plus avisé que Diderot en matière d'art, a bâti toute une théorie de la peinture entièrement fondée sur son aspect artisanal et politique, c'est-à-dire sur les aspects séduisants de la peinture, alors que la peinture de la Renaissance plus qu'aucune autre au cours de la période moderne, sur le modèle de l'art grec tend à s'élever au-dessus du soleil de la politique et des saisons. Non pas la mesure et le calcul des proportions si on préfère, plus prosaïquement, mais l'archétype et l'histoire. La preuve en est que le dessein atteint presque à la Renaissance, bien qu'il soit d'abord plus difficile que la peinture, le statut d'art à part entière. Et le dessein ne remplit pas de rôle politique déterminé. L'art pour l'art libre, le voilà.

    Au XIXe siècle J.D. Ingres est un des derniers à se souvenir que lorsqu'un peintre ne sait pas dessiner comme Vermeer, il n'est qu'un simple décorateur, aussi émouvant soient les effets de ses vernis sur l'âme étriquée d'un bourgeois. Mieux vaut un bon artisan rempailleur de chaise qu'un intello photographe comme Vermeer (un régal pour un faussaire, soit dit en passant).

    - deuxième ineptie, parallèle à la première, c'est l'idée de beauté symétrique. Il suffit pourtant de regarder un portrait de Dürer ou de Véronèse pour constater que la beauté n'a rien de symétrique. S'il est une beauté symétrique, c'est celle du diable, comme la chirurgie esthétique le prouve encore aujourd'hui, tuant par la symétrie la vie dans les visages (cf. Carla Bruni, transformée en momie de son vivant, alors qu'elle avait encore un joli minois il y a dix ans). Dürer et Véronèse étaient bien placés pour savoir que la symétrie se rapproche plus de la laideur. Et ça c'est l'architecture moderne, "cellulaire", qui le démontre.

    L'idée de beauté symétrique venant de la musique (ou de Platon), elle conviendrait mieux à l'art baroque du XVIIe siècle si les peintres baroques, bien que décadents, n'avaient pas une idée de la peinture quand même beaucoup moins étriquée que celle de Diderot (fasciné comme tous les jansénistes par la beauté du diable : les paysages marins).

    La science laïque s'évère bel et bien dans ce domaine aussi comme l'art d'enseigner au peuple des balivernes sous couvert d'élever l'esprit de chacun.

  • Marx pour les Nuls

    C'est aussi en scrutant la peinture, tout particulièrement celle de Tintoret, de Titien, de Michel-Ange et même de Dürer, que je suis devenu communiste. Etant donné que c'est un art populaire favorable à la communion, plus que n'importe quelle autre discipline, la peinture peut être tenue pour l'art communiste par excellence. Aussi riche en métaphores que le cinéma, procès national-socialiste, procès laïc ultime, est au contraire pauvre en métaphores et riche en illusions d'optique.

    Comme Marx a signé le permis d'inhumer de la philosophie (1550-1850), qui ne survit plus que sous la forme du soliloque de vieillards fétichistes, les humanistes de la Renaissance ont enterré la peinture, exaltant le dessein.

    Pour des génies comme Léonard ou Dürer, Lorenzo Lotto, on ne saurait ôter raisonnablement le surnaturel du naturel. Marx est de la même trempe. Le fait qu'il considère désormais la religion comme un obstacle à la science doit être examiné en toute objectivité, sans sentimentalisme. Cet examen est le préliminaire à une théologie de la Libération des chaînes de la philosophie libérale, de l'art capitaliste et de la morale bourgeoise sado-masochiste.

     

     

  • Créationnisme (3)

    Plongé pour échapper au mauvais goût ambiant dans la lecture du Michel-Ange d’Anthony Hugues, je me fais cette réflexion, une nouvelle fois, que le Royaume-Uni paraît plus préservé que nous des discours des trissotins.

    Non, il n’y a pas chez Anthony Hugues de ces réflexions idiotes, tautologiques, anachroniques, voire carrément imbéciles qu’on retrouve chez Catherine Millet, Jean Clair, Daniel Arasse, etc., à chaque page. Anthony Hugues s’emploie simplement à cerner son sujet. Au pays de Darwin, la téléologique évolutionniste et mercantile paraît avoir fait moins de ravages que dans nos frontières.

    Fustigeons en revanche l’éditeur de ce bouquin, Phaidon, français il me semble, qui n’a apparemment pas pris la peine de relire la traduction et laissé un paquet de coquilles, comme si on avait voulu faire de l’argent à bon compte.

    Certes dans l’Europe future, qu’on appelle de nos vœux pour résister à la barbarie yankie (ou slave, qui sait ?), il ne faudra pas s’inspirer du modèle de la critique d’art française, ni du milieu de l’édition française.