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william shakespeare

  • Orwell ou Shakespeare

    A qui me fait remarquer que Georges Orwell fut un écrivain visionnaire, je réplique qu'Orwell a près de quatre siècles de retard sur Shakespeare ; "rétro-visionnaire" paraît donc mieux adapté.

    Comparés à Shakespeare, tous les poètes occidentaux paraissent "modernes", c'est-à-dire producteurs d'ouvrages de circonstance, voués au rebut, suivant cette vérité éternelle que le temps commence d'abord par frapper de ses rayons ceux qui croient malin de lui réclamer des dividendes.

    Bien qu'il ne se passe pas un jour sans qu'un professeur complote d'assassiner Hamlet une bonne fois pour toutes, Shakespeare demeure, bien plus contondant qu'Orwell, une pierre dans la botte de l'oppresseur, le genre de caillou dont Goliath ne croyait pas devoir se méfier.

    Beaucoup mieux qu'Orwell, Shakespeare montre que l'oppression s'accroît du faux savoir livresque, autrement dit de la "culture", n'interdisant pas la lecture, mais rendant au contraire obligatoires les ouvrages les plus vains -tout ce qui relève de la psychologie-, passion qui trahit l'onanisme des intellectuels ; la grande majorité des lectrices ne fait que boire comme du petit lait le foutre de curés ou d'enfants de choeur, croyant ainsi se fertiliser la cervelle. Les imbéciles, chez Shakespeare, sont presque toujours des ecclésiastiques (Polonius, Thomas More, Erasme), sachant la contribution majeure de l'intelligentsia catholique aux divertissements psychologiques. La foi et la raison totalitaires sont inscrites pour Shakespeare dans le plan des hommes depuis le jour où un homme, Jésus, est parvenu à échapper à la condition humaine, privant le clergé et la culture de toute fonction, et même la fonction de sa fonction. 

  • Claudel et Shakespeare

    J'indiquais récemment que Voltaire qualifie Shakespeare de "sauvage". Ce n'est pas l'adjectif le moins approprié, puisque la vision chrétienne s'oppose à l'angle païen de la civilisation (la théorie des "racines chrétiennes" est une théorie juridique, et le christianisme n'a ABSOLUMENT RIEN de juridique).

    J'écris "angle" exprès, car la littérature de Shakespeare recèle cette prophétie selon laquelle la "terre des Angles" est la pointe avancée de la civilisation occidentale, "hyperboréenne" comme disent Nitche ou les nazis.

    Certains critiques ont pu dire que le portrait des rois par Shakespeare était une sorte d'anticipation du dictateur oedipien Hitler. En réalité, c'est le "royaume chrétien d'Angleterre" qui est visé, et tous les régimes théocratiques soi-disant chrétiens par conséquent, qui inversent la spiritualité chrétienne d'une façon frappante, et qui trouve confirmation dans l'apocalypse aussi bien que les mises en garde répétées de Jésus et des apôtres contre les faux prophètes et prêtres chrétiens. La grande leçon d'histoire apocalyptique de Shakespeare est celle-ci : dans l'ordre démoniaque de la puissance morale et politique, l'étiquette chrétienne ajoute une ruse supplémentaire.

    Le poète soi-disant catholique Paul Claudel écrit quant à lui : "Ces écrivains anglais, de Shakespeare à Dickens et à Kipling, sont tous des païens. Pas le moindre sentiment du Christ, pas même un soupçon de métaphysique chez l'un d'eux."

    Claudel est le pharisien-type, tel que Shakespeare le décrit sous les traits de Polonius dans "Hamlet", c'est-à-dire du chrétien planqué derrière une "morale chrétienne" dépourvue de fondement chrétien. Il est impossible de fonder le catholicisme sur la morale, puisque celle-ci n'a pas de caractère universel. C'est un grand thème shakespearien que la trahison des clercs du moyen âge.

    A tous les points de vue : littéraire, chrétien et métaphysique, Claudel divague. Il n'y a sans doute pas de "sentiment du Christ" (?) chez Shakespeare, en revanche pas une page qui ne se réfère aux écritures saintes ou à saint Paul, ce qu'il faut être athée ou païen pour ne pas remarquer. L'écrivain pédéraste et pédagogue (l'un va rarement sans l'autre) R. Kipling a donné des fables dont le sens est assez contradictoire, quoi qu'il en soit très éloigné du symbolisme apocalyptique de Shakespeare, le mieux maîtrisé dans tout l'art anglais, en un mot le plus logique. Si l'on tient à citer un écrivain démoniaque, pédéraste et britannique, c'est le nom de Lewis Carroll qui s'impose.

    La métaphysique "par-delà le miroir" de celui-ci est typiquement païenne - "pythagoricienne" -, et c'est exactement celle contre laquelle Shakespeare livre bataille. La littérature régressive et pénible à lire pour un adulte normalement constitué de L. Carroll indique d'ailleurs assez bien que les mondes virtuels où la métaphysique païenne trouve refuge se conçoivent aussi bien sur le mode politique de l'au-delà, que sur le plan intime du rêve et de la perte de conscience volontaire.

    Mieux vaut pas de métaphysique du tout plutôt qu'un "soupçon", comme dit Claudel, qui confond sans doute la métaphysique avec l'alchimie ou la cuisine italienne.

    Le globe ou la sphère est pris souvent à la Renaissance comme le symbole de la métaphysique par excellence, précisément parce que c'est une forme qui n'est pas physique ; elle ne fonde donc pas de morale. Au contraire de la métaphysique païenne égyptienne ou pythagoricienne, déduite dans le prolongement de la morale ou de la politique, la métaphysique chrétienne renverse l'ordre moral, ce qui est indiqué dès la Genèse par les deux voies opposées de la chute, naturelle ou physique, et du salut, métaphysique ou spirituel.

     

  • Bacon our Shakespeare

    Commenting upon Shakespeare today scholars are giving him their own Philistine prudishness and silliness. Feelings are driving to ultimate black holes and shit; the Tragedian does know it and let the virtue on one side. "Measure for measure" is about how believing in virtue and power, under the Devil's sun (see Lucio's wink), is a tragedy -not a comedy- for little kids.

    How can scholars forget Hamlet's telling to Ophelia to go to the nunnery? How can they forget what happen to Rosencrantz and Guildenstern who are themselves scholars? Fiction is good for the Physiologist or the Christian gasteropod (French R. Girard explaining -what a scoop!- that 'Hamlet' is not about revenge).

    It is thus useless to blame Shakespeare for his lack of psychology as some patriotic poet or hired scholar did. For stupid German S. Freud, Hamlet is Oedipus although Claudius is obviously the Tyrant whose power is based on incest as politics in general (says Oedipus' fable). German philosophy is able to condemn everybody to death penalty except the body of law that has nobody: what proves Freud one more time.

    How do we have to understand Shakespeare when Shylock is ruling? That is the question.

    "Phoenix and Turtle", part of "Loues Martyr" (1601) was translated in French by F.-V. Hugo (son of famous poet) who does not underline the aristotelician physics -or ontology- enough, that the author does apply to the Revelation, especially in the "anthem" part, second one.

    But I chose to present last part first before because of its simplicity. Due to the Baroque cancer where we are now in its last phasis, central part of Shakespeare's praise song is more difficult. Thinking out of time is what Baroque cancer prevent. Sole play of time as a murderer along Shakespeare's theater is enough to recognize a christian materialist thinking. Shakespeare is seeing theocracy that was coming as the effect of Lucifer's power in the history, beyond Hercule's columns.

    Christian free-mason J. de Maistre was right when he saw Shakespeare and Francis Bacon as ennemies of his turkish idea of christianism, satanic fantasy of a coming back of Louis XIVth bloody kingdom. Maistre is maybe wiser here than Voltaire who did not love Bacon enough and neglected him to much for stupid mathematics of I. Newton.

    It is not scientific to ask wether if Shakespeare is catholic or not. For sure on one point he does think as Dante Alighieri or Luther that the marriage of the Church (Gertrude) with civil power (Claudius) is the worst thing. But both English Church and the Catholic one were representing this betraying at this time. It is thus wiser to see a link between Queen Elisabeth and King Claudius than between Queen Elisabeth and Queen Gertrude. Therefore Shakespeare is more 'trinitarian' than recent roman popes themselves are.

    LAST PART III:

     

    THRENOS

    "BEAUTY, truth, and rarity,

    Grace in all simplicity,

    Here enclosed in cinders lie.

    Death is now the phoenix' nest;

    And the turtle's loyal breast

    To eternity doth rest,

    Leaving no posterity:

    'Twas not their infirmity,

    It was married chastity.

    Truth may seem, but cannot be;

    Beauty brag, but 'tis not she;

    Truth and beauty buried be.

    To this urn let those repair

    That are either true or fair;

    For these dead birds sigh a prayer."

    Glory for the Phoenix, salvation for the Turtle, symbol of christian sionism and holly spirit, can we sum up here. See what glorious warriors of Troy are for Shakespeare ('Troilus and Cressidea': just dummies.)

    TO BE CONTINUED

  • L'Amour de Shakespeare

    S’agissant de Shakespeare, il faut se garder de l’indécrottable niaiserie sentimentale qui est le trait dominant de la bourgeoisie et de sa science scolastique depuis le XIXe siècle. Les sentiments conduisent au merdoiement ultime ; et le tragédien le sachant maintient sa dialectique à distance de la police des moeurs. La prude salope Ophélie peut aller se faire voir au couvent, comme une bonne "fille à papa". Romance est bonne pour le physiologiste ; mieux vaut dire carrément pour le gastronome et sa méditation digestive, le chrétien gastéropode.

    Aussi est-il parfaitement vain de reprocher à Shakespeare son "manque de psychologie" comme tel ou tel poète nationaliste/thésard appointé s'est permis. Les thésards, dans Shakespeare, sont Rosencrantz et Guildenstern, et on sait ce qu'il advient d'eux enfin.

    Le poème "Phénix et Colombe", partie du "Martyre d'amour" ("Loues Martyr" - 1601) dont la traduction méritoire de François-Victor Hugo ne souligne pas assez l'aristotélisme ou l'"ontologie" shakespearienne appliquée à l'apocalypse, se compose de trois parties. Je choisis d'en présenter d'abord la dernière (Oraison, "Thrène"), dont l'arrière-plan théologique est le plus aisé à traduire. Avant de revenir au début du cantique et à sa partie centrale la plus ardue à expliquer, compte tenu du cancer baroque en phase terminale où nous sommes, la conversion définitive de l'Eglise romaine à des "valeurs actuelles" parfaitement sinistres.

    Le rôle d'assassin dévolu au temps dans l'oeuvre de Shakespeare permet à lui seul de reconnaître une pensée matérialiste chrétienne ; ça empêche de faire de Shakespeare un auteur baroque et de le mêler au culte bourgeois de la musique, des horloges, de la balistique et des miroirs, sans compter le concile "tridentin". Le franc-maçon Joseph de Maistre a vu juste en marquant Shakespeare comme un ennemi de son christianisme ottoman ; grâce soit rendue à de Maistre pour une sincérité dont ses héritiers, adeptes d'une théocratie chrétienne en apparence plus molle, parfaitement narcissique mais non moins meurtrière, sont incapables aujourd'hui. L'avantage des cercles délimités par le compas de de Maistre, c'est qu'ils sont nets.

    Shakespeare peint dans "Troïlus et Cresside" Ajax en héros diabolique ; du crâne fendu d'Ajax jaillirait de la musique. Nul hasard chez Shakespeare.

    III. ORAISON ("Thrène")

    "Beauté, Vérité et Excellence, la Grâce en toute simplicité, dans ces scories sont incluses :

    La mort désormais est là où niche le phénix ; tandis que la poitrine de la loyale colombe repose bel et bien dans l'Eternité.

    Sans laisser de postérité : non pas à cause de leur infirmité, mais du mariage dans la chasteté.

    La Vérité peut paraître sans être ; la Beauté triomphe, mais ce n'est pas elle. Vérité et Beauté peuvent être enterrés.

    A cette urne laissons se rendre ceux qui sont, ou beaux, ou vrais ; murmurons pour ces oiseaux morts une prière."


    La gloire pour le phénix, le salut éternel pour la colombe du sionisme chrétien. Shakespeare, rompu aux sciences naturelles comme aux Saintes Ecritures reprend le symbole de la colombe, oiseau incarnant l'Esprit chrétien de sagesse charitable, déjà présent dans les écrits prophétiques juif ou grec en tant que tel. Persée vainqueur de la Méduse est ainsi représenté sur certains cratères antiques, escorté d'une colombe. Athéné, plus souvent associée à la chouette et sa vision nocturne, l'est aussi parfois à une colombe ; le pouvoir de retourner la tête de Méduse contre ses ennemis est d'ailleurs offert par Persée à la déesse qui incarne l'esprit de Zeus.

    Shakespeare fait certainement partie des humanistes jusqu'à Voltaire inclus qui pensent que les Grecs, d'une manière ou d'une autre, ont élaboré une religion dont l'imaginaire provient largement de l'Ancien Testament, prophéties apocalyptiques incluses. Le plus sérieux de ces savants humanistes est François Bacon puisqu'il jette les bases historiques de cette thèse, tout en énonçant une des plus anciennes théories de la dérive des continents (C. Darwin s'y serait rallié à la fin de sa vie, ce qui si cela est vrai implique la mort du darwinisme dans l'esprit de Darwin lui-même, car il n'y a pas hormis celle d'Aristote de science naturelle moins radicalement opposée à l'idée de transformisme et de progrès par mutation, la mutation étant pour Bacon, ontologiquement et symboliquement, un fait statique.)

    Le phénix, lui, oiseau du Sud (l'emblème du Mexique, par exemple, et qui signifie "rouge sang", "écarlate") est pris comme un symbole luciférien en raison de son rapport avec le soleil (Apollyon est le nom de l'ange de l'abîme, Abaddon en hébreu) et de son pouvoir mythique de régénération dans le temps. Le culte du soleil et la pratique des sacrifices humains dans l'Antiquité comme dans les religions du Nouveau Monde ont été rapportées aux humanistes de la Renaissance dont l'eschatologie ne peut se passer de cette géographie. Est-il besoin d'insister sur le fait que l'esprit de la Renaissance que Shakespeare exprime est à mille lieues de l'existentialisme nazi, du cartésianisme ou du christianisme antitrinitaire du dernier pape ?

    La régénération dans le temps est bien sûr liée à l'engendrement et à la postérité. Les sonnets ont pu être traduits parfois comme l'incitation par Shakespeare à la procréation de tel ou tel hypothétique amant !!! Alors que la strophe invite à la chasteté, à l'imitation du Christ ou de la vierge Marie ; on peut aussi citer l'Apocalypse de saint Jean, principale source d'inspiration de l'auteur du chant ("Et ils chantaient comme un chant nouveau devant le trône (...) et nul ne pouvait apprendre ce cantique, si ce n'est les cent quarante-quatre mille qui ont été rachetés de la terre. Ce sont ceux qui ne se sont pas souillés avec des femmes, car ils sont vierges. Ce sont eux qui accompagnent l'Agneau partout où il va." Ap. XIV, 3 ; ces cent quarante-quatre mille qui ont leur place au ciel sont précisément appelés "martyrs" dans la vision de l'évangéliste.)

    Le culte du temps, s'il est un des aspects essentiels d'une philosophie germanique nazie que Joseph Ratzinger n'hésite pas à recycler (le sinistre Hans Küng a publiquement invité son confrère à adopter totalement l'anti-histoire de Hegel - Hitler excepté), ce culte est interprété -au-delà de Shakespeare- par la science de la Renaissance comme étant démoniaque et lié au débordement d'âme animiste, facteur de superstitions et de croyance païenne dans la métempsycose.

    L'antimonachisme de Shakespeare, à la suite de Rabelais, indique qu'il impute aux clercs le retour en force de l'animisme. Difficile pour nous qui sommes contemporains du pacte entre la religion républicaine "laïque" et les églises chrétiennes, objets d'un mépris croissant et proportionnel au nombre de "paroissiens" qu'elles comptent, de comprendre que l'Eglise pour les humanistes qui la critiquent est devenue une puissance séculière, et que c'est cet aspect qu'ils combattent le plus vigoureusement ; d'autant plus difficile que la scolastique laïque tente de faire croire que la religion de l'Etat actuelle est héritière de l'humanisme "via" la Révolution française, hypothèse parfaitement chronologique et absurde, renforcée par la muséographie boche de Freud, Nitche, Panofsky ou Malraux, suborneurs de l'art dont l'astuce consiste à assimiler l'art de la Renaissance à l'architecture jusqu'à aboutir au plus pédérastique fétichisme que le Capital se charge de fourguer à l'aide de sa vaseline médiatique et de ses petits caporaux éditorialistes.

    Quant aux "oiseaux morts", le lien dans la sagesse des Anciens entre le vent et la puissance de Typhon, facteur des tremblements de terre selon Aristote, ce lien n'incite pas Shakespeare en dehors de la colombe ou de l'aigle à regarder les oiseaux comme des créatures liées à l'Esprit saint. Une pénétration plus forte de la pensée matérialiste d'Aristote, distingué de Platon (L'université aujourd'hui qualifie de "néo-platonicien" un savant comme François Bacon qui rejette Socrate et Platon en tant que porteurs d'un paganisme presque aussi ésotérique que celui de la secte pythagoricienne !) implique que la Renaissance accorde au symbolisme une valeur scientifique plus grande qu'aux signes mathématiques (dont la svastika est un résumé plus-que-parfait). Comme la poésie charrie des éléments mathématiques, le genre tragique que Shakespeare préfère repose au contraire sur une physique matérialiste. Le tyrannie au cours des siècles est aussi indissociable des mathématiques qu'elle l'est de la musique, langages qui exaltent tous deux la vertu et la puissance, une harmonie factice qui dissimule le chaos et l'entropie spirituelle. Les "trous noirs" cinématiques ne font que refléter le néant de l'âme de ces fonctionnaires du culte de soi-même. On ne calcule des "théories des cordes" que pour mieux aller se pendre...

    Pour la science baroque, l'éternité est remplie du sifflement des astres. Pour la Renaissance au contraire, le requiem n'est pas le fracas des instruments de l'hystérique Mozart, qui feront le régal du bourgeois. Mais revenons au début du cantique :

    I.

    Que l'oiseau du plus sublime cantique, sur le seul arbre d'Arabie, soit le héraut triste et trompette pour les chastes ailes obéissant à son appel.

    Mais toi, strident messager, nuisible annonciateur de Satan, augurant la fin de la fièvre, de cette troupe ne t'approche pas !

    Proscrit soit de cette assemblée tout volatile au plumage tyrannique - hors l'aigle, sa plume royale, qui garde la règle sévère de ces obsèques.

    Que le prêtre en surplis blanc sache de cette musique funèbre être le cygne devin de mort, de peur que le requiem ne perde son droit.

    Quant à toi, corbeau triplement archaïque que fabrique le genre noir, avec le souffle que tu donnes et reprends, retourne plutôt à nos convois funèbres.

     

    C'est le "Cantique des cantiques" de Salomon qui est évoqué d'emblée ("Oui, tu es belle, mon amie ; oui, tu es belle ! Tes yeux sont des yeux de colombe." Cant. I,15) ; ou encore : "Lève-toi, mon amie, ma belle, et viens ! Car voici que l'hiver est fini ; la pluie a cessé, elle a disparu. Les fleurs ont paru sur la terre, le temps des chants est arrivé ; la voix de la tourterelle s'est fait entendre dans nos campagnes ; le figuier pousse ses fruits naissants, la vigne en fleur donne son parfum. Lève-toi mon amie, ma belle, et viens ! Ma colombe, qui te tiens dans la fente du rocher, dans l'abri des parois escarpées." Cant. II,10).

    - L'arbre d'Arabie renvoie, lui, à l'olivier dont la colombe dans la Genèse ramène une branche à Noé après la défaillance du corbeau. L'olivier est fréquemment associé dans l'Ancien Testament au pays de Canaan. On pense là encore bien sûr à Athéné et au fait que l'olivier est lui aussi symbole de l'Esprit (le palmier a été évoqué par certains commentateurs, mais Shakespeare précise le "seul" -sole- arbre d'Arabie et le palmier pousse sous toutes les latitudes).

    - L'intérêt de la Renaissance pour les écrits prophétiques, que ses plus grands peintres ont traduit en peinture, a poussé certains humanistes à rapprocher le dialogue entre le sage Salomon et son épouse aux yeux de colombe, de la femme de l'apocalypse de saint Jean, épouse du Christ. La "mariolâtrie" du XIXe siècle assez largement satanique, et celle qui l'est plus encore de la bourgeoisie gaulliste qui n'hésitent pas à mettre le Nouveau Testament au service de son dessein nationaliste, ont conduit à interpréter nombre d'oeuvres médiévales ou renaissantes comme des représentations de Marie, la servante du Seigneur, là où l'épouse du Christ est représentée (typiquement lorsque celle-ci est revêtue par Jésus son époux d'un vêtement blanc, symbole de la pureté et de la virginité des élus à la veille de la seconde résurrection).

    - L'aigle accompagne non seulement saint Jean, "fils du Tonnerre", mais Zeus, que l'humanisme chrétien incorpore fréquemment comme le Dieu de l'Ancien Testament à sa théologie chrétienne. Les autres oiseaux symboles de tyrannie : coq, paon, etc. sont pris par Shakespeare pour des oiseaux qui, jusque dans leurs couleurs, évoquent le diable (A. Hitchcock s'est-il inspiré de Shakespeare ?).

    - Le corbeau, oiseau vain depuis la Genèse et sa substitution par une colombe, symbolise dans l'imaginaire chrétien la synagogue de Satan et un clergé temporel dont le pouvoir repose sur le monopole d'ensevelissement des morts. Certain spécialiste de la religion romaine a pu écrire aussi que l'aigle romain est en réalité un corbeau, ce qui est plausible compte tenu du goût des Romains pour le carnage, les pompes funèbres et les divertissements macabres. Il est en outre prêté au corbeau comme au phénix la vertu de renaître trois fois dans le temps.

    - Le cygne, dans lequel le christianisme romantique (Villiers de l'Isle-Adam) a pu voir un symbole de la poésie étranglée par la bourgeoisie industrielle, Shakespeare en fait un symbole du prêtre annonciateur de la fin du temps.

    Vient ensuite l'antienne, où Shakespeare développe une théologie que Léon Bloy essaiera en vain de relever au XIXe siècle, malgré l'hostilité du clergé à toute théologie extra-sulpicienne. Le "Pilate XV" de Léon Bloy précède notre "Pilate XVI" et ses conférences face à des parterres de notables plus compromis les uns que les autres dans la prostitution capitaliste baptisée "valeurs actuelles", le christianisme social de Mauriac bâti sur un noeud de vipères. Cette eschatologie se concentre sur l'étrange propension de Lucifer à parodier le Christ. Tous les deux sont dits "porteurs de lumière" dans les saintes écritures et "étoiles du matin". Le coït est dit "amour" bien qu'il soit plutôt appétit ou possession. Il est logique que le prolongement de l'accident du temps ait entraîné Shakespeare à élucider ce mystère qui laisse l'apôtre des Gentils lui-même perplexe et constitue la toile de fond de l'histoire ("C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et de deux ils deviendront une seule chair." Ce mystère est grand ; je veux dire, par rapport au Christ et à l'Eglise." Eph. V,31-32)

    II. ANTIENNE

    "Ainsi aimèrent-ils comme doublon, l'être étant présent mais en un seul. Deux personnes, aucune division. Le nombre ici dans l'amour anéanti.

    Coeurs scindés, mais non encore écartés ; un vide, mais pas d'espace visible entre la colombe et sa maîtresse. Mais en eux il y avait un étonnement.

    Ainsi l'amour entre eux brillait-il tel que la colombe pouvait voir brûler son droit dans le regard du phénix. Chacun était le moi de l'autre et réciproquement.

    Le principe ravageur était donc que la personne n'était unie ; deux noms pour une seule nature. Mais ni une ni double n'étant appelée.

    La logique elle-même brouillée voyait la division s’accroître de la multiplication par cette double négation commune."

    [Il ne faut pas s’étonner de lire dans Shakespeare des sentences qui paraissent sonner comme une condamnation prophétique du capitalisme en tant que poésie luciférienne ; il n’est pas en cela un homme très différent de Dante Alighieri, déjà lui-même témoin scandalisé trois siècles auparavant de la corruption de l’Eglise et sa collusion avec le pouvoir politique entre les mains des marchands de Florence. On n’est pas loin de l’attitude de Ben Laden vis-à-vis de l’Arabie Saoudite aujourd’hui, de ses chefs religieux et politiques qui compromettent l’islam dans le trafic d’armes avec les nations occidentales impies… à cette différence que Shakespeare comme Dante va en chrétien se tourner logiquement vers les écrits prophétiques ; car comme dit le chancelier François Bacon : « La prophétie est comme l’histoire. » Dans le sens de l'opposition par Shakespeare de la logique matérialiste au rationalisme luciférien, voir aussi les sonnets n°69 et 144.]

    "Le simple fut si bien composé, qu'elle se lamenta : "Comment un couple peut-il simuler la concorde de l'unité ?"

    L’amour a sa raison mais la raison aucune, si elle s'avère être ce qui peut causer la perte.

    L'oraison ci-dessous est dédiée à la Colombe et au Phénix, co-divinités et astres d'amour, formant le choeur de la scène tragique."

    La véritable "théorie de la relativité" que Shakespeare élabore dans ce passage n'est pas surprenante dans la mesure où une telle théorie est déjà présente dans la "Physique" d'Aristote (déjà sous-jacente au poème de l'Alighieri, dont la Béatrice n'est autre que "l'Eglise des bienheureux" elle aussi, et non une vulgaire donzelle dont Dante se serait entiché). Il a fallu tout le culot du philosophe nazi Heidegger et de sa secrétaire très particulière Hannah Arendt pour inclure le matérialisme d'Aristote aux spéculations de la philosophie boche luciférienne, alors même que la "Physique" d'Aristote représente à peu près la négation de la culture italo-boche. Il ne paraît pas inutile de souligner que la trahison du matérialisme d'Aristote est passée par la philologie de traduction en traduction superposées, juxtaposées, comparées, ressuscitant ainsi la gnose médiévale moisie.

    Chaque mot semble pesé dans cette opposition de la foi et de la raison luciférienne à la charité et à la logique véritable de l'Esprit. Dans cette opposition de l'amour vertueux, légal mais fatal, à l'amour-vrai, don de l'Esprit. Cette théologie inspire aussi les "Sonnets". Et renvoie aux réactions divergentes entre Hamlet et Horatio -ange ou démon ?- face au spectre sur le chemin de ronde d'Elseneur, au milieu de la nuit.

    L'étonnement ("wonder"), que l'on retrouve aussi chez Dante, entre la colombe et sa maîtresse, fait allusion à : "(...) Je vis cette femme ivre du sang des saints et du sang des martyrs de Jésus ; et, en la voyant, je fus saisi d'un grand étonnement. (...) Et les habitants de la terre, dont le nom n'est pas écrit dès la fondation du monde dans le livre de la vie, seront étonnés en voyant la bête, parce qu'elle était, qu'elle n'est plus, et qu'elle reparaîtra. Ap. XVII, 6-7-8." L'épouse du Christ est décrite sous des jours très différents dans l'Apocalypse, y compris sous les traits d'une putain (La Gertrude d'"Hamlet" ; Dante dans son "Enfer" : "A vous, bergers, mirait l'Evangéliste, quand la putain qui sied dessus les eaux avec les rois lui parut s'enivrer..."). L'étonnement est pour le pêcheur d'hommes Jean, fils de Zébédée, de voir l'épouse du Christ en si mauvaise posture.

    La "scène tragique" est bien sûr l'histoire, pour Shakespeare comme pour Eschyle ou Homère. Il faut pour déblatérer à propos de la fin de l'Histoire comme le cuistre moderne/antimoderne, n'y être jamais entré.


  • Veille de l'Archer

    "Quand j'ai vu par la main cruelle du temps mutiler les trésors fastueux d'âges révolus et enterrés,

    Quand je vois qu'on abat des tours jadis altières, et l'éternité d'airain en proie à un cancer mortel ;

    Quand j'ai vu l'Océan vorace grignoter le Royaume de la terre,

    Et le marécage s'étendre sur le terroir ferme, l'abondance s'augmentant des pertes, et les pertes s'augmentant des provisions,

    Quand j'ai vu une telle inversion des pôles, jusqu'à l'Etat lui-même réduit à la décadence...

    La ruine m'a conduit à ressasser ceci : que le Temps viendra et m'enlèvera mon amour,

    Songe semblable à une mort, une pleurnicherie pusillanime pour obtenir ce que le songe lui-même fait redouter de perdre."

     

    W. Shakespeare, sonnet n°64 (trad. Lapinos) ; sonnet à rapprocher de "Hamlet", acte II, scène 1 : "To be or not to be..."

    Que ma traduction sans mesure ni rythme, opposée à d'autres, traduise correctement ou pas la pensée de l'auteur, les sonnets de Shakespeare et son intention didactique manifeste posent le problème de l'ambiguïté de la poésie, qui hésite entre deux formes d'abstraction contraires, deux idées de l'art universel opposées, qu'on ne peut pas traduire de conserve. De quelle façon l'unité peut être ce qui divise ?

    Shakespeare a-t-il voulu seulement charmer l'oreille de son auditoire ou allumer dans son coeur une flamme révolutionnaire ? Ou bien les deux en même temps ? Qu'est-ce qui prime ?

    Le genre poétique correspond assez à ce que François Bacon baptise "instance de la croix", c'est-à-dire le carrefour où les chemins se séparent en directions opposées (in : "Novum Organum")

    Compte tenu de la manière très chrétienne dont Shakespeare arrache son masque au temps tout au long de son oeuvre, comme un penseur matérialiste ; compte tenu de ce que les vers doivent à l'écoulement des heures, on peut honnêtement penser que la versification et l'harmonie ne sont pas le premier mobile de Shakespeare, plus près de vouloir retourner contre le diable ses propres armes, arc contre arc, flèche contre flèche.

  • Bacon as Shakespeare

    I have read somewhere that most of the 'Baconians' are from the USA, refering I guess to Henry James or Mark Twain (I wonder if Ezra Pound was Baconian because James Joyce is 'turning around' and Italian middle-age poetry is both the heart of Pound and one key for understanding some of Shakespeare's plays.):

    - My first remark about that is that a lot of US-writers are feeling in the US-Nation like in a gigantic cell. Those writers are not representing common US-people at all that voted for George Bush because he was wearing a cow-boy's hat or for Barack Obama because he was the cheapest and best means (costed about one milliard $) to give new hymen to a Nation covered of fresh blood and fresh lies (as every Nation: it is in the Constitution of a Nation to make war).

    - Probably US-people are able to feel that Francis Bacon's Science is as far away from US-Science based on computing, mixing numbers with metaphysics without any hierarchy -as far away as possible-, and that Shakespeare's fight against theocrazzy is away from US puritanical idea of Nation (Proof is given in 'Measure for measure' that puritan idea and pornography are grounded on the same sexual obsession, representing the perfect example of what materialist scientists as Aristotle or Marx are calling 'idea', includind two symetric directions.)

    Shakespeare and Bacon are attractive for US-people or writers whose Nation-mother never came into History era, 'further Hercule's Columns'... as two exotic islands are. There is the link.

    - Therefore one has to notice that European today scholars cannot make this link unless offending the honour of the whole scholarship (four hundred centuries without seeing anything in Shakespeare except stylistic details!) Same for England itself. Explaining Shakespeare's plays with the help of Baconian Science and Baconian Science with the help of Shakespeare's tragedies would lead to the understanding that English heroe W. Shakespeare is not very... English. In fact Francis Bacon did not imagined England as the Big National Bankruptcy, a no man's land country as it is now, governed by a ridiculous Queen.

  • La Bataille finale

    D'une certaine façon le combat mené par William Shakespeare est très proche de celui de Dante Alighieri. Mais d'une autre façon, Shakespeare est un martyr fort différent de Dante.