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aristote - Page 2

  • Mythomanie laïque

    Le problème de l'interprétation contemporaine de la mythologie grecque (-XVIIIe), sur laquelle la mythomanie laïque repose en partie, est le suivant :

    - si la science d'Aristote est mieux fondée sur la mythologie que la philosophie de Platon, comme l'oeuvre de François Bacon le laisse penser, dans ce cas des théoriciens animistes comme S. Freud ou Lévi-Strauss, Paul Diel, F. Nitche, etc., ne sont pas en position de comprendre une mythologie qui a surmonté le problème de l'âme, de l'opposition entre la dynastie et la dynamique, des différentes sortes de phénomènes naturels, etc.

    L'ignorance de l'art contemporain est une limite pour les Grecs fait remarquer P. Diel. Remarque qui prête à sourire. Elle revient peu près à dire que la science physique grecque à pâti du manque d'ordinateurs et d'un outil comme wikipédia.

    De là vient aussi que les traités portant sur la mythologie romaine, ceux de G. Dumézil par exemple, paraissent beaucoup mieux argumentés et plus sérieux. Junon "parle" beaucoup plus à notre époque qu'Athéna ou Ulysse.

     

  • Rabelais avait raison

    Mes études "dissidentes", "hors l'Université", après quelques années m'amènent à la conclusion que François Rabelais a raison. Sa diatribe contre la scolastique et l'Université, qui rejoint la critique aiguë de François Bacon des mêmes institutions, n'est pas de l'ordre de la caricature ou du pamphlet. L'Université s'est bel et bien avérée depuis le temps où Rabelais parle, être un moteur puissant de propagation de la superstition.

    Dès l'enfance d'ailleurs, après avoir lu la thèse révisionniste de Faurisson, publiée par une maison d'édition anarchiste et qui circulait "sous le manteau" dans mon lycée de province, j'ai eu l'intuition que le XXIe siècle serait révisionniste ou ne serait pas. Le contraire de Malraux, par conséquent, si tant est que sa conception de la religion soit plus cohérente que ses idées artistiques.

    Il n'est même pas utile d'affronter la censure à propos de Faurisson, de prendre position pour ou contre. Au regard des études historiques, la thèse de Faurisson est un détail et le révisionnisme historique de Marx beaucoup plus large et fécond. Je cite Marx en tant qu'exemple de science qui s'est construite en grande partie contre l'Université prêchant la science "ex cathedra". La découverte par Simone Weil de l'ineptie des travaux de Max Planck ne doit rien elle non plus à l'Université.

    Faurisson est d'ailleurs, bien qu'anarchiste, essentiellement un universitaire maniaque.

    Non qu'il ne soit absolument rien sorti de bon de l'Université, j'ai pu moi-même au plan du détail en retirer de bonnes choses, en particuliers d'ouvrages parus dans les années vingt ou trente en France ; la mythologie de Jean-Pierre Vernant, plus récemment, est loin d'être dépourvue d'intérêt ; les études mathématiques du Hongrois A. Szabo passionnantes aussi. Mais lorsqu'on compare ce reliquat aux hérésies scientifiques produites par l'Université, le bilan est terrible !

    Quelques exemples de sciences littéralement vandalisées : Aristote par Heidegger et H. Arendt ; Léon Bloy par G. Steiner et P. Glaudes (Bloy est très important pour un catholique dans la mesure où il est un des derniers exemples de théologien assez vigoureusement anticlérical) ; Shakespeare par Girard ou Bonnefoy ; François Bacon par ses commentateurs qui en ont fait "le père de l'empirisme", alors même qu'il n'en possède AUCUNE caractéristique, Karl Marx par Derrida ou Balibar, etc. 

  • Vu à la télé

    Vu Alain Badiou à la télé. Bonne tête de philosophe grec. Quand on voit le niveau moyen des profs de philo. censés avoir passé un concours élitiste et qui sont pour la plupart incapables d'exprimer une idée générale cohérente, on peut dire que Badiou "redore" le blason de sa corporation.

    Il faut dire que je soupçonne Raphaël Enthoven, l'ex. de Carla B., de n'inviter dans son émission de philo sur "Arte" (poilâde garantie !) que des sombres crétins, et laids si possible, afin de paraître brillant par comparaison.

    Surtout il n'y a pas chez Badiou le côté "Marx pour les bobos" comme il y a chez Debord, Baudrillard ou Daniel Bensaïd, qui aurait sûrement fait dégueuler Marx et Engels. C'est une menace de mort qui pèse sur le prolétariat que défendent Marx et Engels, comme aujourd'hui en Chine ou en Afrique, en Inde, et pas une menace de baisse du pouvoir d'achat.

    Ce qui fait la supériorité de Badiou, au-delà de ses capacités rhétoriques, c'est la teneur scientifique de son propos, notamment dans le domaine historique. Un des traits caractéristiques du capitalisme, c'est d'étouffer l'histoire pour la ramener au niveau de la chronologie ou de l'expertise-comptable.

    *

    Là où on ne peut pas cautionner les propos de Badiou, c'est lorsqu'il parle de "discipline du raisonnement mathématique". Bien sûr le raisonnement algébrique est essentiellement puritain et contraire au matérialisme de Marx. Toutes les prétendues "lois économiques libérales", monétaires ou autres, dont Marx a dégagé les ressorts une par une, sont sous-tendues par une algèbre puritaine. On constate d'ailleurs que l'argument télégénique indépassable d'un crétin comme Guy Sorman : "Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes capitalistes possibles", vient directement de la "science" boche de Leibniz, science méprisable qui a pour effet de réduire les réalités physiques à de simples slogans.

    Badiou ne va pas jusqu'à faire des mathématiques un mode de pensée communiste privilégié, heureusement, mais même lorsqu'il qualifie le raisonnement mathématique de "rigoureux" et "discipliné", il va trop loin ; il est en-deça de Simone Weil qui avait détecté le caractère irrationnel des travaux de Max Planck et l'avait dénoncé comme un usurpateur. Le raisonnement algébrique est fondamentalement binaire et paradoxal, c'est-à-dire chaotique. Le chaos des modèles astronomiques par exemple (abusivement qualifiés d'astrophysiques), ce chaos est extrapolé des modèles algébriques eux-mêmes.

    Qu'est-ce que ça signifie ? ça signifie que dès lors qu'une modélisation algébrique d'une réalité physique présente un caractère de "finitude" ou de "continuité" (par ex. le monde fini de Kopernik ou l'univers en forme de soucoupe des frères Bogdanoff), il est fondamentalement truqué et on peut le réfuter. Les fameux "trous noirs" ne sont que du rapiéçage, rapiéçage d'un grand 'patchwork' algébrique débile.

    Ce que Platon n'avait pas compris, c'est que la symétrie n'est que le masque de la laideur ; la symétrie cache le chaos comme le miroir cache l'image, et la poésie est complètement réversible. C'est ce que révèle Aristote, dans sa "Physique", et en quoi il surpasse Platon.

    En somme, Badiou est un communiste qui fait l'éloge de la musique, alors que c'est du côté du dessein que Marx, Engels ou Simone Weil se situent, plus près des étoiles par conséquent.

     

  • Ma méthode de lecture

    Vu que j'ai choisi comme axe de mes études la confrontation entre les eschatologies laïques du XIXe siècle (Hegel et Marx) et l'apocalypse de saint Jean, l'ouvrage de Mircéa Eliade intitulé "Le mythe de l'éternel retour" retient mon attention. J'en profite pour donner ma méthode de lecture :

    - Du fait qu'Eliade cite à plusieurs reprises le philosophe nazi Heidegger (dénazifié pour blanchir Sartre de lui avoir emprunté quelque gadget), je peux déduire que je ne tirerai rien de bien substantiel d'Eliade. Le problème d'Heidegger n'est pas en l'occurrence qu'il soit nazi, mais qu'il confonde à peu près Aristote avec Epicure, ce qui pose un problème majeur puisqu'on peut considérer ces deux philosophes grecs comme antinomiques.

    Or la Grèce a connu un progrès du mythe de l'Eternel retour vers la dialectique, avant de revenir à l'Eternel retour. Comment Eliade peut-il comprendre clairement une telle évolution dans ces conditions ?

    - Et je constate rapidement qu'Eliade prend conséquemment au sérieux l'"existentialisme", qui n'est rien d'autre que la morale capitaliste ou laïque, ce dont Eliade ne semble pas dupe mais qu'il n'énonce pas clairement.

    Un toubib me disait un jour que les aborigènes d'Australie n'ont pas de lombalgies parce qu'ils ignorent la définition de la lombalgie ; de la même manière, quiconque vit sous la pression constante d'un pouvoir quel qu'il soit ignore que son existence relève de l'existentialisme chrétien/athée/juif/musulman/sucré/amer.

    - Eliade souligne que le mythe de l'éternel retour a un effet psychologiquement rassurant dans les civilisations primitives, un peu comme le nationalisme ou le patriotisme rassurent, c'est moi qui précise ici, en procurant l'illusion aux individus qu'ils partagent avec un vaste groupe -armé et puissant-, un même "karma" (tant que ces enfants ne sont pas eux-mêmes dévorés par leur mère-patrie). De même le mythe de l'éternel retour est-il un peu inquiétant vers la fin, comme les propos du journaliste-philosophe P. Muray le prouvent ; et les drogues plus ou moins dures complètent utilement l'existentialisme.

    Si Malraux, par "religieux" voulait dire que le XXIe siècle serait "sectaire", il ne s'est pas trompé ; mais ce n'est que le corollaire de la force centrifuge du capitalisme : à l'intérieur de la grande nef étatique glaciale se forment de petites chapelles pour ne pas mourir de froid. Le tribalisme laïc est à une échelle différente. Le sous-bassement de ces chapelles est souvent beaucoup plus instinctif qu'on croit ; il n'y a pas que les gays qui s'associent en fonction de leurs appétits sexuels ; les partouzeurs vont avec les partouzeurs, les continents avec les continents, ce qui ne le sont qu'à-demi ensuite, etc. Plus la spiritualité est mise en avant, plus on peut craindre que ce soient de vils mobiles qui gouvernent en réalité ces contrats sociaux secondaires.

    - C'est donc à faire ressortir le véritable caractère de la pensée dite "historique", opposée aux mythes de l'éternel retour, qu'Eliade se montre impuissant, commettant la grossière erreur de qualifier l'existentialisme d'"historicisme", alors que celui-ci nie au contraire l'histoire. Eliade n'a pas vu que la pensée historique de Hegel n'en est pas une mais reste ancrée dans le byzantinisme allemand. L'erreur d'Eliade est ici d'autant plus grave que Marx, déjà, l'avait relevé.

    - Malgré l'avertissement d'Aristote cette fois, Eliade oppose le "cycle païen", "indo-aryen" à la "ligne historique". Qu'elle soit cyclique ou linéaire, une idéologie est une idéologie et renferme forcément un paradoxe. Si seulement Eliade avait lu Aristote plutôt que les conneries d'Heidegger (d'autant plus vicelard qu'il rend hommage à la "Physique" d'A.). La ligne n'est qu'une portion de cercle. Seul les crétins nullibistes yankis, Riemann, Beltrami, Einstein et "tutti quanti" peuvent croire qu'ils ont approfondi Euclide ou Aristote quand ils ne font qu'effleurer sa surface.

    Eliade aurait dû dire plus nettement que l'éternel retour et l'histoire ne sont pas opposés comme deux idéologies. Ce qui les oppose est ce qui oppose l'artifice à la nature. Le créationnisme d'Aristote contient bel et bien une pensée historique. Quant à Homère, si le théologien "millénariste" François Bacon (alias Shakespeare) l'a récupéré, c'est bien parce que "L'Iliade" et "L'Odyssée" ont un caractère apocalyptique et historique. 

    - Pour résumer : Mircéa Eliade critique le mythe de l'éternel retour seulement dans la mesure où il est lui-même sous son emprise. Autrement dit, il est impossible de concevoir une pensée historique qui ne soit pas théologique. Et, à l'inverse, une théologie qui se mélange au mythe de l'éternel retour n'est pas une théologie mais une généalogie déguisée en théologie. Là où l'erreur quasi-algébrique d'Eliade est encore perceptible, c'est qu'on voit bien que la pensée marxiste, conçue comme une pensée linéaire, demeure statique et finit par retomber au niveau idéologique de Hegel : c'est Althusser ou Balibar.

     

  • God bless the Poors

    Marx se garde de préciser à quelle vitesse la mécanique capitaliste va s'enrayer. Justement parce les statistiques et les probabilités sont exclues de la science marxiste, qui emprunte sa dynamique à Aristote (au moins autant qu'Averroès ou saint Thomas d'Aquin).

    Peut-être Marx a-t-il sous-estimé l'appui fourni par Satan à cette idéologie d'hommes ? Ce n'est pas sûr car il avait lu Balzac pour qui la volonté de puissance des acteurs du capitalisme est clairement d'origine satanique.

    De même aujourd'hui il est difficile pour un catholique d'ignorer l'omniprésence de Satan dans la culture yankie, à côté des références bibliques. C'est particulièrement net dans la musique pop et dans le cinéma. Un "cinéaste catholique", c'est le genre de truc que j'ai du mal à avaler ; je préfère dire "un suppôt de Satan" tant le cinéma est vecteur de destruction de tout art et de toute science. Quant au slogan "rock n'roll", il est évidemment diabolique aussi.

    Mais les deux preuves les plus flagrantes pour moi sont l'emprisonnement d'Ezra Pound, savant mystique, tendre et dur, comme un homme du moyen-âge, peut-être le seul vrai savant né sur le sol des Etats-Unis. Et cette façon proprement odieuse qu'ont les puritains yankis de baptiser leurs "holdings", c'est-à-dire leurs "hold-ups", de noms chrétiens.

  • Football et laïcité

    On entend souvent des sociologues, des plus ou moins chercheurs au CNRS ou à l’EHESS, affirmer que le football est “révélateur de notre société”. Est-ce que ce genre de tautologie mérite vraiment d’être financée par une bourse d’étude ?
    Si l’on dit que la peinture de la Renaissance est révélatrice de la société de la Renaissance, ou que le théâtre grec en dit long sur la société grecque, on a tout dit et rien dit.
    Le plus stupide des supporteurs du PSG est capable de voir que le football n’est pas du sport, mais que c’est une activité régie par d’autres règles.

    *

    La question du football est liée indirectement à celle du mythe. Le mythe a pour but de compléter et de nourrir la logique. On ne peut pas dissocier la mythologie grecque de la philosophie grecque. Elles se complètent. Le mythe grec excède même la pensée rationnelle grecque d’Aristote. On peut dire en quelque sorte que la raison grecque vient du mythe et qu’elle y retourne. Aristote traduit en raisonnement l’<I>Iliade</I> et l’<I>Odyssée</I>, mais sans en résoudre complètement le mystère.
    Ce qui peut apparaître aujourd’hui comme un récit fantaisiste et incohérent, les “aventures d’Ulysse”, et des penseurs ineptes comme Nitche ou Freud ont contribué à répandre ce préjugé, est en fait la base d’une des civilisations les plus fécondes.

    De même la logique juive, le Talmud, vient du récit biblique et y renvoit. Le Nouveau Testament fonde aussi un imaginaire et une logique complètement différente.

    Dans ce qu’il faut bien, objectivement, considérer comme une religion, la laïcité, même si la foi de chaque laïc, subjectivement, est plus ou moins profonde, les “Droits de l’homme” occupent la place du mythe. Ils sont à la fois la source des règles juridiques morales et politiques laïques, et en même temps son horizon indépassable. Autrement dit les “Droits de l’homme” et le droit public international fixé par l’ONU sortent du droit commun.

    *

    La spécificité du mythe laïc par rapport au mythe grec, juif, musulman ou chrétien apparaît clairement, même s’il est sans doute possible d’établir des analogies entre la logique juive, musulmane ou chrétienne et la logique laïque (La religion laïque n’est pas une religion “vétéro-testamentaire” pour rien.) : le mythe laïc n’est pas imagé ; il n’est pas, ou très peu, narratif. De là la difficulté du clergé laïc à inventer des cérémonies religieuses originales. Le régime national-socialiste s’y est bien employé avec une conviction particulière, mais les grand-messes nazies et le bric-à-brac de la symbolique mi-viking mi-hindoue ont laissé une impression de pacotille, tout comme la ferveur militaire de l’Empire napoléonien dont les défilés du 14 Juillet, avec leur pompe ostentatoire, sont le reliquat.
    Même Hegel, bien que théoricien de l’Etat et du progrès laïc, goûtait assez peu l’art de son époque.

    Il n’est donc surprenant que la religion laïque, bridée dans son imagination, s’invente des modes de pensée ou des cérémonies plus concrètes, ne serait-ce que pour satisfaire le goût populaire qui ne jouit guère de l’art laïc du musée Pompidou, même si le populo singe parfois le bobo.
    L’emprunt par Darwin à Lamarck de sa théorie imaginative, renforcée d’extrapolations algébriques, remplit à peu près le même office : permettre aux fidèles laïcs de se projeter au-delà de leurs principes théoriques. Si cette projection a pu séduire aussi bien le IIIe Reich nazi que les Yankis ou l’Europe laïque contemporaine, malgré la découverte récente d’indices infirmant la science téléologique de Darwin, l’hostilité de l’imaginaire juif, musulman ou chrétien, à cette transcendance-là, est tout ce qu’il y a de plus logique.
    Il n’est pas d’exemple dans l’histoire d’une superposition de plusieurs mythes qui n’ait abouti à la soumission de l’un à l’autre, non à la somme ou à la division géométrique de ces mythes.

    Profitons-en pour signaler la déficience profonde de la pensée laïque de Maurras, derrière le style "cicéronien", puisqu’un énergumène tel que Régis Debray, cahin-caha vient de ressusciter Maurras. Cette thèse laïque ignore absolument cette réalité que la religion laïque est d’ores et déjà issue d’un amalgame d’exégèses bibliques marquées par l’autosuggestion. Maurras et Debray veulent rajouter du christianisme à un pastis déjà coupé au christianisme. Ce n’est pas le “retour vers le futur” mais le “grand bond en avant vers le passé”. Il est étonnant que Debray n'ait pas songé, plutôt qu'à la démocratie-chrétienne, à une religion plus jeune comme l'islam pour son Etat laïc. Quitte à faire une cure, autant qu'elle soit de rajeunissement.
    Il convient donc pour faire la lumière de classer Maurras et Régis Debray, avec Freud, Nitche et Darwin, dans la catégorie des “penseurs métèques”.